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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3822/2013

ATAS/1056/2014 du 07.10.2014 ( LAA )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3822/2013 ATAS/1056/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 7 octobre 2014

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à BELLEVUE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael RUDERMANN

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse, LUCERNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Didier ELSIG

 

 

intimée

 

 



Attendu en fait que Madame A______ (ci-après l’assurée ou la recourante), née le ______ 1960, a été victime d’un accident de circulation en date du 17 septembre 2002 ;

Qu’elle a été violemment heurtée par une voiture alors qu’elle circulait à bicyclette sur la route de Lausanne en direction de Bellevue et a été projetée 22 mètres plus loin sur la chaussée ;

Que la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après la SUVA ou l’intimée) a pris en charge le cas ;

Que l’assurée a subi un traumatisme crânien, des contusions multiples, une fracture ouverte de jambe gauche ainsi qu’une large plaie au niveau du creux du poplité gauche, traitée en urgence aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) par débridement et greffe de la peau ;

Que selon le Professeur B______, médecin-chef du service des urgences, les ambulanciers avaient mis en évidence une brève perte de connaissance ;

Que durant l’hospitalisation aux HUG, l’unité de psychiatrie a relevé une amnésie circonstancielle, une amnésie rétrograde d’environ 30 minutes liée à l’accident à l’origine d’une anxiété intermittente, des troubles du sommeil et a diagnostiqué un trouble de l’adaptation, réaction mixte ;

Qu’à la sortie des HUG, l’assurée a séjourné à la Clinique genevoise de Montana jusqu’au 12 novembre 2002 ;

Que l’assurée, en incapacité de travail totale depuis l’accident, perçoit en raison des séquelles liées à l’accident une rente entière de l’assurance-invalidité, fondée sur un degré d’invalidité de 100%, depuis le 1er septembre 2003 (décision OAI du 4 juin 2009) ;

Que la SUVA a mis en œuvre une expertise auprès du Professeur C______, médecin-adjoint agrégé de la Policlinique de neurologie des HUG ;

Que dans son rapport d’expertise du 18 septembre 2006, le Prof. C______ a diagnostiqué notamment une hyposmie et un traumatisme crânio-cérébral (TCC) modéré, et mis en évidence une atteinte psychique, en rapport avec le TCC modéré et avec l’état de stress post-traumatique ;

Que pour les seules séquelles organiques, le rendement est diminué à 80% dans l’activité antérieure alternant la position assise et debout, en raison d’une fatigabilité mentale et physique ;

Que l’expert a évalué l’atteinte à l’intégrité à 5% pour l’hyposmie, à 15% pour le TCC modéré et à 30 % sur le plan orthopédique ;

Qu’à la demande de la SUVA, le Prof. C______ a confirmé dans son rapport complémentaire du 20 septembre 2007 la composante psychique de la patiente, connue et étayée par Madame D______, psychologue FSP, neuropsychologue FSP ;

Que dans un rapport d’examen final du 19 juin 2007, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, médecin d’arrondissement de la SUVA, a relevé que dans l’appréciation du dommage permanent au niveau de l’appareil locomoteur, il conviendra de ne pas tenir compte d’éléments pour lesquels une relation de causalité avec l’accident n’est pas démontrée ;

Qu’il a ainsi estimé l’atteinte à l’intégrité à 20 %, ce qui correspond à 40% de la valeur du membre pris en totalité (appréciation du 20 juin 2007) ;

Que dans une appréciation médicale du 15 novembre 2007, la doctoresse F______, spécialiste FMH en neurologie, spécialiste en neurologie et psychiatrie, responsable du Centre de compétences de la SUVA, s’est écartée de l’opinion du Prof. C______, préconisant toutefois la réalisation d’une olfactométrie et d’une IRM cérébrale ;

Que dans une nouvelle appréciation du 22 octobre 2009, la Dresse F______ a relativisé l’indication à une olfactométrie, cette dernière ne paraissant pas indiquée de manière pressante compte tenu des résultats de l’IRM et du fait que les plaintes relatives à une modification de l’odorat n’ont été documentées que quinze mois après l’accident ;

Que par décision du 6 janvier 2010, la SUVA a alloué à l’assurée une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20%, soit un montant de CHF 21'360.- ;

Que par décision notifiée le même jour, la SUVA a mis fin aux prestations d’assurance au 31 janvier 2010, motif pris qu’à l’heure actuelle, il n’y a plus de séquelles de l’accident nécessitant un traitement, que les troubles psychiques n’ont pas un rapport déterminant en droit avec l’accident qui peut être qualifié tout au plus de gravité moyenne, en l’absence d’un caractère particulièrement impressionnant et de circonstances concomitantes particulières ; que les conditions requises pour l’octroi d’une rente ne sont pas remplies, les séquelles de l’accident ne réduisant pas la capacité de gain de façon importante ;

Qu’en date du 21 janvier 2010, l’assurée, par l’intermédiaire de son avocat, a formé opposition aux décisions précitées, contestant que l’état de stress post-traumatique ne remplirait plus les conditions de la causalité adéquate ; que s’agissant de l’atteinte à l’intégrité, elle reprochait à la SUVA d’avoir écarté sans explication le rapport d’expertise du Prof. C______, pourtant mandaté par ses soins ;

Que la SUVA a interpellé à nouveau son service de médecine des assurances qui a confirmé ses avis précédents ;

Que le Prof. C______, par courrier du 30 avril 2013, a confirmé le TCC modéré et l’atteinte neurologique, tels qu’ils ressortent de son rapport d’expertise, et proposé une évaluation de l’odorat pour savoir si l’hyposmie persiste ou non ;

Que par décision du 28 octobre 2013, la SUVA a rejeté les oppositions formées par l’assurée, écartant les conclusions de l’expertise du Dr C______ au profit de celles des médecins de la SUVA ; qu’elle a considéré notamment que les séquelles psychologiques n’étaient plus en relation de causalité adéquate avec l’accident selon les critères jurisprudentiels ;

Que l’assurée, par l’intermédiaire de son mandataire, a interjeté recours le 28 novembre 2013, concluant à l’annulation de la décision sur opposition, à la mise en œuvre d’une nouvelle expertise neurologique et au renvoi de la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision ;

Que par réponse du 10 février 2014, l’intimée a conclu au rejet du recours ;

Que dans ses écritures du 4 mars 2014, la recourante a requis à la mise en œuvre d’une contre-expertise et persisté dans ses conclusions ;

Que par courrier du 20 mars 2014, la recourante a communiqué à la chambre de céans les résultats du test olfactif passé auprès du Service ORL et de chirurgie cervico-faciale des HUG en date du 12 mars 2014, précisant que des examens complémentaires étaient prévus en neuropsychologie ;

Que lors de l’audience de comparution personnelle du 2 avril 2014, les parties se sont déclarées d’accord avec la mise en œuvre d’une expertise neurologique avec un complément ORL ;

Que par courrier du 3 avril 2014, la recourante a requis qu’un avis soit demandé à un expert en chirurgie orthopédique ;

Que le Bureau d’expertises médicales (BEM) de Vevey, a accepté de procéder à l’expertise pluridisciplinaire et communiqué à la chambre de céans les noms des experts pressentis ;

Que la chambre des assurances sociales a communiqué aux parties, par courrier du 8 septembre 2014, le nom des experts auprès du BEM et leur a imparti un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et communiquer les questions qu’elles avaient l’intention de leur poser ;

Que les parties ont communiqué les questions à poser et n'ont fait valoir aucune cause de récusation à l’encontre des experts, la recourante par pli du 22 septembre 2014 et l’intimée par pli du 25 septembre 2014 ;

Attendu en droit quedès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales est compétente en la matière (art.134 de la loi sur l’organisation judiciaire; LOJ - RS E 2 05) ;

Que la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable au cas d’espèce ;

Que le recours, déposé dans les formes et délai prévus par la loi est recevable à la forme (art. 56 et 60 LPGA) ;

Que, selon le principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge doit établir (d'office) les faits déterminants pour la solution du litige, avec la collaboration des parties, administrer les preuves nécessaires et les apprécier librement (art. 61 let. c LPGA; cf. ATF 125 V 193 consid. 2) ;

Qu’il doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier ;

Qu’en particulier, il doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; ATFA non publié I 751/03 du 19 mars 2004, consid. 3.3) ;

Que lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en oeuvre une expertise (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4) ;

Qu’un renvoi à l’administration reste possible, notamment lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; ATF non publié 8C_760/2011 du 26 janvier 2012, consid. 3);

Que les coûts de l'expertise peuvent être mis à la charge de l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2) ;

Qu’en l’espèce, force est de constater que la situation médicale est loin d’être claire ;

Que l’intimée a écarté les conclusions de l’expert mandaté par ses soins, faisant siennes celles de ses médecins-conseils ;

Que les motifs avancés par l’intimée ne permettent toutefois pas d’entériner une telle décision, dans la mesure où contrairement à ce que l’intimée soutient, les conclusions du Prof. C______ n’apparaissent prima faciae pas contradictoires et que les éléments retenus par les médecins de l’intimée ne permettent pas de remettre en cause sans autre forme de procès les conclusions de l’expert, ni de douter de leur fiabilité ;

Qu’afin de départager les avis médicaux, il eût été judicieux que l’intimée procède à une contre-expertise ;

Qu’en l’état actuel du dossier, il importe de clarifier la situation, de sorte que la chambre de céans n’a d’autre choix que d’ordonner une expertise pluridisciplinaire, acceptée par les parties en cause ;

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

 

1.             Ordonne une expertise pluridisciplinaire de Madame A______.

2.             Mandate à ces fins le Centre d’expertises médicales (BEM) de Vevey, soit les docteurs G______, spécialiste FMH en médecine interne-rhumatologie, H______, spécialiste FMH en neurologie, I______, spécialiste FMH ORL, et J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

3.             Dit que la mission d’expertise est la suivante :

a.       prendre connaissance du dossier de la cause ;

b.      examiner et entendre l’assurée, après s’être entouré de tous les éléments utiles, notamment auprès des médecins ayant traité et traitant actuellement l’assurée ;

c.       si nécessaire, procéder à des examens complémentaires et/ou s’entourer d’avis de tiers.

4.             Charge les experts d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.      Anamnèse détaillée.

2.      Données subjectives de l’assurée.

3.      Status clinique.

4.      Diagnostic(s) selon la classification internationale.

5.      Indiquer quels diagnostics sont en relation de causalité, au degré de la vraisemblance prépondérante, avec l’accident du 17 septembre 2002. Veuillez expliquer et motiver votre réponse.

6.      En cas de diagnostic de traumatisme crânio-cérébral, invite l’expert neurologue à indiquer quelles sont les séquelles organiques. Veuillez expliquer et motiver votre réponse.

7.      Décrire les limitations fonctionnelles sur le plan somatique et psychique.

8.      Indiquer quelles sont les limitations fonctionnelles

a)      dans l’activité habituelle

b)      dans une activité adaptée.

9.      Indiquer quel est le taux d’incapacité de travail de l’assurée découlant des affections en lien de causalité avec l’accident

a)      dans l’activité habituelle

b)      dans une activité adaptée.

10.  Dire s’il y a une diminution de rendement dans l’activité habituelle et/ou dans une activité adaptée. Le cas échéant, la chiffrer.

11.  Décrire l’évolution de la capacité de travail depuis l’accident, dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Veuillez préciser les dates et le taux.

12.  Dire si un statu quo sine vel ante peut être retenu, cas échéant pour quelle(s) atteinte(s) et à quelle(s) date(s).

13.  Indiquer si une amélioration de l’état de santé est encore possible.

14.  Dire si un traitement est encore nécessaire concernant les troubles en lien de causalité avec l’accident, le cas échéant, lequel (lesquels).

15.  Quel est le taux de l’atteinte à l’intégrité (IPAI) :

a)      sur le plan neurologique

b)      sur le plan rhumatologique/orthopédique

c)      sur le plan ORL

d)      sur le plan psychique.

16.  A quel taux estimez-vous le taux d’atteinte à l’intégrité (IPAI) pour l’ensemble des atteintes à la santé de l’assurée en lien de causalité avec l’accident ? Veuillez préciser et motiver votre réponse.

 

5.             En cas de désaccord avec les conclusions de l’expertise du Prof. C______ et/ou des médecins de la SUVA, voire des divers médecins s’étant prononcés dans le cas d’espèce, invite les experts à préciser sur quel(s) point(s) porte leur désaccord et à expliquer et motiver leur réponse.

6.             Toutes remarques utiles et propositions des experts.

7.             Invite les experts à faire une appréciation consensuelle du cas s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre-elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

8.             Invite les experts à déposer à leur meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

9.             Réserve le fond et le sort des frais.

 

 

La greffière

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La Présidente

 

 

 

Juliana BALDÉ

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le