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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/797/2019

ATAS/214/2021 du 15.03.2021 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/797/2019 ATAS/214/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mars 2021

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Charles PIGUET

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1965, ressortissante portugaise, mariée, mère de deux enfants, nés respectivement le ______ et le ______ 1994, est arrivée en Suisse en janvier 1991.

2.        Le 18 décembre 2014, elle a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI, l'office ou l'intimé); depuis le 15 mars 2014 elle était en incapacité totale de travail, pour une durée indéterminée, en raison de problèmes d'arthrose, de fibrome, de tension et de dépression. Son médecin traitant était le docteur B______, spécialiste FMH en médecine générale (ci-après : le médecin traitant).

3.        Le 23 janvier 2015, le Dr B______ a adressé un rapport à l'OAI: la cause de l'incapacité de travail relevait de la maladie. Le diagnostic avec effet sur la capacité de travail (ci-après: CT) était une chondromalacie fémoro-patellaire droit dès novembre 2013; les diagnostics sans effet sur la CT étaient: status après fracture cuboïde pied gauche en octobre 2008, vertiges sur déficit vestibulaire droit en mars 2009, lombalgies chroniques sur discarthrose L5-S1 en 2012, dépression nerveuse sur mobbing en 2008, status après hystérectomie en octobre 2014, cure de sténose urétrale en novembre 2014, et cholécystectomie en 1995. Il suivait la patiente depuis le 2 juin 2008; le dernier contrôle remontait au 23 janvier 2015. Sur le plan anamnestique: patiente de 50 ans, d'origine portugaise; en 1981, âgée de 16 ans, elle a terminé l'école obligatoire au Portugal et s'est mariée la même année. De cette union sont nés deux garçons, en 1982 et 1994. De 1981 à 1991, elle a vécu en France comme femme au foyer. En 1991, la famille a émigré en Suisse et s'est installée à Genève. De 1992 à 1994, elle a travaillé comme responsable polyvalente dans un pressing. De 1998 à 2008, elle a repris son activité dans un autre pressing. En raison d'une dépression nerveuse survenue à cause de mobbing, elle a dû arrêter son activité. En 2010, l'assurance-chômage l'a placée pour quelques mois comme lingère; ensuite elle a suivi une formation d'assistante maternelle. Depuis le 1er avril 2012, elle a travaillé comme repasseuse, mais depuis le 17 mars 2014, elle est en arrêt de travail à cause de la chondromalacie invalidante du genou droit. Son dernier employeur venait de la licencier pour le 31 janvier 2015. Symptômes actuels: douleurs du genou droit, exacerbées en position debout, et par des flexions du genou. La patiente indiquait qu'en raison des douleurs susdécrites, elle n'arrivait pas à monter les escaliers ni à se mettre en génuflexion; rotule sensible à la mobilisation avec perception d'un crépitus modéré; flexion/extension limitée à 120/0/0; discret épanchement. Pronostic: échec après injection d'ostényl; maladie dégénérative évoluant vers l'arthrose; candidate pour une prothèse totale de genou (ci-après: PTG). Traitement actuel: antalgiques (Zaldiar et Tramadol). Condrosulf 800, et séances de physiothérapie, importantes pour calmer la douleur. On ne pouvait pas s'attendre à une reprise de l'activité en tant que repasseuse. Les activités encore possibles étaient celles impliquant un travail uniquement en position assise, se pencher, travailler avec les bras au-dessus de la tête, soulever et porter jusqu'à 10 kg; les capacités de concentration, de compréhension, d'adaptation et de résistance n'étaient pas limitées. L'utilisation de cannes anglaises était nécessaire lors des crises douloureuses.

4.        Le rapport d'une IRM du genou droit, effectuée le 3 juillet 2014, par l'institut d'imagerie médicale radiodiagnostic (docteur C______, spécialiste en radiologie) concluait à un épanchement intra-articulaire et kyste poplité; chondropathie rotulienne « grade III » avec rotule en position haute, désaxée vers la partie externe et signes d'arthrose fémoro-patellaire; dégénérescence de la corne postérieure du ménisque interne avec déchirure partielle de sa racine interne « grade II » ; chondropathie condylienne interne et ulcération au sein du cartilage condylien externe; discret oedème dans la partie antérieure de la rotule et au tendon rotulien; aspect moucheté de la spongieuse osseuse (suspicion de début d'algoneurodystrophie).

5.        Un rapport de consultation spécialisée du docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, concluait à la présence d'un syndrome douloureux, mécanique de son genou (droit) prédominant dans le compartiment fémoro-tibial externe où l'on observait une ulcération du condyle externe; lésion probablement conséquence de l'obésité: il avait incité la patiente à entreprendre une réduction pondérale. En attendant, il lui avait conseillé de reprendre des cannes, et avait évoqué une viscosupplémentation. À moyen-long terme, probablement candidate à une PTG.

6.        Le 5 juin 2014, l'institut de radiologie (docteurs E______ et F______) a procédé à une imagerie lombaire face profil, concluant à une ébauche de discarthrose L5-S1 de lésion dégénérative postérieure bilatérale prédominant à gauche.

7.        Dans un rapport à l'OAI, reçu le 3 mars 2015, le Dr D______ retenait les diagnostics invalidants de troubles dégénératifs tricompartimentaux du genou droit évoluant vers l'arthrose pour le compartiment fémoro-patellaire, et l'obésité. Il n'avait vu cette patiente qu'une seule fois, le 17 juillet 2014. La patiente travaillait comme repasseuse; périmètre de marche limité à 10 minutes maximum; importantes douleurs au piétinement. Médicalement, l'activité exercée n'était plus exigible. À terme, la progression de l'arthrose devrait faire considérer une PTG qu'il convenait toutefois de retarder, compte tenu du jeune âge relatif de la patiente. On ne pouvait pas s'attendre à une reprise de l'activité professionnelle, respectivement à une amélioration de la CT.

8.        Par courrier du 2 mars 2015, l'employeur, G______SA, a retourné à l'OAI le questionnaire pour employeur: l'assurée avait travaillé dans l'entreprise en tant qu'employée de pressing du 1er avril 2012 au 31 janvier 2015; le contrat de travail avait été résilié par l'employeur en raison de la maladie. Le dernier jour effectif de travail avait été le 10 mars 2014. L'horaire normal de travail dans l'entreprise était de 8h30 par jour soit 42h30 par semaine. Avant l'atteinte à la santé, l'assurée travaillait 6.80 heures par jour, soit 34 heures par semaine; salaire annuel CHF 34'450.-, soit de CHF 2'650.- par mois, correspondant au rendement. À l'heure actuelle, l'assurée gagnerait CHF 36'000.-. L'assureur indemnités journalières maladie avait été Visana jusqu'au 31 décembre 2014, et depuis le 1er janvier 2015, la Vaudoise. L'assureur LPP était l'Helvétia.

9.        Par courrier du 19 mars 2015, Visana a présenté à l'OAI une demande d'imputation des paiements rétroactifs de l'assurance-invalidité aux prestations qu'elle avait avancées; de plus, elle a soumis à l'OAI les pièces pertinentes de son dossier; outre des rapports médicaux déjà connus et décrits précédemment, y figurent notamment plusieurs rapports intermédiaires du gestionnaire du cas, dont le dernier en date :

-          rapport intermédiaire du 27 octobre 2014: d'après divers entretiens téléphoniques avec l'employeur et l'assurée, les troubles psychiques qui justifiaient l'incapacité de travail dès mars/avril 2014 n'étaient plus d'actualité; l'assurée n'en parlait plus et ils ne seraient pas la cause de l'incapacité actuelle. L'assurée avait évoqué une intervention chirurgicale à l'utérus en août 2014: apparemment, il s'agissait d'une formalité, et ce problème serait actuellement résolu. Le problème de santé, cause de l'incapacité de travail en cours, était le problème d'arthrose du genou droit, pour lequel aucun traitement susceptible de la soulager durablement n'existerait. Les injections de « lubrifiant » dans le genou n'auraient eu d'effet que pendant quelques jours. PTG pas d'actualité. CT: l'assurée déclarait ne pas pouvoir travailler debout toute la journée, comme c'était le cas chez G______. L'idéal serait une activité variée, où elle pourrait travailler debout par moments, se déplacer, mais aussi pouvoir être assise, mais pas trop longtemps, car le genou se bloquait s'il était immobile. Autre problème: pas de formation professionnelle ni d'expérience dans d'autres domaines que les pressings/salons-lavoirs. Demande AI: l'assurée avait réagi défensivement lorsque l'assureur perte de gain en avait parlé: « je veux travailler, je ne suis pas handicapée, je ne veux pas être payée à rien faire, ...). ». L'assureur lui avait parlé du principe de réadaptation, de soutien, de mesures diverses de l'AI pour l'aider à trouver une activité compatible à ses limitations.

10.    Interpellé par l'OAI, le docteur H______, spécialiste FMH en gynécologie obstétrique, a répondu le 24 mars 2015: il traitait la patiente pour une maladie gynécologique sans limitation de l'activité professionnelle.

11.    Un rapport d'évaluation du 1er avril 2015 du gestionnaire OAI relevait que l'assurée paraissait entièrement préoccupée par ses douleurs touchant presque tous les organes: le crâne, les cervicales, le dos, le genou droit, la jambe gauche; atteinte du genou droit et de lombosciatalgies, elle était dépressive et pendant plusieurs mois son médecin n'avait pas vraiment investigué sur ses douleurs physiques; actuellement, multiples douleurs: contrôle prévu auprès d'un neurologue, car elle souffrait de pertes de connaissance. En conclusion, l'assurée, en arrêt de travail depuis près d'une année, se sentait toujours très mal actuellement. Le stage d'orientation professionnelle était à prévoir, dès que l'état de santé serait stabilisé.

12.    Le 28 mai 2015, le service de réadaptation (ci-après: REA) a clôturé ses investigations en vue de mesures de détection précoce: aucune mesure possible, car l'assurée était entièrement préoccupée par son état de santé.

13.    Sur demande de l'OAI, la neurologue consultée, la doctoresse I______, spécialiste FMH en neurologie, électromyographie et Echo-Doppler carotido-vertébral, a indiqué, par courrier du 10 août 2015, qu'elle ne suivait pas la patiente. Seule une évaluation neurologique avait été effectuée par ses soins en date du 11 mai 2015, à la demande du médecin traitant. Elle a communiqué copie de son rapport de consultation spécialisée du 11 mai 2015: le résumé anamnestique fait état de multiples plaintes douloureuses, notamment au genou droit, présentes depuis une année, persistant malgré le traitement. Douleurs au genou gauche depuis environ un mois: description d'une sensation d'endormissement au-dessus du genou, des membres inférieurs et de la main gauche; douleurs au niveau de la nuque à droite, lombalgies à gauche, douleurs pouvant être diffuses. Plusieurs malaises avec douleurs fluctuantes à l'oreille gauche, sensation de « gonflement » dans la tête depuis environ 6 mois; douleurs dans la région du bras gauche. État dépressif vers les années 2014 avec traitement antidépresseur interrompu. La patiente a une grande inquiétude par rapport à son fils de 20 ans, ayant été victime d'une agression avec traumatisme cranio-cérébral et fracture; l'état de l'intéressé était en légère amélioration. La patiente disait être en arrêt médical depuis environ une année. Status neurologique ciblé: sensibilité au toucher-piqué conservé au visage, aux membres supérieurs et inférieurs; absence d'amyotrophie et de parésie; description d'une douleur aux mouvements de la cheville et du genou à gauche; réflexes ostéotendineux normovifs et symétriques aux quatre membres; pallesthésie (sensation vibratoire) à 8/8 aux membres inférieurs; réflexes cutanés plantaires en flexion des deux côtés; boiterie à la marche à gauche. Neurographie sensitive: nerf sural gauche dans la norme. Neurographie motrice: nerfs sciatiques poplités externes dans les normes; latences des ondes F dans les normes; nerfs sciatiques poplités internes: amplitude de la réponse M distale et latences des ondes F dans les normes. Électromyographie: absence de potentiel de repos dans les muscles examinés. En conclusion, l'examen électroneuromyographique était tout à fait dans la norme. La patiente relatant de multiples plaintes douloureuses (ndr. voir ci-dessus), les symptômes semblaient en relation avec un syndrome douloureux chronique; s'agissait-il d'une fibromyalgie débutante? Un traitement antidépresseur et un suivi psychologique semblaient bien indiqués. Tout traitement antidépresseur tricyclique risquerait d'aggraver le surpoids. Elle proposait un traitement médicamenteux à augmenter progressivement et par paliers, le médicament proposé n'occasionnant pas de prise de poids et l'on pouvait espérer qu'il agisse sur le syndrome chronique douloureux. Autrement, si le médicament proposé n'amenait pas d'efficacité, une évaluation à la consultation pluridisciplinaire de la douleur, dans le cadre des HUG, pourrait être effectuée.

14.    Le 13 août 2015, le médecin-conseil de la Vaudoise a indiqué au médecin traitant qu'au vu des rapports médicaux qu'il lui avait adressés le 20 juillet 2015, et du rapport de la psychiatre traitante, la doctoresse J______, spécialiste FMH, eu égard aux diagnostics retenus, il n'était pas en mesure de comprendre une si longue incapacité de travail. Depuis le 1er février 2015, la CT devait être appréciée dans le contexte d'une activité adaptée à l'état de santé, et par conséquent une CT était exigible. On pouvait d'ailleurs s'interroger sur une mauvaise compliance de l'assurée qui n'était pas allée régulièrement aux rendez-vous de sa psychiatre et qui ne semblait pas perdre de poids de manière significative. Il recommandait donc à la Vaudoise de tenir compte d'une CT de 100 % dans une activité adaptée dès le 1er novembre 2015.

15.    Le 23 octobre 2015, le médecin traitant a répondu à un questionnaire de l'OAI: l'état de santé de la patiente s'était légèrement amélioré grâce au traitement. Il y avait des changements de diagnostics: augmentation de la lombalgie et douleurs latérales de la cuisse droite depuis trois semaines. La radiographie pratiquée montrait une calcification tendineuse au niveau du grand trochanter droit et une ostéophytose céphalique supéro-externe droite. Ce diagnostic diminuait sa CT car elle avait de la peine à rester longtemps debout, et à marcher longtemps. Cette douleur avait commencé depuis environ trois mois, mais elle était forte depuis trois semaines. Mesures thérapeutiques en cours: médicaments, physiothérapie, et suivi psychiatrique à raison d'une séance par semaine. Le dernier examen remontait au jour de l'établissement du rapport. La CT en tant que repasseuse était de 0 %, et dans une autre activité adaptée du point de vue psychique, il pensait qu'elle était limitée; il suggérait de questionner la psychiatre traitante. Bonne concordance entre les plaintes et l'examen clinique si l'on tenait compte du facteur psychique. La compliance était optimale. La fréquence des consultations était d'une fois par mois.

16.    Le 9 novembre 2015, la psychiatre traitante a établi un rapport à destination de l'OAI: le début de la longue maladie remontait à mars 2014. CT exigible dans l'activité habituelle: 50 %; idem dans une activité adaptée. La situation devrait être réévaluée dans les 6 mois. Les limitations fonctionnelles: fatigabilité, diminution de la concentration, et humeur dépressive. Elle retenait le diagnostic incapacitant de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.10) depuis mars 2014. Elle retenait en outre un diagnostic sans effet sur la CT: réaction de deuil (F43.2). Anamnestiquement, la patiente lui avait été adressée par le généraliste qui avait diagnostiqué en sus des maladies somatiques un trouble grave de l'humeur de type dépressif. Dans le passé, la patiente avait présenté un premier épisode dépressif en 1986 après le décès de son père; un 2ème épisode dépressif était survenu en 2008 dans un contexte de problèmes professionnels; l'épisode actuel avait commencé en mars 2014 dans un contexte de problèmes familiaux graves. Malgré la gravité de ses symptômes, la patiente refusait de consulter un psychiatre et ne s'était adressée à elle qu'en avril 2015. Une psychothérapie associée au traitement antidépresseur par Cimbalta avait commencé. L'état dépressif de la patiente s'était partiellement amélioré. Durant l'été 2015, la mère de la patiente, âgée de 85 ans, présentait des graves problèmes de santé ; elle était décédée le 15 septembre 2015. Ce décès avait réactivé la symptomatologie dépressive. Elle constatait un état de détresse, anxiété, humeur dépressive, sentiment de culpabilité, douleurs, fatigabilité, diminution de l'intérêt et du plaisir. Pronostic: lentement favorable sur le plan psychique. Un traitement psychiatrique et psychothérapeutique hebdomadaire était mis en place; la compliance était partielle. Les restrictions énumérées pouvaient être réduites par la poursuite du même traitement, en vue d'une amélioration de la CT.

17.    Le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : SMR) (doctoresse K______) a rendu un avis médical le 26 mai 2016. L'atteinte principale à la santé était un syndrome de chondromalacie du genou droit avec arthrose fémoro-patellaire, épisode dépressif récurrent, épisode actuel moyen (M94.2, F33.1). Début de l'incapacité de travail durable: 17 mars 2014, totale (100 %) de cette date à ce jour. CT exigible: dans l'activité habituelle: 0 %, et 50 % avec possible augmentation progressive dans une activité adaptée; limitations fonctionnelles: genou droit, pas d'agenouillement; pas de port de charges de plus de 10 kg; pas de marche en terrain irrégulier; pas monter sur les échelles; travail plutôt sédentaire; sur le plan psychiatrique: fatigue, troubles de la concentration et troubles du sommeil. Début de l'aptitude à la réadaptation: 22 avril 2015. Un traitement médical susceptible d'améliorer de manière significative la CT n'était pas exigible. Sur le plan orthopédique, la patiente avait été suivie par le Dr D______ qui ne l'avait vue qu'une seule fois, le 18 juillet 2014. Elle avait par ailleurs commencé à présenter un épisode dépressif récurrent à partir du mois d'avril 2014, pour lequel elle n'avait eu un suivi psychiatrique qu'à partir d'avril 2015: la psychiatre traitante avait diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen. Elle rappelait les épisodes précédents (1986 et 2008). L'épisode actuel était survenu dans le cadre du décès de sa mère. Selon le rapport de la psychiatre du 9 novembre 2015, l'état s'était progressivement amélioré et la CT était de l'ordre de 50 % depuis le 22 avril 2015. En conclusion, le SMR s'alignait sur les conclusions des médecins traitants, orthopédiste et psychiatre. Il laissait le soin au service REA de mettre en place les mesures adéquates.

18.    Une note statut a été établie le 16 juin 2016: femme de 51 ans, mariée, deux enfants de 34 et 22 ans. L'assurée a travaillé d'avril 2012 à janvier 2015 à un taux de 80 %. Il est retenu un statut mixte: 80/20.

19.    Le 29 juin 2016, le responsable du groupe REA a estimé que l'évaluation de la situation était nécessaire pour cette personne ayant une CT résiduelle de 50 % pour une part active de 80 % selon le statut. La question était posée de savoir si des mesures professionnelles pouvaient réduire le dommage.

20.    Selon une note de premier entretien avec l'assurée au service REA du 19 septembre 2016, les examinateurs (le resp. groupe REA et psychologue conseiller REA) ayant procédé au bilan des déficiences et incapacités, ont considéré qu'au vu de l'atteinte, il fallait trouver une activité sédentaire n'impliquant que très peu d'efforts physiques. Attentes de l'assurée: grande envie de retrouver une activité professionnelle, à plein temps si possible; elle n'avait jamais été sans emploi par le passé et la situation actuelle, qui se prolongeait, l'affectait beaucoup; elle n'aimait pas rester inactive; cette dépendance financière lui pesait, d'autant qu'elle ne parvenait pas à assumer ses charges; elle allait passer aux impôts dans la journée de l'entretien, pour tenter de trouver une solution (acomptes prévisionnels [recte: provisionnels] disproportionnés par rapport à la situation actuelle du couple); elle serait donc heureuse de pouvoir débuter la mesure d'orientation sans tarder, pour retrouver une activité et un rythme de travail; elle n'avait pas d'idée précise de celle qu'elle pourrait exercer, mais elle disait savoir qu'elle allait trouver et reprendre une activité professionnelle à plein temps. Restait à définir un projet réaliste et réalisable, ce que la mesure d'orientation projetée devrait permettre. En conclusion, le service REA proposait une mesure d'orientation en centre (art. 15 LAI), pour tenter de définir une activité adaptée correspondant aux capacités fonctionnelles et aux compétences de l'assurée. Une fois identifiée(s) une ou plusieurs activités adaptées, il s'agirait de la/les valider en trouvant une opportunité de stage dans une entreprise (art. 18a, voire 17 LAI).

21.    Selon une note du 30 septembre 2016, le gestionnaire REA avait rappelé l'assurée pour vérifier qu'une approche, essentiellement en entreprise, telle que pratiquée par le Secteur-Emploi, ne lui poserait pas de problème. Cette dernière avait indiqué qu'au contraire, cela l'enchantait: elle n'avait eu que de bonnes expériences avec ses employeurs jusqu'à présent; elle avait dû tout apprendre « sur le tas », par elle-même, et avait toujours réussi à sortir son épingle du jeu. Elle n'avait donc aucune appréhension à aller dans de nouvelles entreprises se confronter à de nouvelles tâches, exigences et responsabilités.

22.    Par décision du 21 octobre 2016, l'OAI a considéré que les conditions à l'octroi de mesures professionnelles étaient remplies. L'office prenait en charge un stage d'orientation professionnelle auprès de l'organe d'exécution, soit Secteur-Emploi SA, du 12 octobre 2016 au 22 janvier 2017. L'assurée bénéficierait des indemnités journalières et autres prestations habituelles.

23.    Bilan final de la mesure octroyée, du 22 janvier 2017: l'objectif était de définir et orienter le projet professionnel de l'assurée, d'établir un bilan de compétences et de trouver un stage. Le début avait été difficile en raison de problèmes familiaux; puis la situation s'était améliorée. La relation au marché du travail était compliquée, non seulement parce que l'assurée n'avait pas fait d'études secondaires ni de formation particulière; mais en plus son état de santé ne lui permettait pas une grande résistance physique. En matière de compétences sociales, elle avait fait très bonne impression au téléphone, puis sur place lors du premier entretien. Elle s'était montrée très adaptable, malgré son fils à l'hôpital. De plus, elle disait être très volontaire et motivée à retrouver quelque chose. Cibles à développer: la première idée avait été une orientation dans le domaine de l'horlogerie, avec un stage dans un atelier horloger. Autres pistes à rechercher: elle aimait le contact avec la clientèle; pistes dans le social, dans la direction d'équipe et dans la surveillance/sécurité, conseil à la clientèle, vente. Volonté également dans l'onglerie/manucure. Freins et aspects à développer: elle ne pouvait se tenir debout toute la journée, en raison de graves problèmes de dos et de pied. Après un premier stage chez L______, il avait été découvert qu'elle ne pouvait plus rester non plus assise trop longtemps, et ne pouvait pas non plus plier le dos; elle n'arrivait pas à polir une pièce. Autres freins: trop marcher, escaliers, port de trop de poids; se baisser et se mettre à genoux. Ce stage prévu pour deux semaines à 50 % avait été interrompu au bout d'une semaine à cause de nouvelles douleurs de dos. Stage dans la vente: l'assurée n'arrivait pas à travailler plus de 3 heures par jour; son taux devait être abaissé à un jour sur deux, en raison des fortes douleurs au dos. Elle avait beaucoup de plaisir dans ce métier (gestion stock, caisse, vente); malheureusement, le magasin (l'un des magasins de T______) était trop exigu et ne permettait pas que l'assurée puisse se reposer assise. En conclusion, deux domaines avaient été testés, sous forme de stages: secteur ouvrier et industriel dans un premier temps, et de la vente par la suite. Les problèmes physiques de l'assurée avaient rendu ces cibles compliquées, voire inadéquates, malgré un goût prononcé pour la vente. Il lui avait été proposé d'essayer de trouver un stage pour travailler à la caisse dans une cantine type scolaire: ayant fait une mauvaise expérience, elle n'était pas très motivée. Elle avait fait un stage à la caisse dans un commerce type Migros, mais il ne s'était pas bien déroulé car elle ne pouvait pas travailler dans les rayons. En conclusion, par rapport à cette situation difficile, le responsable de stage pensait qu'il faudrait plus de temps pour mieux orienter l'assurée dans un métier où elle pourrait alterner les positions assise et debout; mais ses compétences sociales lui permettaient de travailler dans beaucoup de domaines variés (vente, petits travaux manuels); la problématique était sa résistance au travail, qui n'était que de 3 heures par jour avec une alternance assis/debout.

24.    Au vu de ce bilan, et des propositions du responsable de stage, - qui indiquait que l'assurée pourrait débuter dès le lendemain un stage dans un bureau pour y faire des classements et des tâches administratives simples, et que dès la semaine suivante elle aurait un premier rendez-vous avec le directeur du restaurant d'entreprise pour un stage en qualité d'aide-buffet et aide-caissière -, l'OAI a décidé de prolonger la mesure du 23 janvier au 28 février 2017 (décision du 26 janvier 2017).

25.    Cette mesure a par la suite été modifiée en un stage de deux mois - du 6 février au 31 mars 2017 - de coaching/recherche de stage auprès de Prima OSEO (décision du 22 février 2017).

26.    Le 3 février 2017, le médecin traitant a établi un rapport intermédiaire; l'état de santé s'était aggravé: sur le plan psychique, depuis le 7 septembre 2016, car son fils cadet avait eu un grave accident de circulation et avait été hospitalisé aux soins intensifs; sur le plan physique, depuis la mi-janvier 2017: l'assurée souffrait d'une tendinite plantaire droite. Le traitement médicamenteux avait été adapté et elle était suivie à raison d'une fois par semaine par le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (nouveau psychiatre traitant). En revanche, depuis février 2016, elle n'avait plus de malaises et depuis plusieurs mois, elle allait mieux du point de vue orthopédique et lombaire. Ses douleurs étaient toutefois fluctuantes; les limitations fonctionnelles étaient la station debout longtemps, le travail en position accroupie, le port de charges lourdes, le travail en extérieur. S'agissant des limitations psychiques, il convenait d'interpeller le psychiatre traitant. De mars 2016 au 20 septembre 2016, - jour où la patiente avait annoncé l'accident de son fils - la compliance avait été optimale. S'agissant de la concordance entre les plaintes et l'examen clinique, à part les diagnostics déjà énumérés, selon le Dr M______, la patiente souffrait d'une fibromyalgie « ! » et de problèmes psychiques, ce qui expliquerait la grande variabilité clinique. En conclusion, le médecin traitant préconisait un examen médical complémentaire pour évaluer les conséquences de l'atteinte à la santé sur la CT.

27.    Le 24 février 2017, le Dr M______ a établi un rapport: il retenait les diagnostics incapacitants de fibromyalgie (M79.0x-001), de dysthymie (F34.1) dès 2013, épisode dépressif moyen (F32.1). Le suivi de la patiente avait débuté avec lui le 25 novembre 2016, encore en cours. Sur le plan anamnestique, la patiente avait des antécédents d'états dépressifs majeurs (2 fois). Récemment, elle avait fait un nouvel épisode par suite de problèmes graves de son fils cadet. Le médecin constatait une tristesse, de l'anxiété, un sentiment d'abandon, de culpabilité et de désespoir; inhibition de son agressivité, perte de l'élan vital. Pronostic: favorable à moyen terme avec un suivi psychothérapeutique. Traitement actuel: psychothérapie individuelle de soutien, qui cherchait l'affirmation de soi et la résolution des conflits. L'incapacité de travail était de 60 % du 25 novembre 2016 à ce jour, encore en cours. Restrictions: physiques en raison de la fibromyalgie et psychiques (stress, anxiété, labilité émotionnelle, intolérance à la frustration, qui se manifestaient par de la difficulté à supporter les conflits, les remarques, les incompréhensions, la pression; la patiente avait tendance à projeter sur les autres et à conflictualiser ses relations). Du point de vue médical, l'activité exercée était encore exigible, à préciser : 30 à 50 %.

28.    La mesure consentie auprès d'OSEO a fait l'objet d'un bilan le 23 mars 2017. Le stage au restaurant-cafétéria n'avait finalement pas pu avoir lieu en raison des angoisses de l'assurée liées aux déplacements et à la grandeur de l'établissement, qui lui faisaient redouter de ne pas pouvoir tenir une journée debout, et donc de respecter ses engagements. Le stage dans une boutique de vêtements pour bébés n'avait finalement pas eu lieu, la gérante de ce commerce lui ayant rapidement dit qu'elle ne pouvait pas envisager de lui proposer un stage dans la vente. L'assurée avait été très blessée par ce refus. En conclusion, la responsable du programme Prima OSEO préconisait une interruption de programme pour des raisons de santé et de l'incapacité de l'assurée de tester actuellement les projets envisagés pour un ou plusieurs stages; sans exclure, à moyen terme, la piste de la vente.

29.    Le SMR (doctoresse N______) s'est prononcé dans un avis médical du 7 avril 2017: ayant passé en revue les documents médicaux versés successivement au dossier, constatant qu'en février 2017, le Dr M______, psychiatre traitant, retenait le diagnostic de fibromyalgie avec épisode dépressif moyen nécessitant une psychothérapie, et déclarant qu'aucune réadaptation n'était actuellement possible, la situation devant être réévaluée à distance pour cette assurée en incapacité de travail depuis 2014, le SMR a proposé à l'OAI de mettre en place une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique, les experts ayant pour mission d'évaluer l'incapacité de travail dans le temps, les diagnostics incapacitants actuels, les limitations fonctionnelles, ainsi que de répondre à la question de savoir s'il existait une CT résiduelle exigible, et si oui, à partir de quelle date et à quel taux.

30.    Il ressort notamment d'une note de travail (après appel téléphonique de l'assurée) du 8 mai 2017 que cette dernière était très affectée par sa situation ; à plusieurs reprises durant l'entretien, elle avait éclaté en sanglots ; ses jambes la faisaient toujours terriblement souffrir et elle était en dépression très sévère. Son état de santé était similaire à celui qui avait conduit à son arrêt de travail en mars 2014, et se trouvait donc en régression par rapport à l'évolution favorable de 2015 - 2016. Le gestionnaire OAI avait signalé à l'assurée que son cas avait été soumis aux médecins du SMR à fin mars, ces derniers ayant conclu à la nécessité d'ordonner une nouvelle expertise rhumatologique et psychiatrique ; il faudrait cependant patienter encore plusieurs semaines, voire quelques mois, avant que ces expertises puissent effectivement débuter. Les experts étaient difficiles à trouver.

31.    Depuis lors, le service REA a décidé de clore son mandat, au vu de l'interruption de la mesure en cours en mars 2017, et de la décision du service médical de l'OAI - en avril 2017 - de mettre en oeuvre une expertise (rapport final - MOP du 28 mars 2018).

32.    Une note « activation de dossier » du 28 mai 2018 du gestionnaire de l'OAI, contresignée par le SMR (doctoresse O______) rappelait que l'assurée avait été mise au bénéfice d'une mesure d'orientation professionnelle visant à cibler une activité adaptée à l'état de santé, cette mesure ayant été interrompue en mars 2017; le dossier médical avait été instruit, et mise à part une tendinite plantaire (atteinte non durable), la situation médicale n'avait pas subi de changement. Par ailleurs, le médecin traitant considérait que la CT était de 50 % (par exemple en tant que caissière); du point de vue psychiatrique, en février 2017, le psychiatre traitant retenait une CT aux alentours de 50 %. Selon entretien téléphonique de ce jour (28 mai 2018) avec l'assurée, cette dernière considérait que sa CT était d'au moins 50 %, mais dans une activité respectant ses limitations fonctionnelles, ce qui n'avait pas été le cas dans les stages précédents, selon elle. Le SMR considérait qu'il n'y avait pas de raison justifiant une demande d'expertise; en effet, aucun élément médical n'était produit, la justifiant. De ce fait, la demande d'expertise était annulée. Pour rappel, dans un poste sédentaire, sans port de charges, où l'assurée puisse changer de position à sa guise, la CT était d'au moins 50 %. En conclusion, il était proposé de remandater le service spécialisé pour suite à donner à l'examen des mesures de réadaptation. Ce qui a été fait le 29 mai 2018.

33.    Dans un avis du 28 juin 2018, la permanence REA a considéré que, compte tenu de l'échec des mesures d'orientation prises en charge à l'époque, d'autres mesures ne seraient pas « simples et adéquates », car elles ne seraient pas de nature à réduire le dommage, ni à garantir de manière durable le succès d'une réadaptation. Par ailleurs, au vu du large éventail d'activités simples et répétitives correspondant à un emploi léger respectant les limitations fonctionnelles observées, que recouvre le marché du travail en général, et le marché du travail équilibré en particulier, on devait admettre qu'un nombre significatif d'entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, étaient adaptées aux limitations fonctionnelles de l'assurée. Il convenait ainsi de procéder à une évaluation théorique du degré d'invalidité, soit de la perte de gain. Le statut d'assurée retenu était celui de statut mixte, 80 % active et 20 % consacrés aux travaux habituels selon note du 17 juin 2017 (recte: 2016). Sur la base des éléments figurant au dossier, au moment de la date du début de l'incapacité de travail en tant que lingère dans un pressing, en 2014, selon les renseignements de l'employeur, le revenu annuel de l'assurée s'élevait à CHF 34'450.- par an. Le revenu en 2013, selon les CI, s'élevait à CHF 34'219.- par an, et au moment de l'aptitude à la réadaptation, soit en 2015, le revenu sans invalidité se montait à CHF 36'000.- pour un 80 %. Pour évaluer la perte de gain, le service s'était basé sur les tabelles statistiques pour un emploi simple (Enquête suisse sur les salaires [ESS], ligne Total, pour un « homme [sic !] », niveau 1). Compte tenu du fait que les personnes travaillant à temps partiel gagnent généralement moins, et du fait que seule une activité légère était envisageable, un abattement de 10 % pouvait être retenu. La fiche CDR (calcul du revenu) annexée à ce rapport concluait à un degré d'invalidité de 32.4 %. Ce calcul, basé sur l'année d'aptitude à la réadaptation (2015), avait été établi sans extrapolation du revenu à 100 %. Le service REA laissait le gestionnaire déterminer le degré d'invalidité en prenant en compte le statut mixte.

34.    Le 28 juin 2018, le gestionnaire OAI a décerné un mandat d'enquête ménagère.

35.    L'OAI a soumis à l'assurée un questionnaire, dûment rempli et signé par l'intéressée le 19 septembre 2018 (ndr. Les réponses « oui » ou « non » correspondent aux croix apposées par l'assurée dans la case respective à cocher) :

-          Sans atteinte à la santé, exerceriez-vous une activité lucrative ? Réponse : oui;

-          Auriez-vous le même taux d'occupation que celui occupé au moment de l'atteinte à la santé ? Réponse : oui;

L'assurée a tout de même répondu aux questions suivantes, quand bien même celles-ci n'étaient posées qu'en cas de réponse négative à la question précédente:

Activité professionnelle (sans atteinte à la santé)

-          Dans quel secteur d'activité travailleriez-vous ? Réponse: blanchisserie pressing;

-          Depuis quand et à quel taux d'activité ? Réponse : 80 % voire 100 %;

-          Pourquoi ? Réponse: c'était un travail que j'aimais beaucoup;

-          Avez-vous entrepris des démarches concrètes pour une recherche d'emploi ? Réponse: non ;

-          Si oui, avez-vous des documents prouvant une recherche d'activité lucrative ? Réponse : non, pas depuis ma dernière expérience puisque j'étais malade;

Situation familiale

-          Avez-vous des enfants à charge ? Réponse: non.

Situation financière

-          Votre situation financière a-t-elle subi des modifications importantes depuis votre atteinte à la santé ? Réponse: oui;

-          Si oui, depuis quand ? Réponse: 2017, perte de gains.

36.    L'entretien d'enquête économique, diligenté par Madame P______, infirmière spécialisée au service externe, s'est déroulé le 19 septembre 2018 au domicile de l'assurée, pendant 1h30. L'enquêtrice a notamment retenu que sans handicap, l'assurée exercerait une activité lucrative à ce jour, se référant au questionnaire statut annexé (voir ci-dessus ch. 35). Elle a relevé les éléments de la situation financière du couple, soit notamment le salaire de l'époux: CHF 8'500.-/mois, le montant du loyer (CHF: 700.-) et des primes d'assurance-maladie (total couple: CHF 951.-); elle a noté que les époux étaient propriétaires d'une maison sur France, sans hypothèque; retard dans le paiement de leurs impôts (2016-2017).

Quant aux divers travaux et activités, ils ont été évalués selon le tableau ci-dessous, et la comparaison descriptive détaillée (période ayant précédé l'atteinte à la santé et la situation actuelle) :

Champ d'activités

Exigibilité

Pondération champ d'activité en %

Empêchement

en %

Empêchement pondéré

5.1 Alimentation 0-50 %Préparation/cuisson /service/nettoyage cuisine/provisions

exigibilité

 

 

0.00 %

40.00 %

 

0.00 %

 

0.00 %

0.00 %

 

0.00 %

5.2 Entretien du logement 0-40 %

ranger/épousseter/aspirateur/sols/vitres/lits/soins aux plantes/extérieur de la maison/sortie des déchets et garde d'animaux domestiques

exigibilité

 

 

 

 

35.00 %

30.00 %

 

 

 

50.00 %

 

 

 

15.00 %

15.00 %

 

 

 

4.50 %

5.3 Achats (courses quotidiennes et achats plus importants) et courses diverses (poste/assurances/services officiels) 0-10%

exigibilité

 

 

 

30.00 %

10.00 %

30.00 %

 

 

0.00%

3.00 %

 

 

0 %

5.4 lessives et entretien des vêtements 0-20% laver/suspendre/plier/repasser/raccommoder/chaussures

exigibilité

 

 

 

30.00 %

20.00 %

30.00 %

 

 

0.00 %

6.00 %

 

 

0.00 %

5.5 Soins et assistance aux enfants et aux proches 0-50% conjoint et parents en ligne directe

exigibilité

 

 

 

0.00 %

0.00 %

0.00 %

 

 

0.00 %

0.00 %

 

0.00 %

Total du champ d'activité

 

 

 

100 %

Total de l'exigibilité retenue

 

 

 

19.50 %

Total-empêchement pondéré sans exigibilité

 

 

 

24.00 %

Total - empêchement pondéré avec exigibilité

 

 

 

4.50%

 

S'agissant de l'exigibilité, l'enquêtrice a noté que les personnes qui exécutaient les travaux ménagers que l'assurée, en raison de son invalidité, ne pouvait plus accomplir elle-même, étaient son mari et ses enfants durant les week-ends.

37.    Par courrier du 16 octobre 2018, l'OAI a notifié à l'assurée un projet de décision aux termes duquel il entendait refuser toute rente d'invalidité et de mesures professionnelles. À l'issue de l'instruction médicale, l'OAI reconnaissait une incapacité de travail de 100 % dans l'activité habituelle dès le 11 mars 2014 (début du délai d'attente d'un an), mais de 50 % dans une activité adaptée à son état de santé dès le 22 avril 2015. Il retenait un statut mixte (80 % d'activité professionnelle et 20 % pour les travaux habituels). La comparaison des revenus déterminait une perte de gain de CHF 11'675.- entre les revenus sans invalidité (CHF 36'000.-) et avec invalidité (CHF 24'325.-), soit un taux d'invalidité de 32.4 %. Avec la prise en compte de la part de 20 % de travaux habituels, selon tableau ci-dessous, le taux d'invalidité global était de 26.82 % arrondis à 27 %:

Activités

Part en %

Perte économique/empêchement en %

Invalidité en %

Professionnelle

80 %

32.40 %

25.92 %

Travaux habituels

20 %

4.50 %

0.90 %

Taux d'invalidité

 

 

26.82% arrondi

à 27%

À l'échéance du délai d'attente, à savoir le 11 mars 2015, le droit à une rente entière était ouvert; toutefois la demande de prestations ayant été déposée le 18 décembre 2014, la rente ne pouvait être versée qu'à compter du mois de juin 2015 (art. 29 LAI). Dès janvier 2018, le revenu que l'assurée aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel était extrapolé pour la même activité exercée à plein temps. La comparaison des gains se calculait de la manière suivante : - sans invalidité CHF 45'000.-; avec invalidité CHF 24'325.- ; perte de gain CHF 20'675.-, soit 45.94 %; avec la pondération inhérente au statut mixte, le taux d'invalidité arrondi à 38 %, était déterminé selon le tableau ci-dessous :

Activités

Part en %

Perte économique/empêchement en %

Invalidité en %

Professionnelle

80 %

45. 94 %

36. 75 %

Travaux habituels

20 %

4.50 %

0.90 %

Taux d'invalidité

 

 

37. 65 % arrondi

à 38 %

Un taux inférieur à 40 % n'ouvrait pas le droit à des prestations de l'assurance-invalidité sous forme de rente; enfin, l'office avait pris en charge des mesures d'ordre professionnel qui s'étaient malheureusement soldées par un échec; d'autres mesures ne seraient pas « simples et adéquates » car elles ne seraient pas de nature à réduire le dommage ni à garantir de manière durable le succès d'une réadaptation. Par ailleurs, au vu du large éventail d'activités simples et répétitives (qui correspondaient à un emploi léger respectant les limitations fonctionnelles observées) que recouvrait le marché du travail en général - et le marché du travail équilibré en particulier - on devait admettre qu'un nombre significatif d'entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, étaient adaptées aux limitations fonctionnelles.

38.    Par courrier du 17 novembre 2018, l'assurée a sollicité de l'OAI un rendez-vous pour contester le projet susmentionné.

39.    En réponse à ce courrier, l'OAI lui a fixé un délai exceptionnel au 19 janvier 2019 pour lui faire parvenir de nouvelles pièces médicales susceptibles de modifier l'appréciation de l'office.

40.    L'assurée n'ayant pas réagi dans le délai imparti, l'OAI a rendu une décision formelle conforme au projet de décision susmentionné, notifiée à l'assurée par courrier recommandé du 22 janvier 2019.

41.    Par courrier daté du 16 janvier 2019, mais reçu par l'OAI le 23 janvier 2019, le médecin traitant a indiqué que sa patiente était venue le consulter en urgence à la suite du projet de décision (du 16 octobre 2018) qu'elle contestait vivement. Elle lui avait indiqué avoir reçu, à son domicile, au mois « d'octobre » 2018, une inspectrice mandatée par l'OAI, laquelle lui aurait confié que dans la demande de prestations AI, son médecin traitant aurait juste mentionné un problème de genoux. Sa patiente lui avait donc demandé d'écrire à l'office pour énumérer la liste des problèmes de santé qui l'empêcheraient de travailler. Lors de la demande de prestations, il avait énuméré les diagnostics de chondromalacie fémoro-patellaire droit dès novembre 2013, fracture cuboïde pied gauche entraînant des podalgies gauche, vertiges sur déficit vestibulaire droit, lombalgies chroniques sur discarthrose L5-S1, lombocruralgies droite et dépression nerveuse sur mobbing depuis 2013. Sa patiente se plaignait toujours d'importantes gonalgies bilatérales plus marquées à droite, lombalgies chroniques. Son état psychique s'était péjoré surtout à la suite du grave accident de son fils en septembre 2016 et des séquelles qu'il présente encore. Il en avait fait part à l'OAI en 2017. De plus, la situation économique de sa patiente contribuait aussi à cette péjoration. Elle avait été suivie régulièrement par le Dr M______ jusqu'en 2017, mais elle indiquait qu'elle n'arrivait plus à être suivie à cause de sa situation économique. En conséquence, le médecin traitant rappelait que sa patiente n'arrivait pas à monter et descendre des escaliers, à faire des flexions du tronc, à porter des charges lourdes et à rester longtemps debout. Elle lui avait également fait part de ce qu'elle souhaiterait être soumise à une expertise orthopédique et psychique par les spécialistes de l'OAI.

42.    Par mémoire du 27 février 2019, l'assurée, représentée par son conseil, a recouru contre la décision de l'OAI du 22 janvier 2019 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle conclut préalablement à la mise en place d'une expertise rhumato-psychiatrique visant à déterminer son taux d'incapacité à compter du 22 avril 2015; principalement, à l'annulation de la décision entreprise et au constat qu'elle présente un degré d'invalidité de 100 % dès le 11 mars 2015, ceci avec suite de frais et dépens. Elle conteste, d'une part, la méthode mixte retenue pour l'évaluation de son invalidité, affirmant qu'elle travaillerait aujourd'hui à un taux de 100 %. Elle conteste, d'autre part, le taux d'incapacité de travail de 50 % retenu à dater du 22 avril 2015: ce taux était contesté par son médecin traitant et incompatible avec les nombreuses tentatives de mesures de réadaptation ayant toutes échoué; étant précisé que le mandat de réadaptation a été clôturé par une demande de nouvel avis médical et d'expertise à laquelle il n'avait pas été donné suite. Elle a rappelé l'historique de son parcours professionnel, depuis sa prise de travail en Suisse en 1992. Dès le 1er avril 2012, elle avait obtenu un poste de lingère auprès de l'entreprise G______, à un taux de 80 %. Ce taux lui avait été imposé par son employeur et sa volonté avait toujours été de travailler à 100 %, pour autant que sa santé le lui permette. Le détail des arguments développés sera repris dans la mesure utile dans les considérants. S'agissant de l'évolution de son état de santé, et du déroulement de la procédure, elle a rappelé le contenu des différents rapports médicaux versés au dossier, observé que le SMR avait rendu un premier avis en date du 26 mai 2016, lequel concluait à une possibilité de travail à 50 % dans une activité adaptée à partir du 22 avril 2015 puis que, dans un second avis du 7 avril 2017, il retenait une péjoration de son état de santé, notamment sur les plans rhumatologique et psychiatrique. Le SMR, se référant à l'avis du psychiatre traitant, - qui retenait notamment le diagnostic de fibromyalgie avec épisode dépressif moyen nécessitant une psychothérapie -, avait proposé d'organiser une expertise bidisciplinaire, rhumatologique et psychiatrique. Le 8 mai 2017, le responsable du dossier à l'OAI avait toutefois rédigé une note de travail après un entretien téléphonique, qui faisait état de l'évolution très défavorable de la santé de l'assurée, sur le plan rhumatologique et psychiatrique. Le 28 mars 2018, le responsable REA avait rendu son rapport final: il constatait l'échec de toutes les mesures entreprises et observait que le SMR avait demandé une expertise rhumatologique et psychiatrique. Le 28 mai 2018, une note d'activation de dossier relatait un troisième rapport du SMR, émanant d'un médecin différent, indiquant que l'expertise précédemment recommandée ne se justifiait pas, faute d'évolution médicale. Il s'en était suivi une enquête ménagère à l'issue de laquelle un projet de refus de rente d'invalidité avait été rendu le 16 octobre 2018. Quant à la justification de la nécessité d'une expertise, le SMR avait sollicité la tenue d'une expertise. Pourtant, sans qu'aucun examen complémentaire n'ait été effectué, le SMR avait finalement revu sa position. Ce revirement ne s'expliquait par aucune amélioration de son état de santé et allait à l'encontre de son propre avis précédent ainsi que de ceux des médecins traitants. Quant à son taux d'incapacité de travail à compter du 22 avril 2015, elle relevait que sa situation a été, depuis le départ, relativement complexe, puisqu'elle était atteinte de multiples pathologies, dont les plus saillantes étaient de type rhumatologique et psychique. Il a été constaté dans le cadre de l'instruction qu'elle était incapable d'accomplir une tâche répétitive et sans qualification particulière en restant aussi bien debout qu'assise. Les différents médecins mentionnent une CT potentielle de 50 % dans une activité adaptée, mais aucune activité de ce type n'a pu lui être proposée pendant la période de réadaptation. Sur le plan psychique, le dernier constat spécialisé date du rapport du SMR d'avril 2017, dans lequel l'avis du psychiatre traitant était rapporté et suivi. Alors même qu'une expertise sur ce point avait été explicitement demandée, elle avait ensuite été annulée par le SMR, lequel retenait dans son rapport du 28 mai 2018 un avis fondamentalement différent de celui d'avril 2017 sans que rien ne vienne justifier ce revirement. Il conviendrait dès lors d'ordonner une expertise afin de déterminer son taux d'incapacité à compter du 22 avril 2015, à défaut de retenir que ce taux était de 100 %.

43.    L'intimé a répondu au recours par courrier du 27 mars 2019. Il a conclu à son rejet. S'agissant du statut d'assurée, la recourante exerçait une activité d'employée de pressing dès le 1er avril 2012 à 80 %. L'atteinte à la santé justifiait une incapacité de travail depuis le 17 mars 2014. Aucun élément objectif figurant au dossier ne venait corroborer les déclarations de la recourante quant à une modification de son statut. Elle avait indiqué que sans atteinte à la santé, elle continuerait d'exercer son activité au même taux, soit 80 % (questionnaire statut du 19 septembre 2018, enquête ménagère). La recourante ne faisait pas état de recherches d'augmentation de taux de travail auprès du même employeur ou de recherches d'emploi à 100 %. Il y avait dès lors lieu de considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que sans atteinte à la santé, la recourante aurait continué à travailler à 80 %. C'était donc à juste titre que l'intimé avait retenu un statut mixte. S'agissant de la CT, il ressortait des pièces médicales au dossier que la recourante avait une CT de 0 % dans son activité habituelle et de 50 % dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Cette capacité était confirmée par ses médecins traitants. Afin de définir une cible professionnelle, la recourante avait été reçue par le service REA et des mesures d'ordre professionnel avaient été mises en place; cependant, elles s'étaient soldées par un échec. C'était en raison de cet échec - justifié notamment par le fait que certains stages mis en place ne respectaient pas toutes les limitations fonctionnelles de la recourante, également en raison de l'incapacité de l'intéressée à s'engager dans un processus de réadaptation - qu'une expertise médicale avait été envisagée (avis du SMR du 7 avril 2017). Or, après réexamen du dossier médical, le SMR avait estimé que, mise à part une tendinite plantaire (atteinte non durable), la situation médicale n'avait pas subi de changement depuis le 26 mai 2016 (précédent avis du SMR). À ce sujet, la psychiatre traitante - de l'époque - (rapport du 24 février 2013), retenait notamment comme limitations fonctionnelles un manque de concentration, d'attention et de constance et des difficultés relationnelles. Ces dernières se recoupaient avec les limitations fonctionnelles retenues par l'office en 2016, conformément au rapport médical de la Dresse J______ (rapport du 9 novembre 2015, lequel retenait une CT de 50 %). Par ailleurs, le Dr M______ posait les mêmes diagnostics que les médecins intervenus précédemment. Il concluait enfin à une incapacité de travail de 60 % dès le 25 novembre 2016 dans l'activité habituelle et estimait que ladite activité était exigible à « 30-50 % » (à préciser). Ce qui précède confirmait qu'il n'y avait pas eu de changement de l'état de santé (tant psychique que physique) justifiant la mise en place d'une expertise. En l'occurrence, il était retenu que la recourante pouvait exercer différentes activités adaptées ne nécessitant pas de formation complémentaire, comme des activités de conditionnement léger, l'industrie manufacturière, la gestion de stocks, les tâches administratives simples, la vente dans un petit magasin, etc.. Enfin, l'instruction du dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause sur l'état de santé et la CT de la recourante, de sorte que la mise en oeuvre de mesures d'investigations complémentaires s'avèrait inutile. Le détail des arguments développés sera repris dans la mesure utile dans les considérants.

44.    La recourante a répliqué par courrier du 18 avril 2019. Elle persistait dans ses conclusions. Concernant le taux d'activité avant l'atteinte à la santé, l'intimé se fonde sur le rapport employeur du 2 mars 2015, lequel n'est d'aucune pertinence, dans la mesure où celui-ci n'avait aucune raison de refléter les souhaits et aspirations de la recourante. Au contraire, elle avait travaillé à 100 % entre 1992 et 1994 puis, après une période consacrée à l'éducation de ses enfants, entre 1998 et 2008, également à 100 %. Elle a encore accompli, après cette date, une mission temporaire auprès de l'entreprise Réalise à un taux de 100 % également. S'agissant de sa CT, la position de l'intimé masquait mal le caractère contradictoire des différents rapports médicaux rendus. En particulier, l'expertise proposée en avril 2017 par le SMR visait à déterminer si une CT résiduelle était exigible et si oui, à partir de quelle date et à quel taux. Or si, comme le prétend l'intimé, l'état de santé de la recourante n'avait pas évolué, on voit mal en quoi cette expertise ne serait aujourd'hui plus nécessaire alors qu'elle avait précisément pour but de déterminer ce qui était éventuellement exigible de sa part. Enfin, la recourante avait subi une IRM de la colonne lombaire et du petit bassin au cours du mois écoulé. Il ressortait de ces examens qu'elle présente une discopathie L4-L5 et L5-S1, prédominant en L5-S1, caractérisée par un pincement intersomatique avec la racine S1 droite et pouvant expliquer une symptomatologie à bascule. Le médecin préconise par ailleurs une infiltration test en cas d'échec du traitement conservateur. Il en résultait ainsi que l'état médical de la recourante continuait de se péjorer.

45.    L'intimé a dupliqué par courrier du 17 mai 2019. Il persistait intégralement dans ses conclusions. L'OAI avait soumis au SMR le rapport d'IRM du 3 avril 2019, évoqué dans la réplique; l'intimé s'est intégralement rallié à l'avis du SMR du 16 mai 2019, lequel conclut que cette IRM montre surtout une discopathie L5-S1 qui était connue depuis 2012. Dès lors, les conclusions précédentes du service médical restaient valables.

46.    La recourante a encore commenté brièvement la duplique de l'intimé, par courrier du 12 juin 2019, persistant pour le surplus dans ses conclusions.

47.    La chambre de céans a entendu les parties à l'audience de comparution personnelle du 13 janvier 2020 :

La recourante a déclaré : « Mon dernier employeur est l'entreprise G______, auprès de qui j'ai travaillé depuis avril 2012 sauf erreur et dès lors que je suis tombée malade entre-temps, mon employeur m'a donné congé en raison de longue maladie, ceci avec effet si mes souvenirs sont bons à fin septembre 2013. Pour répondre à votre question, j'avais déjà écrit à l'époque à plusieurs reprises pour formuler des offres spontanées d'emploi à cette entreprise mais je n'avais jamais reçu de réponse. C'est alors que j'ai décidé de me rendre dans leurs bureaux pour faire acte de candidature spontanée. Le service des ressources humaines m'a indiqué que je devrais postuler par écrit. Je leur ai indiqué que si je me présentais directement chez (eux), c'était précisément que toutes les lettres que j'avais précédemment envoyées n'avaient pas même été honorées d'une réponse. On m'a dès lors indiqué que je paraissais très motivée raison pour laquelle l'entreprise souhaitait me donner une chance. Le lendemain de ma visite, Mme Q______ (ndr. : Mme R______), l'une des responsables de G______ m'a contactée téléphoniquement, et m'a donné rendez-vous dans un café, pour discuter de ma situation. Nous nous sommes donc rencontrées et elle m'a demandé quelles étaient mes qualifications, mon expérience professionnelle (je lui ai dit que j'étais responsable de magasin), disponible au vu de l'âge de mes enfants, et que j'avais toujours travaillé à 100 %. Sur le moment elle m'a indiqué qu'elle ne pouvait pas m'offrir de suite un poste à 100 %, mais seulement à 80 %, et que l'on reverrait la question après trois mois. Au bout de trois mois j'ai repris contact avec Mme Q______ que je voyais d'ailleurs très souvent car elle venait souvent au magasin (au début j'ai été affectée à un S______ au centre commercial de Carouge). Je lui ai donc demandé si la question de mon taux de travail pouvait être revue comme prévue. Elle m'a alors répondu que l'on reverrait cette question un mois plus tard. Depuis lors, je lui parlais régulièrement, puisque je la voyais plusieurs fois par semaine. J'avais toutefois l'impression qu'elle tergiversait. Elle me laissait entendre qu'elle allait me déplacer dans un autre magasin, ce qui a été le cas quelques mois plus tard à la succursale de G______ à la place du Marché à Carouge. J'ai dû alors remplacer une personne qui était responsable du magasin, et qui était tombée malade. D'ailleurs, sauf erreur de ma part, elle n'a jamais repris son travail puisqu'elle était proche de la retraite. Pour autant mon statut n'a jamais changé et j'ai compris que cela ne se passerait jamais comme je le souhaitais et comme on me l'avait promis. Pour répondre à votre question je n'ai pas repris d'activité professionnelle depuis plusieurs années. L'OAI m'avait adressée à certains postes de travail, mais ceux-ci ne correspondaient jamais à mes réelles possibilités compte tenu de mes limitations fonctionnelles. Je me souviens que l'OAI m'avait adressée à T______ qui m'avait embauchée pour un stage à la place des Augustins à Carouge : le poste me plaisait bien car j'étais en contact avec la clientèle mais je devais rester debout toute la journée, ce qui n'était pas possible pour moi. J'avais demandé d'ailleurs de pouvoir m'asseoir lorsque je n'avais pas de clients à recevoir, mais cela m'avait été refusé. Pour répondre à votre question j'intervenais comme vendeuse dans cet établissement qui offrait des habits, des petits objets de décoration, des jouets pour enfants voire de l'alimentation. J'ai également essayé de retrouver un emploi par moi-même, mais j'ai rencontré systématiquement des difficultés, lorsque je devais indiquer mes possibilités limitées par mes maux de dos et de jambes. J'étais même intervenue auprès d'une de mes amies qui travaille aussi à T______, comme responsable de magasin, car j'appréciais beaucoup ce travail, pour autant que j'ai pu précisément m'asseoir entre deux clients, mais cela n'a définitivement pas été possible. On m'avait suggéré d'aller m'inscrire au chômage, mais je ne le souhaitais pas, précisément pour les mêmes raisons, soit de devoir exposer mes limitations, avec pour conséquence de ne pas être engagée. J'ai eu le sentiment que l'OAI voulait se débarrasser du problème en m'envoyant au chômage notamment, car j'ai observé que lorsqu'ils ont essayé de me trouver des emplois, voire me dispenser des formations nécessaires, c'étaient toujours des activités incompatibles avec mes problèmes de dos et de jambes. Je prends par exemple celui de me diriger vers la restauration, activité qui n'a nulle autre son pareil au titre d'incompatibilité avec mon état de santé. Pour répondre à votre question, je me sens pleinement capable dans la vente, mais évidemment à condition, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, de pouvoir m'asseoir pendant une partie du temps, voire entre deux clients. Actuellement donc je n'ai aucune activité. J'ai toujours souhaité travailler, sans devoir dépendre de mon mari, situation dans laquelle je me retrouve donc malgré moi aujourd'hui, et j'en souffre. Vous me faites observer que d'après le dossier, il semble que mes médecins me reconnaissent une CT résiduelle plus ou moins importante. Lorsque je discutais avec mon psychologue, je lui expliquais que je tenais beaucoup à travailler, car je ne suis pas quelqu'un qui peut rester sans rien faire, et se sentir être une charge pour son mari. J'ai toujours été indépendante financièrement. Psychiquement, je me trouvais totalement apte à travailler notamment aux Augustins, mais seule y faisait obstacle l'impossibilité de pouvoir m'asseoir pendant une partie de mon temps. De ce point de vue là je suis déçue de l'OAI car je pensais qu'ils pouvaient me trouver une activité compatible avec mon état. Actuellement je ne suis pas suivie médicalement. Je vais chez le médecin pour renouveler mes prescriptions d'antidouleurs uniquement. Sur le plan psychiatrique, je ne suis pas suivie, car cela me coûte de l'argent et je ne peux pas me le permettre. S'agissant du suivi que j'avais entrepris auprès de la Dresse J______, psychiatre, je vous confirme que cette relation thérapeutique s'était très mal terminée. Il est vrai que je n'avais pas compris le sens de sa réaction lorsque j'avais évoqué la condamnation de mon fils pour un problème de conduite en moto. Vous évoquez un rapport contenu dans le dossier de l'AI où il serait question d'un accident. En réalité il s'agissait d'un problème d'excès de vitesse en moto et de radar. La Dresse me disait que cette condamnation était très bien parce que cela lui servirait de leçon. D'un autre côté, je m'étais aperçue que les factures que je recevais à la maison étaient libellées au nom d'une tierce personne et non pas à son nom ».

Me PIGUET a confirmé que la recourante maintenait sa demande d'expertise bidisciplinaire en en rappelant les motifs et les références aux pièces du dossier.

La recourante: « Pour répondre à une question de mon conseil, lorsque je travaillais chez G______ à la place du Marché à Carouge mes fonctions étaient (celles) de responsable de magasin, ce qui supposait en principe un poste à 100 %. A ce titre j'étais fréquemment amenée à effectuer des heures supplémentaires, qui ne m'étaient d'ailleurs pas rétribuées. Je l'avais fait remarquer, mais comme je l'ai expliqué, je me suis toujours montrée particulièrement arrangeante, car je voulais croire à un engagement à plein temps, à terme. Sur question d'un juge assesseur, lorsque j'ai été placée par l'OAI pour un stage à T______ aux Augustins, j'ai travaillé environ pendant trois semaines, je ne me souviens plus exactement, et je confirme que j'avais d'emblée insisté auprès du responsable de la réadaptation de l'OAI, afin qu'il intervienne auprès de la responsable du magasin pour que je puisse travailler en alternance avec une station assise en l'absence de clientèle. La configuration des lieux le permettait d'ailleurs puisqu'il y avait une petite remise très discrète où l'on pouvait prendre place sans être vu. Il m'avait même accompagnée pour rencontrer cette responsable, mais nous ne l'avions pas trouvée le jour en question. J'ignore si des démarches avaient été entreprises ultérieurement ».

48.    Lors d'une nouvelle audience, en date du 29 juin 2020, la chambre de céans a entendu Madame R______, en qualité de témoin; l'OAI, excusé, n'a pas assisté à l'audience.

Mme R______ a déclaré : « je suis formellement retraitée, mais dans la mesure où je détiens des participations majoritaires dans un pressing, j'y travaille encore, à raison de 3 jours par semaine. Je confirme connaître Mme A______ ici présente. J'ai fait sa connaissance en 2012. À l'époque, j'étais directrice commerciale chez G______. La recourante cherchait du travail à temps partiel et je l'avais engagée à 80 %. Ceci dit, je ne me souviens plus de quelle manière sa candidature m'était parvenue. Il me semble, mais je ne m'en souviens plus clairement, que nous avions fait paraitre une annonce et que c'est dans ce contexte qu'elle s'était manifestée. Vous me lisez les 3 premiers paragraphes de la déclaration de Mme A______ à votre juridiction à l'audience du 13 janvier 2020. Vous me demandez si cela évoque des souvenirs. Je dirais globalement que cela correspond à peu près à ce que j'ai dit tout à l'heure. Ceci dit, je confirme qu'à l'époque, elle m'avait bien dit qu'elle cherchait un emploi à temps partiel, raison pour laquelle je lui ai proposé cet engagement à 80 %. Il est vrai qu'à l'époque, je ne pouvais pas lui proposer plus qu'un poste à 80 %, mais que, si les choses se passaient bien, et qu'elle souhaitait travailler à 100 %, nous pourrions revoir la question de son taux de travail. Il est possible effectivement que j'aie pu évoquer le délai de 3 mois. Du reste, dans l'intervalle, elle avait changé de magasin. Vous me lisez le 2ème paragraphe p. 2 du PV d'audition de la recourante susmentionné, qui évoque la situation après 3 mois d'engagement. Ce que vous venez de me lire est conforme à mes souvenirs. Je dois dire que cette année-là, j'atteignais l'âge de la retraite, et c'est l'une de mes collègues qui a repris mes fonctions. J'imagine dès lors que si les discussions que nous avions eues avec Mme A______ n'ont pas abouti à l'augmentation de son taux de travail, c'est que cela n'a pas suivi avec mon successeur, mais ceci est une pure supposition. Je confirme que je la voyais régulièrement au travail, car j'assurais le suivi dans toutes les succursales et points de vente de G______. Elle m'a toujours donné satisfaction. C'était une travailleuse. Vous me lisez le 1er paragraphe de la p. 4 du PV d'audition précédemment évoqué. Il s'agit de la réponse à une question du conseil de la recourante concernant notamment les heures supplémentaires qu'elle disait effectuer. Ce que vous m'avez lu est correct. En effet, le travail cyclique dont il s'agit implique effectivement une grande disponibilité de notre personnel, de qui l'on attend qu'il effectue des heures de travail complémentaires, lesquelles doivent être compensées jusqu'à la fin de l'année en cours. Si cela n'est pas possible, nous les rétribuons. Dans le cas particulier, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment, je ne sais pas ce qu'il en aura été de ces heures supplémentaires. Sur question d'un juge, je confirme que je ne sais pas si ces heures ont été compensées ou rétribuées, mais ce qui est sûr, c'est qu'elles étaient dûment enregistrées, et sans doute que la maison G______ pourrait répondre à la question si vous le souhaitez. Je confirme que Mme A______ n'a jamais rechigné devant les heures supplémentaires à effectuer. En effet, les employés sont toujours libres d'accepter ou de refuser, mais il est vrai qu'à 99 % des cas, les employés acceptent. C'était le cas de Mme A______. Elle s'est toujours montrée responsable, avec une attitude de responsable de magasin. Je confirme également que lorsque nous nous rencontrions, elle me rappelait régulièrement sa demande d'augmenter son taux de travail, d'autant que dans les faits, elle accomplissait déjà un taux de 100 % avec les heures qu'elle accomplissait. D'ailleurs, c'était la période de l'année entre les vacances estivales et l'automne où l'activité bat son plein dans notre secteur ».

Le conseil de la recourante a indiqué ne pas avoir de questions complémentaires à poser au témoin. Pour le surplus, il n'avait pas d'acte complémentaire à solliciter, et prenait acte de ce que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à
l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente, singulièrement sur la question de savoir si c'est à juste titre que l'OAI a reconnu à l'assurée un taux d'invalidité inférieur à 40 % en considérant notamment que le statut d'assurée était un statut mixte (80 % active et 20 % pour les travaux habituels).

5.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.        En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI (dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008), le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l'assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins, mais au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA.

Aux termes de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; ATF 130 V 343 consid. 3.4). La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c ; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b,
ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la doctrine, pour faire le choix de l'une ou l'autre méthode d'évaluation, il ne s'agit pas du point de savoir si l'exercice de telle ou telle activité serait raisonnablement exigible, mais bien de déterminer quelles activités l'assuré exercerait et à quel taux, dans des circonstances semblables, même en l'absence d'atteinte à la santé. Pour répondre à cette question, on tient compte de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative, en admettant la reprise hypothétique d'une activité lucrative partielle ou complète ou la poursuite des travaux habituels si ces éventualités présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références). Pour fixer la méthode d'évaluation de l'invalidité, l'activité exercée avant la survenance de l'invalidité n'est donc pas à elle seule déterminante même si, selon la jurisprudence, il convient d'accorder un poids important à cette circonstance. Le Tribunal fédéral a notamment retenu que, chez une femme qui avait repris une activité lucrative après la naissance de son enfant, la reconnaissance par l'assurance-chômage d'une aptitude pleine et entière au placement pouvait constituer un indice selon lequel elle ne se serait pas confinée à des activités ménagères mais une activité à plein temps, ce qui justifiait l'application de la méthode de comparaison des revenus (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, Schulthess éditions romandes 2018, ad art. 28a note 6 p. 400 et 401 et les références jurisprudentielles citées).

9.        Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l'administration procède à une enquête sur les activités ménagères et fixe l'empêchement dans chacune des activités habituelles conformément à la circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité. Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93) une telle enquête a valeur probante.

S'agissant de la prise en compte de l'empêchement dans le ménage dû à l'invalidité, singulièrement de l'aide des membres de la famille (obligation de diminuer le dommage), il est de jurisprudence constante que si l'assuré n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap, il doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable
(ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_784/2013 du 5 mars 2014 consid. 3.2).

Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l'accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d'un tel rapport d'enquête, il est essentiel qu'il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d'enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n'intervient pas dans l'appréciation de l'auteur du rapport sauf lorsqu'il existe des erreurs d'estimation que l'on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l'enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

10.    Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; ATF 122 II 464 consid. 4a, ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 a Cst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, 122 V 157 consid. 1d).

11.    a. En l'espèce, dans un premier grief, la recourante conteste le statut d'assurée (mixte) retenu par l'intimé. L'OAI a procédé à l'évaluation de l'invalidité selon la méthode mixte, selon une note datée du 16 juin 2016. Le taux d'activité professionnelle retenu, sans autre commentaire, est celui de 80 %, soit le taux d'activité auquel l'assurée exerçait son activité professionnelle au moment de la survenance de son incapacité de travail en 2014.

b. L'enquête économique sur le ménage apporte, sur ce point, un éclairage plus précis, dès lors qu'elle se réfère au questionnaire auquel l'assurée a personnellement répondu à ce sujet: elle a répondu affirmativement à la question de savoir si, sans atteinte à la santé, elle exercerait une activité lucrative et de même à la question de savoir si elle aurait le même taux d'occupation que celui occupé au moment de l'atteinte à la santé. Elle a toutefois répondu aux questions complémentaires - n'ayant manifestement pas compris qu'elle n'y était invitée que si elle avait répondu négativement à la question précédente -: elle a donc précisé ses réponses antérieures soit en mentionnant le secteur d'activité (blanchisserie pressing), celui où elle avait le plus clair de son temps travaillé avant l'atteinte à la santé - comme le confirme son CV -, précisant qu'elle travaillerait à 80 % « voire 100 % », parce que « c'était un travail que j'aimais beaucoup ». Elle a enfin répondu qu'elle n'avait pas effectué de nouvelles recherches d'emploi depuis sa dernière expérience (chez G______), « puisque j'étais malade ».

La chambre de céans observe que la recourante a, selon toute vraisemblance, répondu seule et spontanément à ce questionnaire, sans arrière-pensée; lorsqu'elle indique qu'elle exercerait cette activité à 80 % « voire à 100 % », elle avait manifestement à l'esprit ses problèmes de santé d'une part, mais aussi les difficultés qu'elle avait eues à tenter d'obtenir - en vain -, chez G______, une augmentation de son taux de travail à 100 %. Il faut dès lors comprendre de sa réponse que c'est bien à un taux de 100 % qu'elle aurait travaillé, si son état de santé le lui permettait, et si elle pouvait trouver un emploi à 100 %. Cette appréciation est corroborée par plusieurs autres éléments ressortant du dossier. Il en va ainsi du rapport établi par le service REA à la suite du premier entretien avec l'assurée le 19 septembre 2016: les examinateurs y notaient une grande motivation de la part de l'assurée, qui leur indiquait avoir une grande envie de retrouver une activité professionnelle, à plein temps si possible. Elle n'avait jamais été sans emploi par le passé et la situation actuelle, qui se prolongeait, l'affectait beaucoup; elle n'aimait pas rester inactive; cette dépendance financière lui pesait, d'autant qu'elle ne parvenait pas à assumer ses charges. Elle serait donc heureuse de pouvoir débuter la mesure d'orientation sans tarder, pour retrouver une activité et un rythme de travail. Elle n'avait pas d'idée précise de celle qu'elle pourrait exercer, mais elle disait savoir qu'elle allait trouver et reprendre une activité professionnelle à plein temps (ch. 20 ci-dessus en fait). Son CV confirme également qu'avant l'atteinte à la santé, elle a travaillé à 100 % entre 1992 et 1994 puis, après une période consacrée à l'éducation de ses enfants, entre 1998 et 2008, également à 100 % (alors même que son cadet était âgé de 4 ans au moment où elle a repris son activité à plein temps). Elle a encore accompli, après cette date, une mission temporaire auprès de l'entreprise Réalise à un taux de 100 % également.

c. Les explications complémentaires que la recourante a fournies à la chambre de céans lors de son audition en comparution personnelle, notamment par rapport aux conditions de son emploi chez G______ dès 2012 (ci-dessus en fait ch. 47 p. 21), ont été confirmées pour l'essentiel par Mme R______, sa directrice à l'époque, qui a déclaré : « À l'époque, j'étais directrice commerciale chez G______. La recourante cherchait du travail à temps partiel et je l'avais engagée à 80 %. Ceci dit, je ne me souviens plus de quelle manière sa candidature m'était parvenue. Il me semble, mais je ne m'en souviens plus clairement, que nous avions fait paraitre une annonce et que c'est dans ce contexte qu'elle s'était manifestée. Vous me lisez les 3 premiers paragraphes de la déclaration de Mme A______ à votre juridiction à l'audience du 13 janvier 2020. Vous me demandez si cela évoque des souvenirs. Je dirais globalement que cela correspond à peu près à ce que j'ai dit tout à l'heure. Ceci dit, je confirme qu'à l'époque, elle m'avait bien dit qu'elle cherchait un emploi à temps partiel, raison pour laquelle je lui ai proposé cet engagement à 80 %. Il est vrai qu'à l'époque, je ne pouvais pas lui proposer plus qu'un poste à 80 %, mais que, si les choses se passaient bien, et qu'elle souhaitait travailler à 100 %, nous pourrions revoir la question de son taux de travail. Il est possible effectivement que j'aie pu évoquer le délai de 3 mois. Du reste, dans l'intervalle, elle avait changé de magasin. Vous me lisez le 2ème paragraphe p. 2 du PV d'audition de la recourante susmentionnée, qui évoque la situation après 3 mois d'engagement. Ce que vous venez de me lire est conforme à mes souvenirs. Je dois dire que cette année-là, j'atteignais l'âge de la retraite, et c'est l'une de mes collègues qui a repris mes fonctions. J'imagine dès lors que si les discussions que nous avions eues avec Mme A______ n'ont pas abouti à l'augmentation de son taux de travail, c'est que cela n'a pas suivi avec mon successeur, mais ceci est une pure supposition. Je confirme que je la voyais régulièrement au travail, car j'assurais le suivi dans toutes les succursales et points de vente de G______. Elle m'a toujours donné satisfaction. C'était une travailleuse. Vous me lisez le 1er paragraphe de la p. 4 du PV d'audition précédemment évoqué. Il s'agit de la réponse à une question du conseil de la recourante concernant notamment les heures supplémentaires qu'elle disait effectuer. Ce que vous m'avez lu est correct. En effet, le travail cyclique dont il s'agit implique effectivement une grande disponibilité de notre personnel, de qui l'on attend qu'il effectue des heures de travail complémentaires, lesquelles doivent être compensées jusqu'à la fin de l'année en cours. Si cela n'est pas possible, nous les rétribuons. ... Je confirme que Mme A______ n'a jamais rechigné devant les heures supplémentaires à effectuer. ... Elle s'est toujours montrée responsable, avec une attitude de responsable de magasin. Je confirme également que lorsque nous nous rencontrions, elle me rappelait régulièrement sa demande d'augmenter son taux de travail, d'autant que dans les faits, elle accomplissait déjà un taux de 100 % avec les heures qu'elle accomplissait. ... ».

d. Comme le mentionne la jurisprudence citée précédemment, pour déterminer le champ probable de l'activité de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels et la volonté hypothétique de l'assuré, ceci sur la base d'indices extérieurs, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2).

À ce sujet, la chambre de céans constate, au vu du parcours professionnel de l'assurée depuis 1992 (son premier enfant avait alors 10 ans), qu'elle a toujours été active à 100 % jusqu'à la naissance de son deuxième enfant comme en atteste notamment son CV ; en dépit du bas âge de son fils cadet, elle a repris le travail à plein temps. Et lorsqu'après une période de chômage, elle a retrouvé un emploi chez G______ - dans des conditions où l'on a pu constater sa détermination (elle a affirmé sans être contredite s'être présentée spontanément dans les bureaux de cette entreprise, car plusieurs postulations qu'elle avait faites précédemment étaient restées sans réponse), elle aurait souhaité travailler à 100 %, mais son employeur ne lui avait proposé qu'un travail à 80 %. Il convient également de retenir le tempérament de grande travailleuse de la recourante (reconnu par Mme R______), ses aspirations à être indépendante financièrement et pouvoir apporter à sa famille une aisance matérielle; on retiendra également les relatives difficultés financières que rencontrait le couple en raison de l'atteinte à la santé de la recourante, comme cela ressort notamment du premier entretien au service REA (le couple accusait à l'époque un retard d'impôts sur deux ans), mais aussi l'âge de ses enfants - tous deux majeurs au moment de l'atteinte à la santé.

Ainsi, à tout le moins au degré de la vraisemblance prépondérante, la chambre de céans retiendra que sans atteinte à la santé, l'assurée aurait exercé une activité à 100 %, cet objectif n'ayant été compromis que par la survenance de l'atteinte à la santé.

Les objections de l'intimé ne convainquent pas. Dans sa réponse au recours, l'intimé, visant le questionnaire rempli par la recourante dans le cadre de l'enquête ménagère, retient que cette dernière aurait indiqué que sans atteinte à la santé, elle continuerait d'exercer son activité au même taux, soit 80 % et qu'elle ne fait pas état de recherches d'augmentation de taux de travail auprès du même employeur ou de recherches d'emploi à 100 %, pour considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que sans atteinte à la santé, la recourante aurait continué à travailler à 80 %. En cela, l'intimé a procédé à une sélection de ce qui lui convenait des déclarations de la recourante, pour défendre le seul critère qui - en réalité - l'avait conduit à retenir un statut mixte, soit le taux d'activité contractuel de l'assurée dans son dernier emploi.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans conclut, au degré de la vraisemblance prépondérante exigé en matière d'assurances sociales, que la recourante, sans atteinte à la santé, aurait repris une activité à 100 %, de sorte que c'est à tort que l'intimé a retenu un statut mixte et non pas un statut d'active à 100 %.

Pour ce premier motif, la décision entreprise doit être annulée en tant qu'elle se fonde sur un statut mixte, et non pas sur un statut d'active à 100 %.

12.    Dans un deuxième grief, la recourante conteste le taux d'incapacité de travail de 50 % retenu par l'intimé à dater du 22 avril 2015: ce taux était contesté par son médecin traitant et incompatible avec les nombreuses tentatives de mesures de réadaptation ayant toutes échoué; étant précisé que le mandat de réadaptation a été clôturé par une demande de nouvel avis médical et d'expertise à laquelle il n'avait pas été donné suite.

13.    a. Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1), au syndrome de fatigue chronique ou de neurasthénie (ATF 139 V 346; arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2009 du 17 août 2010 consid. 2.3 in SVR 2011 IV n° 26 p. 73), à l'anesthésie dissociative et aux atteintes sensorielles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 9/07 du 9 février 2007 consid. 4 in SVR 2007 IV n° 45 p. 149), à l'hypersomnie (ATF 137 V 64 consid. 4) ainsi qu'en matière de troubles moteurs dissociatifs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4), de traumatisme du type « coup du lapin » (ATF 141 V 574 consid. 5.2 et ATF 136 V 279 consid. 3.2.3) et d'état de stress post-traumatique (ATF 142 V 342 consid. 5.2). En revanche, ils ne sont pas applicables par analogie à la fatigue liée au cancer (cancer-related Fatigue) (ATF 139 V 346 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_73/2013 du 2 septembre2013 consid. 5).

b. La fibromyalgie est une affection rhumatismale reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (CIM-10 : M79.0), caractérisée par une douleur généralisée et chronique du système ostéoarticulaire et s'accompagne généralement d'une constellation de perturbations essentiellement subjectives (telles que fatigue, troubles du sommeil, sentiment de détresse, céphalées, manifestations digestives et urinaires d'allure fonctionnelle). Comme la fibromyalgie ne peut guère, étant donné son étiologie incertaine, être rangée dans la catégorie des atteintes à la santé psychiques ou psychosomatiques, ou encore dans celle des atteintes à la santé organiques, il se dégage une tendance générale parmi les auteurs d'admettre une combinaison de ces deux éléments, avec cependant une prépondérance des facteurs psychosomatiques. À ce jour, le Tribunal fédéral n'a cependant pas pris position sur cette controverse médicale (ATF 132 V 65 consid. 3.2 et 3.3; ATAS/581/2020).

En ce qui concerne la question de l'appréciation de la capacité de travail d'une personne atteinte de fibromyalgie, il faut admettre que l'on se trouve dans une situation comparable à celle de l'assuré souffrant d'un trouble somatoforme douloureux. Ces deux atteintes à la santé présentent en effet des points communs. Tout d'abord, on peut constater que leurs manifestations cliniques sont pour l'essentiel similaires (plaintes douloureuses diffuses). C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas rare de voir certains médecins poser indistinctement l'un ou l'autre diagnostic ou assimiler la fibromyalgie au trouble somatoforme douloureux. Ensuite, dans l'un comme dans l'autre cas, il n'existe pas de pathogenèse claire et fiable pouvant expliquer l'origine des douleurs exprimées. Cela rend la limitation de la capacité de travail difficilement mesurable car l'on ne peut pas déduire l'existence d'une incapacité de travail du simple diagnostic posé. En particulier, un diagnostic de fibromyalgie ou de trouble somatoforme douloureux ne renseigne pas encore sur l'intensité des douleurs ressenties par la personne concernée, ni sur leur évolution ou sur le pronostic qu'on peut poser dans un cas concret. Certains auteurs déclarent du reste que la plupart des patients atteints de fibromyalgie ne se trouvent pas notablement limités dans leurs activités. Eu égard à ces caractéristiques communes et en l'état actuel des connaissances, il se justifie donc, sous l'angle juridique, d'appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, il convient ici aussi d'exiger le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie, d'autant plus que les facteurs psychosomatiques ont, selon l'opinion dominante, une influence décisive sur le développement de cette atteinte à la santé. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaît donc la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle - eu égard également aux critères déterminants - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part. On peut réserver les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail (ATF 132 V 65 consid. 4.2; ATAS/581/2020 et réf. citées; ATAS/1133/2018).

c. Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris les troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée.

La capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources).

Les indicateurs standard qui doivent être pris en considération en règle générale peuvent être classés selon leurs caractéristiques communes :

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Le « complexe personnalité » englobe à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l'atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : autoperception et perception d'autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d'un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

d. Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une telle évaluation si elle n'est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va notamment ainsi lorsqu'il n'existe aucun indice en faveur d'une incapacité de travail durable, ou si l'existence d'une incapacité de travail est niée de manière convaincante par un avis médical spécialisé ayant pleine valeur probante et que les éventuels avis contraires peuvent être écartés faute de pouvoir se voir conférer une telle valeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7).

14.    Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents qu'un médecin, éventuellement d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

a. Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

b. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

c. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

d. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

e. On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

f.     En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

g.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en oeuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

15.    En l'espèce, le 3 février 2017, le médecin traitant a établi un rapport médical intermédiaire (voir ci-dessus en fait ad ch. 26) ; l'état de santé s'était aggravé: sur le plan psychique, depuis le 7 septembre 2016, car son fils cadet avait eu un grave accident de circulation et avait été hospitalisé aux soins intensifs; sur le plan physique, depuis la mi-janvier 2017: l'assurée souffrait d'une tendinite plantaire droite. Le traitement médicamenteux avait été adapté et elle était suivie à raison d'une fois par semaine par le Dr M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (nouveau psychiatre traitant). En revanche, depuis février 2016, elle n'avait plus de malaises et depuis plusieurs mois elle allait mieux du point de vue orthopédique et lombaire. Ses douleurs étaient toutefois fluctuantes; les limitations fonctionnelles étaient la station debout longtemps, le travail en position accroupie, le port de charges lourdes, le travail en extérieur. Le 24 février 2017, le Dr M______ a établi un rapport, en réponse à une demande de l'OAI (voir ci-dessus en fait ad ch. 27). Il retenait les diagnostics incapacitants de fibromyalgie (M79.0), de dysthymie (F34.1) dès 2013, épisode dépressif moyen (F32.1). Le suivi de la patiente avait débuté avec lui le 25 novembre 2016, et était encore en cours. Sur le plan anamnestique, la patiente avait des antécédents d'états dépressifs majeurs (2 fois). Récemment, elle avait fait un nouvel épisode par suite de problèmes graves de son fils cadet. Le spécialiste constatait une tristesse, de l'anxiété, un sentiment d'abandon, de culpabilité et de désespoir; inhibition de son agressivité, perte de l'élan vital. Le pronostic était favorable à moyen terme avec un suivi psychothérapeutique. Le traitement actuel consistait en une psychothérapie individuelle de soutien, qui cherchait l'affirmation de soi et la résolution des conflits. L'incapacité de travail était de 60 % du 25 novembre 2016 à ce jour, encore en cours. S'agissant des restrictions physiques, mentales ou psychiques existantes: restrictions physiques (en raison de la fibromyalgie) et restrictions psychiques (stress, anxiété, labilité émotionnelle, intolérance à la frustration, qui se manifestaient par de la difficulté à supporter les conflits, les remarques, les incompréhensions, la pression; la patiente avait tendance à projeter sur les autres et à conflictualiser ses relations). Du point de vue médical, l'activité exercée était encore exigible, à préciser : 30 à 50 %.

Sur cette base, le SMR (Dresse N______) s'est prononcé dans un avis médical du 7 avril 2017 (voir ci-dessus en fait ad ch. 29): ayant passé en revue les documents médicaux versés successivement au dossier, constatant qu'en février 2017, le Dr M______, psychiatre traitant, retenait le diagnostic de fibromyalgie avec épisode dépressif moyen nécessitant une psychothérapie, et déclarant qu'aucune réadaptation n'était actuellement possible, la situation devant être réévaluée à distance pour cette assurée en incapacité de travail depuis 2014, le SMR a proposé à l'OAI de mettre en place une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique, les experts ayant pour mission d'évaluer l'incapacité de travail dans le temps, les diagnostics incapacitants actuels, les limitations fonctionnelles, ainsi que de répondre à la question de savoir s'il existait une CT résiduelle exigible, et si oui, à partir de quelle date et à quel taux.

À ce stade, la chambre de céans constate qu'en effet, au vu des documents versés au dossier et en particulier des rapports médicaux les plus récents qui lui avaient été soumis, c'est à juste titre que le SMR a préconisé au printemps 2017 la tenue d'une expertise bidisciplinaire rhumato-psychiatrique. Cet examen était d'autant plus justifié, vu le diagnostic de fibromyalgie posé par le psychiatre, (diagnostic que la neurologue consultée en mai 2015, la Dresse I______ [voir ci-dessus en fait ch. 13] avait déjà suspecté), et que jusqu'alors, - et aujourd'hui encore -, aucun avis spécialisé de rhumatologue - dont la jurisprudence susmentionnée rappelle que le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue (mais qu'il convient également d'exiger le concours d'un spécialiste en psychiatrie pour l'examen de cette problématique) - n'avait été recueilli.

On rappellera également que la consultation du SMR par l'OAI, à fin mars 2017, était due aux conclusions de l'OSEO, en charge de la mesure professionnelle en cours à l'époque, qui, au terme de son bilan du 23 mars 2017, préconisait une interruption de programme pour des raisons de santé et de l'incapacité de l'assurée de tester actuellement les projets envisagés pour un ou plusieurs stages.

Néanmoins, pour des raisons qui ne ressortent pas du dossier, cette expertise n'a jamais été mise en place par l'intimé, malgré les indications téléphoniques que le gestionnaire avait données à l'assurée (note téléphonique du 8 mai 2017 - ch. 30 en fait).

Or, entre-temps, rien ne s'est produit dans l'instruction de ce dossier, - notamment aucun rapport médical n'a été sollicité des médecins traitants -, jusqu'au 28 mars 2018 - pratiquement une année après le rapport de l'OSEO proposant l'interruption de la mesure en cours -, date à laquelle le service REA a décidé de clore son mandat, au vu de l'interruption de la mesure qui était en cours en mars 2017, et de la décision du service médical de l'OAI - en avril 2017 - de mettre en oeuvre une expertise. Et suite à cette décision, est survenue la note « activation de dossier » du 28 mai 2018 du gestionnaire de l'OAI, contresignée par le SMR (Dresse O______), qui rappelait que l'assurée avait été mise au bénéfice d'une mesure d'orientation professionnelle visant à cibler une activité adaptée à l'état de santé, cette mesure ayant été interrompue en mars 2017; que le dossier médical avait été instruit, et mise à part une tendinite plantaire (atteinte non durable), la situation médicale n'avait pas subi de changement. Considérant que le médecin traitant estimait que la CT était de 50 % et que du point de vue psychiatrique, en février 2017, le psychiatre traitant retenait une CT aux alentours de 50 %, le SMR considérait qu'il n'y avait pas de raison justifiant une demande d'expertise; en effet, aucun élément médical n'était produit, la justifiant. De ce fait, la demande d'expertise était annulée, et le dossier était renvoyé au service REA pour suite à donner à l'examen des mesures de réadaptation.

Force est évidemment de constater que la situation médicale, comme le mentionne la note en question, n'avait - apparemment - pas évolué depuis le précédent avis du SMR, puisque plus rien n'avait été entrepris dans ce dossier dans l'intervalle. Contrairement à ce que pourrait laisser penser cette note, le dossier médical n'a pas été instruit, après la recommandation du SMR du 7 avril 2017 de mettre en oeuvre une expertise bidisciplinaire: en effet, à ce moment-là le SMR connaissait la problématique de la tendinite plantaire, seul élément d'ordre médical qui laisserait penser à une évolution de l'état de santé de la patiente, dans l'intervalle, mais pour constater que cette atteinte n'était pas durable. Rien ne justifiait dès lors cette nouvelle appréciation du cas et, en particulier, de renoncer à l'expertise bidisciplinaire, sinon peut-être le souci de clore ce dossier après une ultime mesure d'instruction, sous forme d'enquête ménagère, vu le statut d'assurée (mixte) qui avait été fixé en 2016 déjà.

Contrairement à ce que prétend l'intimé dans ses écritures, le dossier ne permettait pas, au moment où la décision entreprise a été rendue, de résoudre les questions qui précisément devaient faire l'objet de l'expertise recommandée par le SMR en avril 2017 (évaluer l'incapacité de travail dans le temps, les diagnostics incapacitants actuels, les limitations fonctionnelles, ainsi que de répondre à la question de savoir s'il existait une CT résiduelle exigible, et si oui, à partir de quelle date et à quel taux).

La chambre de céans constate que l'intimé a rendu la décision entreprise en s'affranchissant de son devoir d'instruire de manière complète, en l'occurrence en renonçant, sans motif pertinent, à la mise en oeuvre de l'expertise bidisciplinaire, dont le principe avait été décidé en avril 2017, de manière pleinement justifiée.

La décision attaquée sera ainsi annulée, le dossier étant retourné à l'intimé, pour complément d'instruction sous la forme d'une expertise bidisciplinaire rhumato-psychiatrique, et nouvelle décision.

16.    Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 22 janvier 2019 sera annulée. Le dossier sera retourné à l'intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants qui précèdent, et nouvelle décision qui tiendra compte, s'agissant de déterminer le degré d'invalidité de la recourante, d'un statut d'active à 100 %, de l'assurée, comme indiqué précédemment.

17.    La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

18.    Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 500.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision du 22 janvier 2019, et retourne la cause à l'intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Condamne l'intimé à payer à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- valant participation à ses frais d'avocat.

5.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge de l'intimé.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le