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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1863/2018

ATAS/1017/2018 du 01.11.2018 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1863/2018 ATAS/1017/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er novembre 2018

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VERSOIX

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______, mariée et mère de deux enfants, est au bénéfice de prestations complémentaires à sa rente d’invalidité.

2.        Le 19 mai 2017, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a reçu un devis du 4 avril 2017 établi par Pure Clinic Group SA (ci-après: la clinique dentaire) pour un montant de CHF 9'146.20 concernant un traitement orthodontique de l’enfant B______ de l’ayant droit.

3.        L’ayant droit a transmis ensuite au SPC la facture du 23 mai 2017 de la clinique dentaire d’un montant de CHF 6'054.- concernant le traitement orthodontique de B______ durant la période du 3 au 16 mai 2017. Puis, elle a envoyé au SPC les factures du 10 août 2017 et du 1er septembre 2017 de cette même clinique de CHF 445.60 respectivement CHF 1'004.40 concernant les traitements dentaires de B______ du 21 juin au 30 août 2017 et du 3 octobre 2017.

4.        Le SPC a soumis le devis de la clinique dentaire au docteur C______ pour expertise. Celui-ci a estimé, dans son avis du 20 octobre 2017, que le plan de traitement devait être refusé, l’orthodontie pour adulte n’étant pas prise en charge.

5.        Le 7 décembre 2017, le SPC a invité l’ayant droit à lui transmettre le formulaire relatif au devis orthodontie rempli par son médecin-dentiste.

6.        Le 14 décembre 2017, le SPC a reçu ledit formulaire rempli par la doctoresse D______ de la clinique dentaire, dans lequel celle-ci a mentionné que le devis ne respectait aucune des conditions énumérées dans ce formulaire.

7.        Par courrier du 22 décembre 2017, le SPC a informé l’ayant droit qu’il refusait de prendre en charge le traitement orthodontique faisant l’objet du devis et ainsi les factures d'un total de CHF 1'654.-.

8.        Par courrier du 5 janvier 2018, l’ayant droit a invité le SPC à prendre en charge le traitement d’orthodontie. Elle a exposé que B______ avait consulté le 16 mai 2017 un dentiste en raison de douleurs aux dents. Ce dernier l’avait orientée à une orthodontiste à cause d’une malformation dentaire et cette dernière avait établi un devis pour les soins nécessaires, transmis au SPC en mai 2017. N’ayant pas reçu de réponse, son enfant avait commencé le traitement. Elle était dès lors très surprise de recevoir une décision de refus en date du 22 décembre 2017, alors même que son enfant portait des bagues et était obligé d’être suivi par l’orthodontiste jusqu’à la fin du traitement. Actuellement, l’enfant souffrait également d’une carie devant être traitée d’urgence. Toutefois, elle devait suspendre les soins vu que le médecin lui réclamait ses arriérés. N'étant pas dans une situation financière lui permettant de payer le traitement d’orthodontie, elle a demandé au SPC de l’aider afin que son enfant puisse le finir.

9.        Par décision du 29 janvier 2018, le SPC a accepté de rembourser les frais de traitement de CHF 445.60.

10.    Par courrier du 8 février 2018, le SPC a de nouveau soumis le devis en cause au Dr C______ en précisant que le traitement orthodontique concernait un enfant.

11.    Par courrier du 20 février 2018, l’ayant droit a informé notamment le SPC qu’elle avait dû arrêter le traitement d’orthodontie, dans l’espoir de trouver un dentiste proposant un tarif plus raisonnable pour la suite de celui-ci.

12.    Par courrier du 22 février 2018, le Dr C______ a informé le SPC que le devis aurait dû être soumis au service d’orthodontie de la Clinique universitaire de médecine dentaire. Toutefois, il était clairement stipulé sur le formulaire rempli par le dentiste que le devis ne respectait aucune des conditions nécessaires à la prise en charge par le SPC.

13.    Par décision du 2 mai 2018, le SPC a rejeté l’opposition à sa décision du 22 décembre 2017 au motif que le devis ne concernait pas des malocclusions justifiant un traitement d’orthodontie, comme confirmé par la clinique dentaire. Par ailleurs, il avait remboursé par erreur le montant de CHF 445.60.

14.    Par acte posté le 30 mai 2018, l’ayant droit a interjeté recours contre cette décision en concluant implicitement à la prise en charge du traitement d’orthodontie de son enfant. Elle a répété que suite à des douleurs à une dent, elle avait dû amener sa fille le 4 avril 2017 chez le dentiste qui avait alors diagnostiqué un problème qui nécessitait la pose d’un appareil dentaire. Un traitement urgent avait été entamé en avril 2017. Puis la préparation de la pose de l’appareil avait suivi. Suite au refus de prise en charge par le SPC, elle avait été contrainte d’arrêter le traitement, n’ayant pas les moyens de le continuer. Elle a par ailleurs relevé qu’elle avait dû débourser dans le passé des montants qui s’élevaient des fois à plus de CHF 2'000.-, le SPC ayant refusé de les prendre en charge. Pourtant, elle n’avait jamais atteint les 50 % du montant maximum des frais médicaux remboursés par an dans le cadre des prestations complémentaires.

15.    Dans sa réponse du 27 juin 2017, l’intimé a conclu au rejet du recours, en se référant à la décision sur opposition en ce qui concerne les motifs.

16.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

3.        Est litigieuse en l’occurrence la question de savoir si la recourante a droit à la prise en charge du traitement d’orthodontie de sa fille.

4.        a. Aux termes de l'art. 14 al. 1 let. a LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d'une prestation complémentaire annuelle les frais de traitement dentaire de l'année civile en cours, s'ils sont dûment établis. Les cantons précisent quels frais peuvent être remboursés en vertu de l’al. 1. Ils peuvent limiter le remboursement aux dépenses nécessaires dans les limites d’une fourniture économique et adéquate des prestations (al. 2). Les cantons peuvent fixer les montants maximaux des frais de maladie et d’invalidité qu’ils remboursent en plus de la prestation complémentaire annuelle. Par année, ceux-ci ne peuvent toutefois être inférieurs à CHF 25'000.- pour les personnes seules ou les conjoints de personnes vivant dans un home ou un hôpital.

L'art. 2 al. 1 let. c de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité (J 4 20; LPFC) délègue au Conseil d'État la compétence de déterminer les frais de maladie et d'invalidité qui peuvent être remboursés, en application de l'art. 14 al. 1 et 2 LPC, qui répondent aux règles suivantes : les montants maximaux remboursés correspondent aux montants figurant à l'art. 14 al. 3 LPC (ch. 1), et les remboursements sont limités aux dépenses nécessaires dans le cadre d'une fourniture économique et adéquate des prestations (ch. 2).

b. Il sied de relever que la LPC a été totalement révisée dans le cadre de la loi concernant l’adoption et la modification d’actes dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) et que c'est à cette occasion que la compétence de définir les frais de maladie et d'invalidité qui, dans les limites du droit fédéral, peuvent être remboursés, a été transférée aux cantons (Message du Conseil fédéral du 7 septembre 2005 sur la législation d’exécution concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) [FF 2005 5641 p. 5839]). Ces frais étaient jusqu'alors déterminés par les dispositions de l'ordonnance du Conseil fédéral du 29 décembre 1997 relative au remboursement des frais de maladie et des frais résultant de l'invalidité en matière de prestations complémentaires (OMPC), abrogée par la RPT. Cependant, selon les dispositions transitoires de la LPC (art. 34), les art. 3 à 18 de l'OMPC dans sa version en vigueur au 31 décembre 2007 restaient applicables par analogie, pour une durée maximale de trois ans dès le 1er janvier 2008, tant que les cantons n'avaient pas défini les frais susceptibles d’être remboursés au sens de l’art. 14. al. 1 LPC.

5.        a. Le Conseil d'État a fait usage de la compétence lui étant déléguée par l'art. 2 al. 1 let. c LPFC en édictant le règlement relatif au remboursement des frais de maladie et des frais résultant de l'invalidité en matière de prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité (RFMPC; J 4 20.04), entré en vigueur le 1er janvier 2011.

Aux termes de l'art. 10 al. 1 RFMPC, les frais de traitement dentaire sont remboursés dans la mesure où il s’agit d’un traitement simple, économique et adéquat. Le tarif de l’assurance-accidents, de l’assurance militaire et de l’assurance-invalidité (tarif AA/AM/AI) est déterminant pour le remboursement des honoraires des prestations dentaires et le tarif AA/AM/AI pour le remboursement des travaux de technique dentaire (al. 2). Si le coût d’un traitement dentaire dépasse CHF 1'500.-, un devis doit être adressé au SPC avant le début du traitement (al. 3). Si le coût d’un traitement dentaire s’est élevé à plus de CHF 1'500.- sans approbation préalable du devis, le montant maximal du remboursement se limite en principe à ce montant. Il peut exceptionnellement le dépasser si le bénéficiaire démontre a posteriori que le remboursement sollicité correspond à un traitement simple, économique et adéquat (al. 4).

Les devis et factures à présenter doivent être conformes aux positions tarifaires du tarif AA/AM/AI (al. 5).

b. D’après le Tribunal fédéral, « si plusieurs traitements entrent en considération, il convient, dans le domaine des prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse survivants et invalidité, comme dans celui de l'assurance-maladie, de comparer les coûts et bénéfices respectifs des traitements envisagés. Si l'un d'entre eux permet d'arriver au but recherché – le rétablissement de la fonction masticatoire – en étant sensiblement meilleur marché que les autres, l'assuré n'a pas droit au remboursement des frais du traitement le plus onéreux (cf. ATF 124 V 200 consid. 3 et les références) » (arrêt non publié du Tribunal fédéral P 22/02 du 5 août 2002, consid. 2).

À l’occasion d’un arrêt rendu sous l’empire de l’OMPC et de la troisième révision de la LPC, le Tribunal fédéral a précisé que la notion de "frais de dentiste" au sens de l'art. 3d al. 1 let. a LPC – l’actuel art. 14 al. 1 let. a LPC parle désormais de "frais de traitement dentaire" – comprend en principe les coûts occasionnés par tous les traitements dentaires, lesquels doivent être remboursés, pour autant que les conditions posées par l'art. 8 OMPC – remplacé désormais dans le canton de Genève par l'art. 10 RFMPC, d’une teneur quasi identique – soient remplies (ATF 130 V 185 du 6 mai 2004, consid. 4.3.6). Aucune base légale ou jurisprudentielle n’exclut d’emblée la prise en charge d’un traitement dentaire orthodontique. Au contraire, la LPC permet en principe la prise en charge de tous les traitements dentaires, sous réserve qu'ils aient pour but le rétablissement de la fonction masticatoire et qu'il s'agisse d'un traitement simple, économique et adéquat (ATF 130 V 185, consid. 4.3.6 et arrêt non publié du Tribunal fédéral P 22/02 du 5 août 2002, consid. 2).

6.        Concernant la prise en charge des traitements dentaires des bénéficiaires des prestations complémentaires, l’Association des médecins-dentistes cantonaux de Suisse (AMDCS) a émis la recommandation F, selon laquelle seules les malocclusions de degré 3 (traitement indispensable) ou 4 (traitement nécessaire) donnent droit au remboursement, pour autant que la situation dentaire ne donne pas droit aux prestations prévues par l’assurance-invalidité ou ne relève pas des prestations obligatoires de l’assurance obligatoire des soins. Sur cette base, le SPC a adressé une information à tous les cabinets et cliniques dentaires du canton de Genève, en reprenant cette recommandation (Information à tous les cabinets et cliniques dentaires de Genève, édition juin 2018). Il est à relever que les autres cantons suisses ont également repris cette même recommandation. Par ailleurs, le formulaire relatif au devis d'orthodontie adressé aux médecins par le SPC mentionne les conditions élaborées par l'AMDCS pour la prise en charge d'un tel traitement.

7.        En l’occurrence, le médecin-dentiste de l'enfant de la recourante indique qu’aucune des conditions de la recommandation F de l’AMDCS n’est remplie, raison pour laquelle l’intimé a refusé la prise en charge du traitement en cause.

Certes, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de frais de dentiste, aujourd'hui frais de traitement dentaire, au sens de la LPC comprend en principe les coûts occasionnés par tous les traitements dentaires. Toutefois, ceux-ci peuvent être remboursés seulement pour autant qu’il s’agisse d’un traitement simple, économique et adéquat. Par conséquent, il n’est pas d’emblée exclu que les traitements d’orthodontie soient pris en charge dans le cadre des prestations complémentaires. Toutefois, selon l'art. 14 al. 2 LPC, les cantons peuvent limiter le remboursement aux dépenses nécessaires dans les limites d’une fourniture économique et adéquate des prestations

Ni la LPCF ni le RFMPC ne prévoient dans quels cas précis le remboursement d'un traitement orthodontique est limité. Néanmoins, il sied de considérer que l’AMDCS a défini pour tous les cantons quel traitement orthodontique remplit les conditions d’un traitement simple, économique et adéquat. Sa recommandation doit être considérée comme une présomption que seuls les traitements orthodontiques mentionnés dans leur recommandation constituent un traitement simple, économique et adéquat au sens de la loi et de son règlement.

Dès lors que la recourante n’avance aucun élément permettant de renverser cette présomption et ne conteste pas non plus que les conditions de prise en charge définies par l'AMDCS ne soient pas réalisées, il y a lieu de constater que le traitement orthodontique en cause ne remplit pas les conditions légales pour être remboursé par l’intimé.

8.        Cela étant, le recours sera rejeté.

9.        La procédure est gratuite.

***

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le