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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3915/2010

ATA/902/2010 du 21.12.2010 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3915/2010-FPUBL ATA/902/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 décembre 2010

 

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1. Par arrêté du 1er juin 2010, le Conseil d'Etat a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative contre Monsieur P______, fonctionnaire, directeur du service des affaires extérieures, rattaché actuellement au département des affaires régionales, de l'économie et de la santé (ci-après : le département). Cette décision réservait la possibilité de faire porter l'enquête administrative sur tout fait répréhensible pouvant apparaître en cours de procédure ainsi que de prononcer une mesure de suspension provisoire.

2. Après avoir entendu M. P______ et plusieurs témoins dans le courant de l'été 2010, l'enquêteur nommé par le Conseil d'Etat a rendu son rapport le 1er octobre 2010.

3. Le 1er novembre 2010, M. P______ a demandé que le rapport susmentionné lui soit remis afin qu'il puisse prendre position.

4. Le 3 novembre 2010, le Conseil d'Etat a refusé cette communication, jusqu'à l'établissement complet des faits par l'enquêteur.

Il avait en effet été saisi par le département d'une demande de complément d'enquête administrative portant sur des faits nouveaux, qui avaient été communiqués à l'intéressé lors d'un entretien qu'il avait eu au Secrétariat général du département le 1er novembre 2010. L'enquête administrative n'était manifestement pas close. Une fois l'ensemble des faits établis, le rapport final de l'enquêteur serait communiqué à M. P______, qui aurait alors trente jours pour adresser ses observations, après quoi le Conseil d'Etat statuerait.

5. Le même jour, le Conseil d'Etat a pris un arrêté relatif au complément de l'enquête administrative ouverte à l'encontre de M. P______, invitant l'enquêteur à établir les faits nouveaux et suspendant provisoirement l'intéressé de sa fonction, avec maintien du traitement, dans l'attente du résultat de l'enquête administrative.

6. Par acte du 15 novembre 2010, M. P______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de refus de communication du premier rapport d'enquête.

La décision querellée devait être considérée comme une décision finale, puisqu'à travers elle, l'accès à son dossier administratif lui était refusé. Dans l'hypothèse où il serait retenu qu'il s'agissait d'une décision incidente, alors il faudrait admettre l'existence d'un préjudice irréparable en raison du désavantage qu'il subirait s'il devait attendre la décision finale pour recourir contre la décision incidente.

Son droit d'être entendu, sous la forme du droit d'accès au dossier, était violé. N'ayant pas connaissance des éléments figurant dans le rapport en cause, il ignorait quels faits étaient établis. Il ne pouvait donc exercer pleinement ses droits dans le cadre du complément d'enquête. En outre, l'égalité des armes n'était pas respectée puisque l'Etat de Genève disposait dudit rapport. Son droit d'accès au données personnelles garanti par la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) était également violé, puisque le rapport litigieux contenait "assurément" des données de ce type.

7. Le 26 novembre 2010, le Conseil d'Etat a conclu à l'irrecevabilité du recours.

La décision querellée était une décision incidente qui ne causait aucun préjudice irréparable à l'intéressé, dès lors que celui-ci aurait tout loisir de se déterminer sur le rapport d'enquête complet qui serait rendu après l'établissement de l'ensemble des faits, étant précisé qu'il avait connaissance de l'ensemble des éléments qui lui étaient reprochés et disposait des procès-verbaux des auditions faites par l'enquêteur. Si le recours devait être considéré comme recevable, il devrait être rejeté. L'enquête administrative n'était pas terminée. Lorsque le rapport final serait rendu, il serait communiqué à l'intéressé pour qu'il prenne position. Soin droit d'être entendu n'était ainsi pas violé.

8. Le 29 novembre 2010, les écritures du Conseil d'Etat ont été transmises à M. P______ et les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L'objet du litige est le refus du Conseil d'Etat de donner au recourant accès au rapport d'enquête administrative le concernant, en raison du complément d'enquête ordonné à la suite de faits nouveaux.

Intervenant dans le cadre de la procédure d'enquête administrative ouverte contre le recourant, cette décision diffère la communication du rapport en cause jusqu'à la fin de l'enquête administrative. Elle ne met ainsi clairement pas fin à la procédure, ni ne remet en cause le droit du recourant de prendre connaissance dudit rapport et de se déterminer en temps utile à son sujet. Il s'agit ainsi d'une décision incidente.

3. Selon l’art. 57 let. c LPA, sont seules susceptibles de recours les décisions incidentes qui peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATA/227/2009 du 5 mai 2009).

Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 127 II 132 consid. 2a p. 126 ; 126 V 244 consid. 2c p. 247ss ; 125 II 613 consid. 2a p. 619ss ; ATA/ 136/2010 du 2 mars 2010).

En l'espèce, le recourant ne démontre pas l'existence d'un préjudice irréparable, le seul désavantage dont il se prévaut de devoir attendre la décision finale pour recourir contre la décision incidente étant précisément la situation voulue par le législateur. L'ignorance du contenu du premier rapport pendant l'instruction complémentaire ordonnée n'est pas davantage de nature à constituer un quelconque préjudice. Celle-ci porte en effet sur des faits nouveaux qui lui ont été communiqués, de sorte qu'il connaît le cadre des débats. En outre il aura l’accès aux rapports d'enquête administrative et aura l'occasion de se déterminer à leur sujet une fois que l'enquêteur aura terminé ses investigations, avant que le Conseil d'Etat ne statue.

Par ailleurs, l'admission du recours ne permettrait pas de mettre fin à la procédure.

Il s'ensuit que le recours ne peut qu'être déclaré irrecevable.

4. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera octroyée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 novembre 2010 par Monsieur P______ contre la décision du Conseil d'Etat du 3 novembre 2010 ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il ne lui est alloué aucune indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :