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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1385/2001

ATAS/1021/2007 (2) du 25.09.2007 ( PC ) , ADMIS

Descripteurs : ; PC ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; REVENU HYPOTHÉTIQUE ; CONJOINT ; FIBROMYALGIE ; INCAPACITÉ DE TRAVAIL ; INCAPACITÉ DE GAIN
Normes : LPC3c
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1385/2001 ATAS/1021/2007

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 25 septembre 2007

 

En la cause

Monsieur A__________, domicilié , 1292 CHAMBESY

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DES PERSONNES ÂGÉES, sis Route de Chêne 54, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

Monsieur A__________ (ci-après le recourant), bénéficiaire de l'assurance invalidité, a déposé une demande de prestations complémentaires le 28 avril 2000.

Par décision du 22 février 2001, confirmée sur opposition le 2 août 2001, l'OFFICE CANTONAL DES PERSONNES ÂGÉES (ci-après l'OCPA) a fait droit à sa demande, en tenant compte toutefois d'un gain d'activité potentielle pour son épouse pour la période du 1er juin 1999 au 30 novembre 2000.

Dans son recours du 15 mars 2001, complété par écriture du 13 septembre 2001, le recourant conteste essentiellement qu'une capacité de gain puisse être reconnue à son épouse pour la période considérée, au motif qu'elle est au bénéfice d'un certificat d'arrêt de travail depuis le mois d'août 1999, établi par le médecin traitant de son épouse, en raison d'une fibromyalgie.

Par jugement incident du 24 septembre 2002, l'autorité de recours alors compétente a suspendu la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure concernant la demande de rente d'invalidité déposée entre-temps par l'épouse du recourant, et pendante devant la même autorité.

À la création du Tribunal de céans, le 1er août 2003, la cause lui a été transférée d'office. Elle est toutefois demeurée suspendue, dans l'attente du sort de la procédure susmentionnée.

À la suite d'un arrêt du Tribunal de céans admettant le droit à la rente de l'épouse du recourant, la cause a été au Tribunal fédéral des assurances sociales, qui l'a renvoyée à l'Office AI pour instruction complémentaire.

Par courrier du 1er juin 2007, l'OCPA a sollicité la reprise de l'instance, et communiqué au Tribunal la décision relative à l'épouse du recourant, du 24 avril 2007, mettant celle-ci au bénéfice d'une rente entière d'invalidité depuis le 1er mars 2003. L'incapacité de travail remontant selon les experts au mois de mars 2002, l'OCPA concluait sur le fond au rejet du recours, étant précisé que la période prise en considération était désormais celle du 1er février 2000 au 30 novembre 2000.

Par ordonnance du 4 juin 2007, le Tribunal a ordonné la reprise de l'instance, a transmis l'écriture au recourant, et a ordonné la comparution personnelle des parties.

En date du 18 juin 2007, l'Office AI a produit, sur demande du Tribunal, l'expertise médicale de type COMAI effectué dans la procédure AI de l'épouse du recourant.

Lors de l'audience qui s'est tenue le 19 juin 2007, la représentante de l'OCPA a indiqué confirmer sa position et retenir un gain potentiel pour l'épouse du recourant pour la période du 1er février 2000 ou 30 novembre 2000. Toutefois elle a accepté de réexaminer la question à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Un délai lui a été imparti au 31 août 2007 pour sa détermination.

Par courrier du 27 août 2007, l'OCPA a indiqué persister dans sa position. Durant la période considérée, la recourante était en effet âgé de 39 ans, ses enfants étaient respectivement scolarisé et majeur, elle avait antérieurement exercé une activité lucrative de serveuse, puis perçu des indemnités de chômage. En outre, le gain potentiel a été pris en considération six mois après la fin de son droit aux indemnités de chômage, et supprimé dès le mois de décembre 2000, date de la demande de prestations d'assurance invalidité.

Par courrier du 30 août 2007, la juridiction a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales statuant conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 3 LOJ en instance unique, sur les contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions dans le domaine des assurances sociales. Selon la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur lesquels le tribunal de céans peut être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Aussi le cas d'espèce reste-t-il régi par la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002.

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 1 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (ci-après LPC).

Le litige porte uniquement sur la prise en compte d’un gain potentiel pour l’épouse du recourant dans le cadre du calcul du revenu déterminant relatif aux prestations complémentaires fédérales, pour la période de février à décembre 2000.

Les art. 2 et 2a let. a LPC prévoient qu’ont droit aux prestations complémentaires fédérales les personnes âgées qui perçoivent une rente de vieillesse de l'AVS, si les dépenses reconnues par la loi sont supérieures aux revenus déterminants. Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond alors à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 3a al. 1 LPC).

Aux termes de l’art. 3a al. 4 LPC, les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints faisant ménage commun doivent être additionnés.

Selon l'art. 3c al. 1 let. g LPC, les revenus déterminants comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi. Cet article est applicable notamment lorsqu'une personne assurée renonce sans obligation juridique à des éléments de fortune, peut prétendre à certains éléments de revenu et de fortune et ne fait pas valoir les droits correspondants, ou renonce à mettre en valeur sa capacité de gain alors qu'on peut exiger d'elle qu'elle exerce une activité lucrative (ATF 121 V 205 consid. 4a, 117 V 289 consid. 2).

Selon la jurisprudence, l'intéressé peut renverser cette présomption en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser les revenus pris en compte ou qu'on ne peut l'exiger de lui. En examinant la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte, conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu, telles la santé, l'âge, la formation, les connaissances linguistiques, l'activité antérieure, l'absence de la vie professionnelle, le caractère admissible d'une activité, les circonstances personnelles et le marché du travail (ATF 117 V 156 consid. 2c, 115 V 93 consid. 3; RCC 1989 p. 608 consid. 3c; cf. également CARIGIET, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, p. 131; CARIGIET/KOCH, supplément audit ouvrage, p. 104).

De même, selon la jurisprudence, il y a lieu de tenir compte, au titre des ressources dont un ayant droit s'est dessaisi, d'un revenu hypothétique de l'épouse de l'assuré qui sollicite des prestations complémentaires si elle s'abstient d'exercer une activité lucrative que l'on est en droit d'exiger d'elle ou d'étendre une telle activité (ATF 117 V 291 s. consid. 3b; VSI 2001 p. 127 s. consid. 1b). En effet, la capacité de gain de l’époux doit être utilisée, dans la mesure où il est tenu, selon l’art. 160 al. 2 CC, de contribuer à l’entretien convenable de la famille (art. 163 CC).

Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge des assurances sociales d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressée qu'elle exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'elle pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce (ATF 117 V 292 consid. 3c). Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a; VSI 2001 p. 128 consid. 1b). Le revenu de l'activité lucrative potentielle devra alors, conformément à l'art. 3c al. 1 let. a in fine LPC, être pris en compte à raison des deux tiers seulement (ATF 117 V 292 consid. 3c et la référence). En outre, du revenu hypothétique retenu pour l’épouse du requérant PC, on opère la déduction annuelle de 1500.– fr. afférente aux couples en vertu de l’art. 3c al. 1 let. a LPC, le solde étant pris en compte à raison des deux tiers. Ainsi, les revenus hypothétiques sont privilégiés de manière identique aux revenus réellement perçus (VSI 2001 p. 129).

En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral des assurances (ci-après le TFA) a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressée est en mesure de trouver un travail. A cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail (arrêt non publié Z. du 9 décembre 1999, P 2/99). Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt Y. du 9 juillet 2002, P 18/02; ATFA non publié du 8 octobre 2002 en la cause P 88/01.). Cette jurisprudence constante a encore été rappelée récemment dans un ATFA non publié en la cause P 61/03 du 22 mars 2004.

Par conséquent, il y a lieu d'examiner la question concrètement, de cas en cas, à la lumière de la jurisprudence fédérale et des éléments de fait ressortant du dossier. En l'espèce, l’autorité intimée considère qu'un gain potentiel peut être retenu pour la période susmentionnée car il était exigible de l'épouse du recourant qu'elle travaille entre la fin de ses indemnités chômage et le dépôt de la demande de prestations d'assurance invalidité.

Tel n'est cependant pas l'avis du Tribunal, pour les raisons suivantes. L'épouse du recourant à trois enfants, nés respectivement en 1978, 1981, et 1993. Bien qu'en possession d'un certificat de capacité de vendeuse, il semble que l'intéressée n'ait pas exercé d'activité depuis son arrivée en Suisse, en 1992, à l'exception d'un travail comme serveuse dans un centre sportif à Genève, auquel elle a mis fin en raison de sa grossesse (cf. expertise p. 15). Elle s'est ensuite occupée de ses enfants jusqu'en 1998 où elle s'est inscrite au chômage. Elle a perçu les indemnités du chômage jusqu'à la fin du mois d'août 1999. Depuis cette date, l'intéressée est en arrêt maladie, attestée par son médecin traitant. Il ressort du dossier qu'elle souffre, en effet, d'un syndrome douloureux chronique depuis 1998, compliqué des symptômes accompagnateurs habituels, dont une fatigue chronique. Cette fibromyalgie n'est toutefois invalidante au sens de l'assurance invalidité - qui applique les critères jurisprudentiels du TF - que depuis mars 2002, date à laquelle sont diagnostiqués des phobies sociales, un état dépressif récurrent d'intensité moyenne à sévère et un épuisement physique et psychique sévère.

Il ressort de ces faits qu'il n'était pas exigible de la recourante qu'elle travaille durant les mois concernés, et qu'aucun emploi concret ne pouvait lui être proposé, de sorte qu'elle n'a pas renoncé à mettre en œuvre sa capacité de travail. Non seulement elle était atteinte de troubles physiques handicapants bien avant que le certificat maladie ne soit établi, mais il est vraisemblable que les troubles psychiques importants diagnostiqués par les experts se soient installés petit à petit. Enfin, et surtout l'intéressée s'est inscrite à l'assurance-chômage et n'a pu bénéficier d'aucune offre d'emploi. Il n'est pas vraisemblable que la situation ait été différente pour les mois en question.

Au vu de ce qui précède, c'est à tort que l'OCPA a pris en considération un gain potentiel pour l'épouse du recourant pour les mois de février à décembre 2000. Par conséquent, la décision litigieuse sera annulée et l'OCPA invité à rectifier les prestations dues aux recourant pour ces 11 mois.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet, et annule la décision du 22 février 2001 et la décision sur opposition du 2 août 2001.

Invite l'OCPA à rendre de nouvelles décisions au sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Dit que pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Yaël BENZ

 

La présidente

 

 

 

 

Isabelle DUBOIS

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le