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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4121/2018

ATAS/1/2019 du 03.01.2019 ( PC )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4121/2018 ATAS/1/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 3 janvier 2019

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à MEINIER, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Claude ABERLE

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1977, domiciliée dans le canton de Genève, bénéficiaire d’une rente entière d’invalidité, alors mariée, a été mise au bénéfice de prestations sur la base de décisions rendues par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), à savoir des décisions de prises en charge de frais médicaux, d’octroi de subsides d’assurance-maladie et d’octroi de prestations complémentaires fédérales et cantonales (ci-après : PCF et PCC).

2.        L’assurée et son époux, Monsieur B______, se sont séparés le 15 avril 2016 et sont divorcés depuis le 17 mars 2017.

L’ex-époux de l’assurée a été condamné à verser à cette dernière une contribution d’entretien mensuelle de CHF 350.-, que l’assurée n’a pas recouvré (eu égard, selon ce qu’elle indique, à un surendettement notoire de son ex-époux), et, dans le cadre du partage des avoirs de prévoyance professionnelle des conjoints, l’institution de prévoyance de l’ex-époux a dû verser un montant de CHF 102'970.30 sur un compte de libre passage de l’assurée ouvert à son nom auprès de l’UBS.

3.        Le 20 décembre 2017, après avoir consulté la taxation fiscale 2016 de l’assurée obtenue dans le cadre de l’entraide administrative, le SPC a initié une procédure de révision du dossier de l’assurée.

Par une décision de prestations complémentaires du 20 décembre 2017, restée non contestée, le SPC, recalculant provisoirement le droit de l’assurée auxdites prestations, a retenu que cette dernière avait droit, dès le 1er janvier 2018, à respectivement CHF 426.- de PCF et CHF 852.- de PCC par mois (donc au total à CHF 1'278.- par mois).

4.        Par des décisions des 21, 27 et 28 mars 2018, envoyées à l’assurée le 28 mars 2018, le SPC a recalculé les prestations respectivement dues et versées en faveur de cette dernière, avec effet au 1er avril 2011, en tenant compte d’éléments qui – selon ledit service – ne lui avaient jusqu’alors pas été annoncés, à savoir des revenus provenant d’une activité lucrative indépendante exercée par elle à 30 % au maximum comme coiffeuse sous la raison individuelle C______, des augmentations de salaire de son ex-époux, la pension alimentaire due par ce dernier et le capital de libre passage lui ayant été versé, et il a réclamé à ces titres à l’assurée la restitution de :

-       CHF 2'723.35 de frais médicaux que le SPC lui avait remboursés pour la période du 1er avril 2011 au 30 avril 2016, selon une liste d’annulation desdits frais du 27 mars 2018 ;

-       CHF 29'138.- de subsides d’assurance-maladie versés en faveur de l’assurée (soit CHF 4'050.- pour 2011, CHF 5'556.- pour 2012, CHF 5'640.- pour 2013, CHF 5'796.- pour 2014, CHF 6'000.- pour 2015 et CHF 2'096.- pour 2016) ;

-       CHF 26'723.- de PCF et PCC, pour la période du 1er mai 2016 au 31 mars 2018 (étant précisé, à teneur d’une décision du même jour couvrant la période antérieure, que l’assurée n’avait pas perçu de prestations complémentaires ni eu droit à de telles prestations durant la période du 1er avril 2011 au 30 avril 2016) ;

soit, au total, CHF 58'584.35.

Celle de ces décisions concernant les prestations complémentaires à partir du 1er mai 2016 a fixé à CHF 0.- et à CHF 230.- les respectivement PCF et PCC dues à l’assurée depuis le 1er avril 2018.

Celles desdites décisions portant d’une part sur les prestations complémentaires pour la période du 1er mai 2016 au 31 mars 2018 et d’autre part sur les subsides d’assurance-maladie précisaient qu’une opposition qui serait formée à leur encontre n’aurait pas d’effet suspensif.

5.        Par des décisions des 21, 27 et 28 mars 2018, envoyées le 28 mars 2018 à l’ex-époux de l’assurée, le SPC a recalculé les prestations respectivement dues et versées en faveur de ce dernier, avec effet au 1er avril 2011, en tenant compte d’éléments qui – selon ledit service – ne lui avaient jusqu’alors pas été annoncés, à savoir ses augmentations de salaire et les revenus provenant d’une activité lucrative indépendante de l’assurée, et il a réclamé à ces titres à l’ex-époux de l’assurée la restitution de CHF 1'848.50 de frais médicaux remboursés et de CHF 28'782.50 de subsides d’assurance-maladie, soit au total CHF 30'631.-.

6.        En date du 26 avril 2018, l’assurée, représentée par un avocat, a formé opposition à l’encontre des décisions précitées la concernant des 21, 27 et 28 mars 2018. Elle a soulevé le grief que lesdites décisions étaient inintelligibles et constituaient une violation de son droit d’être entendue. S’agissant de son activité indépendante de coiffeuse, elle en avait fait mention dans un courrier du 5 décembre 2006 et dans sa demande de prestations du 25 avril 2008. Quant aux « augmentations » de salaire de son ex-époux, il s’agissait en réalité de parts variables de sa rémunération, attestées chaque année par les certificats de salaire et la déclaration fiscale. Les pensions alimentaires prévues par le jugement de divorce étaient irrécouvrables, ainsi que l’attestaient les actes de défaut de biens de son ex-époux. Le capital de libre passage avait été versé sur un compte bloqué jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de la retraite.

7.        Par décision sur opposition du 23 octobre 2018, le SPC a rejeté l’opposition de l’assurée, confirmant que cette dernière devait lui restituer CHF 58'584.35 de prestations indument perçues. Les derniers renseignements fournis par l’assurée concernant ses gains d’activité dataient de la transmission, faite le 4 juillet 2011, de son bilan d’exploitation au 31 décembre 2010, date à laquelle avait aussi été communiquée l’attestation de salaire 2010 de l’époux de l’assurée. Il fallait aussi tenir compte, dès le 1er avril 2017, de la pension alimentaire due à l’assurée, ainsi que, dès le 1er juin 2017, de l’avoir de prévoyance de CHF 102'970.30 versé le 24 mai 2017, en exécution du jugement de divorce du 28 février 2017. S’agissant des PCF et des PCC, versées dès le 1er mai 2016, il y avait, pour la période du 1er mai 2016 au 31 mars 2018, un trop-perçu de CHF 26'723.- : pour la période antérieure, l’application du barème « personne seule » dès le mois suivant la séparation des époux n’aboutissait pas davantage que celle du barème « couple » à la reconnaissance d’un droit à des PCF ou des PCC. Mais les revenus du couple devaient permettre à ce dernier de prendre en charge le paiement de leurs primes d’assurance-maladie, si bien que des subsides d’assurance-maladie leur avaient été versés à tort, pour la période du 1er avril 2011 au 30 avril 2016, à hauteur de CHF 57'920.50 (soit CHF 29'138.- en faveur de l’assurée + CHF 28'782.50 en faveur de l’ex-époux de l’assurée). Et, pour cette même période, des participations aux frais médicaux avaient été versées à tort en faveur de l’assurée à hauteur de CHF 2'723.35 (selon la liste d’annulation desdits frais du 27 mars 2018). Les décisions en vertu desquelles lesdites prestations avaient été versées étaient erronées dans la mesure où elles ne tenaient pas compte des ressources révélées par le contrôle du dossier (gains effectifs, pension alimentaire, avoir de prévoyance), du fait d’omissions de la part de l’assurée constitutives de négligences graves ; leur rectification revêtait une importance notable.

8.        Par acte du 23 novembre 2018 (après avoir obtenu du SPC son dossier la concernant sous la forme d’un CD-Rom), l’assurée a recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre cette décision sur opposition. Elle a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif s’agissant des décisions concernant les prestations complémentaires pour la période du 1er mai 2016 au 31 mars 2018 et les frais médicaux pour la période du 1er avril 2011 au 30 avril 2016 ainsi qu’à l’apport de l’entier du dossier, et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause au SPC pour nouvelle décision au sens des considérants, sous suite de dépens.

La décision attaquée ne comportait pas de motivation conforme aux exigences découlant du droit d’être entendu, à tel point qu’on en était réduit « à resservir les chiffres des décisions rendues en mars 2018 » sans pouvoir comprendre les calculs opérés.

Les contributions d’entretien dues par l’ex-époux de l’assurée ne devaient pas être prises en compte, même en l’absence de démarches en vue de leur recouvrement, dès lors qu’il était clairement établi que leur débiteur n’était pas en mesure de faire face à son obligation de les verser.

S’agissant de l’avoir de libre passage de CHF 102'970.30 (et non de CHF 103'025.80 comme le SPC l’avait retenu), lorsqu’il y avait lieu d’en tenir compte dans le calcul des revenus déterminants, il fallait déduire le montant des impôts qui seraient dus en cas de paiement en espèces de la prestation de sortie. D’après des simulations fiscales, c’était un montant de CHF 98'173.- qu’il faudrait considérer au titre d’avoir de prévoyance.

S’agissant des prestations complémentaires, la prétention en restitution était frappée par la péremption absolue pour les périodes des 1er avril au 31 août 2011, 1er septembre au 31 décembre 2011 et 1er janvier au 31 décembre 2012, mais, subsidiairement, les gains d’activités retenus pour ces périodes étaient invérifiables. Il n’y avait pas non plus d’explications intelligibles pour les gains d’activités retenus pour les périodes subséquentes, soit celles des 1er janvier au 31 décembre 2013 (la période jusqu’au 21 mars 2013 étant au demeurant aussi frappée par la péremption), 1er janvier au 28 février 2014, 1er mars au 31 décembre 2014, 1er janvier au 31 décembre 2015 et 1er janvier au 30 avril 2016. Il en allait de même pour les périodes postérieures au 1er mai 2016, soit celles du 1er mai au 31 décembre 2016 et 1er janvier au 31 mars 2017, ceux retenus pour la période du 1er avril au 31 mai 2017 étant ceux figurant sur le compte de pertes et profits de 2017 mais devant être remplacés par le montant arrêté dans la taxation fiscale 2017.

Concernant les subsides d’assurance-maladie, la péremption absolue était atteinte pour les prestations antérieures au 21 mars 2013, si bien qu’il fallait retrancher les montants de CHF 4'050.- pour 2011, CHF 5'556.- pour 2012 et CHF 1'410.- pour les trois premiers mois de 2013.

La péremption absolue était aussi atteinte pour les frais médicaux à hauteur d’au moins CHF 1'207.35.

Faute pour le SPC d’avoir expliqué comment il avait eu connaissance des montants qu’il avait retenus dans ses décisions, il n’était pas possible de se déterminer sur l’acquisition de la péremption relative. Il en allait de même pour l’application d’une péremption plus longue correspondant à celle de la prescription d’une infraction pénale.

Le SPC ayant eu connaissance au plus tard le 19 décembre 2017 des faits nouveaux qu’il invoquait, il avait dépassé, en rendant des décisions les 21, 27 et 28 mars 2018, le délai relatif de 90 jours pour réviser les décisions en vertu desquelles les prestations considérées avaient été versées.

Seule une faute légère pourrait tout au plus être retenue à la charge de l’assurée, qui remplissait donc la condition de la bonne foi faisant obstacle, conjointement à celle de l’exposition à une situation difficile manifestement remplie, à la prétention en restitution émise par le SPC.

9.        Par écriture du 10 décembre 2018, le SPC a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif concernant la diminution de la prestation calculée en faveur de l’assurée, dès lors que cette dernière, si elle n’obtenait pas gain de cause, n’aurait probablement pas les moyens de restituer les montants qu’elle continuerait à percevoir en trop en cas de restitution de l’effet suspensif et qu’elle ne pouvait se prévaloir de prévisions suffisamment probables d’obtenir gain de cause. Il se justifiait en revanche de restituer l’effet suspensif au recours s’agissant de la restitution des prestations versées en trop.

10.    Par écriture du 20 décembre 2018, le SPC a conclu au rejet du recours. Le principe de la révision, son étendue dans le temps et les éléments de calcul retenus par les décisions considérées étaient corrects. L’omission de l’assurée d’avoir annoncé l’augmentation des gains d’activité et le changement de situation consécutif à l’entrée en force du jugement de divorce constituait une violation de son obligation de communiquer, valant négligence grave.

Le montant de l’avoir de prévoyance retenu à compter du 1er janvier 2018, soit CHF 103'025.80, correspondait au solde du compte de libre passage au 31 décembre 2017 et était donc exact.

En l’absence de démarche de l’assurée pour recouvrer la pension alimentaire due par son ex-époux, il fallait retenir que l’assurée s’était dessaisie d’une source de revenus.

Les montants des gains d’activité retenus dans les plans de calcul provenaient des avis de taxation fiscale et étaient donc corrects.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 et 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives respectivement à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) et à la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10). Elle statue aussi sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), ainsi que le rappelle l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, et sur celles prévues à l’art. 36 de la loi genevoise d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05). Elle est donc compétente pour statuer sur le recours, qui est dirigé contre une décision sur opposition par laquelle le SPC, rejetant l’opposition formée par la recourante, a confirmé ses décisions initiales révisant de précédentes décisions d’octroi de prestations complémentaires et de subsides d’assurance-maladie ainsi que de prise en charge de participations à des frais médicaux, et faisant obligation à la recourante de restituer lesdites prestations perçues en trop, à hauteur d’un total de CHF 58'584.35 (ATAS/692/2017 du 22 août 2017 consid. 1a).

b. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 36 al. 1 LaLAMal), dans le respect des exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La recourante a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 let. a et b et art. 89A LPA).

c. Il y a donc lieu d’entrer en matière sur le recours, soit, en l’état, sur la demande de restitution de l’effet suspensif que celui-ci comporte.

2.        a. Selon l'art. 54 al. 1 let. c LPGA les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsque l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré. La LPGA ne contient pas d’autre disposition en matière d'effet suspensif, mais prévoit, à son art. 55 al. 1, que les points de la procédure administrative en matière d'assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par les art. 55 al. 2 et 4 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 172.021), et, concernant la procédure de recours devant le tribunal cantonal des assurances, elle réserve, à son art. 61 in initio, l’art. 1 al. 3 PA.

Aux termes de cette disposition, l'art. 55 al. 2 et 4 PA relatif au retrait de l'effet suspensif est applicable à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral ; est réservé l'art. 97 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) relatif au retrait de l'effet suspensif pour les recours formés contre les décisions des caisses de compensation. Selon cette disposition, que l’art. 27 LPC déclare applicable par analogie aux prestations complémentaires, l’autorité compétente peut, dans sa décision, prévoir qu'un recours éventuel n'aura pas d'effet suspensif, même si la décision porte sur une prestation pécuniaire, l'art. 55 al. 2 à 4 PA étant pour le surplus applicable.

L'art. 55 al. 3 PA prévoit que l'autorité de recours ou son président peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré ; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai.

b. En droit cantonal, selon l’art. 18 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03), l'opposition a un effet suspensif, sauf dans les cas prévus par l'article 11 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Le service peut, sur requête ou d'office, retirer l'effet suspensif ou rétablir l'effet suspensif retiré dans la décision (al. 2).

L’art. 66 LPA prescrit que sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1). Toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 2).

3.        Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 55 PA à laquelle l'entrée en vigueur de la LPGA et de l'OPGA n'a rien changé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 46/04 du 24 février 2004 consid. 1, in HAVE 2004 p. 127), la possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, il lui faut se fonder sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 267/98 du 22 octobre 1998, in VSI 2000 p. 184 consid. 5 ; Hansjörg SEILER, in Praxiskommentar zum VwVG, n° 103 ad art. 55 PA). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 et 106 V 18 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_451/2010 du 10 novembre 2010 consid. 2 à 4, in SVR 2011 IV n° 33 p. 96 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

4.        a. En l’espèce, l’intimé a déclaré qu’une opposition qui serait formée – ainsi que cela a été le cas – contre deux de ses décisions initiales (qu’il a confirmées, avec les deux autres, par la décision sur opposition attaquée) n’aurait pas d’effet suspensif, à savoir celles portant sur les prestations complémentaires pour la période du 1er mai 2016 au 31 mars 2018 et sur les subsides d’assurance-maladie.

b. À l’instar des décisions considérées, la décision sur opposition attaquée présente plusieurs facettes. Premièrement, elle statue nouvellement sur le droit de la recourante aux prestations considérées, y compris pour la période à partir du 1er avril 2018. Deuxièmement, elle révoque les décisions antérieurement rendues allouant de telles prestations à la recourante, dans la mesure où les nouvelles décisions rendues se distancient de celles précédemment notifiées et entrées en force, tant par leurs motifs que par les montants desdites prestations. Troisièmement, elle fait obligation à la recourante de restituer le trop-perçu.

Le retrait d’un effet suspensif à une opposition qui serait formée à l’encontre des décisions considérées n’avait de sens et n’était en réalité voulu qu’en tant qu’il visait la diminution des prestations complémentaires allouées à la recourante depuis le 1er avril 2018, prestations qui ont passé depuis-cette date-ci de CHF 426.- à CHF 0.- pour les PCF et de CHF 852.- à CHF 230.- pour les PCC.

Comme l’intimé l’a indiqué dans son écriture du 10 décembre 2018, il ne se justifie pas de faire obligation à la recourante, nonobstant opposition respectivement recours, de restituer les prestations prétendument versées en trop, soit avant qu’il n’ait été statué définitivement sur le bien-fondé desdites décisions. Ceci vaut pour les trois facettes de ces dernières, sauf, précisément, pour les prestations complémentaires allouées à la recourante depuis le 1er avril 2018.

Pour ces dernières, il n’apparaît pas, à un degré de probabilité suffisant, que la recourante obtiendra gain de cause pour qu’au stade actuel de la procédure l’effet suspensif doive être restitué, avec l’effet que la recourante devrait se voir verser mensuellement, depuis le 1er avril 2018, CHF 426.- de PCF (au lieu de CHF 0.-) et CHF 852.- de PCC (au lieu de CHF 230.-), et ce d’autant plus que l’intérêt de l’intimé à ne plus lui verser de telles prestations qui s’avéraient le cas échéant ne lui être pas dues (au-delà de CHF 230.- de PCC par mois) serait gravement compromis par l’absence de perspectives réelles, en cas de rejet du recours ne serait-ce que sur ce point, d’obtenir la restitution des montants qui seraient ainsi versés sans droit.

Le motif voulant qu’en général les difficultés matérielles auxquelles une suppression de prestations expose un recourant ne justifient en principe pas l’octroi de l’effet suspensif vaut aussi dans la présente cause, étant précisé que si elle se trouvait de ce fait dans la détresse, la recourante pourrait le cas échéant se prévaloir de son droit constitutionnel à être aidée et assistée et à recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. – RS 101 ; cf. not. la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

5.        Il se justifie donc d’accorder l’effet suspensif au recours, sous la réserve précitée.

6.        La suite de la procédure reste réservée.

7.        Il sera statué sur les dépens en même temps que sur le recours.

* * * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

1.        Accorde l’effet suspensif au recours, sauf en tant que la décision attaquée confirme la diminution des prestations complémentaires allouées à la recourante depuis le 1er avril 2018, les fixant à CHF 0.- (au lieu de CHF 426.-) s’agissant des prestations complémentaires fédérales et à CHF 230.- (au lieu de CHF 852.-) s’agissant des prestations complémentaires cantonales.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Dit qu’il sera statué sur les dépens en même temps que sur le recours.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le