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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1319/2017

ATAS/849/2017 du 03.10.2017 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1319/2017 ATAS/849/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 octobre 2017

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A_______, domiciliée à GENÈVE

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A_______ (ci-après l’intéressée), née le ______ 1939, est au bénéfice de prestations complémentaires depuis 1992.

2.        L’intéressée a hérité d’un montant de 72'530.75 euros le 14 juin 2013 d’une demi-sœur dont elle ignorait l’existence jusque-là, décédée le 23 janvier 1992. C’est par courrier du 30 septembre 2014 qu’elle en a informé le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC), expliquant que « mon fils ayant eu de graves soucis de santé et ayant dû être hospitalisé, je n’ai pas été en mesure de faire le suivi administratif de mes dossiers. Je ne m’y replonge qu’en ce moment. Je vous prie de bien vouloir excuser cet atermoiement bien indépendant de ma volonté. J’aimerais également vous faire part du fait que j’ai utilisé une partie de l’héritage pour mes frais dentaires (CHF 8'000.-), ainsi qu’un tapis pour matelas à pulsions électriques (acheté d’occasion à CHF 1'500.-). Je n’ai pas soumis ces frais au SPC. De plus, 11'000.- euros ont été déduits du montant de l’héritage pour frais d’études et expertise ».

3.        Par décision du 14 novembre 2014, le SPC a, compte tenu de cet héritage, recalculé le droit de l’intéressée aux prestations complémentaires et lui a réclamé le remboursement de la somme de CHF 87'266.-, représentant la différence entre les prestations déjà versées et le droit rétroactif pour la période du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2014.

4.        L’intéressée a formé opposition le 27 novembre 2014.

5.        Par décision du 13 mai 2015, le SPC a partiellement admis l’opposition, en ce sens que la demande de restitution doit être limitée à la période du 1er décembre 2009 au 30 novembre 2014, de sorte que la somme réclamée est ramenée à CHF 60'200.-.

6.        Par courrier du 5 juin 2015, l’intéressée a indiqué qu’elle avait clôturé en France le compte bancaire sur lequel était déposé l’héritage et avait transféré la somme restant sur un compte UBS le 5 mai 2015. Cette somme, de CHF 49'197.88, était à la disposition du SPC. L’intéressée sollicitait dès lors la remise de l’obligation de rembourser la différence entre les CHF 60'200.- et les CHF 49'197.88 (soit CHF 11'002.12).

7.        Par décision du 6 octobre 2015, le SPC, considérant que la condition de la bonne foi ne pouvait pas être admise, a rejeté la demande de remise de la somme de CHF 60'200.-.

8.        Le 11 novembre 2015, l’intéressée, représentée par le Centre social protestant, a formé opposition à la décision du 6 octobre 2015. Elle considère qu’on ne peut lui reprocher de n’avoir pas été de bonne foi pour les sommes perçues en trop entre décembre 2009 et mai 2013, puisqu’elle n’est entrée en possession de la somme de 72'530.75 euros le 14 juin 2013. Elle ne pouvait ainsi annoncer cet héritage au SPC avant juin 2013.

Ainsi pour la période précédant le 14 juin 2013, elle remplit toutes les conditions de bonne foi. Pour la période postérieure à cette date, elle admet en revanche que tel n’est pas le cas puisqu’elle a tardé à annoncer le versement de la succession.

Elle précise par ailleurs qu’elle n’a en réalité pas demandé la remise totale, puisqu’elle s’est immédiatement proposé de verser au SPC ce qui lui restait de la succession, soit la somme de CHF 49'197.90, de sorte que sa demande de remise ne porte que sur la somme de CHF 11'002.10.

9.        Le 30 novembre 2015, le Centre social protestant a confirmé au SPC le versement de la somme de CHF 49'187.- le 24 novembre 2015.

10.    Par décision du 20 mars 2017, le SPC a rejeté l’opposition. Il confirme que la condition de la bonne foi n’est pas remplie, l’intéressée l’ayant informé du versement de l’héritage plus d’une année après la prise de possession.

11.    L’intéressée a interjeté recours le 11 avril 2017. Elle relève que si le taux de conversion appliqué par le SPC en 2014 pour comptabiliser les 72'530.75 euros avait été le même en 2015, les 48'054.94 euros restants sur le compte français et transférés sur le compte UBS, auraient été enregistrés pour un montant de CHF 57'814.90, de sorte qu’elle a perdu CHF 8'617.- (57'814.90 – 49'197.90).

Elle maintient sa demande de remise partielle pour le montant de CHF 9'371.-.

12.    Dans sa réponse du 11 mai 2017, le SPC a conclu au rejet du recours, rappelant qu’est litigieux le refus de remise de la dette du 14 novembre 2014 dont le solde actuel est de CHF 10'371.-. Il considère qu’« il n’y a pas lieu de revenir dans le cadre de la présente procédure sur le montant retenu à titre d’héritage ou sur le taux de conversion appliqué dès lors que la recourante a accepté la décision sur opposition du 13 mai 2015 et que la demande de restitution est entrée en force ».

13.    La chambre de céans a ordonné la comparution personnelle des parties le 6 juin 2017. À cette occasion, l’intéressée a déclaré que

« J’ai reçu à titre d’héritage la somme de 72'000.- euros le 14 juin 2013 sur un compte bancaire français dont je suis titulaire. Je n’ai pas déclaré ce montant au SPC, car j’étais malade et mon fils également. Je me suis beaucoup occupée de lui lorsqu’il est sorti de l’hôpital. Il a souffert d’un emphysème pulmonaire. Je l’ai finalement déclaré en septembre 2014. Je voulais le faire plus tôt, mais c’est à ce moment-là que je me suis sentie mieux. Je reconnais avoir fait preuve de négligence.

C’est l’agence française s’occupant de généalogie qui a pris contact avec moi. Je me suis d’abord méfiée, croyant être victime d’une arnaque, j’ai alors pris un agent d’affaires. C’était en 2012.

J’ai versé la somme de CHF 49'187.90 le 24 novembre 2015 (cf. pièce 18). J’ai alors pensé que je n’avais plus rien à rembourser. Il me reste en réalité à payer, selon le SPC, la somme de CHF 10'371.-.

Je signale qu’une retenue de CHF 500.- par mois a été opérée sur mes prestations durant une année sauf erreur en 2015. En 2016, j’ai retrouvé les mêmes montants qu’auparavant. Je n’ai pas reçu d’explications à cet égard ».

14.    Par courrier du 12 juin 2017, le SPC, prié par la chambre de céans de rechercher et d’expliquer la retenue de CHF 500.- par mois signalée par l’intéressée, a expliqué que

« Suite à la décision du 14 novembre 2014, les prestations mensuelles de la recourante ont été réduites en raison de la prise en compte de son épargne effective dans le revenu déterminant le droit aux prestations complémentaires. C’est la prise en considération de la fortune qui a diminué le montant des prestations pouvant être accordées et non une retenue à titre de remboursement de la dette.

Compte tenu du remboursement partiel de la dette, la fortune de la recourante a été mise à jour au 1er décembre 2015 par la décision du 27 janvier 2016, ce qui a conduit à une diminution du revenu déterminant et à l’augmentation des prestations pouvant être accordées dès cette date.

Par conséquent, il n’y a bel et bien pas eu de retenue sur prestation mais une fluctuation du montant versé compte tenu de la variation de la fortune entre décembre 2014 et janvier 2016 (en 2014 avant la mise à jour de la fortune: Frs1’228.00 mensuels; dès le 1er décembre 2014 suite à la révision du dossier: Frs 728.00 mensuels; dès le 1er décembre 2015 suite à la diminution de la fortune: Frs 1’231.00 mensuels) ».

Le SPC confirme que le solde de la dette à ce jour s’élève à CHF 10'371.-.

15.    Le 5 juillet 2017, l’intéressée a pris acte de ce que les CHF 500.- de baisse de ses prestations étaient dus à la fluctuation de sa fortune, maintient que la perte de fortune de CHF 8'617.- évoquée dans son recours du 11 avril 2017 ne peut pas lui être imputée et estime que cette somme, partant, devrait être déduite des CHF 10'371.- réclamés par le SPC.

16.    Dans sa duplique du 8 août 2017, le SPC a persisté dans ses conclusions. Il rappelle que la décision de restitution est entrée en force, de sorte que le montant retenu à titre d’héritage et le taux de change appliqué – conforme aux directives de l’OFAS – ont acquis force de chose décidée. Il n’y a donc pas lieu, selon le SPC, de rectifier le montant de la dette au profit de l’intéressée au motif que l’argent a été transféré sur un compte suisse à un taux défavorable.

17.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales, à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 56 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC).

4.        La décision sur opposition du 13 mai 2015, fixant le principe et le montant de la restitution, étant entrée en force faute de recours, le litige porte uniquement sur la question de la remise de l’obligation de rembourser la somme de CHF 60’200.-, représentant la différence entre les prestations complémentaires dues du 1er décembre 2009 au 30 novembre 2014 et celles déjà versées pour la même période, étant précisé que l’intéressée s’est d’ores et déjà acquittée de la somme de CHF 49'187.90 le 24 novembre 2015, de sorte que le montant dont le paiement est réclamé par le SPC a été ramené à CHF 10'371.-.

La décision du 13 mai 2015 a déterminé le montant retenu à titre d’héritage et le taux de change appliqué – au demeurant conforme aux directives de l’OFAS. Aussi les conclusions de l’intéressée visant à modifier le taux de conversion, en ce sens que si le taux de conversion appliqué par le SPC en 2014 pour comptabiliser les 72'530.75 euros avait été le même en 2015, les 48'054.94 euros restants sur le compte français et transférés sur le compte UBS, auraient été enregistrés pour un montant de CHF 57'814.90.

5.        À teneur de l’art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées, la restitution ne pouvant toutefois être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1er).

En droit cantonal, les art. 24 LPCC et 14 à 16 du règlement d’application de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’assurance vieillesse et survivants et à l’assurance invalidité du 25 juin 1999 reprennent la teneur de la disposition fédérale précitée. Par conséquent, les conditions de remise sont les mêmes.

Les deux conditions de la remise sont cumulatives, de sorte que si la bonne foi est niée, les prestations versées à tort doivent être restituées sans qu’il y ait lieu d’examiner la situation financière de l’assuré.

6.        Selon l’art. 2 al. 1 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), le bénéficiaire des prestations allouées indûment ou ses héritiers sont tenus de restituer.

7.        La bonne foi fait d’emblée défaut lorsque l’octroi de prestations indûment versées est imputable à une violation grave ou intentionnelle de l’obligation d’annoncer ou de renseigner. Il en va ainsi lorsqu’un changement dans la situation personnelle ou matérielle n’a, intentionnellement ou par négligence grave, pas été annoncé ou l’a été avec retard compte tenu de l’attention que l’on peut raisonnablement exiger d’un bénéficiaire de prestations complémentaires (cf. ATF 112 V 102 cons. 2c).

Une violation de l’obligation d’annoncer ou de renseigner est réalisée si l’assuré contrevient à ses devoirs découlant de l’art. 31 LPGA. Cette disposition impose à l’ayant droit, à ses proches ou aux tiers auxquels une prestation est versée de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation (al. 1). Selon l’art. 24 1ère phrase de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI ; RS 831.301), l’ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l’autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l’organe compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation ou des membres de sa famille.

Selon la jurisprudence constante, l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave.

Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d’une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 181 consid. 3d ; cf aussi arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2011 du 16 août 2011 consid. 5.2). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, il aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce à la caisse (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer, parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC; ATF 130 V 414 consid. 4.3, arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3). On signalera enfin, que, de jurisprudence constante, la condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références citées).

Dans l'arrêt P 14/93 du 26 août 1993, traduit dans la VSI 1994 p. 125 (consid. 4b p. 129), le Tribunal fédéral des assurances a rappelé, en se référant à l'arrêt non publié B. du 3 mars 1993 (P 42/92), que la question de l'inattention d'un bénéficiaire de prestations pourrait jouer un rôle lorsque celui-ci remplit dûment son obligation de renseigner, mais que la caisse de compensation fixe ensuite par inadvertance le montant des prestations complémentaires sur la base d'une rente de vieillesse trop basse. Il a été ainsi exposé, au consid. 5b de l'arrêt P 42/92 (cité par ULRICH MEYER, Die Rückerstattung von Sozialversicherungsleistungen, RSJB 131/1995 p. 483), qu'on ne doit en règle générale pas exiger du bénéficiaire de prestations complémentaires qu'il vérifie entièrement la feuille de calcul des prestations.

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi lorsque l’acte ou l’omission fautifs ne constituent qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4; ATF 112 V 97103 consid. 2c; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_638/2014 du 13 août 2015 consid. 4.2).

De jurisprudence constante, toujours valable sous l'empire de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_954/2008 ; ATF 130 V 318 consid. 5.2 p. 319; arrêt du Tribunal fédéral C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 4 publié dans SVR 2007 Alv no 17 p. 56), la condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée, en l'occurrence les prestations complémentaires.

S'il arrive qu'un assuré reçoive, pour une période pendant laquelle il a déjà perçu des prestations complémentaires, des éléments de fortune versés rétroactivement (par exemple un paiement rétroactif de rentes), le Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de juger qu'il fallait considérer une situation de ce genre, non pas tant en relation avec la bonne foi de l'assuré, mais bien plutôt en relation avec la situation économique de celui-ci, et en tenir compte lors de l'examen de la condition de la situation difficile. Il a ainsi jugé qu'au cas où le capital obtenu grâce au paiement de la rente arriérée était encore disponible au moment où la restitution devrait avoir lieu, la situation difficile devait être niée (ATF 122 V 221, 134). Dans l'arrêt précité C 93/05, le Tribunal fédéral a récemment confirmé cette jurisprudence et apporté les précisions suivantes. Le moment déterminant pour juger si un assuré remplit la condition de la situation difficile est celui de l'entrée en force de la décision de restitution (art. 4 al. 2 OPGA). En cas de diminution de patrimoine avant l'entrée en force de la décision de restitution, il faut en examiner les raisons. S'il s'avère que l'assuré s'est dessaisi de tout ou partie du capital sans contre-prestations correspondantes, le patrimoine dont il s'est dessaisi doit être traité comme s'il en avait encore la maîtrise effective, en appliquant par analogie les règles sur le dessaisissement de fortune établies par les art. 3c al. 1 let. g LPG et 17a OPC-AVS/AI. L'assuré est également tenu à restitution s'il ne remplit pas les conditions de la situation difficile telle que définie à l'art. 5 OPGA, étant entendu qu'il n'y a pas lieu, dans ce cas, de tenir compte du capital versé dans le calcul de la fortune fictive (arrêt du Tribunal fédéral P 64/06).

8.        Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la part d'héritage d'un bénéficiaire des prestations complémentaires doit être prise en compte dès l'ouverture de la succession qu'il acquiert de plein droit (art. 560 al. 1 du Code civil suisse [CC; RS 210]), soit au décès du de cujus (art. 537 al. 1 CC) et non seulement à partir du moment où le partage est réalisé (RCC 1992 p. 347 consid. 2c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral P 22/06 du 23 janvier 2007 consid. 5 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral P 61/04 du 23 mars 2006 consid. 4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral P 54/02 du 17 septembre 2003, consid. 3.3 ; ATAS/130/2017).

Il y a néanmoins lieu de rappeler que, jusqu’à la date du partage, l’héritier ne dispose que d’une expectative successorale et que la valeur de la succession n'est en principe ni déterminée, ni déterminable au moment du décès. Force est donc de constater que la prise en compte de la fortune à la date du décès du de cujus plutôt qu’à celle du partage effectif de la succession ne repose pas sur un accroissement réel des ressources à cette date, mais sur la fiction que l'héritier a - dès cette date - la maîtrise de la part de succession qui lui sera finalement dévolue, en vertu du principe de la saisine ancré à l'art. 560 CC. En d’autres termes, la jurisprudence permet de tenir compte de la part d’héritage dès la mort du de cujus dans le nouveau calcul des prestations complémentaires malgré son caractère encore fictif à cette date.

Il sied d’ajouter que selon le Tribunal fédéral, le nouveau calcul des prestations complémentaires ne peut en revanche être entrepris à la date d’ouverture de la succession, si le montant de la fortune héritée ne peut encore être déterminé à ce moment-là (arrêt non publié P 54/02 du 17 septembre 2003, consid. 3.3 ; ATAS/767/2015).

9.        Il y a enfin lieu de rappeler que, dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

10.    En l’espèce, il n’est pas contesté que l’intéressée a hérité d’un montant de 72'530.75 euros le 14 juin 2013 d’une demi-sœur décédée en janvier 1992. Elle n’en a cependant informé le SPC que le 30 septembre 2014. Force est en conséquence d’admettre qu’elle a violé son obligation d’annoncer.

L’intéressée demande à pouvoir bénéficier d'une remise de son obligation de restituer, invoquant sa bonne foi, et sa situation financière difficile.

11.    Il y a ainsi lieu de qualifier la gravité de sa faute. En effet, selon la jurisprudence, la bonne foi d'un assuré peut être reconnue lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner.

12.    L’intéressée considère qu’on ne peut lui reprocher de n’avoir pas été de bonne foi pour les sommes perçues en trop entre décembre 2009 et mai 2013, puisqu’elle n’est entrée en possession de la somme de 72'530.75 euros le 14 juin 2013. Elle ne pouvait ainsi annoncer cet héritage au SPC avant cette date.

On ne saurait certes soutenir que l’intéressée n’était pas de bonne foi en ne disant rien au SPC au moment de l’ouverture de la succession, puisqu’elle ignorait tout de l’héritage et ne connaissait même pas l’existence de cette demi-sœur. Elle ne l’a su qu’en 2012, lorsque l’agence française de généalogie a pris contact avec elle.

Il n’en reste pas moins cependant que la condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée. Ainsi, dès le moment où l’intéressée a reçu l’héritage, il lui appartenait d’en informer le SPC, ce qu’elle n’a pas fait.

L’intéressée admet à cet égard avoir fait preuve de négligence en tardant à annoncer le versement de la succession, mais explique qu’elle et son fils étaient malades et qu’elle s’était beaucoup occupée de ce dernier lorsqu’il était sorti de l’hôpital. Il y a toutefois lieu de relever que lorsqu’elle a hérité du montant de 72'530.75 euros, elle pouvait aisément se rendre compte que ce revenu était de nature à influencer son droit aux prestations. Elle n’allègue pas que son état de santé l’aurait empêchée de le réaliser. Elle ne produit aucun document médical attestant que tel avait été le cas. Il lui incombait de signaler immédiatement ce changement de situation à la caisse au lieu d'attendre plusieurs mois avant d'en faire état (cf. art. 24 OPC-AVS-AI).

Force est de constater que son comportement relève d'une négligence grave, ce qui exclut sa bonne foi et, partant, également la remise de l'obligation de restituer le montant en cause, vu le caractère cumulatif des deux conditions de l'art. 25 al. 1er 2ème phrase LPGA.

13.    Il suit de ce qui précède que l’intéressée ne peut exciper, dans le cas d’espèce, de sa bonne foi au sens de l’art. 25 al. 1 LPGA. Partant, il est superfétatoire d’examiner si la condition de la charge trop lourde est réalisée. Le recours sera donc rejeté.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le