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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3573/2020

ATA/972/2021 du 21.09.2021 ( NAVIG ) , REJETE

Descripteurs : BATEAU;NAVIGATION;INTERDICTION DE CIRCULER;SIGNALISATION ROUTIÈRE;PORT;BOUÉE;DEVOIR DE COLLABORER;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPA.62.al1.leta; LPA.68; Cst.5.al2; Cst.5.al3; LPA.22; LPA.65.al2; LPA.69.al1; LNav.1.al1; RNav.1; LNav.10.al1; LNav.16.al2.letd
Résumé : Recours contre une décision de retrait de l'autorisation d'amarrage, au motif que le permis de navigation du bateau du recourant lui a été – à juste titre – retiré. Le recourant ne conteste pas les faits mais invoque un empêchement de régulariser sa situation en raison de la pandémie de Covid-19. Délivrance d'un nouveau permis de navigation après le dépôt du recours devant la chambre administrative de la Cour de justice. Fait nouveau qu'il convient de ne pas prendre en compte. En effet, le recourant est resté dans une situation contraire au droit pendant presque deux ans avant de régulariser sa situation, sans jamais invoquer un motif objectif l'ayant empêché d'agir. Dans ces circonstances, le recours a été déposé à des fins dilatoires et en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, permettant au recourant de régulariser sa situation pendant que la cause était gardée à juger. La cause est ainsi jugée au moment où la décision litigieuse a été rendue. Cette dernière est conforme au droit, le retrait de l'autorisation d'amarrage étant justifié et motivé par le retrait du permis de navigation. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3573/2020-NAVIG ATA/972/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 septembre 2021

2ème section

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCEAU - CAPITAINERIE CANTONALE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est propriétaire d'un bateau immatriculé GE 1______, qui occupe la place d'amarrage n° 2______ dans le Port Nautica, à Genève.

2) Dans le courant de l'année 2019, le permis de navigation de son bateau lui a été retiré au motif que ledit bateau n'avait pas passé la visite technique.

3) Par courrier du 21 juillet 2020, la Capitainerie cantonale (ci-après : la capitainerie), rattachée au département du territoire (ci-après : le département), a imparti à M. A______ un délai échéant au 5 août 2020 pour qu'il lui donne des explications sur les circonstances ayant conduit au retrait de son permis de navigation. Elle lui a également fait savoir que, passé ce délai et sans nouvelles de sa part, une décision de retrait de la place d'amarrage pourrait être prise.

M. A______ ne s'est pas manifesté.

4) Par décision du 6 octobre 2020, la capitainerie lui a retiré son autorisation d'amarrage.

5) Par acte posté le 6 novembre 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation.

Il ne remettait pas en cause la perte de son permis de navigation, qu'il expliquait par le fait qu'il n'avait pas eu le temps d'effectuer les travaux de révision des feux de navigation de son bateau ainsi qu'un test anti-pollution.

Les mesures prises par les autorités cantonales et fédérales dans le cadre de la pandémie de COVID-19 au cours de l'année 2020 l'avaient empêché d'effectuer les démarches nécessaires pour récupérer son permis. De plus, en raison de la situation sanitaire encore incertaine, il ignorait s'il pourrait régulariser sa situation avant la fin de l'année 2020.

6) Le 17 décembre 2020, l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau), rattaché au département, a conclu au rejet du recours.

M. A______ reconnaissait lui-même que son bateau n'avait pas passé la visite technique, raison ayant justifié le retrait de son permis de navigation.

Ce retrait avait été prononcé en 2019, avant le début de la crise sanitaire. Il n'avait donc pas été empêché, à ce moment-là, d'effectuer les démarches nécessaires pour régulariser sa situation.

Le semi-confinement n'avait duré qu'une partie de l'année 2020 et avait été interrompu pendant l'été, ce qui aurait dû lui laisser le temps d'entreprendre lesdites démarches.

En décembre 2020, soit plus d'un an après le retrait de son permis, il ne s'était toujours pas vu délivrer un nouveau permis de navigation et n'avait produit aucun document prouvant qu'il avait entamé quoi que ce soit en vue de le récupérer.

7) Le 14 janvier 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 12 février 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

8) Le 1er février 2021, l'OCEau a indiqué n'avoir pas de requête ou d'observation complémentaire à formuler.

9) M. A______ ne s'est pas manifesté dans le délai imparti.

10) Par acte déposé au guichet de la chambre administrative le 17 mai 2021, M. A______ a transmis copie de son nouveau permis de navigation, délivré le 3 mai 2021.

11) Le 17 mai 2021, le juge délégué a transmis ce document à l'OCEau et l'a invité à lui indiquer jusqu'au 26 mai 2021 si le recours conservait un objet.

12) Par acte du 26 mai 2021, l'OCEau a répondu à la chambre administrative que le recours conservait son objet.

Le 21 juillet 2020, la capitainerie avait imparti à M. A______ un délai échéant au 5 août 2020 pour lui donner des explications sur sa situation, ce qu'il n'avait pas fait. Il n'avait jamais pris contact avec l'administration et avait donc violé son obligation de collaborer, qui pouvait se déduire du principe de la bonne foi. Il était par ailleurs resté dans une situation contraire au droit pendant presque deux ans.

Il avait invoqué un manque de temps pour effectuer les travaux de révision des feux de navigation de son bateau ainsi qu'un test anti-pollution. Il avait également justifié par les mesures liées au COVID-19 son empêchement d'effectuer les démarches nécessaires pour récupérer son permis de navigation mais n'avait apporté aucune preuve d'un empêchement objectif d'agir.

Son recours ne reposait dès lors sur aucun fondement et avait été introduit à des fins purement dilatoires.

L'admission du recours conduirait à l'autoriser à faire obstacle, à sa guise et par le dépôt d'un recours abusif, à toute demande de la capitainerie portant sur le respect du cadre légal régissant les autorisation d'amarrage. Un tel procédé créerait un précédent très dommageable pour l'OCEau dans la mesure où cela reviendrait à accepter un usage anormal des voies de droit ayant pour effet de rendre inopérantes les décisions administratives rendues par la capitainerie.

13) Le 1er juin 2021, le juge délégué a transmis à M. A______ les observations de l'OCEau et a indiqué aux parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Il convient de déterminer l'admissibilité du fait nouveau invoqué par le recourant, soit l'obtention de son nouveau permis de navigation.

3) a. Selon l'art. 68 LPA, sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_197/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1).

L'autorité de recours doit en principe prendre en compte les faits et moyens de preuve qui surviennent après le dépôt du mémoire de recours et l'échange des écritures s'ils sont pertinents. De même, l'autorité de recours doit tenir compte de modifications des circonstances qui interviennent en cours de procédure (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 618).

b. L’interdiction de l’abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4ème éd., 2021, n. 1307). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger s’avère manifeste (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., n. 1308 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 583 p. 208). L’interdiction de l’abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l’administration (ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 584 p. 208).

c. En l'espèce, l'obtention par le recourant d'un nouveau permis de navigation constitue une modification des circonstances dans la mesure où le précité ne bénéficiait plus d'un permis de navigation au moment où l'autorité intimée a rendu la décision litigieuse. Or, il convient de souligner qu'il est resté dans une situation contraire au droit pendant presque deux ans avant de régulariser sa situation, sans jamais invoquer un motif objectif l'ayant empêché d'agir. Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que le recours a été déposé à des fins dilatoires et en violation du principe de l'interdiction de l’abus de droit, permettant ainsi au recourant de régulariser sa situation pendant que la cause était gardée à juger.

De plus, dès lors que le fait nouveau porte sur le motif à l'origine de la décision litigieuse et non sur un éventuel apport de preuves, il convient de juger la cause où moment où la décision litigieuse a été rendue, soit avant que le recourant n'obtienne un nouveau permis de navigation.

Compte tenu de ce qui précède, l'autorité de céans ne prendra pas en compte le nouveau permis de navigation obtenu par le recourant.

4) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'OCEau du 6 octobre 2020 retirant au recourant son autorisation d'amarrage.

5) Le recourant ne remet pas en cause l'application de la loi mais soutient que les mesures prises par les autorités fédérales et cantonales dans le cadre de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19 l'ont empêché d'effectuer en temps utile les démarches nécessaires pour récupérer son permis de navigation.

6) La loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 17 mars 2006 (LNav - H 2 05) règle la navigation sur le lac et les cours d’eau publics du canton, ainsi que l’utilisation des installations portuaires (art. 1 al. 1). Son règlement d’application du 18 avril 2017 (RNav - H 2 05.01) a pour but de déterminer les conditions applicables à la navigation, à l’amarrage, au stationnement des bateaux, ainsi qu’à l’usage des ports, des quais et des installations portuaires (art. 1).

7) Selon l’art. 10 al. 1 LNav, l’amarrage et le dépôt de bateaux dans les eaux genevoises et sur le domaine public, le long des rives, sont subordonnés à une autorisation « à bien plaire », personnelle et intransmissible. En vertu de l’art. 16 al. 2 LNav, les autorisations d’amarrage ou de dépôt peuvent notamment être retirées en cas de retrait ou d’annulation du permis de navigation (let. d).

8) En l'espèce, le recourant reconnaît que son bateau immatriculé GE 1______ n'a pas passé la visite technique et que le permis de navigation de ce bateau lui a, en conséquence, été retiré. Il soutient en revanche que les mesures prises par les autorités fédérales et cantonales dans le cadre de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19 l'ont empêché d'effectuer les démarches nécessaires pour récupérer son permis de navigation. Or, il ne peut contester le fait que son permis de navigation a été annulé avant le début de la crise sanitaire. Il ne pouvait dès lors pas se trouver dans une situation l'empêchant d'effectuer les démarches nécessaires pour récupérer son permis pour cette raison, d'autant plus que le semi-confinement décrété en mars 2020 n'a duré qu'une courte partie de l'année. Le recourant a donc disposé de temps pour effectuer les démarches nécessaires, ce qu'il n'a pas fait, et ne peut dès lors pas se prévaloir de la seule crise sanitaire pour justifier son inaction. Au demeurant, il n'a pas fait valoir d'autre motif déterminant.

Ainsi, le recourant ne disposant d'aucun permis de navigation valable et n'ayant fourni aucune indication concernant les démarches qu'il aurait initiées pour régulariser sa situation, c'est à bon droit que l'autorité intimée a fait application de l'art. 16 al. 2 LNav, l’annulation du permis de navigation constituant un motif de retrait de l'autorisation d'amarrage.

9) Le recours sera dès lors rejeté.

Au vu de ce qui précède, un émolument de CHF 250.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire – office cantonal de l'eau – capitainerie cantonale du 6 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département du territoire – office cantonal de l'eau - capitainerie cantonale .

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

I. Semuhire

 

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :