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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/825/2015

ATA/864/2015 du 25.08.2015 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/825/2015-FORMA ATA/864/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 août 2015

1ère section

 

dans la cause

 

A______,
représenté par ses parents, Madame et Monsieur B______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) Par une demande remplie et signée « à Vancouver et Genève, en mai 2014 », A______ a sollicité le renouvellement, pour l’année 2014/2015, de la bourse et prêts d’études dont il bénéficiait. L’intéressé suivait une formation d’art visuel à Vancouver/Canada.

Il indiquait que toutes les pièces justificatives étaient déjà en possession du service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE).

2) Le 28 août 2014, le SBPE a demandé à M. A______de lui transmettre, au plus tard dans les six mois après le début de l’année scolaire ou académique, les documents faisant défaut, soit une attestation de scolarité indiquant la date de début de la formation ou immatriculation et une copie du justificatif du paiement de la taxe scolaire, une copie de l’avis de taxation et du bordereau d’impôts 2013, une copie du relevé du revenu déterminant unique (ci-après : RDU) 2013 du père de M.A______, ainsi que la copie d’un éventuel contrat de travail, des trois dernières fiches de salaire éventuelles, ainsi que de la décision de subside d’assurance-maladie 2014 de l’intéressé.

M. A______ n’ayant pas transmis l’intégralité des documents demandés, une nouvelle demande lui a été faite le 25 septembre 2014.

3) Par décision du 4 février 2015, le SBPE a refusé l’octroi d’une bourse ou d’un prêt d’études. Selon le budget établi, qui était annexé, les recettes étaient suffisantes pour couvrir les dépenses pendant l’année scolaire. Cette décision pouvait faire l’objet d’une réclamation dans un délai de trente jours.

4) Le 22 février 2015, Monsieur B______, père de M. A______, a saisi le SBPE d’une réclamation contre la décision précitée. Le revenu des parents devait être corrigé sur la base d’un nouveau bordereau d’impôts et de taxation 2013, annexé à la réclamation. Les calculs effectués avaient, à tort, pris en compte un troisième pilier A touché en avril 2014 alors que les revenus déterminants étaient les revenus bruts 2013. Le coefficient utilisé de 1.0 était erroné : il aurait dû être de 0.96.

5) Le 4 mars 2015, le SBPE a rejeté l’opposition. Il avait pris bonne note du rectificatif d’impôts et recalculé le droit à la prestation sur la base du nouveau bordereau. Malgré la baisse de revenu, aucune aide financière ne pouvait être accordée. La contribution parentale admissible était de CHF 39'149.- alors que le découvert de l’étudiant était de CHF 36'103.-.

En ce qui concernait le troisième pilier, la SBPE prenait bonne note qu’il avait été touché le 1er avril 2014. Dans la mesure où cette somme n’avait pas été prise en compte dans le calcul du prêt octroyé pour l’année scolaire 2013-2014, il devait être ajouté cette année, car il reflétait un changement de la situation financière.

En dernier lieu, le coefficient de 0.96 avait été aboli selon les nouvelles procédures de calcul.

6) Le 9 mars 2015, les intéressés ont recouru contre la décision sur réclamation refusant d’accorder une bourse ou un prêt d’études auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Le budget des parents devait être établi en commun, car ils étaient mariés. Le SBPE avait établi des calculs séparés dont il ressortait une fortune totale de CHF 31'640.- alors que la taxation fiscale indiquait une fortune nulle. Le 1/15 de la fortune 2013 à prendre en compte était nul et non de CHF 2'109.-.

Il y avait d’autre part lieu d’ajouter un forfait d’assurance-maladie, lequel n’apparaissait pas sur le procès-verbal de calcul.

Le troisième pilier, touché le 1er avril 2014, ne devait pas être pris en compte. Ce montant avait été longuement économisé en vue de la retraite et il ne pouvait être additionné au revenu. Il ne faisait pas partie du RDU. Il apparaissait, dans la déclaration d’impôts 2014, comme un élément de la fortune et non de revenu.

En dernier lieu, les frais médicaux tant de Monsieur que de Madame devaient être modifiés.

7) Le 13 avril 2015, le SBPE s’est déterminé.

La formation suivie par M. A______, déjà titulaire d’un baccalauréat en art du spectacle et technique de diffusion et communication obtenu en 2012, était une deuxième formation pour laquelle il ne pouvait requérir qu’un prêt d’études.

Le fait de distinguer ou non le revenu respectif de chacun des parents n’avait pas d’influence sur le calcul de la prestation.

En ce qui concernait les frais médicaux, la somme annoncée, soit CHF 1'487.-, était largement inférieure à celle permettant de tenir compte d’une déduction, soit le 5 % de CHF 124'945.-, c’est-à-dire CHF 6'247.25.

Le SBPE confirmait les calculs faits en ce qui concernait la fortune. Le 1/15 pour M. B______ était nul dès lors que l’intéressé disposait de CHF 13'494.- de fortune et de CHF 105'082.- de dettes. Le 1/15 concernant Mme B______ était de CHF 2'109.-, l’intéressée disposant d’une fortune de CHF 59'681.- et de dettes pour CHF 28'041.-.

Le forfait d’assurance-maladie était indiqué dans la feuille de calcul.

Les prestations provenant de la prévoyance professionnelle étaient comprises dans le socle du revenu déterminant. Tel était le cas de la prestation en capital touchée par M. B______. C’était dès lors à juste titre que la somme en question avait été considérée comme un revenu et ajoutée à celui des parents.

Cette prestation avait été prélevée pendant l’année scolaire 2013-2014, mais la famille n’avait pas indiqué cette modification de la situation financière au SBPE, ce qui l’avait amené à la prendre en compte dans le calcul 2014-2015.

La décision du 4 février 2015 était en conséquence maintenue. Le SBPE était toutefois disposé à effectuer une révision du dossier 2013-2014 en ajoutant la somme reçue du troisième pilier dans le revenu des parents, mais cela impliquait le remboursement intégral du montant perçu, soit CHF 11'961.-.

Cette somme serait alors ajoutée à la fortune en raison d’un 1/15 pour l’année 2014-2015. Si le calcul était positif, le SBPE tiendrait compte de l’aide indûment touchée, laquelle serait déduite du droit 2014-2015.

8) Le 24 avril 2015, les recourants ont exercé leur droit à la réplique.

Le fait de calculer de manière séparée ou non la fortune des époux n’était pas indifférent, un calcul unique amenant à une fortune nulle.

De plus, la prestation en capital du troisième pilier n’était pas une prestation sociale et ne constituait pas un revenu, mais devait faire partie uniquement de la fortune, puisqu’il s’agissait d’une épargne sur laquelle un impôt avait déjà été payé. Le calcul d’un prêt pour l’année 2014-2015 devait prendre en compte le RDU 2013 et la taxation 2013, lesquels indiquaient une prestation sociale nulle.

En résumé, ils contestaient que la prestation en capital puisse être prise en compte pour le calcul du prêt de l’année scolaire 2013-2014 et que l’aide 2013-2014 ait été indûment touchée, et n’avait pas de commentaire à faire concernant la prise en compte des frais médicaux et du forfait d’assurance-maladie.

9) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

10) Reprenant l’instruction, la chambre administrative a demandé aux parties des informations complémentaires.

a. Le 13 juin 2015, les recourants ont transmis des justificatifs concernant la prestation en capital reçue au titre du troisième pilier A. CHF 50'984.- leur avaient été versés le 1er avril 2014. L’administration fiscale cantonale avait perçu sur cette somme un impôt cantonal et communal sur les prestations en capital de CHF 487.30.

b. Le 30 juin 2015, le SBPE a souligné que des modifications législatives concernant le RDU étaient entrées en vigueur le 6 septembre 2014 et avaient été appliquées dès la rentrée scolaire 2014/2015.

Le RDU était composé en premier lieu d’un socle, applicable à tous les services utilisant cette notion auquel il fallait additionner les prestations octroyées à part d’autres services, selon une hiérarchie bien fixée dans la loi.

L’avis de situation économique délivré par le SBPE détaillait le calcul du socle et les autres revenus catégoriels de comblement pris en compte.

Lors du traitement de la demande faisant l’objet du présent litige, le SBPE s’était aperçu que les parents de M. A______avaient touché une prestation en capital en date du 1er avril 2014. Celle-ci ne figurait pas dans l’avis de taxation 2013 pris en compte pour le calcul du socle. Cette somme avait donc été ajoutée au titre d’actualisation du revenu.

11) Ces courriers ont été communiqués aux parties et la cause a été à nouveau gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l’art. 1 al. 2 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus ainsi qu’à la personne en formation elle-même. L’aide financière est subsidiaire (art. 1 al. 3 LBPE).

b. Aux termes de l’art. 18 al. 1 LBPE, si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère), de son conjoint ou partenaire enregistré et des autres personnes qui sont tenues légalement au financement de la formation, ainsi que les prestations fournies par des tiers ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts. Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06 ; art. 18 al. 2 LBPE).

c. Le Grand Conseil a adopté le 6 juin 2014 une modification de la LRDU, laquelle est entrée en vigueur le 6 septembre 2014. En application de l’art. 17 LRDU ces dernières sont applicables au présent litige.

3) a. À teneur de l’art. 19 al. 1 LBPE, les frais reconnus engendrés par la formation et l’entretien de la personne en formation servent de base au calcul des aides financières.

b. Selon l’art. 19 al. 2 LBPE, une aide financière est versée s’il existe un découvert entre les frais reconnus engendrés par la formation ainsi que par l’entretien de la personne en formation comparés aux revenus qui peuvent être pris en compte selon l’art. 18 al. 1 et 2 LBPE. Le découvert représente la différence négative entre les revenus de la personne en formation et des personnes légalement tenues de financer les frais de formation et les coûts d’entretien et de formation de ces mêmes personnes.

c. L’art. 19 al. 3 LBPE prévoit que le calcul du découvert est établi à partir du budget des parents ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation. Ce budget tient compte des revenus et des charges minimales pour couvrir les besoins essentiels. Un budget commun est établi pour les parents qui sont mariés ou vivent en ménage commun sans être mariés art. 9 al. 2 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01).

4) Le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) sert de base pour le calcul du droit à une bourse d’étude (art. 18 al. 2 LBPE).

a. Le socle du RDU comprend l’ensemble des revenus conformément à l’art. 4 LRDU, lequel fait une énumération exemplative de ceux-ci. Ces derniers comprennent notamment les prestations en capital versées par l'employeur ou par une institution de prévoyance professionnelle, sous réserve de situations non réalisées en l’espèce (art. 4 let j LRDU). 

Du montant obtenu à l’art. 4 LRDU, sont imputées les déductions mentionnées à l’art. 5 LRDU. Selon la jurisprudence, cette disposition prévoit de manière exhaustive les déductions à prendre en compte pour fixer le revenu déterminant des personnes demandant des bourses d’études (ATA/586/2014 du 29 juillet 2014). Au montant obtenu, s’ajoute un quinzième de la fortune calculée selon l’art. 6 LRDU sous imputation des déductions prévues à l’art. 7 LRDU (art. 8 al. 2 LRDU).

Le résultat donne le socle RDU.

b. Lorsqu’une prestation catégorielle ou de comblement est octroyée en application de la hiérarchie des prestations sociales visée à l’art. 13 LRDU, son montant s’ajoute au socle RDU déterminé selon l’art. 8 al. 2 LRDU. Le nouveau montant sert de base de calcul pour la prestation suivante. Les prestations accordées aux personnes mineures sont reportées dans le revenu déterminant unifié du ou des parents concernés (art. 8 al. 3 LRDU).

c. Le socle du revenu déterminant unifié est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Il peut être actualisé (art. 9 al. 1 LRDU) à certaines conditions prévues par l’art. 10 LRDU.

5) En l’espèce, les recourants reprochent en premier lieu à l’autorité d’avoir effectué un calcul de la fortune pour chacun des parents plutôt que d’effectuer une opération visant l’ensemble de la fortune du couple.

Les dispositions légales rappelées ci-dessus prévoient qu’un budget commun doit être pris en compte pour les parents de la personne en formation lorsque lesdits parents vivent en couple ou font ménage commun.

Ainsi, la fortune de M. B______ (CHF 13'494.-) doit être ajouté à celle de son épouse (CHF 59'681.-), soit un total de CHF 73'175.-. De même, leurs dettes doivent être cumulées (CHF 105'082.- et CHF 28'041.- soit au total CHF 133'123.-), faisant apparaître une fortune dont le total est nulle.

Partant, aucune somme ne doit être déduite au titre de la fortune.

En conséquence, ce grief est fondé.

6) Les recourants reprochent de plus à l’autorité d’avoir tenu compte de la prestation en capital touchée au titre du troisième pilier A, laquelle n’a pas été perçue pendant la période de prise en compte des revenus, soit entre le 1er septembre 2014 et le 31 août 2015.

L’art. 4 let. j LRDU prévoit que la perception d’une telle somme constitue un revenu. L’art. 9 al. 1 LRDU indique que le socle du revenu déterminant unifié est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive, et qu’il peut être actualisé.

En l’espèce, le versement en question a eu lieu au mois d’avril 2014. Il ne pouvait être intégré dans les revenus pris en compte pour l’année 2013/2014. De plus, les recourants n’ont pas informé le SBPE d’une modification de leur situation, au sens de l’art. 21 al. 2 LBPE.

Dans ces circonstances, l’actualisation du revenu et la prise en compte de cette somme pour l’année 2014-2015 ne prête pas le flanc à la critique.

Ce grief sera écarté.

7) Bien que le grief des recourants concernant la prise en compte du 15ème de la fortune du couple soit fondé, le recours sera rejeté. En effet, cette erreur du SBPE diminue le revenu des parents du recourant de CHF 2'109.-. En conséquence, l’excédent de revenus, équivalant à la contribution parentale admissible, n’est pas de CHF 39'149.-, mais de CH 37'040.-, alors que le découvert de l’étudiant est toujours de CHF 36'103.-.

Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée dès lors qu’ils n’ont pas exposé de frais et n’y ont pas conclu (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2015 par A______, représenté par ses parents, Madame et Monsieur B______, contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 4 mars 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ni perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, représenté par ses parents, Madame et Monsieur B______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :