Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2670/2018

ATA/870/2018 du 28.08.2018 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2670/2018-FORMA ATA/870/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 août 2018

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, agissant par son père,
Monsieur B______

et

Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) A______, née en mai 2002, a effectué sa scolarité à l’école primaire des Genêts, puis au cycle d’orientation de ______.

À l’issue de la 11ème année, section langues vivantes et communication du cycle d’orientation précité, A______ n’était pas promue. Ses moyennes étaient insuffisantes en français (3,8), allemand (3,5), anglais (3,5) et mathématiques (3,5).

2) En août 2017, A______ a intégré une classe préparatoire à l’école de culture générale (ci-après : ECG).

3) Au terme de l’année scolaire 2017-2018, les éléments suivants ressortaient de son bulletin scolaire :

 

Disciplines

Semestre
1

Semestre
2

Semestre
3

Moyennes

Français

5,2

4,9

5,1

4,8

Allemand

3,8

3,8

3,5

3,5

Anglais

3,1

3,8

2,9

3,2

Mathématiques

4,2

4,0

4,2

4,1

Sciences humaines

4,5

4,0

4,6

4,4

Communication – expression

4,3

5,1

4,0

4,5

Informatique

3,8

3,5

4,6

4,0

Sciences expérimentales

3,7

5,0

4,9

4,5

Arts
Sensibilisation à la musique
Sensibilisation au arts visuels
Sensibilisation au théâtre


5,9




4,9



4,8

 

Éducation physique

4,4

3,7

3,5

3,9

 

L’intéressée avait eu trente-six heures d’absence excusées, quatorze heures d’absences non excusées, trois arrivées tardives, un renvoi pour comportement et douze renvois administratifs.

Sa moyenne générale était de 4,2 ; trois notes étaient insuffisantes ; le total français/allemand/anglais/mathématiques était de 15,6 ; elle n’était pas promue.

4) Le 27 juin 2018, Mme C______, mère d’A______, a écrit à la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse
(ci-après : DIP).

A______ avait toujours été une élève sérieuse et assidue. Elle avait été victime de harcèlement au cycle d’orientation. À cette même période, elle avait vécu deux décès dans sa famille proche, puis la séparation de ses parents. Elle était suivie par une psychologue. Elle souhaitait poursuivre ses études pour se diriger dans le domaine social.

Était jointe une correspondance de l’étudiante. Celle-ci avait compris, un peu tard, l’importance d’être assidue en études. Elle avait vécu des moments difficiles, avait commis des erreurs, mais était déterminée à s’investir à 100 % pour atteindre ses objectifs.

Était également jointe une attestation du 20 juin 2018 de Madame D______, psychologue, et Monsieur E______, médecin chef de clinique à l’office médico pédagogique (ci-après : OMP). A______ se rendait depuis le 12 décembre 2017 à la consultation pour adolescents. Elle présentait des difficultés psychologiques altérant sa concentration et ses capacités d’apprentissage et nécessitant une prise en charge, à raison d’une fois par semaine. Les troubles étaient apparus durant l’automne 2017, en lien avec des évènements personnels et familiaux qui avaient motivé la consultation. Le traitement était en cours. Ils appuyaient la demande de dérogation.

5) Le 11 juillet 2018, la DGES II a rejeté son recours. Les résultats étaient éloignés des normes de promotion. Par ailleurs, il n’était pas possible d’émettre un pronostic de réussite favorable. Plusieurs moyennes avaient baissé. Les résultats demeuraient dans l’ensemble fragiles. Les heures d’absence non excusées, les arrivées tardives et les renvois n’étaient pas acceptables. Les arguments avancés n’étaient pas de nature à modifier le pronostic, les résultats scolaires ayant baissé au cours de l’année.

L’année de classe préparatoire ne pouvant être répétée et une promotion par dérogation n’étant pas possible, A______ était contrainte de quitter l’ECG. Une réorientation lui était conseillée.

6) Le 8 août 2018, Monsieur B______, agissant pour son compte et pour le compte de sa fille A______, a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée.

Malgré ses courriers et une justification médicale, le directeur n’avait pas voulu tenir compte de sa demande de dérogation. Il n’avait pas pris en considération les circonstances atténuantes qui avaient amené à l’échec.

7) Le 17 août 2018, la DGES II a conclu au rejet du recours, reprenant et développant les éléments ressortant de sa décision.

8) Une audience de comparution des parties s’est tenue le 22 août 2018.

A______ a précisé que ses difficultés étaient liées au décès de, respectivement, son grand-père et sa grand-mère. La famille avait dû déménager pour épauler sa grand-mère. Elle avait été harcelée au cycle, d’une gravité qui avait entraîné l’exclusion de l’école d’un ou deux élèves impliqués. La séparation de ses parents avait été douloureuse pour elle. Des événements à l’ECG n’avaient pas aidé. Par exemple, il y avait eu une bagarre importante dans le cours de gymnastique, suivie de sanctions contre des élèves. Dans certaines branches, certains enseignants s’étaient mal organisés, impliquant un cumul d’épreuves en fin de trimestre d’évaluation. Par ailleurs, certains ne rendaient pas les travaux ni même les notes, ce qui ne permettait pas de progresser. Cette mauvaise organisation avait aussi été relayée à la direction. Les élèves de la classe préparatoire avaient parfois le sentiment de ne pas être des élèves à part entière, compte tenu de leur statut de classe de transition. Seuls deux élèves sur les treize avaient été promus. Le refus de dérogation avait été un coup très dur. Elle était extrêmement motivée à poursuivre l’ECG. Elle voulait vraiment travailler dans le social, était convaincue qu’elle réussirait sa première année, si la dérogation lui était accordée. Elle saurait trouver les aides nécessaires. Elle avait déjà décidé qu’elle aurait des cours en plus, par exemple des répétitoires pour l’allemand et l’anglais. Ses parents étaient d’accord. Par ailleurs, la psychologue l’aidait aussi depuis quelques mois. Le suivi allait continuer.

La représentante du DIP a expliqué que les éventuelles questions d’organisation au sein de l’année de transition étaient un élément nouveau pour le département. Elle était d’accord de se renseigner et d’examiner, en fonction des renseignements pris, si le département devait modifier sa position. Elle a brièvement expliqué ce qu’impliquait la formation 2018 à A______, laquelle a sollicité, malgré le fait qu’elle se présenterait mardi 28 août 2018 à cette nouvelle formation, que la chambre administrative se détermine rapidement sur son recours.

Sous réserve d’une modification de la position du département, la cause était gardée à juger.

9) Dans le délai imparti à lundi 27 août 2018 à midi, le DIP a indiqué maintenir sa position.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’art. 29 al. 1 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31) prévoit que les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière.

3) a. Le règlement relatif à l’école de culture générale du 29 juin 2016
(RECG - C 1 10.70) mentionne qu’est admis en 1ère année l’élève, issu de l'année préparatoire à l’ECG, qui obtient la note annuelle de 4,0 au moins pour chacune des huit disciplines d’enseignement (art. 17 al. 1 RECG).

Est admis par tolérance l’élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes : a) une moyenne générale égale ou supérieure à 4,0 ; b) au maximum deux notes inférieures à 4,0 ; c) la moyenne de français ou la moyenne de mathématiques égale ou supérieure à 4,0 ; d) un total de 16,0 pour les quatre disciplines suivantes : français, mathématiques, allemand et anglais (12,0 pour les élèves sans allemand - art. 17 al. 2).

Demeurent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation, définies à l'art. 30 REST (art. 17 al. 3 RECG).

b. En l’espèce, il est établi que la recourante n’a pas obtenu les notes lui permettant d’être promue, ni même d’être promue par tolérance, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas.

4) a. Lorsque les exigences de promotion, voire par tolérance, ne sont pas remplies, la direction d’un établissement peut, sur proposition de la conférence des maîtres de classes ou du groupe où, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter des aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès (art. 30 REST).

Le règlement précise que l’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école ; dans cette optique, lors de l’analyse de l’octroi d’une promotion par dérogation ou d’un redoublement ou lors d’une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l’élève à mener à bien son projet de formation. Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l’échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l’élève (art. 29 al. 2 et 3 REST).

b. La disposition sur la promotion par dérogation utilisant une formule potestative concernant la possibilité d’octroyer ou de refuser la promotion, une liberté d’appréciation est reconnue à l’autorité, que celle-ci doit exercer en effectuant une pesée des intérêts afin de respecter le principe de la proportionnalité. La décision doit tenir compte des circonstances pertinentes et ne pas être arbitraire (ATF 129 III 400 consid. 3.1 ; 128 II 97 consid. 4a). Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéfice d’un très large pouvoir d’appréciation (ATA/1304/2017 du 19 septembre 2017 ; ATA/854/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/776/2016 du 13 septembre 2016), dont la chambre de céans ne censure que l’abus ou l’excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/628/2013 du 24 septembre 2013 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

c. La promotion par dérogation, prévue par l’art. 30 al. 1 REST, prévoit deux conditions, la première étant que l’élève ne remplisse pas complètement les conditions de promotion, sans qu’elle en soit trop éloignée.

En l’espèce, certes la moyenne générale de l’étudiante est supérieure à 4,0 et ses notes en français ou mathématiques sont supérieures à 4,0. Toutefois trois notes sont insuffisantes (allemand, anglais et éducation physique) et le total est inférieur à 16 (15,6). Deux des quatre conditions nécessaires et cumulatives pour une promotion par tolérance ne sont pas remplies. En conséquence, elle ne remplit pas complètement les conditions de promotion, étant assez éloignée de celles-ci.

d. La deuxième condition prévue pour l’octroi d’une promotion par dérogation est celle qui concerne les aptitudes que semble avoir l’élève et qui sont nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès en dépit de son échec.

En l’espèce, lors du premier trimestre, la recourante avait quatre notes insuffisantes, à savoir l’anglais, l’allemand, l’informatique et les sciences expérimentales. Elle a progressé dans ces deux dernières branches et obtenu des notes au-dessus de la moyenne lors du dernier trimestre (4,6 et 4,9). Les branches de l’allemand et l’anglais sont restées insuffisantes tout au long de l’année. Elle a par ailleurs obtenu un 3,0, dans chacune de ces deux branches, lors du test de fin d’année démontrant des lacunes importantes dans ces deux matières. Certes, la recourante indique que le refus de dérogation lui a valu une prise de conscience et a permis un dialogue notamment avec ses parents permettant de mieux appréhender la situation dans sa globalité et de mettre en avant certaines difficultés rencontrées à l’ECG, tel le défaut d’organisation de certains enseignants, allégué par l’intéressée. Toutefois, dès le premier trimestre, la maîtresse de classe a fait mention de lacunes à combler et de travail insuffisant, attirant l’attention de l’élève sur la question de la réorientation. Les remarques de fin de deuxième trimestre étaient de même teneur : l’élève devait s’investir davantage dans son travail scolaire, en classe et à la maison, si elle désirait être promue à la fin de l’année. À nouveau, son attention était attirée sur la nécessité de « penser à un plan B de type apprentissage ». La maîtresse de classe a relevé, à la fin de l’année, que l’échec de la recourante était dû à un manque d’investissement, notamment en anglais, en allemand et en sport. Si l’intéressée a pu expliquer les raisons de son désinvestissement en éducation physique, sa moyenne passant de 4,4 au premier trimestre à deux notes insuffisantes pour les suivants (3,7 et 3,5, pour une moyenne finale de 3,9), il n’en demeure pas moins que même à formuler un pronostic favorable pour cette dernière branche pour l’année prochaine, le département doit être suivi lorsqu’il indique ne pas pouvoir formuler de pronostic favorable en allemand et anglais pour la première année de l’ECG, lesdites notes étant par ailleurs déjà insuffisantes au cycle.

Enfin, si le suivi par une psychologue depuis décembre 2017 permet certainement d’aider l’étudiante, et que la psychologue se dit favorable à un passage en première année, cet élément ne suffit pas, même cumulé à l’engagement de l’intéressée à suivre des cours répétitoires, à considérer que le DIP a abusé de son pouvoir d’appréciation en ne posant pas un pronostic favorable.

Dès lors que, principalement, l’intéressée n’était pas promue à l’issue de la 11ème année du cycle d’orientation, de ses résultats en année de transition à l’ECG, du fait qu’à aucun des trois trimestres, elle ne remplissait les conditions pour être promue, que son attention a régulièrement été attirée sur la nécessité d’un plus grand investissement, le pronostic dressé par l’autorité, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui est le sien, ne prête pas le flanc à la critique et sera confirmé.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 août 2018 par A______, enfant mineure, agissant par son père Monsieur B______ et par Monsieur B______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 11 juillet 2018 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur B______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Thélin, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :