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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/399/2019

ATAS/812/2020 du 28.09.2020 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/399/2019 ATAS/812/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 septembre 2020

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______ à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Yves BOSSHARD

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante), née le ______ 1947, bénéficiaire d'une rente de l'assurance-invalidité, puis d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, a perçu, dès le mois de novembre 2003, des prestations complémentaires versées par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé).

Dans le formulaire de demande de prestations complémentaires qu'elle avait rempli le 9 octobre 2003, la bénéficiaire avait indiqué que ses seules ressources étaient constituées de sa rente AVS / AI (CHF 2'110.- par mois). S'agissant de ses dépenses, elle indiquait que les charges de l'appartement qu'elle occupait avec son père s'élevaient mensuellement à CHF 2'550.-, dont CHF 800.- étaient payés par elle-même. L'appartement en question appartenait à sa fille. À l'appui de sa demande, elle avait notamment joint :

-          une première attestation établie par l'agence immobilière STEULET le 18 août 2003, dans laquelle on pouvait lire : « nous [...] attestons que [la bénéficiaire] acquitte ponctuellement depuis octobre 2002 la somme de CHF 800.- pour le loyer de l'appartement qu'elle occupe au B______ à Genève » ;

-          une seconde attestation rédigée par la même agence le 14 octobre 2003 : « nous [...] attestons que [la bénéficiaire] devra s'acquitter pour l'année 2004 d'un montant mensuel de CHF 2'550.- pour couvrir le loyer et les charges de l'appartement qu'elle occupe [...] ».

2.        Le 29 février 2012, la bénéficiaire a informé le SPC que son père, avec lequel elle partageait son logement, était décédé et qu'en l'absence de sa participation au ménage, elle se trouvait en difficulté financière.

3.        Par décision du 14 novembre 2012, le SPC avait recalculé le droit de la bénéficiaire aux prestations complémentaires, qu'il avait fixées à CHF 910.- dès le 1er janvier 2012, puis à CHF 1'210.- dès le 1er novembre 2012. Dans ses plans de calculs, le SPC avait notamment tenu compte d'un loyer de CHF 13'200.- dès novembre 2012.

4.        Le 24 mai 2018, dans le cadre d'une révision périodique du dossier, le SPC a invité la bénéficiaire à lui transmettre divers documents (bordereau de loyer et bulletin de versement mentionnant séparément le montant du loyer et les charges 2018 ; relevé bancaire au 31 décembre 2017, etc.).

5.        Après s'être vue adresser un premier rappel, la bénéficiaire a complété un formulaire de révision périodique le 28 juin 2018 : elle ne payait pas de loyer, mais les charges de son appartement s'élevaient annuellement à CHF 17'809.70 (« CHF 801.60 x 12 [Bordier] + CHF 1'740.- x 4 + ICC 2018 »). Elle a notamment joint :

-          un extrait de l'acte d'achat par sa fille, en 1995, de l'appartement sis B______, à teneur duquel un droit d'habitation intransmissible était constitué en faveur de la bénéficiaire et son ex-mari ; ces derniers s'engageaient à régler toutes les charges afférentes au logement ;

-          une facture de CHF 801.40 relative à la copropriété sise B______, datée du 12 avril 2018 et émanant de l'agence immobilière Alain Bordier & Cie SA ;

-          une facture de SwissLife de CHF 1'740.-, concernant les intérêts hypothécaires pour la période courant de septembre à décembre 2017 ;

-          un bordereau d'impôts cantonaux et communaux 2018 de CHF 699.30, adressé à « Mme C______c/o Mme A______ » ;

-          un formulaire de PostFinance rempli par la bénéficiaire le 23 juillet 2018, par lequel l'intéressée a requis le versement, en faveur de SwissLife, d'un ordre permanent de CHF 580.- par mois dès octobre 2018.

6.        Le 24 juillet 2018, le SPC a adressé à la bénéficiaire un second rappel, l'invitant une nouvelle fois à transmettre « le bordereau de loyer et le bulletin de versement mentionnant séparément le montant du loyer et les charges 2018 ».

7.        Par l'intermédiaire de sa fiduciaire, la bénéficiaire a répondu au SPC qu'elle ne versait pas de loyer, mais qu'elle assumait le paiement de la dette hypothécaire et de tous les frais liés à l'appartement.

8.        Par décision du 16 août 2018, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires dès le 1er septembre 2018, en ajoutant aux revenus déterminants la valeur locative de l'appartement occupé par la bénéficiaire (CHF 30'600.-) et en tenant compte, dans les dépenses reconnues, des frais d'entretien (CHF 6'120.-) ainsi que des intérêts hypothécaires (CHF 6'960.-).

9.        Toujours par l'entremise de sa fiduciaire, la recourante s'est opposée à cette décision le 12 septembre 2018, arguant qu'elle n'avait aucune autre ressource que sa rente de vieillesse et que le logement dans lequel elle vivait appartenait à sa fille. Elle a notamment joint un extrait de l'avis de taxation immobilier destiné à sa fille pour l'année 2014, dont il ressort que l'administration fiscale a tenu compte, entre autres, d'un « revenu brut immobilier » de CHF 24'000.-.

10.    Par décision subséquente du 18 septembre 2018, le SPC a recalculé derechef les prestations complémentaires dès le 1er septembre 2018, qu'il a fixées à CHF 190.- par mois, en réduisant les montants retenus à titre de valeur locative (CHF 24'000.- au lieu de CHF 30'600.-) et de frais d'entretien (CHF 4'800.- au lieu de CHF 6'120. -).

11.    Par pli du 20 septembre 2018, complété le 7 novembre 2018, la bénéficiaire s'y est opposée, arguant que sa fille - propriétaire de l'appartement - lui avait demandé d'acquitter les charges qui y étaient liées ; ces charges avaient toujours été considérées comme correspondant à un loyer. Elle n'était pas propriétaire et le SPC, dans sa décision, n'expliquait pas pourquoi il tenait désormais compte d'une valeur locative, contrairement à la situation qui prévalait jusqu'alors.

12.    Par décision sur opposition du 18 décembre 2018, le SPC a rejeté l'opposition. La décision rendue le 18 septembre 2018, remplaçant celle du 16 août 2018 et faisant suite au contrôle périodique du dossier, déterminait le droit aux prestations complémentaires dès le 1er septembre 2018, conformément aux prescriptions légales. C'était à bon droit qu'il avait été tenu compte, dans le revenu déterminant, de la valeur locative de l'immeuble : le produit de la fortune comprenait, entre autres, le droit d'habitation ainsi que la valeur locative du logement de l'assuré occupant son propre immeuble. Le contrôle du dossier avait démontré que les décisions antérieures étaient erronées, puisqu'elles ne tenaient pas compte du droit d'habitation dont la bénéficiaire était titulaire. Pour rétablir l'ordre légal, le calcul des prestations complémentaires avait été rectifié dès le 1er septembre 2018. Dans le cadre de la procédure d'opposition, il avait été mis en évidence que les intérêts hypothécaires avaient été retenus à tort dans les dépenses reconnues, puisque le titulaire d'un droit d'habitation devait supporter les réparations ordinaires, à l'exclusion notamment des intérêts hypothécaires. Le service rendrait donc prochainement une nouvelle décision, supprimant dès le 1er janvier 2019 les intérêts hypothécaires des dépenses reconnues.

13.    Par acte du 31 janvier 2019, la bénéficiaire a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'un recours contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et au versement, dès le mois de septembre 2018, d'une prestation complémentaire mensuelle de CHF 852.- (NDR : montant correspondant à la prestation versée jusqu'alors), sous réserve d'amplification.

C'était sa fille qui était propriétaire de l'appartement, acquis en 1995 pour un prix de CHF 450'000.- (recte : CHF 650'000.-). Pour sa part, elle n'était titulaire que d'un droit d'habitation et sa fille lui demandait de s'acquitter des charges liées à l'appartement. Ces charges avaient toujours été considérées comme correspondant à un loyer. Elle reprochait au SPC de n'avoir pas expliqué en quoi une erreur aurait jadis été commise dans le décompte des prestations ; ce défaut de motivation constituait une violation de son droit à être entendue. Il incombait d'autant plus au SPC de motiver sa position qu'il avait drastiquement changé sa position, d'un mois à l'autre. C'était partant à tort que le SPC avait réduit ses prestations dès le mois de septembre 2018.

14.    Dans sa réponse du 1er mars 2019, l'intimé a conclu au rejet du recours.

Dans le cadre d'un contrôle périodique initié le 24 mai 2018, le SPC avait réclamé le « bordereau de loyer et le BVR, mentionnant séparément le montant du loyer et des charges 2018 ». La charge de loyer, jusqu'alors fixée à CHF 2'550.-, avait été mise à jour la dernière fois en novembre 2012, sur la base d'une attestation de l'agence immobilière STEULET. En réponse à la demande de pièce, la recourante avait transmis un extrait de l'acte d'achat de l'appartement, dont il ressortait un droit d'habitation en faveur d'elle-même et de son ex-conjoint. C'était donc le contrôle du dossier qui avait démontré le caractère erroné des décisions antérieures, lesquelles ne tenaient pas compte du droit d'habitation dont la bénéficiaire était titulaire.

Selon la loi, la valeur locative d'un immeuble devait être prise en compte dans les revenus déterminants. La valeur locative devait être déterminée selon la législation sur l'impôt cantonal direct. En tenant compte dans le revenu déterminant de la valeur locative de l'immeuble, à titre de produit de la fortune, la décision de prestations complémentaires - confirmée sur opposition - déterminait le droit aux prestations complémentaires conformément aux prescriptions légales, de sorte que le recours devait être rejeté.

15.    La recourante a répliqué le 25 avril 2019. Elle a conclu à ce que la valeur locative de l'appartement ne soit pas ajoutée au revenu déterminant et à ce que ses prestations complémentaires soient fixées à CHF 1'210.- au moins (NDR : montant correspondant aux prestations complémentaires qui lui étaient versées jusqu'en août 2018). Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au SPC afin qu'il procède à un nouveau calcul et rende une nouvelle décision.

Dès 2012, il avait été tenu compte dans le calcul des prestations complémentaires, à titre de loyer, du montant de CHF 2'550.- par mois annoncé par l'agence immobilière STEULET en 2003, bien que ce montant était en réalité plafonné dans le calcul à CHF 1'100.- par mois. Actuellement, alors que sa rente de vieillesse constituait sa seule source de revenus, elle s'acquittait de charges et de frais d'entretien qui excédaient largement le montant du loyer (CHF 1'100.-) admis par les directives. En effet, elle s'acquittait pour l'appartement des intérêts hypothécaires auprès de Swisslife (CHF 580.-), des charges de copropriété (CHF 830.-), des impôts liés à l'appartement (CHF 71.50) et des assurances (CHF 48.-) ; s'y ajoutaient encore divers frais d'entretien.

Dans la décision attaquée, l'intimé avait modifié sa manière de voir, puisqu'il avait tenu compte d'un droit d'habitation sur la base d'un acte notarié de 1995, sans tenir compte des particularités de cet acte. Un droit d'habitation se distinguait en principe par sa gratuité, à savoir que son bénéficiaire ne devait prendre en charge que les réparations d'entretien (à l'exclusion des intérêts hypothécaires, des impôts et des assurances), ce qui avait conduit le Tribunal fédéral des assurances à comptabiliser comme revenu la valeur locative de l'immeuble habité par son bénéficiaire. Toutefois, cette pratique avait été adoptée dans un cas où le requérant de prestations complémentaires bénéficiait d'un logement gratuit, contrairement à sa situation, puisqu'elle devait s'acquitter à ce titre d'un montant conséquent, supérieur au loyer maximal pris en compte par les prestations complémentaires. La décision attaquée conduisait à une inégalité de traitement flagrante entre le simple locataire et le bénéficiaire d'un droit d'habitation, qui, comme elle, doit s'acquitter de toutes les charges liées au logement. À l'appui de sa réplique, la recourante a notamment joint :

-          une facture de CHF 120.- émanant d'un serrurier et datée du 17 mai 2008 ;

-          une facture de CHF 1'080.- émanant d'un installateur sanitaire, datée du 8 juillet 2013;

-          une « confirmation d'ordre permanent », datée du 14 août 2018, par laquelle la Poste confirmait à la recourante qu'elle avait bien reçu son ordre mensuel en faveur de Swiss Life AG, pour un montant de CHF 580.- ;

-          une facture de CHF 830.- de l'agence immobilière Alain Bordier & Cie SA, adressée à « C______ c/o Mme A______ » ;

-          l'extrait, daté du 8 mai 2018, d'un bordereau d'impôts cantonaux et communaux adressé à « Mme C______c/o Mme A______ » ;

-          une facture de Generali (CHF 533.60) datée du 22 mai 2017 et adressée à la recourante, en lien avec une police d'assurance ménage ;

-          un décompte manuscrit, dans lequel la recourante affirmait acquitter diverses charges totalisant environ CHF 1'700.- par mois (serrurier ; baignoire, machine à laver, électricité, loyer).

16.    L'intimé a dupliqué le 24 mai 2019, persistant dans ses conclusions tendant au rejet du recours et précisant que les frais accessoires et les frais d'entretien avaient déjà été pris en compte dans les dépenses reconnues, conformément à la loi.

17.    La CJCAS a convoqué la recourante en vue d'une audience le 9 décembre 2019.

Par l'intermédiaire de son avocat, la recourante s'est excusée, en produisant un certificat établi le 2 décembre 2019 par son médecin généraliste, le docteur D______, dans lequel on pouvait lire « le médecin soussigné certifie que l'état de santé de la patiente susnommée nécessite un arrêt à 100% pour une raison indéterminée ».

À l'issue de l'audience, la CJCAS a invité le mandataire de la recourante à produire les documents relatifs au financement du bienfonds et à l'identité des acquéreurs, ainsi que tout renseignement au sujet des études suivies par Madame C______, de son statut professionnel et de son revenu à l'époque de l'acquisition de l'appartement.

18.    Le 24 janvier 2020, le mandataire de la recourante a relevé que selon l'acte notarié établi en novembre 1995 par Me E______, le bien-fonds avait été acquis par la fille de la recourante, Mme C______. Le prix de CHF 650'000.- avait été payé par la reprise d'une dette de la Suisse, Société d'Assurance sur la Vie à Lausanne, à concurrence de CHF 450'000.-, garantie par une cédule hypothécaire au porteur grevant en premier rang ce bien-fonds. Le solde avait été acquitté par le versement, par la fille de la recourante à la venderesse, d'une somme de CHF 120'000.- antérieurement à la conclusion de l'acte « hors de la vue du notaire » et d'un montant complémentaire qui avait été acquitté à l'entrée en jouissance. La notaire ne disposait pas d'autres pièces, s'agissant d'un acte remontant à près de 25 ans. Les montants versés par la fille de la recourante à la venderesse avaient pu être mobilisés grâce à un don qu'elle avait reçu de l'ex-mari de la recourante, Monsieur F______. La recourante soulignait qu'elle avait divorcé en 2004, que ses difficultés conjugales antérieures avaient donné lieu à de multiples procédures et qu'elle n'avait pas été au courant des affaires financières de son ex-mari.

19.    Par écriture du 12 février 2020, l'intimé a fait valoir qu'en tant que titulaire d'un droit d'habitation, la recourante n'avait pas à s'acquitter d'un loyer. Par ailleurs, il ressortait des explications du mandataire que la constitution d'un droit d'habitation en faveur de la recourante avait été justifiée par l'aide financière fournie à sa fille (donation de CHF 200'000.-) par son ex-mari. L'intimé persistait dans ses conclusions.

20.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 18 décembre au 2 janvier inclusivement, le recours est recevable (art. 38 al. 4 let. c, 56 et 60 LPGA ; art. 89B et 89C let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.        Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les personnes qui, en raison de revenus excédentaires, n'ont pas droit à une prestation complémentaire annuelle, ont droit au remboursement des frais de maladie et d'invalidité qui dépassent la part des revenus excédentaires (art. 14 al. 6 LPC).

5.        Sur le plan cantonal, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l'art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

Aux termes de l'art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, notamment : les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et en dérogation à l'art. 11 al. 1 let. c de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition (let. c).

Quant aux dépenses reconnues, elles sont énumérées par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC (art. 6 LPCC).

6.        Pour le calcul de la prestation complémentaire fédérale annuelle, sont pris en compte en règle générale les revenus déterminants obtenus au cours de l'année civile précédente et l'état de la fortune le 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est servie (art. 23 al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI - RS 831.301]).

En cas de changements dans la fortune ou les revenus déterminants, la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue. Sont déterminants les dépenses nouvelles et les revenus nouveaux et durables, convertis sur une année, ainsi que la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient (art. 25 al. 1 let. c OPC-AVS/AI). La nouvelle décision doit porter effet dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu (art. 25 al. 2 let. b OPC-AVS/AI). Suite à une diminution de la fortune, un nouveau calcul de la prestation complémentaire annuelle ne peut être effectué qu'une fois par an (art. 25 al. 3 OPC-AVS/AI).

7.        a. Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond, en vertu de l'art. 9 al. 1 LPC, à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

Selon l'art. 11 al. 1 let. b LPC, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière.

À teneur des directives de l'office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC), le revenu de la fortune immobilière comprend les loyers et fermages, l'usufruit, le droit d'habitation (RCC 1967, p. 212-213), ainsi que la valeur locative (RCC 1968, p. 221) du logement de l'assuré dans son propre immeuble, pour autant que cette valeur ne soit pas déjà comprise dans son revenu d'une activité lucrative.

L'art. 12 al. 1 OPC-AVS/AI prescrit que la valeur locative du logement occupé par le propriétaire ou l'usufruitier ainsi que le revenu provenant de la sous-location sont estimés selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile. Malgré le silence de l'art. 12 OPC-AVS/AI, celui-ci s'applique également au titulaire d'un droit d'habitation (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, p. 140 note 422 ; Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI, in RSAS 2002 p. 427 ; consid. 4b/cc et 6 non publiés de l'ATF 119 V 436).

b. Le logement occupé par le propriétaire, l'usufruitier ou le titulaire d'un droit d'habitation représente pour son titulaire une valeur économique qui doit être prise en compte en tant que produit de la fortune immobilière (Michel VALTERIO, op. cit., p. 140). 

Selon les DPC, pour les immeubles habités par le propriétaire, l'usufruitier ou le bénéficiaire d'un droit d'habitation, la valeur locative de l'immeuble doit être prise en compte dans les revenus. Il en va de même lorsque l'immeuble a précédemment appartenu à l'usufruitier ou au bénéficiaire du droit d'habitation et qu'un revenu hypothétique de la fortune dessaisie a été pris en compte à cet effet (dans cette hypothèse, la valeur locative vient s'ajouter au revenu hypothétique). La valeur locative doit être déterminée d'après les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct. Si le droit cantonal prévoit une éventuelle déduction pour cause d'usage propre, il importe de l'ignorer. À défaut de règles sur l'impôt cantonal direct, celles prévues par la législation sur l'impôt fédéral direct sont déterminantes (ch. 3433.02 des DPC).

c. À la différence du droit d'usufruit, le droit d'habitation ne peut pas être cédé dans son exercice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 4.1.1). Ainsi, le bénéficiaire du droit d'habitation ne saurait louer ou prêter l'appartement à un tiers (Amédéo WERMELINGER, Commentaire romand du Code civil II, 2016, n. 31 ad art. 776 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]). Lorsqu'une personne renonce totalement à l'exercice d'un droit d'habitation - notamment si celui-ci est radié du registre foncier ou n'y est même pas inscrit -, sa valeur annuelle est prise en compte en tant que revenu de la fortune immobilière. Sont exceptés les cas dans lesquels le droit d'habitation ne peut plus être exercé pour des raisons de santé. La valeur annuelle correspond à la valeur locative, après déduction des coûts que le bénéficiaire a assumés, ou aurait été appelé à assumer, avec le droit d'habitation (notamment les frais d'entretien de l'immeuble ; ch. 3482.13 des DPC).

8.        L'art. 10 al. 1 let. a LPC prévoit, pour les personnes vivant à domicile, que les dépenses reconnues comprennent les montants destinés à la couverture des besoins vitaux, soit par année CHF 19'290.- pour les personnes seules (ch. 1). Selon la let. b de cette disposition, les dépenses reconnues comprennent en outre le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs ; le montant annuel maximal reconnu est de CHF 13'200.- pour les personnes seules (ch. 1).

Selon l'art. 10 al. 3 let. b LPC, sont en outre reconnus comme dépenses les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires, jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble.

La dépense de loyer ne concerne pas seulement le locataire d'un appartement, mais aussi le propriétaire vivant dans son propre appartement, l'usufruitier ainsi que le bénéficiaire d'un droit d'habitation. Seul le forfait pour frais accessoires entre en ligne de compte à l'égard des propriétaires d'un immeuble leur servant d'habitation ou des bénéficiaires d'un usufruit ou d'un droit d'habitation. Le montant du forfait s'élève, pour les personnes seules comme pour les couples, à CHF 1'680.- par année. Ajoutés à la valeur locative de l'immeuble, les frais peuvent être pris en compte comme dépenses au maximum jusqu'à concurrence de CHF 13'200.- pour une personne seule (ch. 3236 des DPC).

Selon l'art. 9 al. 5 let. e LPC, le Conseil fédéral édicte des dispositions sur le forfait pour frais accessoires d'une personne résidant dans un immeuble à titre de propriétaire ou d'usufruitier.

En vertu de l'art. 16 al. 1 OPC-AVS/AI, pour les frais d'entretien des immeubles, seule la déduction forfaitaire applicable pour l'impôt cantonal direct du canton de domicile est prise en compte. Il n'est donc pas possible de choisir entre la déduction forfaitaire et les frais effectifs comme en droit fiscal. En outre, d'autres frais éventuels, par exemple les amortissements de la dette hypothécaire, ne sont pas pris en compte (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, p. 108-109 n° 54 ; ch. 3260.02 et 3260.03 des DPC). Pour le canton de Genève, l'art. 20 al. 2 du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.01) dispose que cette déduction forfaitaire, calculée sur la valeur locative selon l'art. 24 al. 2 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), s'élève à 10 % si l'âge du bâtiment au début de la période fiscale est inférieur ou égal à 10 ans, et à 20 %, si l'âge du bâtiment au début de la période fiscale est supérieur à 10 ans. Cette déduction s'applique même si la personne n'habite pas le bien immobilier dont elle est propriétaire (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16a et les références citées). Il n'est dès lors pas possible de se fonder sur les frais effectifs d'entretien des immeubles. La déduction forfaitaire des frais d'entretien s'applique même si l'immeuble n'est pas situé dans le canton (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16b).

9.        Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Ce droit fondamental à des conditions minimales d'existence ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base (ATF 135 I 119 consid. 5.3 p. 123). Dans le canton de Genève, ce principe a trouvé une concrétisation dans la loi cantonale sur l'insertion et l'aide sociale individuelle, du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01). La loi a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1er al. 1). Ces prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI). L'Hospice général est l'organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI). Le SPC gère et verse, pour le compte de l'Hospice général, les prestations d'aide sociale notamment pour les personnes au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité au sens de la LAI (art. 3 al. 2 let. b LIASI).

Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). Selon l'art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État. L'art. 23 al. 1 LIASI prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), sous réserve des exceptions prévues à l'art. 23 al. 3 et 4 LIASI. En vertu de l'art. 23 al. 3 LIASI, ne sont pas considérés comme fortune : a) les biens grevés d'un usufruit ; ni pour l'usufruitier, ni pour le nu-propriétaire; b) l'allocation destinée à la création d'une activité indépendante au sens de l'art. 42C al. 8, ainsi que les autres aides obtenues pour la création d'une telle activité (al. 3). L'art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a)

10.    En l'espèce, dans sa décision sur opposition datée du 18 décembre 2018, confirmant une décision antérieure rendue en septembre 2018, l'intimé a recalculé le droit de la recourante aux prestations complémentaires dès le 1er septembre 2018 (c'est-à-dire avec effet ex nunc), pour tenir compte du droit d'habitation dont l'intéressée est titulaire sur l'appartement qu'elle occupe à Genève, et dont sa fille est la nue-propriétaire. L'intimé a procédé à ce nouveau calcul après avoir reçu de la bénéficiaire, en juin 2018 et dans le cadre d'une révision périodique, un extrait de l'acte notarié de 1995 relatif à l'achat de l'appartement par sa fille ; cet acte stipulait qu'un droit d'habitation intransmissible était constitué en faveur de la recourante et de son ex-mari, à qui il incombait de régler toutes les charges afférentes au logement.

Selon ses nouveaux plans de calculs, l'intimé a notamment ajouté aux revenus déterminants une valeur locative de CHF 24'000.-, et aux dépenses reconnues, les frais d'entretien (CHF 4'800.-) ainsi que les intérêts hypothécaires (CHF 6'960.-). Il a par ailleurs continué à tenir compte dans les dépenses reconnues du forfait de CHF 13'200.- pour le « loyer » et les frais accessoires de l'immeuble.

La recourante conteste l'ajout d'une valeur locative dans les revenus déterminants et reproche au SPC d'avoir insuffisamment motivé les raisons pour lesquelles il estime avoir commis une erreur dans le calcul des prestations. La recourante expose qu'un droit d'habitation se distingue en principe par sa gratuité, ce qui a conduit le Tribunal fédéral des assurances à comptabiliser comme revenu la valeur locative de l'immeuble habité par le bénéficiaire de cette servitude. La recourante souligne toutefois que cette jurisprudence a été édictée dans un cas où l'administré bénéficiait d'un logement gratuit, ce qui se distingue de sa situation, puisqu'elle doit s'acquitter de charges mensuelles importantes.

11.    a. Dans un premier grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa), la recourante se prévaut d'un défaut de motivation et d'une violation de son droit d'être entendue, compte tenu du fait que l'intimé n'aurait pas expliqué « pourquoi [il] aurait commis une erreur par le passé dans le décompte des prestations ».

b. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le devoir pour l'autorité de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 136 I 184 consid. 2.2.1). En outre, selon la jurisprudence, une violation du droit d'être entendu est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours pouvant contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée, à condition toutefois que l'atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée ne soit pas particulièrement grave, de sorte qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_47/2013 du 28 octobre 2013).

c. En l'occurrence, il est vrai que la décision initiale du 18 septembre 2018 était sommairement motivée. Cependant, l'intimé a complété sa motivation dans la décision sur opposition, en expliquant qu'un contrôle du dossier avait permis de constater que ses décisions antérieures étaient erronées, puisqu'elles ne tenaient pas compte du droit d'habitation - attesté par acte notarié - dont la recourante est titulaire sur l'appartement dans lequel elle habite. L'intimé s'est notamment référé au ch. 3433.02 des DPC, lequel prescrit que pour les immeubles habités par le propriétaire, l'usufruitier ou le bénéficiaire d'un droit d'habitation, la valeur locative de l'immeuble doit être prise en compte dans les revenus. Par la suite, dans sa réponse au recours, l'intimé a encore précisé avoir découvert l'existence du droit d'habitation en recevant, en 2018, une copie de l'acte d'achat de l'appartement par la fille de la recourante ; jusqu'alors, il avait tenu compte d'un loyer sur la base d'une attestation émanant d'une agence immobilière (NDR : ce document mentionnait un « [...] montant mensuel de CHF 2'550.- pour couvrir le loyer et les charges de l'appartement [...] », sans faire état d'un quelconque droit d'habitation).

Conformément aux principes jurisprudentiels qui viennent d'être rappelés, il convient d'admettre que la décision du SPC était suffisamment motivée, au regard des exigences jurisprudentielles, l'intimé ayant justifié pourquoi - eu égard au droit d'habitation de la recourante - il tenait désormais compte d'une valeur locative dans le calcul des prestations complémentaires. De son côté, la recourante a saisi la portée de la décision et a exposé les raisons pour lesquelles il se justifiait à son sens de faire abstraction de son droit d'habitation dans le calcul des prestations complémentaires. Dans ces conditions, même à supposer que le droit d'être entendu de la recourante ait été violé - ce qui ne paraît pas établi -, cette violation aurait quoi qu'il en soit été réparée devant la juridiction de céans. Le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu doit être écarté.

12.    a. S'agissant du fond du litige, contrairement à ce que soutient la recourante, la prise en compte par l'administration d'une valeur locative dans les revenus déterminants ne prête pas le flanc à la critique. En effet, comme cela ressort des considérants qui précèdent, la valeur locative de l'immeuble habité par le propriétaire, l'usufruitier ou le bénéficiaire d'un droit d'habitation doit être prise en compte dans les revenus (RCC 1967 p. 212 ; ch. 3433.02 des DPC ; Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI, in RSAS 2002 p. 427). À ce propos, la jurisprudence rendue en matière d'usufruit - à laquelle on peut se référer ici mutatis mutandis, dès lors que le droit d'habitation présente d'importantes similitudes avec l'usufruit (ATF 96 V 138), dont les règles s'appliquent par analogie (art. 776 al. 3 CC) - justifie cette façon de faire par le fait qu'un droit d'usufruit (ici un droit d'habitation) en faveur de la personne qui demande des prestations complémentaires représente pour sa titulaire une valeur économique, dans la mesure où elle obtient ainsi une prestation dont elle ne pourrait, à défaut, bénéficier sans engager d'autres moyens financiers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 3 et les références ; sur la manière de calculer la valeur d'un droit d'habitation, voir Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, Tome III, 2012, p. 104 n° 2499a et les références citées).

En outre, on remarquera incidemment que la recourante peut exercer son droit d'habitation et qu'elle ne se trouve donc pas dans la situation, visée par l'ATF 99 V 110 (traduit en français in RCC 1974 p. 195 s.), où le Tribunal fédéral des assurances avait jugé que la contre-valeur d'un droit d'habitation ne pouvait être considérée comme revenu déterminant d'un ayant droit qui ne pouvait plus l'exercer, pour des raisons de santé (le droit d'habitation étant incessible, conformément à l'art. 776 al. 2 CC).

b. Ensuite, le fait que la recourante supporte des frais liés à l'appartement ne permet pas, contrairement à ce qu'elle souhaiterait, de surseoir à la prise en compte d'une valeur locative. S'il est vrai que la situation dans laquelle se trouve l'intéressée est particulière, dans la mesure où elle s'acquitte apparemment de charges supérieures à celles qui incombent, selon la loi, au titulaire d'un droit d'habitation (le titulaire d'un tel droit ne supporte en principe que les frais ordinaires d'entretien, conformément à l'art. 778 CC), il n'en demeure pas moins que sa situation se rapproche sensiblement de celle d'un usufruitier. En effet, l'usufruitier peut - tout comme l'intéressée - habiter dans un immeuble sans devoir s'acquitter d'un loyer, mais tout en devant supporter les frais ordinaires d'entretien, ainsi que les intérêts de la dette hypothécaire, les impôts et les assurances, conformément aux art. 765ss CC (cf. également STEINAUER, op.cit., pp. 70-72) ; or, l'usufruitier voit également la valeur de son usufruit être ajoutée à ses revenus déterminants et l'on ne voit pas pourquoi il en irait différemment dans le cas de la recourante (ch. 3433.02 des DPC ; art. 12 al. 1 OPC-AVS/AI ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_822/2009 du 7 mai 2010 consid. 3.5). En tout état de cause, il importe peu de savoir si le cas de la recourante se rapproche plus de celui de l'usufruitier ou du titulaire d'un droit d'habitation, puisque dans les deux cas, il y a lieu de tenir compte d'une valeur locative dans le calcul des prestations complémentaires (cf. supra consid. 7a-b et 12a). Corollairement, l'intimé était fondé à tenir compte, dans le calcul des revenus déterminants, de la valeur locative de l'appartement occupé par la recourante. Quant aux frais d'entretien et aux intérêts hypothécaires dont la recourante entend tirer argument, ils sont bel et bien pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires à titre de dépenses (art. 10 al. 3 let. b LPC et 16 al. 1 OPC-AVS/AI), mais seulement dans certaines limites, comme on va le voir.

c. Quoi qu'en dise la recourante, on ne voit pas que le principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.), voire le droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse (art. 12 Cst.) auraient été violés, du fait que l'intimé a déterminé le droit aux prestations complémentaires conformément aux règles applicables au titulaire d'un droit d'habitation ou d'un usufruit, plutôt qu'au locataire.

Selon la jurisprudence, une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 137 I 58 consid. 4.4 ; 136 I 297 consid. 6.1 ; ATF 134 I 23 consid. 9.1 et la jurisprudence citée).

En l'occurrence, dans la mesure où la recourante n'est précisément pas locataire de l'appartement appartenant à sa fille, mais titulaire d'un droit d'habitation attesté par acte notarié - lequel fait foi des faits qu'il constate et dont l'inexactitude n'est pas prouvée (art. 9 CC) -, elle ne saurait prétendre à un traitement identique à celui d'un locataire. De surcroît, on relèvera que les éléments essentiels à la conclusion d'un contrat de bail font défaut, puisqu'il ne ressort pas du dossier que la recourante verserait un loyer à sa fille, ni que l'usage de l'appartement lui aurait été cédé pour une durée limitée (Pierre TERCIER et al., Les contrats spéciaux, 5ème éd., 2016, pp. 223 s. n°1634-1638).

Pour le reste, la recourante ne consacre aucun développement motivé à la violation de l'art. 12 Cst. qu'elle invoque. À supposer toutefois qu'en raison de la décision litigieuse, elle ne reçoive plus des prestations suffisantes pour couvrir ses besoins vitaux, il lui serait loisible de solliciter des prestations d'aide sociale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.6). Au regard de ce qui précède, le grief tiré d'une violation des art. 8 al. 1 et 12 Cst. ne peut qu'être écarté.

d. L'intimé a chiffré la valeur locative de l'appartement à CHF 24'000.-. Ce montant n'est pas critiqué en tant que tel par la recourante et correspond au demeurant à celui qui a été retenu par l'administration fiscale cantonale dans l'avis de taxation immobilier 2014, document que l'intéressée a transmis en réponse à une demande de pièces formulée par le SPC (cf. pièce 92 du dossier du SPC). Il n'y a pas de raison de s'en écarter.

13.    a. S'agissant des dépenses reconnues, l'intimé a tenu compte dans la décision attaquée des frais d'entretien (CHF 4'800.- par année), des intérêts hypothécaires (CHF 6'960.- par année), ainsi que du forfait annuel de CHF 13'200.- pour le « loyer » et les frais accessoires de l'immeuble.

De son côté, la recourante souligne qu'elle doit s'acquitter d'importantes charges mensuelles liées à l'appartement, notamment des intérêts hypothécaires (CHF 580.-), des charges de copropriété (CHF 830.-), des impôts liés à l'appartement (CHF 71.50) et des assurances (CHF 48.-), auxquelles s'ajoutent encore des frais d'entretien.

b. En ce qui concerne tout d'abord les intérêts hypothécaires (CHF 580.- par mois ou CHF 6'960.- par année), la chambre de céans constate que l'intimé en a déjà tenu compte dans ses plans de calculs. Ce point n'est donc pas litigieux au regard de la décision attaquée.

c. La recourante requiert toutefois la prise en considération d'autres charges liées à l'appartement qu'elle occupe et qu'elle souhaiterait voir ajoutées aux dépenses reconnues, telles que les charges de copropriété, les frais d'entretien, l'impôt immobilier et les assurances. Autrement dit, la recourante requiert une prise en charge des frais effectifs qu'elle acquitte pour l'appartement dans lequel elle habite.

La chambre de céans rappelle que, s'agissant des frais d'entretien d'un immeuble, seule la déduction forfaitaire applicable pour l'impôt cantonal direct du canton de domicile est prise en compte (art. 16 al. 1 OPC-AVS/AI). D'autres frais éventuels ne peuvent être retenus comme dépenses reconnues (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, p. 108-109 n° 54 ; ch. 3260.02 et 3260.03 des DPC). À Genève, la déduction forfaitaire pour les frais d'entretien de l'immeuble représente 20 % de la valeur locative (art. 24 al. 2 LIPP), si l'âge du bâtiment au début de la période fiscale est supérieur à 10 ans (art. 20 al. 2 RIPP).

Il en découle que, contrairement à ce que souhaiterait la recourante, il n'est pas possible de se fonder sur les frais effectifs d'entretien de l'immeuble, quand bien même ceux-ci excéderaient le forfait prescrit par la loi. Aussi est-ce à bon droit que l'intimé a tenu compte, à titre de dépenses, de frais d'entretien calculés sur une base forfaitaire, correspondant à 20 % de la valeur locative.

d. Enfin, en ce qui concerne l'impôt immobilier, il ne peut pas en être tenu compte dans le calcul des dépenses reconnues. En effet, la liste des dépenses reconnues figurant à l'art. 10 LPC est exhaustive et les impôts n'y figurent pas (ch. 3211.01 des DPC ; arrêt du Tribunal administratif neuchâtelois du 13 novembre 2001 consid. 2b, in RJN 2002 pp. 303 ss). Il en va de même des assurances, dans la mesure où celles-ci ne sont pas déjà couvertes par le forfait d'entretien correspondant à 20 % de la valeur locative.

e. Au vu de ce qui précède, la décision attaquée s'avère conforme au droit en tant qu'elle tient compte, dans les revenus déterminants, de la valeur locative de l'appartement habité par la recourante, titulaire d'un droit d'habitation, et dans les dépenses reconnues, des frais d'entretien, ceci dans la limite du forfait autorisé par le droit fiscal cantonal. Mal fondé, le recours est rejeté.

14.    La procédure est gratuite (art. 61 let. a et g LPGA ; art. 89H LPA).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le