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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2249/2020

ATA/961/2020 du 29.09.2020 ( FORMA ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : FORMATION(EN GÉNÉRAL);EXAMEN(FORMATION);QUALITÉ POUR RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;INTÉRÊT ACTUEL
Normes : LPA.60
Résumé : Le recours d'une étudiante à l'école de culture générale ayant réussi le certificat de fin d'études contre le refus de prendre en compte les notes qu'elle a obtenues au début du second semestre pendant la crise sanitaire du Covid-19 est irrecevable, faute d'intérêt digne de protection et d'intérêt actuel.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2249/2020-FORMA ATA/961/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 septembre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 2001, était inscrite, pour l'année scolaire 2019-2020, en troisième année de l'école de B______
(ci-après : B______) à ______, briguant le certificat de l'B______ avec option spécifique préprofessionnelle « C______ ».

2) À l'issue du premier semestre de cours, à teneur du bulletin scolaire du 27 janvier 2020, Mme A______ avait obtenu une moyenne générale de 4,7, mais n'était pas promue car elle comptabilisait des moyennes insuffisantes dans quatre disciplines, ainsi qu'une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0,9.

3) Le 16 mars 2020, les cours en présentiel ont été suspendus dans toutes les écoles publiques genevoises en raison de la pandémie de Covid-19.

4) Le 15 mai 2020, à la demande du père de Mme A______, le maître de classe de celle-ci lui a communiqué les notes obtenues dans chaque discipline au 13 mars 2020.

5) Le 26 mai 2020, la directrice de l'B______ a convoqué Mme A______ à une session d'examens de rattrapage pour l'obtention du certificat de l'B______ dès le 8 juin 2020, jour de reprise des cours dans les écoles, compte tenu du fait qu'elle n'était pas promue à la fin du premier semestre.

6) Le 27 mai 2020, les parents de Mme A______ ont demandé à la directrice de l'établissement de leur communiquer « la décision de ne pas prendre en compte les résultats des évaluations jusqu'au 16 mars 2020 dans la détermination des critères d'évaluation de la situation des élèves », avec indication des voies de recours.

La comptabilisation des seules notes du premier semestre pour justifier ou non des examens de rattrapage « [oblitérait] entièrement le travail effectué sur quasiment la moitié du deuxième semestre dans des conditions pourtant tout à fait normales de scolarité et de contrôles de connaissances formels ».

Ils étaient conscients que, compte tenu des circonstances et des délais, leur requête n'aurait pas d'incidence sur la situation de leur fille, qu'ils avaient « bien entendu préparée à effectuer le mieux possible ses examens de rattrapage », mais ils en faisaient « une question de principe sur l'équité dans un État de droit ».

7) Le 2 juin 2020, la directrice de l'B______a transmis aux parents de Mme A______ l'arrêté du Conseil d'État genevois concernant l'obtention de la maturité gymnasiale et du certificat de l'école de culture générale ainsi que la gestion des notes anticipées pour l'année scolaire 2019-2020, daté du 27 avril 2020 (ci-après : l'arrêté).

À teneur de ce document, les décisions de délivrance des titres du certificat de l'B______ étaient fondées sur les résultats obtenus à l'issue du premier semestre et sur la note obtenue au travail personnel de certificat (ci-après : TPC ; art. 3). Les élèves non promus à l'issue du premier semestre pouvaient s'inscrire à une session de rattrapage (art. 4).

Les décisions prises sur le plan fédéral dans le cadre de la crise sanitaire laissaient une certaine latitude aux cantons dans leur application, de sorte que le Conseil d'État avait, dans un souci d'équité, décidé d'arrêter la date de la prise en compte des résultats de la dernière année enseignée à la fin du premier semestre.

Un recours pouvait être adressé à la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP).

8) Le 4 juin 2020, les parents de Mme A______ ont adressé un recours contre la décision précitée à la DGES II.

Ils demandaient que les résultats obtenus par leur fille entre la fin du premier semestre et le 16 mars 2020 soient pris en compte dans la détermination de l'évaluation de la décision de délivrance du certificat de l'B______ ; celle-ci devait ainsi se voir délivrer le certificat et ne pas être soumise à la participation aux examens de rattrapage.

L'arrêté du 27 avril 2020 devait être révisé et modifié en conséquence, en particulier si les résultats obtenus entre le premier semestre et le 16 mars 2020 étaient bénéfiques.

Subsidiairement, les résultats obtenus jusqu'au 16 mars 2020 devaient au moins être pris en compte, s'ils étaient bénéfiques, dans l'évaluation finale après les examens de rattrapage.

9) Par décision du 15 juin 2020 adressée à Mme A______, majeure, le directeur de la DGES II a déclaré irrecevable la conclusion du recours précité visant à la modification de l'arrêté du Conseil d'État et l'a rejeté pour le surplus.

La DGES II n'était pas compétente pour modifier la teneur d'un arrêté du Conseil d'État.

Dans un souci d'égalité de traitement, mais aussi de préserver la valeur du titre décerné dans un contexte particulier, il ne pouvait pas être tenu compte des notes acquises durant le second semestre, tous les élèves n'ayant pas été évalués de la même manière et dans l'ensemble des disciplines entre la fin du premier semestre et le 13 mars 2020.

10) Selon le bulletin de notes établi le 19 juin 2020 à l'issue de la session d'examens de rattrapage, Mme A______ a obtenu le certificat de l'B______, étant promue avec une moyenne générale de 4,9, une moyenne insuffisante et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0,2.

11) Par acte du 24 juillet 2020, Mme A______ et ses parents ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

Ils ont conclu, d'une part, à l'annulation des art. 3 et 4 de l'arrêté du Conseil d'État du 27 avril 2020 et, d'autre part, à l'annulation de « la décision rendue le 15 juin 2020 par la DGES II prononçant le refus de prendre en compte les notes obtenues jusqu'au 13 mars 2020, de sorte à ce que l'autorité soit tenue de prendre en compte les excellents résultats obtenus lors du deuxième semestre, jusqu'au 13 mars 2020, par Mme A______ ».

Tant l'arrêté du Conseil d'État que la décision de la DGES II violaient le droit, ne poursuivaient aucun intérêt public et étaient contraires aux principes de l'égalité de traitement et d'interdiction de l'arbitraire.

12) Le 10 août 2020, le directeur de la DGES II a répondu au recours, se rapportant à justice s'agissant de sa recevabilité et, persistant dans les termes de la décision entreprise, concluant à son rejet.

13) Le 18 août 2020, Mme A______ a maintenu son recours et ses conclusions.

14) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Il sera préalablement relevé que l'autorité intimée est entrée en matière sur le recours du 4 juin 2020, alors que se posait la question de sa recevabilité sous l'angle de la qualité pour agir des parents de l'étudiante qui, jusqu'au stade du recours devant la chambre de céans, sont intervenus seuls pour leur fille pourtant majeure. Cette question pourra cependant souffrir de rester ouverte, compte tenu de ce qui suit.

3) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/888/2020 du 15 septembre 2020 ; ATA/130/2016 du 9 février 2016 et les références citées).

b. Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2).

L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; 131 II 649 consid. 3.1). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1).

c. Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/888/2020 précité). La condition de l'intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, notamment, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4).

d. Il est toutefois renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition fait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2).

4) En l'espèce, la recourante a passé avec succès les examens de rattrapage au mois de juin 2020 et a obtenu son certificat de l'B______ à l'issue de cette session. Nonobstant cette réussite, connue au jour de son recours, elle allègue
qu'elle-même et ses parents auraient un intérêt digne de protection à recourir contre la décision litigieuse dans la mesure où la délivrance de son certificat serait fondée sur une constatation inexacte des notes obtenues et où elle avait, de surcroît, dû se soumettre aux examens de rattrapage alors qu'elle aurait pu obtenir le diplôme sans ceux-ci. La recourante allègue au surplus que, si ses résultats du deuxième semestre avaient été pris en compte, ses résultats finaux auraient reflété un meilleur profil d'elle-même, qui aurait une influence indéniable sur son futur académique et professionnel.

Force est toutefois de constater que la recourante ne fait qu'alléguer des hypothèses concernant son avenir et que le risque auquel elle prétend être exposée n'est pas défini. Elle ne démontre ainsi pas que l'admission de son recours aurait une utilité pratique en lui évitant de subir un préjudice déterminé et établi. Ses parents ont d'ailleurs admis avoir conscience que, vu le contexte et les délais, leurs démarches n'auraient que peu d'influence sur la situation de leur fille, mais qu'ils en faisaient « une question de principe ». Partant, la recourante ne peut pas se prévaloir d'un intérêt digne de protection.

Par ailleurs, dès lors que la recourante a déjà passé et réussi les examens de rattrapage, ce qui a donné lieu à la délivrance du certificat qu'elle briguait, et dans la mesure où la situation litigieuse - qui s'est posée dans le cadre d'une crise sanitaire inédite - ne risque pas de se reproduire puisque l'étudiante a terminé l'B______ et quitte cette école, elle ne dispose pas non plus d'un intérêt actuel au recours.

Le recours sera par conséquent déclaré irrecevable.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 juillet 2020 par Madame A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 15 juin 2020 ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :