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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/299/2016

ATAS/1028/2018 du 06.11.2018 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.01.2019, rendu le 25.04.2019, REJETE, 9C_16/2019, 9C_16/2018
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/299/2016 ATAS/1028/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 novembre 2018

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à ChÊne-Bougeries, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean ORSO

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Par décision du 13 mai 2004, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Fribourg a reconnu le droit de Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le 10 février 1956, à une rente entière d’invalidité à compter du mois de février 2002.

2.        Après avoir pris connaissance d’un rapport d’enquête pour indépendant daté du 19 février 2015 - révélant que l’assuré exerçait des activités accessoires depuis 1999 -, et des conclusions d’une expertise rhumato-psychiatrique du 23 juillet 2015 - selon lesquelles il disposait d’une capacité de travail entière depuis le 24 juin 2006 dans son activité habituelle, considérée comme adaptée à ses limitations fonctionnelles, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a, par courrier du 12 octobre 2015, informé l’assuré qu’il envisageait de supprimer sa rente d’invalidité avec effet rétroactif à compter du 1er juin 2006.

3.        Par décision du 8 décembre 2015, l’OAI a confirmé la suppression de la rente dès le 1er juin 2006.

4.        Par décision du 16 décembre 2015, l’OAI a réclamé à l’assuré le remboursement de la somme de CHF 361'597.-, représentant les rentes indûment versées du 1er juin 2006 au 31 octobre 2015.

Par décision du 22 décembre 2015, annulant et remplaçant celle du 16 décembre 2015, il a réduit sa réclamation à CHF 179'524.-, soit aux prestations versées à tort du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2015.

5.        L’assuré, sous la plume de son conseil, a contesté, le 19 janvier 2016, la suppression de sa rente. La cause a été enregistrée sous le n° A/186/2016.

L’assuré a également interjeté recours le 28 janvier 2016 contre la décision du 22 décembre 2015 (cause n° A/299/2016). Il a conclu, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et à la suspension de la cause jusqu’à droit connu dans la cause A/186/2016, et, principalement, à l’annulation de la décision.

6.        Par courrier du 8 février 2016, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a recommandé la suspension de la procédure jusqu’à droit connu sur celle introduite parallèlement par l’assuré. Le même jour, l’OAI s’en est rapporté aux développements et conclusions de la caisse.

7.        Par arrêt incident du 23 février 2016 (ATAS/141/2016), la chambre de céans a suspendu la cause A/299/2016, dans l’attente de l’issue de la procédure A/186/2016. Elle a également rétabli l’effet suspensif au recours du 28 janvier 2016.

8.        Par arrêt du 13 décembre 2016 (ATAS/1038/2016), statuant en la cause A/186/2016, la chambre de céans a confirmé la décision de suppression de la rente dès le 1er juin 2006.

9.        Le 30 janvier 2017, la mandataire de l’assuré a indiqué qu’elle cessait de représenter les intérêts de celui-ci.

10.    Par arrêt du 8 septembre 2017 (9C 107/2017), le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé par l’assuré contre l’arrêt du 13 décembre 2016.

11.    Le 30 octobre 2017, la chambre de céans a informé les parties de la reprise de l’instance A/299/2016.

12.    Me Jean ORSO s’est constitué le 1er novembre 2017 pour l’assuré, et s’est déterminé le 6 décembre 2017. L’assuré conteste le principe de la restitution et, subsidiairement, demande la remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 179'524.-. Il admet n’avoir pas annoncé à l’OAI qu’il exerçait une activité, allègue toutefois qu’il s’agissait d’une modeste activité bénévole qui l’occupait à environ 10% de son temps pour aider son épouse, de sorte que si une faute devait être retenue de sa part, celle-ci ne pourrait être que légère. Aussi devait-on considérer que la condition de la bonne foi est réalisée.

Il fait par ailleurs valoir que le remboursement de la somme de CHF 179'524.- le mettrait dans une situation financière très difficile. Il considère que la décision rendue par l’OAI le placerait dans une situation de rigueur économique et financière proche de l’indigence. Il dit par ailleurs avoir été choqué par la rétroactivité de la suppression de son droit à la rente d’invalidité.

13.    Le 16 janvier 2018, la caisse a constaté que l’assuré avait, le 6 décembre 2017, expressément sollicité la remise de son obligation de restituer. Elle ajoute toutefois que dans la présente procédure, elle s’est bornée à exécuter la décision de suppression de la rente rendue par l’OAI le 8 décembre 2015. Il lui paraît dès lors plus judicieux de laisser à l’OAI le soin de se prononcer sur la condition de la bonne foi et joint à toutes fins utiles le formulaire ad hoc destiné à l’analyse de la situation financière difficile.

14.    Le 5 février 2018, l’OAI a préalablement rappelé l’obligation de renseigner qui incombe aux assurés notamment en cas de reprise d’activité lucrative accessoire ou principale, et constate que l’assuré a exercé une activité alors qu’il percevait une rente entière d’invalidité, n’étant pas déterminant à cet égard le fait qu’il ait été bénévole.

Il considère ainsi que l’assuré n’était pas de bonne foi et que les autres conditions [de la remise] n’ont, partant, pas à être examinées.

15.    Par courrier du 12 avril 2018, l’assuré s’est déterminé sur les écritures de l’OAI. Il fait valoir qu’il n’a en réalité exercé aucune activité lucrative, que ce soit pour Prestige Line - dont l’activité de surcroît relève d’une « activité typiquement féminine » (sic !), soit la vente d’articles de maison, tels que draps, oreillers, duvets, casseroles, etc. - ou pour Artisans Associés Sàrl. Il s’est contenté « d’activités déployées à bien plaire en qualité d’époux, respectivement en qualité d’ami reconnaissant, à qui l’on confie quelques tâches de contrôle de documents simples afin de lui éviter de tomber dans un état de déprime profond ». Il s’étonne de ce que selon l’OAI, peu importe que l’activité exercée ait été bénévole. Il se réfère à l’art. 28a al. 3 1ère phrase LAI, selon lequel l’évaluation de l’invalidité est différente lorsque l’assuré travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint « sans pour autant exclure d’emblée l’existence d’une invalidité ».

Il souligne avoir rempli correctement et véridiquement le questionnaire pour la révision de la rente AI en juillet 2011, ajoutant qu’un tiers, capable de discernement et placé dans une situation identique à la sienne, n’aurait pas eu à indiquer sous « activité lucrative principale ou accessoire salariée ou indépendante » le fait de rendre quelques services ponctuels à son épouse en sa qualité d’époux sans rémunération, donc non lucratifs, et n’aurait pas non plus pensé devoir annoncer à l’OAI les quelques modiques missions administratives non rémunérées et dont il a en réalité besoin pour des raisons psychologiques.

Il relève que le point « 2.2.1 Activité » du questionnaire ne prévoit pas de situation correspondant à la sienne, de sorte qu’il a coché, de bonne foi, l’hypothèse « sans activité lucrative ». Il n’a en effet perçu, et continue à ne percevoir, aucune rémunération pour les activités passées et présentes exercées, ne tombe pas sous la qualification de « salarié » ou « indépendant », et n’est ni « agriculteur », ni « occupé aux travaux de (son) propre ménage ».

Selon l’assuré, c’est ainsi au contraire l’OAI et ses médecins experts qui violent les règles de la bonne foi sans scrupule ni souci de respecter la loi. Il ajoute, qu’étant d’un naturel optimiste et détestant s’apitoyer sur son propre sort, il a minimisé, voire occulté, ses problèmes de santé lors des consultations médicales.

16.    Le 2 mai 2018, l’OAI a tenu à préciser que les constatations faites lors de l’enquête pour indépendant du 19 février 2015 viennent clairement démontrer que l’assuré travaille au sein de l’entreprise Artisans Associés Sàrl entre deux à trois heures par semaine, voire davantage en cas de besoin. Au surplus, l’assuré a déclaré que son épouse percevait un salaire correspondant au travail du couple au sein de la société.

L’OAI ajoute que, contrairement à ce que l’assuré allègue, qu’il s’agisse d’activités lucratives ou bénévoles, celles-ci ne sont pas compatibles avec des atteintes à la santé justifiant l’octroi d’une rente d’invalidité, de sorte qu’elles sont clairement susceptibles de justifier une révision des prestations accordées.

Il relève que selon l’assuré, toutes les activités sont exercées dans un but thérapeutique, alors qu’aucun médecin traitant n’en fait état. L’assuré devait sans aucun doute l’informer de ces activités, étant rappelé qu’il ne lui appartient pas de choisir quelles sont celles qu’il doit annoncer ou pas.

L’OAI persiste dès lors à conclure que l’assuré n’était pas de bonne foi.

17.    Le 13 juin 2018, le mandataire a souligné le fait que « l’assuré est honnête et franc, mais aussi naïf et maladroit, au point de parfois dire, sans s’en rendre compte, des choses sujettes à interprétation, voire inexactes, à son propre détriment. Ainsi, dans l’enquête pour activité professionnelle indépendante menée par l’OAI le 19 février 2015, il a fait des déclarations spontanées et irréfléchies sans se soucier de la portée interprétative des termes utilisés, ce qui a alerté l’OAI qui en a trop vite conclu que l’assuré n’avait pas droit à la rente AI. » Ainsi lorsqu’il a déclaré à l’OAI « travailler entre deux à trois heures par semaine » dans la société Artisans Associés Sàrl, il a en réalité « estimé le nombre d’heures de son temps à la société en tant qu’associé, lorsque son état de santé le lui permet, en effectuant des tâches administratives simples. » La fonction d’associé gérant-président lui a été attribuée à titre honorifique. Lorsqu’il a déclaré que le salaire perçu par son épouse représentait le travail du couple au sein de la société, il avait en tête le travail fourni par son épouse en tant qu’employée de la société Artisans Associés Sàrl, ajouté à sa participation d’actionnaire en tant que détenteur de 80 parts qu’il a improprement qualifiée de travail, terme certes non idoine ou erroné. Il a voulu dire que sans sa participation dans la création de ladite société, son épouse n’aurait pu y obtenir un emploi. De ce point de vue-là, il estime donc indirectement « contribuer » au salaire de son épouse.

L’assuré affirme encore une fois qu’il « n’a quasiment pas eu d’activité du tout - moins de 5 h/semaine - et aucune activité lucrative du tout ! » Il souligne à cet égard que l’arrêt de la chambre de céans « auquel se réfère sans cesse l’OAI » avait pour objet la suppression de la rente d’invalidité, soit une question juridique distincte et indépendante de celle examinée dans la présente procédure.

Il souligne que son état de santé est resté inchangé depuis la dernière révision, si l’on se réfère au questionnaire pour la révision de la rente du 20 juin 2014 et qu’il était ainsi toujours en incapacité de travail. Aussi l’OAI n’avait-il pas de motifs objectifs et valables pour procéder à une nouvelle appréciation de son cas. Il conteste avoir exercé des « activités » pour lesquelles il aurait eu une obligation de renseigner l’OAI.

Il rappelle que l’OAI lui-même a retranscrit le terme de dépression réactionnelle, fragilité psychologique, tristesse, antidépresseurs etc., de sorte que déclarer qu’il avait quelques activités pour ne pas déprimer davantage n’a rien de fantaisiste.

Il reproche à l’OAI d’avoir décortiqué et interprété avec partialité ses déclarations.

Il revient sur l’expertise rhumato-psychiatrique ordonnée par l’OAI le 23 juillet 2015 et regrette qu’elle ne puisse plus être remise en cause. Il se dit extrêmement choqué de constater que l’OAI ait pu considérer a postériori que les examens médicaux intervenus en 2011 et 2014 étaient mal fondés, alors qu’il les avait expressément admis à chaque fois. Les juges ont du reste fait de même.

Il ajoute, quoi qu’il en soit, qu’il n’aurait pas les moyens financiers de rembourser les prestations AI qu’il a perçues durant des années conformément à la loi.

Il persiste dans toutes ses conclusions et sollicite préalablement l’audition des Drs B______ et C______ afin que ceux-ci puissent s’exprimer sur sa prétendue capacité de travail, notamment en lien avec ses activités chez Artisans Associés Sàrl et Prestige Line.

18.    Le 22 juin 2018, l’OAI a informé la chambre de céans qu’il maintenait intégralement ses conclusions. Il rappelle la jurisprudence relative aux déclarations successives contradictoires d’un assuré. Il estime que l’audition des Drs B______ et C______ pour venir témoigner sur l’absence de capacité de travail de l’assuré représenterait une mesure d’instruction inutile, et fait valoir à cet égard que selon le Tribunal fédéral, « seul est décisif le fait qu'au plus tard en juin 2006, le recourant avait recouvré une capacité de travail en raison de l'amélioration de son état de santé psychique, ainsi que cela ressort des constatations médicales effectuées à cette époque (cf. rapport du Dr B______ du 24 juin 2006), et mis à profit la capacité de gain qui en découlait. En effet, le recourant a déployé une activité en sa qualité d'associé gérant président de la société Artisans Associés Sàrl et prodigué une aide à son épouse dans le cadre de la gestion de l'entreprise Prestige Line. Il avait démontré qu'il était ainsi en mesure d'accomplir des tâches tout à fait compatibles avec les conclusions du rapport du 23 juillet 2015, cela à l'époque où la rente initiale lui avait été accordée. Cela aurait dû aboutir à la suppression de la rente en 2006, ce qui n'a pas été fait » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_107/2017).

19.    Le 29 juin 2018, l’assuré a tenu à rappeler que la jurisprudence citée par l’OAI s’applique en cas d’affirmations contradictoires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, et qu’il est possible d’y déroger quoi qu’il en soit.

S’agissant de l’audition des médecins, l’assuré insiste sur le fait que ce sont les seules personnes qui connaissent son état de santé réel. Il considère dès lors que si l’OAI s’oppose à ce qu’ils soient entendus, c’est parce « qu’ils dérangeraient la position de l’OAI, qui semble dénoter d’une crainte que la Justice soit faite ».

20.    Ce courrier a été transmis à l’OAI et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        La compétence de la chambre de céans et la recevabilité du recours ont déjà été examinées dans l’arrêt incident du 23 février 2016, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir ici (ATAS/141/2016).

2.        Dans son arrêt du 13 décembre 2016 (ATAS1038/2016), la chambre de céans a confirmé la suppression de la rente dès le 1er juin 2006. Par décision du 22 décembre 2015, annulant et remplaçant celle du 16 décembre 2015, il a réclamé à l’assuré le remboursement de la somme de CHF 179'524.-, soit les prestations versées à tort du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2015.

Le présent litige porte dès lors sur le principe de la restitution.

3.        a. Conformément à l’art. 25 al. 1, 1ère phrase, LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées.

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées.

L'art. 53 al. 1 et 2 LPGA prévoit que l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée en force de chose jugée sur laquelle aucune autorité judiciaire ne s'est prononcée, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. En outre, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision d'une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 127 V 469 consid. 2c et les références).

Il convient de rappeler qu’au regard de l'art. 25 LPGA et de la jurisprudence y relative , la procédure de restitution de prestations implique trois étapes en principe distinctes: une première décision sur le caractère indu des prestations, soit sur le point de savoir si les conditions d'une reconsidération de la décision par laquelle celles-ci ont été allouées sont réalisées; une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations, qui comprend en particulier l'examen des effets rétroactifs ou non de la correction à opérer en raison du caractère indu des prestations, à la lumière de l'art. 25 al. 1 première phrase LPGA et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l'obligation de restituer au sens de l'art. 25 al. 1 2ème phrase LPGA (cf. art. 3 et 4 OPGA; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 2ème éd., 2009, ad art. 25 LPGA, n° 8 p. 354).

En ce qui concerne la suppression de la rente d'invalidité en cas de manquement à l'obligation de renseigner, l'art. 88bis al. 2 let. b RAI suppose un lien de causalité entre le comportement à sanctionner (la violation de l'obligation d'annoncer) et le dommage causé (la perception de prestations indues) pour que l'autorité puisse supprimer avec effet rétroactif des prestations d'invalidité (voir ATF 119 V 431 consid. 4a p. 435; 118 V 214 consid. 3b p. 219; arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 7.3, non publié in ATF 139 V 106, mais in SVR 2013 IV n° 24 p. 66).

b. Aux termes de l'art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA (RS 830.1), le droit de demander la restitution de prestations indûment touchées s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du motif de restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Selon la jurisprudence, il s'agit de délais (relatif et absolu) de péremption (ATF 142 V 20 consid. 3.2.2 p. 24 et les références). Ces délais ne peuvent par conséquent être interrompus. Lorsque l'autorité a accompli l'acte conservatoire que prescrit la loi, le délai se trouve sauvegardé, cela une fois pour toutes (arrêt 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.1 et les références).

Le délai de péremption relatif d'une année commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1 p. 525 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. À ce défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption relatif d'une année commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4, non publié à l'ATF 139 V 106 et les références).

4.        a. Au vu de l’issue de la procédure A/186/2016, ne reste litigieuse que la question de la péremption de la demande de restitution du 22 décembre 2015, portant sur la somme de CHF 179'524.-, et représentant les prestations versées à tort du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2015.

b. Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2, première phrase, LPGA). Il s'agit de délais (relatif et absolu) de péremption qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4.1; 119 V 431 consid. 3a).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d'une année commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 270 consid. 5a), étant précisé que ledit délai est sauvegardé par le prononcé d’un projet de décision au sens de l’art. 73bis RAI (ATF 119 V 431 consid. 3b et 3c). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 111 V 14 consid. 3). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. À défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêts du Tribunal fédéral 8C_695/2013 du 17 juin 2014 consid. 2.2 et les références; 9C_444/2014 du 17 novembre 2014 consid. 4.1).

c. En l’espèce, l’OAI a su que les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité n’étaient plus réalisées dès la réception du rapport d’enquête du 19 février 2015 et de l’expertise du 23 juillet 2015. En rendant sa décision formelle de restitution le 22 décembre 2015, après avoir annulé celle du 16 décembre 2015, il a ainsi agi dans les délais d’un et de cinq ans prévus par la loi.

d. Le montant n’est au demeurant pas contesté.

e. Partant, c’est à bon droit que l’OAI a réclamé la restitution de la somme de CHF 179'524.-, représentant les rentes versées à tort du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2015.

En conséquence, le recours est rejeté sur ce point.

5.        Dans ses écritures du 6 décembre 2017, l’assuré a sollicité la remise de l’obligation de rembourser ladite somme, faisant valoir, d’une part, sa bonne foi, et, d’autre part, le fait que le remboursement le mettrait dans une situation difficile.

Dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font en principe l’objet d’une procédure distincte (ATF C 264/05 du 25 janvier 2006 consid. 2.1). La chambre de céans ne saurait dès lors en principe se prononcer sur cette demande.

Il y a toutefois lieu de constater que le 5 février 2018, l’OAI s’est expressément déterminé sur la première condition de la remise, à savoir celle de la bonne foi, et a considéré qu’elle n’était pas réalisée, l’assuré ayant violé son obligation d’annoncer.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue, pour des motifs d’économie de procédure, à une question en état d’être jugée qui excède l’objet du litige, c’est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l’on peut parler d’un état de fait commun, et à la condition que l’administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (ATF 130 V 503 ; ATF 122 V 36 consid. 2a et les références).

Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l'objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes : la question (excédant l'objet de la contestation) doit être en état d'être jugée; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l'objet initial du litige; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins; le rapport juridique externe à l'objet de la contestation ne doit pas avoir fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée et les droits procéduraux des parties doivent être respectés (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

En l’espèce, non seulement l’OAI s’est clairement exprimé sur la demande de remise, en déclarant que la condition de la bonne foi n’était pas réalisée, mais l’assuré s’est également déterminé.

Il se justifie dès lors d’examiner ici la question de la remise, ce quand bien même aucune décision formelle n’a été rendue à cet égard.

6.        Aux termes de l’art. 25 al. 1, 2ème phrase, LPGA, « la restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile ».

Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu'il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu'il ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d'annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. Tel est le cas si, lors du dépôt de la demande et de l’examen des conditions personnelles ou économiques, certains faits ont été passés sous silence ou que des fausses indications ont été fournies intentionnellement ou par négligence. Il en va de même lorsqu’un changement dans la situation personnelle ou matérielle n’a, intentionnellement ou par négligence grave, pas été annoncé ou l’a été avec retard ou que des rentes ou des allocations pour impotents indues ont été acceptées de manière dolosive ou avec négligence grave (Directives concernant les rentes de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale, DR, ch. 10708). Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 181 consid. 3d). En revanche, l'intéressé peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 112 V 103 consid. 2c, 110 V 180 consid. 3c; DTA 2002 n° 38 p. 258 consid. 2a, 2002 n° 18 p. 162 consid. 3a, 2001 n° 18 p. 162 consid. 3a).

On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer, parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC; ATF 130 V 414 consid. 4.3, arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

7.        a. L’assuré en l’occurrence admet avoir omis d’indiquer à l’OAI qu’il avait repris une activité. Il a ce faisant failli à son obligation de renseigner l’OAI. Il s’agit dès lors de déterminer si la violation de cette obligation ne constituerait qu’une faute légère qui permettrait d’admettre, ce nonobstant, la bonne foi.

b. L’assuré fait valoir qu’il n’a en réalité exercé aucune activité lucrative, que ce soit pour Prestige Line ou pour Artisans Associés Sàrl. Il a toutefois déclaré, dans le cadre de l’enquête du 19 février 2015, que son épouse percevait un salaire correspondant au travail du couple au sein de la société. La question de savoir si cette déclaration doit être ou non interprétée selon les explications de son mandataire peut être laissée ouverte, dès lors qu’il est quoi qu’il en soit sans incidence pour le sort du litige que l’activité ait été exercée bénévolement ou qu’elle ait été rémunérée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_444/2014 notamment). Ce qui importe est de déterminer si les travaux accomplis étaient ou non médicalement exigibles.

Il convient en effet de rappeler que selon l’art. 28 al. 1 let. a et b LAI, l'assuré a droit à une rente lorsque sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles et lorsqu’il a présenté une incapacité de travail d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable.

Or, il résulte de l’arrêt rendu par la chambre de céans le 13 décembre 2016, arrêt confirmé par le Tribunal fédéral le 8 septembre 2017, que l’assuré était capable de travailler à plein temps lors de la décision de rente initiale (ATAS/1038/2016 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_107/2017).

L’assuré se réfère à l’art. 28a al. 3 1ère phrase LAI, selon lequel l’évaluation de l’invalidité est différente lorsque l’assuré travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint « sans pour autant exclure d’emblée l’existence d’une invalidité ». Cette disposition légale n’est pourtant d’aucun secours pour l’assuré, s’agissant de savoir s’il était de bonne foi en omettant de renseigner l’OAI.

La chambre de céans avait ainsi constaté, dans son arrêt du 13 décembre 2016 (cf. ATAS/1038/2016) que l’assuré effectuait des activités intellectuelles, qui n’exigent pas un effort physique considérable. Ses activités accessoires correspondent effectivement à son activité habituelle d’employé de commerce ou de gestionnaire dans une entreprise. Les conclusions des examinateurs quant à la capacité de travail exigible et les limitations fonctionnelles retenues sont donc convaincantes, en dépit d’une légère aggravation sous l’angle ostéo-articulaire.

c. Il fait valoir que les tâches qui lui étaient confiées l’empêchaient de tomber dans un état de déprime profond. Il n’a toutefois produit aucun document médical à cet égard. Quoi qu’il en soit, même si accomplir quelques heures de travail peut certainement être bénéfique pour le moral, on doit admettre que l’assuré, au bénéfice d’une rente entière d’invalidité, ne pouvait manquer de comprendre qu’il était important qu’il en informe l’OAI.

d. L’assuré allègue qu’il n’avait effectué que quelques tâches, qui ne l’avait occupé qu’à environ 10%, et conteste avoir exercé des « activités » pour lesquelles il aurait eu une obligation de renseigner l’OAI.

Force est cependant de rappeler qu’il ne lui appartenait pas de choisir quelles activités il devait annoncer à l'OAI.

8.        a. L’assuré a sollicité l’audition des Drs B______ et C______ afin que ceux-ci puissent s’exprimer sur sa capacité de travail, en lien avec ses activités chez Artisans Associés Sàrl et Prestige Line. Il insiste sur le fait que ce sont les seules personnes qui connaissent son état de santé réel.

b. Le juge peut renoncer à accomplir certains actes d'instruction, sans que cela n'entraîne une violation du droit d'être entendu, s'il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (sur l'appréciation anticipée des preuves en général : ATF 131 I 153 consid. 3; ATF 130 II 425 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_42/2015 du 29 mai 2015 consid. 5.1). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 136 I 229 consid. 5.3; ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

c. En l’espèce, la chambre de céans renonce à entendre les Drs B______ et C______ pour qu’ils viennent témoigner sur la capacité de travail de l’assuré, dans la mesure où il suffit de se référer à l’arrêt du 8 septembre 2017, aux termes duquel le Tribunal fédéral a considéré que l’assuré avait recouvré une capacité de travail en raison de l'amélioration de son état de santé psychique, et mis à profit la capacité de gain qui en découlait. Il a constaté qu’il avait déployé une activité en qualité d'associé gérant président de la société Artisans Associés Sàrl et prodigué une aide à son épouse dans le cadre de la gestion de l'entreprise Prestige Line et démontré ainsi qu'il était en mesure d'accomplir des tâches tout à fait compatibles avec les conclusions du rapport du 23 juillet 2015.

9.        a. Il y a lieu de constater que l’assuré a non seulement omis de renseigner l’OAI, il a également nié exercer une activité accessoire dans les questionnaires de révision en 2006, 2011 et 2014.

b. L’assuré allègue pourtant avoir rempli correctement et véridiquement le questionnaire pour la révision de la rente AI en juillet 2011, par exemple. Il relève notamment que le point « 2.2.1 Activité » du questionnaire ne prévoit pas de situation correspondant à la sienne, de sorte qu’il a coché, de bonne foi, l’hypothèse « sans activité lucrative ». Il ne pouvait en effet pas choisir, selon lui, la qualification de « salarié », d’« indépendant », d’« agriculteur », ou de personne « occupée aux travaux de (son) propre ménage ».

Son mandataire a souligné le fait que « l’assuré est honnête et franc, mais aussi naïf et maladroit, au point de parfois dire, sans s’en rendre compte, des choses sujettes à interprétation, voire inexactes, à son propre détriment ».

c. Même si l’on admettait que l’assuré n’avait pas été en mesure, dans ces conditions, d’informer correctement l’OAI de sa situation, il faudrait rappeler que les assurés sont tenus de communiquer les activités exercées, au sens des art. 31 LPGA et 77 RAI, en tout temps. Ils doivent annoncer immédiatement toute modification de la situation susceptible d'entraîner la suppression, une diminution ou une augmentation de prestation allouée, singulièrement une modification du revenu de l'activité lucrative, de la capacité de travail ou de l'état de santé lorsqu’ils sont au bénéfice d'une rente AI. Cette obligation ne se limite pas au moment où ils doivent remplir un formulaire. Elle est par ailleurs mentionnée dans la décision d’octroi de la rente. En outre, à chaque révision de la rente, une question relative à l'exercice d'une activité lucrative accessoire est posée.

10.    L’assuré ne pouvait ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle soit, constituait une modification de sa situation susceptible d’entraîner la suppression de la prestation allouée, et qu'il avait dès lors l'obligation de l'annoncer. Tout au moins devait-il s’en douter et se renseigner auprès de l’OAI.

Il y a lieu de retenir, au regard de la sévérité de la jurisprudence et de l’ensemble des circonstances y relative, que la négligence dont a fait preuve l’assuré n’a pas été simplement légère, mais a revêtu un caractère de gravité suffisant pour que la condition de la bonne foi ne puisse être considérée comme réalisée. Partant, la remise de l’obligation de restituer ne peut être accordée, les deux conditions, soit la bonne foi et la situation financière difficile, étant cumulatives.

Aussi le recours est-il également rejeté sur ce point.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le