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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1475/2004

ATA/914/2004 du 23.11.2004 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; CALCUL DE L'IMPOT; REVENU; SOCIETE; DIVIDENDE(SOCIETE); IMPOSITION DANS LE TEMPS; SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE
Normes : LIFD.20 al.1 litt.c; LIFD.218; OCIFD.7
Résumé : Taxation du dividende versé durant l'année 2000 soit pendant la brèche de calcul, par une société à responsabilité limitée à l'un de ses associés-gérants. En l'espèce, le dividende versé ne peut être qualifié de revenu extraordinaire justifiant une taxation particulière.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1475/2004-FIN ATA/914/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 novembre 2004

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D’IMPÔTS

et

Monsieur N. Z.

représenté par la société KPMG Fides, mandataire


 


1. Domicilié dans le canton de Genève, Monsieur N. Z. est l’un des trois associés-gérants de la société L. (ci-après : L.), inscrite le 13 mars 1998 au registre du commerce du canton de Genève, et dont le siège est dans ce même canton.

2. Le 17 juillet 2001, M. Z. a déposé une déclaration fiscale 2001-A portant sur les revenus acquis au cours de l’année 2000. Il a notamment indiqué avoir été salarié du 1er janvier au 31 décembre 2000 par L. et avoir touché à ce titre, un revenu brut de CHF 225'000.-, selon le certificat de salaire établi par L. le 29 janvier 2001.

3. M. Z. a encore déclaré, le 17 juillet 2001 également, au moyen du formulaire « revenus et charges extraordinaires » avoir bénéficié d’une participation aux bénéfices de son employeur d’un montant de CHF 65'000.- en l’an 2000. Il ressort des pièces déposées par le recourant que L., au titre de son premier exercice allant du 13 mars 1998 au 30 septembre 1999, avait décidé, lors de l’assemblée des associés du 28 août 2000, de distribuer la somme totale de CHF 195'000.- à ses trois associés-gérants, alors que le capital de la société s’élevait à CHF 21'000.-. Le versement de cette prestation a effectivement eu lieu le 31 août 2000.

4. Le 18 février 2002, l’administration fiscale cantonale genevoise (ci-après : l’AFC/GE) a notifié à M. Z. un bordereau d’un montant de CHF 901.- au titre de l’impôt fédéral direct 2000, portant sur le revenu extraordinaire de CHF 65'000.- qu’il avait reçu de L..

5. Le 27 février 2002, la société KPMG Fides - conseil fiscal - s’est adressée à l’AFC/GE pour demander l’annulation dudit bordereau, l’impôt anticipé ayant déjà été payé sur les dividendes reçus par M. Z., le montant en capital ne pouvant au demeurant être considéré comme un revenu extraordinaire.

6. Le 20 février 2003, l’AFC/GE a rejeté la réclamation de M. Z. au motif que le dividende s’élevait à 928,57 % du capital de L. et qu’il y avait lieu de le qualifier de revenu extraordinaire au sens des articles 218 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 6 de la loi sur l’imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (LITPP-II – D 3 12).

7. Le 21 mars 2003, M. Z. a recouru contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts (impôt fédéral direct ; ci-après : CCRMI). Le dividende d’un montant de CHF 65'000.- distribué en 2000 était le résultat du premier exercice qui allait du 1er mars 1998 au 30 septembre 1999 ; il s’agissait ainsi du premier dividende versé. En 2001, le dividende versé s’était élevé à CHF 35'000.- et, en 2002, à CHF 55'000.-. Le montant touché en l’an 2000 était ainsi tout à fait « en ligne » avec ceux reçus ultérieurement.

8. Le 12 novembre 2003, l’AFC/GE a répondu au recours déposé auprès de la CCRMI. L’assemblée générale de L. avait décidé, le 28 août 2000, de distribuer un dividende de CHF 195'000.- au total à ses trois propres associés-gérants au titre du premier exercice comptable de dix-neuf mois, allant du 13 mars 1998 au 30 septembre 1999. Le recourant avait ainsi bénéficié d’une participation à hauteur de CHF 65'000.-. L’année 2000 correspondait à une brèche de calcul en ce sens que pour la période 1999-2000 de l’impôt fédéral direct, l’impôt dû était basé sur les revenus acquis en 1997 et en 1998. Il y avait donc lieu de taxer les revenus dits extraordinaires. Le recourant soutenait certes que des dividendes avaient été distribués les années suivantes, soit en 2001 et en 2002, mais ils étaient inférieurs de moitié en pourcentage, soit respectivement 500 % et 471 %.

9. Le 20 janvier 2004, le contribuable a répliqué. Les dividendes versés pour les années 2000, 2001 et 2002 correspondaient à chaque fois à environ 80 % du résultat de l’exercice concerné. Il n’y avait donc aucun changement de politique à cet égard. On ne pouvait dès lors parler de dividende extraordinaire.

L’AFC/GE a renoncé à dupliquer.

10. Le 23 juin 2004, la CCRMI a statué : calculé sur une base annuelle, le dividende ascendait à CHF 41'053.- et n’était pas nettement supérieur à ceux distribués pour les exercices ultérieurs. Au regard des états financiers de L., cette société avait distribué plus de 80 % sur le bénéfice sous forme de dividendes tant pour l’année 2000 que pour les deux années qui suivaient. La CCRMI a ainsi admis le recours et retourné le dossier à l’AFC/GE.

11. Le 13 juillet 2004, l’AFC/GE a déposé un recours auprès du Tribunal administratif contre la décision de la CCRMI, qui lui avait été notifiée le 28 juin de la même année.

Cette administration a rappelé tout d’abord le principe de l’imposition des dividendes en application de l’article 20 alinéa premier lettre c LIFD. Selon l’ordonnance fédérale du 16 septembre 1992 sur le calcul dans le temps de l’impôt fédéral direct dû par les personnes physiques (l’ordonnance sur le calcul – RS 642.117.1), le passage de la taxation bisannuelle praenumerando à la taxation annuelle post numerando devait s’accomplir au début d’une année paire, dite « année n » (art. 7 ordonnance sur le calcul). Le canton de Genève avait décidé de passer du système d’imposition praenumerando bisannuel au système d’imposition post-numerando annuel au 1er janvier 2001. Dès lors, l’impôt dû pour l’année fiscale 2001 devait se fonder sur les revenus acquis en 2001. Pour la période d’assujettissement au titre des années 1999 et 2000, l’impôt était basé sur les revenus acquis en 1997 et 1998, en application du système de l’imposition praenumerando bisannuel. Les revenus réalisés durant l’année 2000 n’étaient ainsi pas pris en considération, ce qui constituait une brèche de calcul, conduisant à l’imposition des revenus extraordinaires. En application de l’article 218 alinéa 3 LIFD, traitant de la modification de l’imposition dans le temps, les prestations en capital, de même notamment que les revenus de fortune non périodiques, devaient être considérés comme des revenus extraordinaires. Selon l’administration fédérale des contributions (ci-après : l’AFC), qui avait édicté une circulaire n° 6 le 20 août 1999, un revenu par nature périodique, comme un dividende, pouvait avoir un caractère exceptionnel et être traité par là comme un revenu à caractère extraordinaire.

L’intimé était l’un des trois associés-gérants de L. et il disposait de la signature individuelle. Son influence réelle sur la société était indéniablement importante et ce point était également déterminant pour la solution du litige. Enfin, alors que le premier exercice s’était terminé le 30 septembre 1999, le dividende litigieux n’avait été versé qu’un an plus tard. Il était ainsi incontestable que le versement avait été planifié pour être effectué lors de la brèche de calcul.

L’AFC/GE conclut ainsi à l’annulation de la décision de la CCRMI et à la confirmation de sa propre décision du 20 février 2003.

12. Le 20 août 2004, M. Z. a répondu au recours. Il n’avait pas pu décider seul du versement d’un dividende. Ce n’est qu’au cours de l’année 2000 qu’un dividende avait été versé, car il avait fallu laissé le temps à l’organe de révision d’approuver les comptes portant sur un exercice de quelque dix-neuf mois. Par la suite, L. avait conservé la même politique de distribution des dividendes. Il n’y avait dans le versement opéré en l’an 2000 ni d’élément extraordinaire, ni exceptionnel.

Le recourant conclut ainsi au rejet du recours déposé par l’AFC/GE, et à la confirmation de la décision de la CCRMI, sans demander l’allocation d’une indemnité de procédure.

À l’appui de sa réponse, M. Z. a encore produit un tableau de répartition des dividendes versés pour les exercices clos entre 1999 et 2002. Il apparaît que le pourcentage entre le dividende total et le bénéfice net s’est élevé à 91 % pour l’exercice clos en 1999, puis a oscillé entre 79 et 88 % durant les trois années suivantes.

13. Le 7 septembre 2004, l’AFC/GE a indiqué qu’elle renonçait à répliquer.

14. Le 20 octobre 2004, l’AFC a indiqué qu’elle renonçait à présenter ses propres observations, mais qu’elle se ralliait à celles contenues dans le recours de l’AFC/GE. Cette administration fédérale conclut ainsi à l’annulation de la décision de la CCRMI, avec suite de frais.

15. Le 25 octobre 2004, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’unique question litigieuse est celle du traitement fiscal du dividende versé durant l’année 2000, soit pendant la brèche de calcul, par une société à responsabilité limitée à l’intimé, qui en est l’un des trois associés-gérants.

3. Il est acquis que dans le canton de Genève, les revenus réalisés durant l’année 2000 n’ont pas été pris en considération, ce qui correspond à la notion de brèche de calcul, à la réserve des revenus extraordinaires.

4. Le texte de l’article 218 alinéa 3 LIFD a fait l’objet d’arrêts du Tribunal fédéral (RDAF 2003 II 202 consid. 3.1 p. 205). Un revenu par nature périodique peut ainsi revêtir un caractère extraordinaire si l’attribution de ce revenu est exceptionnelle ou sort de l’ordinaire. Le Tribunal fédéral donne comme exemple un dividende notamment supérieur aux dividendes des exercices précédents, une indemnité pour prestations spéciales ou encore une gratification d’un montant exceptionnel. S’agissant du rendement de la fortune, la commission fédérale de recours du canton de Zurich (RDAF 2002 168 II 169) distingue le rendement de participation, qui peut être défini comme un revenu périodique, des dividendes dits de « substance », consistant dans la distribution de bénéfices antérieurs. L’avantage appréciable en argent consenti au contribuable est alors totalement dissocié du bénéfice de l’exercice. Pour d’autres autorités, le critère décisif quant à la nature extraordinaire de dividendes est en principe la continuité de la politique de distribution. Il n’y a pas seulement continuité lorsque le montant absolu du dividende reste constant sur plusieurs années, mais également lorsque le rapport entre le bénéfice net et le dividende distribué reste à peu près le même, selon une décision de la commission de recours du canton de Thurgovie (Revue fiscale 56/2001 507).

En l’espèce, on ne saurait tirer argument du caractère exceptionnel du versement d’un dividende par rapport aux années précédentes, puisque la société a été créée en 1998 et qu’elle a versé son premier dividende en l’an 2000. Si l’on suit le critère retenu par l’administration recourante, c’est-à-dire le ratio entre le dividende versé au titre d’un exercice, ramené à douze mois, on s’aperçoit que ce ratio s’élève à 5,9 pour le dividende versé durant l’année 2000, à 3 pour le dividende versé pendant l’année 2001, à 4,7 pour le dividende durant l’année 2002 et à 5,7 pour le dividende versé durant l’année 2003. De ce point de vue, celui versé en l’an 2000 correspond certes au ratio le plus élevé, soit 5,9 %, alors que le second est de 5,7 %, mais ne paraît pas absolument exceptionnel. S’agissant du critère du rapport entre le bénéfice net d’un exercice et le dividende versé, on s’aperçoit que ce dernier s’élève à 91 % en 2000, à 82 % en 2001, à 88 % en 2002 et à 79 % en 2003. De ce point de vue également, le dividende versé en l’an 2000, certes élevé, n’est pas manifestement exceptionnel.

Le seul critère qui vient à l’appui de la thèse défendue par l’administration recourante est celui du calendrier. Le premier exercice a duré quelque dix-neuf mois et a été clos au 30 septembre 1999, alors que le versement de dividendes n’a eu lieu qu’au cours de l’année 2000, soit pendant la brèche de calcul. Comme la société à responsabilité limitée dont l’intimé est l’un des associés-gérants a continué à ne verser qu’un seul dividende par an (Cf. sur ce point a contrario RDAF 2003 II 2002 précité), on ne peut pas qualifier le dividende versé en l’an 2000 de revenu extraordinaire justifiant une taxation particulière, ce qui n’aurait pas été le cas si la même personne morale avait versé plusieurs fois des dividendes au cours du même exercice fiscal.

Il s’ensuit que le recours de l’AFC/GE n’est pas fondé et que la décision prise le 23 juin 2004 par la CCRMI doit être confirmée.

5. Mal fondé, le recours est rejeté. L’AFC/GE ainsi que l’AFC agissant en tant qu’autorités publiques et non pour la défense de leurs intérêts propres : il n’y a pas lieu de les condamner au paiement d’un émolument de procédure. L’intimé, quoiqu’il obtienne gain de cause, n’a pas droit à une indemnité, dès lors qu’il n’y pas conclu (art. 87 LPA).

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juillet 2004 par l’administration fiscale cantonale genevoise contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du 23 juin 2004;

au fond :

le rejette;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à la commission cantonale de recours en matière d’impôts, à la société KPMG Fides, mandataire de Monsieur N. Z. et à l’administration fédérale des contributions.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :