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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3788/2011

ATA/837/2012 du 18.12.2012 ( PROF ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3788/2011-PROF ATA/837/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 décembre 2012

 

 

dans la cause

 

Monsieur X______, avocat
représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1. Monsieur X______, né en 1965, est inscrit au registre des avocats pratiquant dans le canton de Vaud, où il a prêté serment le 22 janvier 2002. Il dirige sa propre étude, ______, rue A______ à Lausanne.

2. Le 12 février 2004, la faillite de la société B______ S.A. anciennement M______ S.A. (ci-après : B______), dont Maître Y______ était l’un des administrateurs, a été prononcée à Genève.

3. Parmi les créanciers de la faillie, figurait la société C______ S.r.l., société de droit italien domiciliée via T______ à Milan, Italie (ci-après : C______), dont l’ayant-droit économique était un footballeur professionnel. Cette société a produit dans la faillite une créance de CHF 5'654'557.-, le total des créances colloquées s’élevant à CHF 10'473'129,47 en rapport avec des actifs de CHF 504'869,22.

4. Le 17 novembre 2005, la masse en faillite a cédé à C______ ainsi qu’à huit autres créanciers les droits qu’elle détenait pour l’action en responsabilité contre les organes de la société en faillite ainsi que diverses autres prétentions et actions révocatoires, notamment pour le paiement d’un montant de CHF 2'015'805.- pour le paiement d’une dette solidaire contractée par la faillie et par trois autres personnes soit la société D______ (ci-après : D______), ainsi que Messieurs E______ F______ et G______ F______..

5. Le 6 janvier 2006, la masse en faillite a cédé à C______, ainsi qu’à six autres créanciers de la société faillie, les droits de la masse relatifs à une action révocatoire contre Maître Y______, pour un montant de CHF 269'000.- représentant le total de deux montants d’honoraires de CHF 79'013,01 et CHF 189'986,99 facturés à la faillie pour des interventions en tant qu’avocat de celle-ci.

6. Le 12 janvier 2006, C______ et quatre autres créanciers cessionnaires, ainsi que la masse en faillite, ont déposé une action révocatoire auprès du Tribunal de première instance de Genève (ci-après : TPI). L’action était dirigée contre Me Y______, ainsi que contre les quatre associés de son étude. Elle avait pour objet le montant de CHF 269'000.- d’honoraires précité, ainsi qu’un montant d’honoraires supplémentaire de CHF 79'013,01 non cédés par la masse, soit un total de CHF 348'013,01.

7. A la même date, les mêmes demandeurs ont formé une action révocatoire à l’encontre de D______.

8. Dans les deux procédures civiles précitées, les cinq demandeurs agissaient par l’intermédiaire de Me X______.

9. Par un acte daté du 18 mai 2006, C______ en liquidation, a cédé à J______, société sise aux Pays Bas (ci-après : J______), l’intégralité de la créance de CHF 5'654'557.- qu’elle détenait à l’encontre de B______. Le transfert incluait toutes les créances dont la cédante était titulaire vis-à-vis de la faillie, dont en particulier les créances cédées par la masse en faillite.

J______ avait le même ayant droit économique que C______

10. Le 14 avril 2008, Me X______ a déposé à l’office des poursuites de Genève (ci-après : l’office), une réquisition de poursuite contre Me Y______ pour un montant de CHF 7'000'000.- dû à titre de dommages et intérêts en raison de sa responsabilité comme administrateur de B______. La réquisition de poursuite était formée par C______ et les cinq autres cessionnaires des droits de la masse en faillite. Une réquisition de poursuite similaire était adressée aux autres administrateurs ainsi qu’à l’organe de révision.

11. Le 13 juin 2008, C______ a demandé à la masse en faillite qu’elle lui cède les droits qu’elle détenait à l’encontre de la banque K______, devenue la banque de O______ (ci-après : O______).

12. Le 11 décembre 2008, Me X______ a écrit à Maître S______, avocat de Me Y______. Il demandait à Me Y______, compte tenu d’une médiation en cours, de retourner signée une déclaration de renonciation à la prescription dont il lui transmettait le texte. Il avait demandé à l’office des faillites la prolongation du délai pour déposer l’action en responsabilité à l’encontre de cet avocat en raison de la médiation en cours.

A teneur du document que l’avocat lausannois avait préparé, Me Y______ renonçait à se prévaloir de la prescription à l’égard des six sociétés qui s’étaient fait céder les droits de la masse en faillite pour l’action en responsabilité. Concernant C______, le document précisait que cette renonciation était valable pour cette société, mais également pour «tout cessionnaire de cette dernière, notamment J______».

13. Le 8 janvier 2009, J______ et les cinq autres cessionnaires des droits de la masse ont adressé à l’office une réquisition de poursuite à l’encontre de la O______ d’un montant de CHF 7'000'000.-. La réquisition de poursuite était signée de Me X______. Elle mentionnait que J______ agissait en tant que cessionnaire de C______, elle-même cessionnaire des droits de la masse en faillite.

14. Le 8 janvier 2009, Me W______, une collaboratrice de Me X______ a écrit à Maître V______, avocat de D______ et de MM. F______. A la suite d’un entretien téléphonique, Elle lui transmettait, dans le cadre de l’action en responsabilité contre les organes de la société faillie, une copie de l’acte de cession de créance signé par C______ en liquidation en faveur de J______. Elle le priait de lui retourner une nouvelle renonciation à la prescription en faveur de cette société. Il s’agissait de l’acte de cession daté du 18 mai 2006.

15. Le 13 janvier 2009, un collaborateur de Me S______ a transmis à Me X______, la déclaration de renonciation à la prescription demandée à Me Y______ le 11 décembre 2008. A réception de ce document, la collaboratrice de Me X______ précitée a adresssé à l’office un contrordre à la poursuite engagée le 14 avril 2008 contre Me Y______. Le contrordre, daté par erreur du 13 janvier 2008, signé par celle-ci, était donné pour le compte des six créanciers qui avaient engagé la poursuite, parmi lesquels J______ « cessionnaire de C______».

16. Le même jour, des copies du courrier du 13 janvier 2009 destiné à l’office et du contrordre ont été adressées par Me X______ à Me S______.

17. Le 14 avril 2009, la société de révision de la société en faillite a renoncé par écrit à se prévaloir de la prescription. Sa déclaration valait pour les six créanciers cessionnaires dont C______ et J______

18. Le 5 juin 2009, Me X______ a écrit à l’office des faillites. Il demandait une prolongation jusqu’au 31 octobre 2009 du délai pour déposer l’action en responsabilité contre les organes et une action révocatoire contre trois entités. Une solution transactionnelle avait pu être finalisée récemment, qui avait permis de satisfaire certains créanciers. Seule la société C______ restait créancière non désintéressée. Deux actions révocatoires étaient en cours, dont l’une contre Me Y______. Il attendait le jugement de première instance pour cette dernière. Pour les actions révocatoires, des tractations étaient en cours avec certains défendeurs. Il entendait cependant déposer sans attendre une action en responsabilité contre les organes de la faillite.

19. Le 10 juin 2009, Me X______ a écrit à l’office en vue de faire radier la poursuite engagée le 21 mai 2009 contre la société de révision de la faillie, agissant au nom et pour le compte de C______.

20 Le 3 septembre 2009, le TPI a rendu un jugement dans le cadre de l’action révocatoire déposée le 12 janvier 2006. La cause n’opposait plus que C______ à Me Y______ et Maître U______, les autres demandeurs s’étant retiré avec désistement suite à un arrangement ou à un retrait et les autres défendeurs ayant été rayés de la liste de ceux-ci au cours de la procédure. Me Y______ et Me U______ étaient condamnés conjointement et solidairement à payer à C______ une somme de CHF 269'000.-, le paiement de la note d’honoraires effectué par B______ étant révoqué.

21. Le 9 octobre 2009, Me Y______ a fait appel contre ce jugement auprès de la Cour de justice.

22. Le 22 décembre 2009, Me X______ a déposé, pour le compte de J______, au Tribunal de première instance de Genève, une « action en responsabilité des administrateurs et organes de révision » dirigée contre cinq défendeurs dont Me Y______, concluant à titre principal au paiement d’un montant de CHF 5'428'097,70 et d’intérêts moratoires.

Dans le préambule à son offre de preuve, J______ indiquait qu’elle était au bénéfice d’une cession de créance et de droit de la part de C______.

Sous chiffre 2 de son offre de preuve, elle indiquait être au bénéfice d’une cession de créances et de droits de la part de « C______ S.r.l, société de droit italien, dont le siège se trouvait à via H______, n° ______, 20100 Milan ».

Dans le chargé de pièces accompagnant la demande, il était mentionné, au regard de la pièce 1 bis : « cession de droit et de créance par C______ S.r.l en faveur de J______ (A PRODUIRE) ».

23. Le 22 décembre 2009, Me X______ a déposé son mémoire de réponse dans le cadre de l’appel pendant à la Cour de justice contre le jugement du 3 septembre précité. Il répondait pour le compte de C______ domicilié via T______ ______ à Milan.

24. Le matin du 1er mars 2010, Me S______ a adressé un courriel à Me X______ pour lui demander une copie de la cession de créance en prévision de l’audience d’introduction pour l’action en responsabilité des organes qui devait se dérouler le 4 mars 2010. Il se référait à la pièce 1 bis du chargé de pièces qui accompagnait la demande du 22 décembre 2009.

25. Suite à cette requête, Me X______ a adressé, dans l’après-midi du 1er mars 2010, un courriel à Monsieur Z______, l’intermédiaire qui assurait le lien avec l’ayant droit économique de C______ et de J______. Il devait produire la preuve que la première avait cédé sa créance à la deuxième, ce qui devait résulter d’un document écrit. Il s’inquiétait du fait que jamais il n’avait été indiqué dans les procédures engagées que C______ était en liquidation. Il ne l’avait jamais mentionné parce qu’il n’avait pas été informé de cela. Ce fait risquait de poser des problèmes procéduraux, entre autres dans la procédure pénale en cours, mais aussi dans les procédures civiles que C______ avait engagées. Il demandait que le processus de liquidation soit arrêté jusqu’à l’aboutissement des procédures pour éviter tout risque d’être débouté pour défaut de légitimation active. Concernant la plainte contre les organes de la société faillie, celle-ci avait été formulée directement au nom de J______ et il devait être mis en possession, d’ici au 3 mars 2010, de l’acte de cession des droits en faveur de la demanderesse. L’accord de cession devait préciser si la cession était faite par C______ ou par C______ en liquidation. Selon sa compréhension, le transfert des droits datait de « début décembre lorsque la société était encore en liquidation ».

26. Le 2 mars 2010, s’est déroulée devant la Cour de justice l’audience d’appel du jugement du TPI du 3 septembre 2010. Dans ce cadre, Me S______ a invoqué le défaut de légitimation active de C______ vu la cession des droits intervenue en faveur de J______, qui résultait de la demande déposée par cette société le 22 décembre 2009, dont il a produit une copie.

27. Le 3 mars 2010, Me X______ a écrit à l’office des faillites. Il lui transmettait une copie de l’action en responsabilité déposée le 22 décembre 2009 par la société J______. Celle-ci s’était en effet fait céder la créance et le droit d’agir par C______ en liquidation. Il ferait parvenir à cet office, dès qu’il la recevrait, copie de la cession de créance de ce jour qui venait valider la légitimation active de J______. A toutes fins utiles, afin de sauvegarder les intérêts de C______, ainsi que de J______, il demandait de prolonger au 31 décembre 2010 les droits cédés par la masse pour agir contre les organes de la société.

28. Le 3 mars 2010, dans la soirée, Me X______ a s’est concerté par courriel avec Me P______ un associé de son étude. Il réfléchissait à l’audience d’introduction du 4 mars 2010. Il n’avait pas encore reçu l’acte de cession demandé. Il se demandait s’il ne serait pas préférable de retirer l’action en responsabilité déposée par J______ puis de la redéposer soit au nom de C______ soit à celui de J______, mais à une date postérieure à celle de la cession de créance. S’il obtenait de l’office des faillites de Genève une prolongation du délai pour agir selon l’art. 260 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1), il proposait de retirer l’action.

29. Par courriel du 4 mars 2010 Me X______ a donné à M. Z______ qui les lui avait demandées, des explications au sujet de la situation procédurale. Lors de l’audience d’introduction de l’action en responsabilité, les différents défendeurs avaient contesté la légitimation de J______ qui n’avait pas prouvé qu’elle était titulaire de la créance puisqu’elle n’avait pas produit l’acte de cession. Le juge lui avait accordé un délai au 31 mars 2010 pour produire ce document. Comme on ne pouvait exclure que J______, qui n’était pas titulaire de la créance le 22 décembre 2009, date du dépôt de la demande, soit déboutée pour ce fait, il préférait retirer la demande et la redéposer au nom de C______. En tel cas, il obtiendrait la restitution des deux tiers des droits de greffe.

Le 2 mars 2010, devant la Cour de justice, Me S______ avait produit l’action en responsabilité déposée devant le Tribunal de première instance par J______ pour prouver que C______ n’avait plus la légitimation active. Si la demande était retirée, il désirait en avertir la Cour de justice.

30. Par courriel du 5 mars 2010, M. Z______ a transmis à Me X______ un acte de « transfer » signé le 3 mars 2010

L’acte s’intitulait « cession de créance » (transfer of claims) et était daté du 3 mars 2010. C______ en liquidation, confirmait avoir cédé à J______ la créance de CHF 5'654'557.- en capital qu’elle avait produite dans la faillite de B______, de même qu’elle avait cédé à J______, les droits contre les organes de la société faillie qui lui avaient été cédées par la masse le 17 novembre 2005. A toutes fins utiles, C______ en liquidation transférait à nouveau sa créance en spécifiant que le transfert était immédiatement effectif pour le montant de CHF 4'178'280,20. Pour la différence, le transfert ne serait effectif que s’il lui était possible de succéder à C______ dans les deux procédures civiles en cours, dont la l’action révocatoire dirigée contre D______ et celle dirigée contre Me Y______ et Me U______. Le montant de cette différence correspondait à la somme des montants en capital en jeu dans ces deux procédures civiles en cours.

31. Le 5 mars 2010, Me X______ a écrit à l’office des faillites pour l’aviser que tous les créanciers cessionnaires de la masse en faillite de B______ avaient transigé l’ensemble de leurs droits. Seules restaient en cours les prétentions de C______. La situation était la suivante : l’office avait prolongé le délai pour ouvrir l’action le 4 mars 2010 ; l’action déposée le 22 décembre 2009 par J______ serait retirée prochainement et remplacée par une action identique de la part de C______ ; l’action révocatoire que la société avait formée à l’encontre de Me Y______ et Me U______ était pendante devant la Cour de justice.

Le jour-même, l’office des faillites lui a accordé un délai au 31 mars 2011 pour faire valoir les droits cédés le 17 novembre 2005.

32. Le 11 mars 2010, Me X______ a retiré pour le compte de J______ l’action en responsabilité contre les organes de la société faillie du 22 décembre 2009.

33. Le même jour, Me X______ a écrit à la Cour de justice. Lors de l’audience du 2 mars 2010, Me S______ avait contesté la légitimation active de C______ en produisant des pièces nouvelles tendant à prouver que cette société aurait cédé sa créance à une société tierce, ce qu’il avait contesté. Il transmettait copie du courrier valant retrait de la demande formée le 22 décembre 2009 par J______, celle-ci n’ayant pas été en mesure d’établir la cession de créance en sa faveur. Cette créance était donc restée en main de C______. Il précisait « à toutes fin utiles » que si celle-ci avait cédé sa créance à J______, elle pouvait procéder à une cession partielle et/ou soumettre ladite cession à la condition suspensive qu’elle perde sa procédure contre Mes Y______ et U______. Les documents produits en audience par les appelants n’avaient pas la valeur probante qu’on leur donnait.

34. Le 18 mars 2010, Me S______ a écrit à la Cour de Justice. Il relevait que :

- dans l’action déposée à Lausanne le 22 décembre 2009, J______ avait allégué être cessionnaire des droits de C______ ;

- lors de l’audience de plaidoirie du 2 mars 2010, Me X______ avait contesté devant la Cour de justice que cette cession soit prouvée, sans en contester l’existence ;

- cet avocat n’avait pas produit ou communiqué à la Cour de justice ou au Tribunal de première instance ou aux conseils concernés une copie du courrier adressé à l’office le 3 mars 2010 ni copie de sa réponse ;

- lors de l’audience du 4 mars devant la Cour de justice, il avait indiqué ne pas être en possession de la dite cession de créance, mais pouvoir la produire, sans parler de sa démarche de la veille auprès de l’office ni du fait que la cession était intervenue seulement la veille ;

- il n’avait pas fait état de son courrier à l’office des faillites du 5 mars 2010 l’avisant du retrait de l’action déposée par J______, suivi du dépôt immédiat d’une demande identique par C______ ;

- son courrier du 11 mars à la Cour de justice ne faisait nullement état de la correspondance du 3 mars à l’office et de la cession intervenue à cette date.

En ne portant pas ces pièces à la connaissance de la Cour, Me X______ avait présenté une vision tronquée de l’état de fait, ce qui était contraire à la loyauté des débats.

35. Le 22 mars 2010, Me X______ a adressé une réplique à la Cour de justice. Le retrait de la demande déposée par J______ s’expliquait par l’absence d’une cession de créance valable au jour du dépôt de la demande. En raison de ce risque de rejet, C______ et J______ avaient renoncé à toute cession de créance et la deuxième s’était désistée. Peu importait que ces faits se soient déroulés entre le 2 mars et le 11 mars 2010.

Il avait échappé à Me S______ qu’une cession de créance pouvait être partielle voire soumise à une condition suspensive, donc à concurrence du montant concerné par les actions révocatoires déjà ouvertes en son nom et le solde sous la condition suspensive que C______ n’ait pas gain de cause.

Pour ces raisons, les documents produits par les appelants ne prouvaient pas une cession de la créance qui faisait l’objet de l’action révocatoire.

36. Me S______ a dupliqué le 25 mars 2010 en persistant dans son argumentation.

37. Le 31 mars 2010, Me S______ a dénoncé Me X______ à la commission du barreau (ci-après : la commission). Il considérait que celui-ci avait violé des obligations de diligence et de loyauté de l’avocat, que ce soit à l’encontre de ses confrères, mais aussi et sans doute de manière plus grave, à l’endroit des tribunaux. En effet, il avait accepté de déposer une action en responsabilité au nom de J______ portant sur plus de CHF 5'000'000.- en se prévalant de ce que celle-ci était cessionnaire des droits de C______ et en offrant en preuve de produire l’acte de cession, sans prendre la peine, ne serait-ce de vérifier l’existence de l’acte de cession en question. Dans un premier temps, il avait affirmé que la cession était intervenue avant le dépôt de la demande précitée, ce que confirmait le contrordre que J______ avait adressé à l’office le 13 janvier 2008, mais après cela, il n’avait pas hésité à affirmer à la Cour de justice que la cession n’était pas prouvée puis, plus grave, avait caché à la Cour de justice son courrier du lendemain à l’office des faillites annonçant qu’elle avait eu lieu.

38. Le 12 avril 2012, la commission a accusé réception de la dénonciation et avisé Me S______ que le dénonciateur n’avait pas accès au dossier, mais l’aviserait des suites qui seraient données.

39. Le 12 mai 2010, Me X______ a demandé un délai pour répondre et demandé à la commission si elle avait averti l’autorité de surveillance vaudoise.

40. Le 19 mai 2010, la commission a précisé à Me X______ qu’aucune procédure disciplinaire n’ayant été ouverte, elle n’avait pas encore averti le bâtonnier de l’ordre des avocats vaudois, conformément à l’art. 16 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61).

Une copie de ce courrier a été adressée à Me S______.

41. Le 20 mai 2010, une convention a été conclue entre les diverses parties concernées, inclus Me Y______ et C______ ainsi que J______, qui mettait fin à toutes les plaintes pénales ainsi qu’à toutes les procédures civiles en cours, inclus l’arrêt de la Cour de justice à venir.

42. Le 21 mai 2010, la Cour de justice a admis l’appel interjeté par Me Y______ et Me U______ et annulé le jugement, déboutant C______ de toutes ses conclusions. Les conditions de l’action révocatoire n’étaient pas réalisées. L’objection formulée par les appelants au sujet de la légitimation active de C______ était irrecevable pour des raisons formelles car les pièces nouvelles déposées auraient dû être communiquées cinq jours au moins avant l’audience de plaidoirie. En outre, un procès introduit en vertu d’une cession au sens de l’art. 260 LP avait comme particularité que la qualité pour agir et la légitimation active n’appartenaient pas à la même personne. Le créancier cessionnaire se voyait céder la qualité pour agir, mais pas la légitimation active qui restait en main de la masse en faillite. L’intimée, en cédant sa créance, ne pouvait pas avoir perdu la légitimation active puisqu’elle ne l’avait, de par l’art. 260 LP, jamais eue. Pour qu’elle ait perdu sa qualité pour agir, il aurait fallu que la prétendue cession de créance alléguée par les appelants soit intervenue durant la procédure de première instance et non en procédure d’appel.

43. Le 31 mai 2010, Me X______ a contesté tout fondement à la dénonciation de Me S______ à la commission. C______ et J______ appartenaient au même footballeur professionnel. Il avait été mandaté par le représentant du joueur en Suisse. Ce dernier avait voulu transférer de C______ à J______ le profit des actions menées dans le cadre de la faillite de B______. La cession devait intervenir alors que plusieurs actions étaient déjà en cours soit deux actions révocatoires dont l’une contre Me Y______ et une procédure pénale, l’action en responsabilité contre les organes devant encore être déposée. Dans ce contexte, J______ avait ouvert l’action en responsabilité. En fonction des informations en sa possession, il avait allégué dans la demande que J______ s’était fait céder la créance de C______, qui fondait l’action en responsabilité. Faute de disposer d’une cession valable au moment du dépôt de la demande, il avait annoncé la preuve de la cession comme pièce à produire. Le 2 mars 2010, il n’avait pas encore le document en sa possession. Il devait essayer de l’obtenir pour l’audience d’introduction du 4 mars 2010. Le 2 mars 2010 pourtant, Me S______ avait plaidé devant la Cour de justice pour défaut de légitimation active de C______ en se fondant sur la demande déposée par J______. Le 21 mai 2010, la Cour de justice avait rejeté son objection.

Le 3 mars 2010, il avait écrit à l’office des faillites pour lui annoncer qu’il allait lui transmettre la cession de créance établie à cette date dès qu’il la recevrait. Cette cession était postérieure au jour du dépôt de l’action en responsabilité le 22 décembre 2009 par J______. Il y avait vu un risque que la légitimation de celle-ci soit contestée en procédure, et pour éviter ce risque il avait décidé, d’entente avec la demanderesse et C______, de retirer l’action en responsabilité et de la déposer à nouveau au nom de C______. Dans la cession du 3 mars 2010, C______ ne cédait pas immédiatement l’entier de sa créance de CHF 5'654'557.-, mais une partie de celle-ci, le solde n’étant cédé qu’à la condition suspensive que C______ échoue dans ses procédures révocatoires contre un tiers d’une part et contre Me Y______. Le droit de faire valoir les droits de la masse avait en effet cette particularité de permettre à un créancier cessionnaire de prendre des conclusions pour un montant supérieur à sa créance colloquée avec la contrainte, en cas de succès complet, de verser la part dépassant celle-ci à la masse en faillite. Il ne s’était jamais opposé à ce que Me S______ puisse avoir accès au dossier de l’office des faillites. Au surplus, une convention globale avait été passée entre les parties, qui mettait fin à l’ensemble du contentieux. En outre, Me S______ n’avait pas respecté l’art. 29 du code suisse de déontologie (ci-après : CSD) qui impliquait, avant de dénoncer un avocat, de chercher une médiation.

44. Le 8 juin 2010, Me S______ a adressé à la commission l’arrêt de la Cour de justice du 21 mai 2010. Il l’avisait également que l’ensemble des litiges pendants avaient été transigés par une convention. Celle-ci n’impliquait pas, contrairement à ce que soutenait Me X______, le retrait de la dénonciation, qu’il maintenait dans son intégralité.

Ce courrier a été transmis à Me X______ le 21 juin 2011.

45. Le jour même, Me S______ a écrit à Me X______. La dénonciation qu’il avait formulée auprès de la commission pour le compte de son mandant, n’intervenait pas en violation d’une norme de déontologie fédérale ou cantonale. Il avait saisi le bâtonnier le 29 mars 2010 avant de déposer sa dénonciation à la commission. Ce dernier l’avait autorisé à procéder en ajoutant qu’il ne voyait pas de raison de faire application de l’art. 24 al. 2 des us et coutumes du barreau genevois.

46. Le 15 juin 2010, la commission a transmis à Me S______ la détermination de Me X______ du 31 mai 2010, y compris son chargé de pièces, et ordonné un « second échange d’écritures » compte tenu de l’existence de certaines contradictions et des griefs formulés par Me X______ à l’encontre de Me S______.

47. Le 2 juillet 2010, Me S______ a sollicité un délai supplémentaire pour transmettre sa détermination. Il a invité en outre la commission à demander à Me X______ de remettre une copie de la cession « datée du 3 mars 2010 » à laquelle il se référait notamment aux points 6 et 7 de son écriture.

48. Le 5 juillet 2010, la commission a transmis à Me X______ le courrier de Me S______ du 2 juillet 2010 et a prié celui-là de leur transmettre « dans les meilleurs délais une copie de la pièce demandée ».

49. Le 9 juillet 2010, la commission a écrit à Me X______. Elle n’avait effectivement pas ouvert de procédure disciplinaire à la suite de la dénonciation de Me S______ du 31 mars 2010 mais avait choisi de lui demander de se déterminer sur celle-ci avant toute décision à cet égard. Sa détermination n’avait pas permis d’élucider les faits de manière complète et s’était référé à la solution transactionnelle qui était intervenue. Me X______ avait lui-même mis en cause le comportement de Me S______. Dès lors, sa réponse avait été transmise à ce dernier qui avait également été invité à se déterminer. Celui-ci avait demandé préalablement une pièce à laquelle Me X______ avait fait référence sans la produire, requête à laquelle la commission avait fait suite. C’est à la suite de la détermination de Me S______ que la commission déciderait s’il y avait matière à ouvrir une procédure disciplinaire et, le cas échéant, à une instruction.

50. Le 16 juillet 2010, Me S______ a transmis ses observations. Me X______ ne pouvait contester que lorsqu’il avait adressé à la Cour de justice un mémoire de réponse sur appel le 22 décembre 2009 dans la cause C______ contre Me Y______ et Me U______, il n’avait fait aucune mention de ce que C______ avait cédé sa créance. Il avait également tu le fait que la cessionnaire J______, sur la base des droits cédés, initierait une autre action contre des tiers sur la base d’une cession des droits de la masse au sens de l’art. 260 LP. A la date précitée, Me X______ avait caché à la Cour de justice l’existence de la cession de créance tandis qu’il se prévalait devant une autre autorité judiciaire de son existence.

De fait, il se trouvait déjà en possession à la date précitée d’une cession de créance. Il devait dès lors être invité par la commission à produire l’acte de cession qu’il détenait dans son dossier à cette date et qu’il avait subitement décrété comme étant non valable.

Me X______ avait affirmé avoir reçu, le 5 mars 2010, la cession du 3 mars 2010, mais ne produisait pas l’e-mail par lequel il pouvait établir ce fait. De même, dans ses courriers des 11 et 22 mars 2010 adressés à la Cour de justice, il avait caché l’existence de cette nouvelle cession de créance du 3 mars 2010 et, plus grave, il avait soutenu dans ceux-ci que C______ et J______ avaient renoncé à toute cession de créance alors qu’il se trouvait en possession d’un tel acte de cession depuis le 5 mars 2010 au plus tard.

Il était ainsi démontré qu’il avait caché aux autorités de justice une cession dont le contenu ne lui convenait apparemment pas, tout en alléguant l’existence de celle-ci le 22 décembre 2009. En mars 2010, il avait compris que ses clientes l’avaient amené à prendre, dans différentes écritures, des positions inconciliables. Il s’était fait transmettre en catastrophe un nouvel acte de cession puis, pour ne pas compromettre sa position devant la Cour de justice, il lui avait indiqué qu’aucune cession n’était intervenue, C______ étant restée intégralement titulaire des droits alors qu’il avait une pièce contraire dans son dossier.

51. Le 29 juillet 2010, la commission a écrit à Me X______. Elle lui transmettait la détermination de Me S______. Elle avait décidé l’ouverture d’une instruction disciplinaire à son encontre pour possible violation de l’art. 12 let. a LLCA soit pour assertion contraire à la vérité devant une autorité judiciaire. Il serait convoqué pour une audience de comparution personnelle qui porterait sur différents points énumérés dans le courrier. Il était invité, ainsi que Me S______, à adresser à la commission toutes pièces utiles en relation avec six points qu’elle énonçait et sur lesquels porterait son audition. L’autorité de surveillance vaudoise serait informée de l’ouverture de la procédure ainsi que de son issue.

52. Le 30 juillet 2010, la commission a écrit au Président de la chambre des avocats vaudois (ci-après : CAVD) pour l’aviser de la procédure.

53. Me X______ a été entendu le 6 septembre 2010 par le président de la commission. Il était assisté de Me Crettaz, son mandataire. Me S______ était présent. Le président a rappelé à ce propos que bien que le dénonciateur ne soit pas partie à la procédure, sa présence avait été jugée nécessaire dans le cadre de l’instruction des faits.

Mes S______ et X______ ont tous deux remis un chargé de pièces au président de la commission. Me X______ a été interrogé au sujet de la cession de créance intervenue entre C______ et J______.

a. Selon Me X______, C______ et J______ avaient toutes deux le même ayant droit économique, soit un footballeur professionnel. C______ était seule cessionnaire des droits de la masse et avait ouvert des actions judiciaires en Suisse. La deuxième société avait été constituée après le transfert en Espagne du footballeur ayant droit économique de C______. Cette société avait été mise en liquidation à une date qu’il ignorait, sans que cette liquidation soit finalisée puisque celle-là avait été réactivée par la suite. Lorsqu’il s’était agi, en décembre 2008, d’interrompre la prescription contre les organes de la faillite, M. Z______ lui avait demandé s’il était possible d’agir directement au nom de J______ censée devenir cessionnaire des créances de C______.

Me X______ s’est référé à la pièce 3 bis du chargé de pièces qu’il venait de déposer, soit à la cession de créance du 18 mai 2006 convenue entre C______ et J______. Il avait reçu cette pièce courant 2006, soit dans tous les cas après le 31 mai 2006. Il avait considéré cette cession de créance comme non avenue et inexistante dès lors que les procédures étaient déjà en cours en Suisse au nom de C______ et qu’il était par conséquent inopportun et plus compliqué de procéder à une substitution de partie en cours de procédure, ceci pour des questions de procédure. Il avait considéré que cette cession de créance était non avenue, ceci en accord avec ses mandantes. Toutefois, le document la ténorisant n’avait pas été détruit et il l’avait conservé dans son dossier sans en faire état dans les procédures en cours. Il ne disposait pas de pièces établissant ce qu’il venait d’exposer, l’essentiel des communications se faisant verbalement avec M. Z______. Entre le 18 mai 2006 et le 11 décembre 2008, il n’y avait pas eu d’autre cession de créance que celle du 18 mai 2006. Dès lors qu’il considérait celle-ci comme non avenue et inexistante, il avait continué à agir au nom de C______ notamment lorsqu’il était intervenu auprès de l’office les 14 avril et 13 juin 2008. A la fin de l’année 2008, il avait été question de déposer une action en responsabilité contre les administrateurs de la société faillie. Désirant déposer une action directement au nom de J______, il avait, dans son courrier à Me S______ du 11 décembre 2008, évoqué cette cession de créance en faveur de cette société.

A ce stade de l’audition, le président de la commission lui a demandé sur quelle base il avait pu affirmer que J______ était devenue cessionnaire de la créance de C______.dans le courrier qu’il avait adressé à l’office le 13 janvier 2009 pour donner un contrordre à la poursuite dirigée contre Me Y______. Selon Me X______, des contrordres à des poursuites avaient effectivement été donnés en se fondant sur la cession de créance du 18 mai 2006. Il y avait eu un « cafouillage » dans son étude car il n’aurait pas dû agir sur la base de ce document. Par la suite, en 2010, il avait oublié l’existence de cet acte de cession puisqu’il ne s’y était pas référé lorsqu’il s’était agi de justifier la cession de créance lors de la semaine du 1er au 4 mars 2010 en audience d’appel et d’introduction.

Le président de la commission l’a interrogé sur la contradiction qui surgissait entre les explications qu’il venait de donner et celles qu’il avait livrées dans sa détermination du 31 mai 2010 au sujet de la date à laquelle il avait été informé d’une cession de créance entre C______ et J______. Selon Me X______, lorsqu’il s’était déterminé par écrit, il n’avait pas relu le dossier dans son intégralité car il comportait une quinzaine de classeurs, si bien qu’il s’était trompé sur les dates.

Lorsqu’il avait déposé une action au TPI le 22 décembre 2009 au nom de J______, il n’avait aucun document en main, mais une information de M. Z______ relative à la cession. Entre le 22 décembre 2009 et ces audiences de début mars 2010, il ne s’était pas soucié d’obtenir un nouveau document de cession de créance de la part de ses mandantes. Il avait agi « en réflexe vaudois » qui permettait d’invoquer une pièce à produire alors que le dépôt effectif pouvait survenir lors de l’audience préliminaire.

Suite à l’appel téléphonique du 1er mars 2010 du collaborateur de Me S______, il avait adressé un courriel le même jour à M. Z______ en anglais, dans lequel il avait indiqué que, selon sa compréhension, la cession de créance était intervenue début décembre 2009 alors que la société C______ était encore en liquidation. Apprenant entre le 1er et le 3 mars 2010 qu’il n’y avait en fait aucun document actant cette cession de créance et vu l’urgence, il avait rédigé lui-même le document de cession qu’il a fait signer à C______ et qui était daté du 3 mars 2010. Il avait alors réalisé le problème lié au fait que l’action en responsabilité avait été introduite avant le transfert effectif de la créance. Il n’avait pas contesté l’existence de cette cession de créance le 2 mars 2010, mais objecté que les pièces produites par Me S______ ne prouvaient pas l’existence d’une cession de créance. Il avait écrit à l’office le 3 mars 2010 pour l’informer qu’une cession de créance avait eu lieu entre C______ et J______, mais n’avait pas fait état de cette cession à l’audience d’introduction le 4 mars 2010 devant le TPI, parce qu’à cette date il n’avait pas reçu le texte de la cession et qu’il avait préféré solliciter un délai pour la production de la pièce en se réservant de retirer la procédure avant cette échéance.

Si dans le courrier qu’il avait adressé le 11 mars 2010, il avait affirmé que la créance cédée par la masse était restée en main de C______, alors qu’il savait que la créance avait été cédée le 3 mars 2010 à J______, c’est parce que le 9 mars 2010, la créance cédée à J______ avait été rétrocédée par celle-ci à C______ de sorte que la cession de créance du 3 mars 2010 n’avait plus de validité.

Parallèlement, il avait pris la décision, avec son mandant et les avocats de ce dernier, de retirer l’action en responsabilité du 22 décembre 2009 déposée par J______. A l’appui de cette explication, il remettait, par l’intermédiaire de son conseil, à la commission, une pièce supplémentaire datée du 9 mars 2010, rédigée en anglais sur papier à l’en-tête de J______ dans lequel cette société, se référant à la cession de créance du 3 mars 2010, retransférait à C______ ladite créance avec tous les droits mentionnés. Il avait trouvé plus simple de ne pas faire état de cette opération dans son courrier du 22 mars 2010 à la Cour de justice pour expliquer la raison pour laquelle C______ et J______ avaient renoncé à toute cession de créance et que J______ s’était désistée de son instance. Il avait omis cela sans volonté de tromper la Cour de justice. Dans ce même courrier, il n’avait pas contesté l’existence de la nouvelle cession de créance du 3 mars 2010, mais contesté qu’il y ait eu une nouvelle cession de créance, sans remettre en question l’existence de la cession de créance du 3 mars 2010. Il n’avait pas écrit à l’office pour l’informer de la rétrocession de créance. Finalement, il n’avait pas déposé d’action en responsabilité au nom de C______, une solution transactionnelle étant intervenue. Il admettait un certain nombre de « cafouillages » dans le dossier, qu’il avait découvert notamment en préparant celui-ci pour l’audience. Il était très attentif pourtant au respect des règles de la profession et n’avait jamais eu la moindre intention de tromper les autorités ou ses confrères.

b. Interrogé par le président au sujet de l’incident qu’il avait soulevé devant la Cour de justice le 2 mars 2010, Me S______ a affirmé qu’au moment où son collaborateur avait appelé Me X______ pour lui demander la production de la cession de créance, il ignorait que le 2 mars cet incident serait soulevé. C’était dans la nuit du 1er au 2 mars qu’il avait réalisé qu’il y avait un problème d’incompatibilité entre les différentes thèses défendues par Me X______.

54. Le 7 février 2011, la commission a prononcé un avertissement à l’encontre de Me X______ et mis à la charge de celui-ci un émolument de décision de CHF 800.-. La décision était communiquée à la CAVD.

Me X______ n’avait pas hésité à soutenir des thèses et des faits contradictoires devant différentes instances, administrations ou parties, ceci de manière répétée et sur une longue période.

La première cession de créance de 2006 existait. Elle était juridiquement valable même si, pour de purs motifs d’opportunité procédurale, Me X______ la considérait comme nulle et non avenue. Il ne l’avait pas fait invalider ni ne l’avait rendu ineffective par une rétrocession. Même s’il la considérait comme nulle, il l’avait gardée dans son dossier et en avait fait usage dans la procédure en 2008. Ce « cafouillage » dénotait un manque de rigueur et une certaine désinvolture, mais ne justifiait pas un prononcé disciplinaire.

En revanche, l’attitude qu’il avait adoptée par la suite justifiait un tel prononcé :

- Le 22 décembre 2009, il avait déposé une action en responsabilité devant le Tribunal de première instance de Lausanne en invoquant une cession de créance qui n’était pas valable car elle n’était pas écrite. Il avait sciemment allégué un fait faux devant une autorité judiciaire qui était déterminant sous l’angle juridique.

- Il n’avait rien fait pour obtenir de ses mandantes une cession de créance valide entre décembre et les audiences de mars 2010, ce qui était une attitude peu compatible avec ses devoirs de soin et de diligence.

- S’il n’avait pas trompé la Cour de justice à l’audience de plaidoirie du 2 mars 2010, il avait clairement tenu des assertions contraires à la vérité dans ses courriers subséquents à cette autorité judiciaire, notamment le 22 mars 2010 en démentant l’existence d’une cession de créance alors qu’il savait depuis le 3 mars 2010 qu’elle existait puisqu’il l’avait lui-même rédigée. L’assertion selon laquelle il n’aurait pas été tenu d’informer la Cour de justice de cette cession de créance car elle était partielle et assortie d’une condition suspensive ne résistait pas à l’examen. En effet, il possédait dans son dossier une cession de créance totale et inconditionnelle valable depuis le 18 mai 2006. En outre, le 22 décembre 2009, il avait invoqué une cession de créance sans indiquer qu’elle était partielle et/ou conditionnelle, cession de créance qu’il n’avait d’ailleurs jamais produite.

- Finalement, la cession de créance du 3 mars 2010 avait été rédigée par ses soins d’une manière et avec un contenu qui lui permettait de contester l’objection soulevée la veille par Me S______.

Il avait par là violé l’art. 12 let. a LLCA. Il s’agissait de violation grave même si elle n’avait pas eu d’incidence sur le sort des procédures. Il n’avait jamais eu d’antécédents disciplinaires à Genève. Dans ces circonstances, la commission prononcerait un avertissement.

55. Le 1er mars 2011, la décision précitée a été adressée au Président de la CAVD.

56. Le 2 mars 2011, la décision a été notifiée à Me X______ par pli recommandé et transmise à Me Crettaz sous pli simple.

57. Le 9 mars 2011, Me Crettaz a protesté contre le fait que la décision n’avait pas été notifiée à Me X______ en son domicile élu, soit en l’étude de son mandataire.

58. Par pli posté le 4 avril 2011, Me X______ a interjeté recours contre la décision de la commission précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation. Avant de prendre sa décision, la commission aurait dû solliciter l’avis de l’autorité de surveillance du canton de Vaud et non seulement l’aviser de l’existence de la procédure, dès lors que le prononcé d’une mesure disciplinaire était envisagé. Cela était imposé par l’art. 16 al. 2 LLCA.

59. Le 11 mai 2011, la commission a décidé, vu l’informalité précitée dont elle admettait l’existence, de retirer sa décision du 7 février 2011. Elle transmettait le dossier et « son projet de décision disciplinaire » à la CAVD avec un délai de trente jours pour se déterminer.

60. Elle en a avisé la chambre administrative le 12 mai 2011. Vu le retrait de la décision querellée, le recours de Me X______ du 14 avril 2011 n’avait plus d’objet. Si bien que, par décision du 1er juin 2011, la chambre administrative a rayé la cause du rôle sans allouer d’indemnité de procédure.

61. Le 7 juin 2011, Me X______ a saisi la chambre administrative d’une demande « en révision » vu l’absence de condamnation à une indemnité de procédure pourtant sollicitée.

62. Le 12 mai 2011, la commission a adressé au président de la CAVD, sa décision du 11 mai 2011 et le projet de décision sur sanction qu’elle entendait prendre en lui impartissant un délai de trente jours pour formuler ses éventuelles observations.

Me X______ a été avisé de cette démarche.

63. Sur requête du président de la CAVD, la commission a transmis à ce dernier le dossier de la cause le 23 mai 2011.

64. Le ler juillet 2011, sur requête de Me X______, la commission a confirmé à son conseil qu’elle n’avait pas communiqué le dispositif de sa décision du 7 février 2011 à Me S______.

65. Sur requête de la CAVD, Me X______ s’est déterminé le 1er juillet 2011 en contestant le bien-fondé de toute sanction :

- La cession des droits de la masse prévue à l’art. 260 LP était un mandat procédural. La créance invoquée en justice par le cessionnaire est la créance de la masse qui conserve la légitimation active et la conserve quoiqu’il advienne, même si le cessionnaire obtient par la cession la qualité pour agir. Dès lors que la seule entité concernée par une cession des droits d’une créance colloquée était l’administration de la faillite et non les débiteurs du failli ou encore les magistrats appelés à statuer sur les prétentions de la masse, et que les mandataires des différents conseils avaient eu toujours connaissance des faits pour lesquels Me S______ l’avait dénoncé, il ne pouvait lui être reproché d’avoir tenté de les tromper.

- Même si la cession de créance du 18 mai 2006 était demeurée valable, C______ était dans l’obligation de poursuivre les procédures qu’elle avait initiées à Genève car les règles de procédure civile genevoise n’autorisaient pas la substitution de partie en cours de procédure, sauf accord des parties ce qui était exclu en l’espèce. En laissant C______ poursuivre la conduite des actions révocatoires malgré la cession du 18 mai 2006, on devait admettre qu’elle avait rétrocédé le mandat procédural d’agir dans ces procédure pour le compte de la masse, la cession des droits de la masse n’étant pas soumise à des formes particulières, contrairement à la cession de créance. Au demeurant, les entités C______ et J______ SA ayant le même ayant-droit économique, le fait que ce soit l’un ou l’autre qui conduise les actions révocatoires et qui encaisse les gains des procédures importait peu. C’était ce qui avait conduit à suspendre la liquidation d’C______ et à la maintenir comme entité menant les procédures.

- L’action en responsabilité contre les organes de la société faillie avait été déposée à la fin de l’année 2009. Si elle faisait état d’une cession de créance nouvelle c’est parce qu’il avait été décidé après la cession du 18 mai 2006 que C______ resterait active, mais que le client footballeur voulait agir dorénavant par l’intermédiaire de J______. Il avait été jugé préférable de refaire une nouvelle cession. Comme elle n’avait pu être rédigée avant le 22 décembre 2009, elle avait été annoncée, comme pièce à produire et établie le 3 mars 2010.

- La commission considérait à tort comme une tromperie d’avoir agir pour C______ dans cette affaire sans mentionner à la Cour de justice que J______ agissait séparément contre les organes sur la base d’une cession de créance. Or, l’arrêt de la Cour de justice du 20 mai 2010 avait rappelé que C______ ne pouvait, par la cession, avoir perdu la légitimation active puisqu’elle ne l’avait jamais eue. Dans le même sens, même si C______ avait cédé l’entier de sa créance colloquée à J______, cela concernant un montant d’environ CHF 5'600'000.- alors que par les deux cessions des droits de la masse qui étaient intervenues, elle avait obtenu le droit d’agir à concurrence de CHF 7'000'000.-. En vertu de l’art. 260 LP, elle avait conservé le droit sinon l’obligation d’agir à concurrence des montants des deux actions révocatoires (CHF 300'000.- et CHF 1’2000'000.-) engagées devant les tribunaux genevois. Les cessions rédigées par C______ les 18 mai 2006 et 3 mars 2010 n’avaient donc eu aucun effet matériel.

66. Le 8 juin 2011, Monsieur Q______, président de CAVD, a transmis ses observations. Le contenu des reproches formulés par la commission surprenait l’autorité de surveillance vaudoise. Me X______ était honorablement connu dans le milieu du barreau. Il faisait partie de la CAVD et n’avait jamais fait l’objet d’enquête disciplinaire dans le canton ni même n’avait été sanctionné. Au vu des explications formulées par cet avocat à l’adresse de la chambre des avocats dont elle transmettait une copie, il n’apparaissait pas de son avis qu’une sanction disciplinaire se justifiait. A ce courrier était annexée la détermination du 1er juillet 2011 adressée par Me X______ à la chambre administrative après qu’elle lui ait imparti un délai pour se déterminer.

La cession des droits de la masse était un mandat procédural attribuant la qualité pour agir et permettant à un créancier colloqué de faire valoir les droits du failli. Le créancier cessionnaire des droits ne pouvait pas abandonner à d’autres personnes le droit de soutenir le procès au nom de la masse à moins de lui céder en même temps sa propre créance.

Quand bien même la cession de créance du 18 mai 2006 en faveur de J______ serait demeurée valable, C______ n’en devait pas moins continuer les procédures qu’elle avait elle-même initiées puisque la procédure genevoise n’autorisait pas la substitution de partie (sauf accord de la partie adverse, exclu en l’espèce). En laissant C______ procéder dans le cadre des actions révocatoires malgré l’existence de la cession du 18 mai 2006, J______ lui avait rétrocédé le mandat d’agir pour le compte de la masse. La cession du droit d’agir n’était en effet soumise à aucune forme particulière, contrairement à la cession de créance (art. 165 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Si la titularité de la prétention litigieuse restait en main de la masse, la cession de créance du 18 mai 2006, postérieure à l’ouverture des actions révocatoires, n’avait aucune conséquence sur la qualité de partie de C______.

Concernant la cession de créance du 18 mai 2006, elle était postérieure au dépôt des actions révocatoires. Dès lors, il avait proposé de maintenir C______ comme demanderesse, ce que « son client » avait admis. La liquidation d’C______ était donc suspendue et tout montant qui serait encaissé par C______ serait transféré à J______ le moment venu.

La décision de maintenir C______ comme demanderesse s’imposait d’autant plus qu’elle n’entraînait aucune conséquence négative pour le bénéficiaire final qui était le même ayant droit économique. Par la suite, une décision a été prise de renoncer à la cession de créance et de laisser C______ comme titulaire de la créance colloquée. La cession du 18 mai 2006 avait été conservée dans son dossier à l’instar de toutes ses correspondances. Elle n’avait jamais été produite en justice et constituait un document interne. Il est vrai que le 8 janvier 2009, la cession de créance du 18 mai 2006 avait été envoyée à l’avocat, d’autres organes ou débiteurs de la société faillie et que le 12 janvier 2009, une déclaration de renonciation à la prescription avait été demandée à Me Y______ par J______. Cette activité du recourant et de ses collaborateurs ne concernait toutefois pas les droits qui faisaient l’objet des actions révocatoires, mais avait trait aux prétentions futures contre les organes de la société en faillite.

Le 22 décembre 2009, il a été décidé de déposer une action en responsabilité contre les organes de la société faillie. Son mandant avait décidé d’agir au nom de J______ plutôt qu’en celui de C______. Cette requête fut formulée avant le dépôt de la demande si bien qu’il n’y avait pas de problème de substitution de parties. L’action en responsabilité du 22 décembre 2009 faisait état d’une cession de créance nouvelle différente de celle du 18 mai 2006. Il fallait clarifier la formulation de la cession de créance en question car les déclarations de renonciation à la prescription avait été rédigées en faveur de C______, mais aussi de tout cessionnaire dont J______. Il était préférable également de se prévaloir fin 2009 d’une cession de créance plus récente que celle de mai 2006. Il ne s’agissait donc pas de tromper quiconque.

Lorsqu’il avait déposé l’action en responsabilité, il avait indiqué la nouvelle cession de créance comme pièce à produire, ne voyant aucune urgence à le faire. C’était parce que le 1er mars 2010 Me S______ lui avait demandé de la produire à l’audience d’introduction qu’il avait fallu s’organiser pour obtenir ce document entre le 2 et le 4 mars 2010. La sanction envisagée par la commission ne se justifiait pas pour les raisons que la Cour de justice avait relevées dans son arrêt du 21 mai 2011. En outre, C______ avait la faculté d’ouvrir des actions et de prendre des conclusions dépassant le montant de sa créance à concurrence de CHF 7'000'000.- au moins. Même si elle avait cédé l’entier de sa créance colloquée à J______, elle n’en aurait pas moins conservé le droit, sinon l’obligation d’agir à concurrence de CHF 300'000.- et CHF 1'200’000.- dans le cadre des actions révocatoires déjà engagées.

La particularité de l’art. 260 LP était que C______ pouvait céder ses droits d’agir contre les organes pour l’entier de la somme correspondant à sa créance colloquée (soit CHF 5'600'000.-) tout en continuant d’agir en révocation à concurrence de CHF 1'200'000.-, respectivement CHF 300'000.-. C’était la preuve qu’il ne s’agissait pas d’une créance cédée, mais bien d’un droit et qu’à ce titre les cessions rédigées par C______ les 18 mai 2006 et 3 mars 2010 n’avaient aucun effet matériel. Finalement, face aux incertitudes procédurales soulevées par l’incident de Me S______ du 2 mars 2010, il avait pris le parti de retirer la demande de J______ et d’en déposer une nouvelle au nom de C______. Compte tenu de la cession de créance formellement alléguée dans la demande du 22 décembre 2009, il paraissait logique de la rétrocéder tout aussi formellement à C______. Il admettait ne pas avoir mentionné la nouvelle cession de créance dans le mémoire déposé à la Cour de justice le 22 décembre 2009 alors qu’il l’alléguait le même jour dans sa demande contre les organes. Tout au plus y avait-il eu oubli sur une question sans conséquence juridique. S’il y avait pensé, il aurait pu sans difficulté établir la cession plus vite. Il n’avait jamais eu l’intention de tromper un confrère ou le tribunal, ce qui était impossible, Me S______ intervenant dans pratiquement toutes les procédures et ayant une parfaite connaissance de ce qu’il ne considérera comme inadmissible qu’après plusieurs mois.

67. Le 6 septembre 2011, la commission a transmis la détermination de la CAVD du 8 juin 2011 et accordé un délai à Me X______ pour se déterminer.

68. Le 12 septembre 2011, dans le délai imparti, celui a persisté dans les termes de sa détermination du 1er juin 2011 adressée à la CAVD.

69. Le 3 octobre 2011, la commission a prononcé un avertissement à l’encontre de Me X______. Cette décision reprenait celle du 7 février 2011 s’agissant des faits et sa motivation en grande partie similaire.

Elle ne retenait plus que l’avocat avait sciemment allégué le 22 décembre 2009 un fait faux, non anodin et déterminant sous l’angle juridique devant une autorité judiciaire. En revanche, il avait reconnu qu’il n’avait rien fait pour obtenir de ses mandants une cession de créance valide entre décembre 2009 et mars 2010 ; s’il n’avait pas trompé la Cour de justice le 2 mars 2010, il avait tenu par la suite des assertions contraires à la vérité dans ses courriers subséquents à la Cour de justice. Le 22 mars 2010, il avait démenti l’existence de toute cession de créance alors qu’il savait qu’il en existait une, partielle et conditionnelle puisqu’il la détenait depuis le 5 mars 2010, et qu’il en détenait une totale depuis le 18 mars 2006. En outre, il ne pouvait pas se prévaloir de l’interdiction d’une substitution de partie en procédure civile genevoise parce qu’il n’avait jamais demandé à ses parties adverses la possibilité de le faire. Il ne pouvait pas non plus mettre sous le coup d’un oubli de ne pas avoir fait état de la cession de droit intervenue dans la réponse au recours devant la Cour de justice. Ces affirmations contradictoires et contraires à la vérité devant différentes juridictions constituaient une violation des obligations de soin et de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA.

70. Par pli, posté le 9 novembre 2011, Me X______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision de la commission précitée, reçue le 10 octobre 2011, concluant à son annulation. Dans ses écritures du 1er juin 2011 adressées à la commission du barreau du canton de Vaud, il avait détaillé les raisons pour lesquelles la dénonciation de Me S______ était infondée. Il ne pouvait que se reporter à ce mémoire. Il ajoutait que s’il n’avait pas requis une substitution de partie, c’était parce dans l’ambiance contentieuse qui régnait alors, toute démarche dans ce sens aurait été veine. En outre, la commission avait écarté d’un revers de manche toute l’argumentation fondée sur la réelle nature de la cession des droits de la masse de l’art. 260 LP. Or, cette argumentation en droit permettait de relever le caractère abusif de la dénonciation. Me S______ était avec Me U______ le co-auteur du commentaire de l’art. 260 LP dans le commentaire romand. Il savait parfaitement que la cession prévue par l’art. 260 LP ne pouvait donner lieu à une quelconque tromperie dans le cas d’espèce, la créance cédée demeurant une créance de la masse exclusivement.

Il sollicitait la comparution personnelle des parties.

71. Le 20 décembre 2011, la commission s’en est rapportée à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu à son rejet. Pour rendre la décision querellée, elle avait pris en considération toutes les pièces de la procédure, y compris le mémoire du 1er juin 2011 produit par le recourant à l’intention de l’autorité disciplinaire vaudoise.

72. Le juge a convoqué une audience de comparution personnelle qui devait se dérouler le 27 février 2012. Le recourant, qui n’était pas disponible ce jour-là, a renoncé à être entendu oralement par la chambre administrative.

73. Le 20 février 2012, le juge a avisé les parties de l’annulation de l’audience précitée et de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le statut juridique des avocats autorisés à pratiquer dans les cantons suisses la représentation en justice dans le cadre d’un monopole est soumis aux dispositions de la LLCA et aux dispositions de la législation d’exécution cantonale, soit dans le canton de Genève la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10) et son règlement d’application.

3. L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. En particulier, il doit exercer sa profession avec soin et diligence (art. 12 let. a LLCA). Ceci l’astreint à se comporter de façon correcte vis-à-vis de ses clients, mais aussi envers les autorités judiciaires ou administratives, ses confrères et le public (ATF 130 II 270, consid. 3.2 p. 276 ; VALTICOS/REISER/CHAPPUIS, Bâle 2010, p. 94, n° 6 ; W. FELLMANN in FELLMANN/ZINDEL, Kommentar zum Anwaltsgesetz, Zurich 2011, p. 139).

4. Les cantons doivent désigner une autorité de surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). A Genève, ce rôle est dévolu à la commission du barreau (art. 14 LPAv) qui statue sur tout manquement professionnel en prononçant les sanctions disciplinaires qui s’imposent (art. 43 al. 1 LPAv).

5. Lorsque l’avocat qui fait l’objet d’une procédure est inscrit au registre des avocats d’un autre canton, l’autorité de surveillance de celui-ci doit être avertie de l’ouverture de la procédure disciplinaire et doit avoir la possibilité de présenter des observations (art. 16 al. 1 et 2 LLCA).

6. La procédure de surveillance des avocats a pour but d’assurer l’exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard et non de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 133 II 468, consid. 2, p. 471). Ainsi, dans les procédures disciplinaires, le dénonciateur ou le plaignant n’est pas partie à la procédure et il n’a pas accès au dossier ; s’il est informé de l’issue de celle-ci, il n’a pas automatiquement connaissance des considérants de la décision prise par la commission (art. 48 al. 1 LPAv).

7. La commission peut déléguer à l’un de ses membres l’instruction des dénonciations dont elle est saisie. Elle ordonne les mesures probatoires nécessaires (art. 45 LPA). Elle motive ses décisions et respecte le droit d’être entendu de l’avocat sous tous ses aspects (art. 46 al. 1 et 2 LPAv). Au surplus, elle agit en conformité des dispositions de la LPA (art. 49 LPAv).

8. Dans le cas d’espèce, la commission ne s’est pas conformée strictement aux règles précitées de procédure. Dès lors que Me S______ n’était pas partie à la procédure, elle n’avait pas à lui communiquer copie des courriers qu’elle adressait à Me X______, ainsi qu’elle l’a fait à de multiples reprises, tout au moins au début de la procédure. En outre, si la présence du dénonciateur pouvait être utile le 6 septembre 2010 lors de l’audition de l’avocat mis en cause, pour permettre une confrontation, le procédé consistant à organiser un échange d’écritures entre le dénonciateur et Me X______ a eu pour effet d’ériger le premier en procureur ou en instructeur, ce qui ne constitue pas une façon de procéder conforme au principe de la maxime d’office et au mode d’établissement des faits que la commission doit respecter dans l’instruction des procédures disciplinaires qui lui sont soumises (art. 19 et 20 LPA). Cela étant, ce mode de procéder, même discutable, n’a pas causé de préjudice au recourant, lequel était assisté d’un conseil, ni n’a porté atteinte à l’indépendance de la commission qui a statué sans la participation du dénonciateur et sans communiquer à ce dernier une copie de sa décision.

9. Selon l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat doit exercer son activité avec soin et diligence. A défaut, il est passible de sanctions disciplinaires. La clause générale rappelée dans la disposition précitée ne se limite pas à régler les rapports entre le client et son avocat, mais a également pour objectif de régler le comportement de l’avocat face aux autorités judiciaires, aux autorités en général ainsi que face aux parties adverses, aux confrères et au public (F. BOHNET/V. MARTENET, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, p 500 et jurisprudence citée).La portée du devoir de diligence de l’avocat se déduit des règles déontologiques adoptées par les barreaux ou les organisations professionnelles. Sont contraires au devoir de diligence rappelé à l’art. 12 LLCA les comportements de l’avocat qui remettent en cause la bonne administration de la justice (F. BOHNET/V. MARTENET, op. cit., p. 502).

Par rapport à son client, l’avocat a une obligation de diligence qui découle des règles du mandat (art. 398 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Cependant, toute violation d’une obligation de diligence n’est pas constitutive d’une violation du devoir de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA. Tel n’est le cas que si l’avocat viole de manière intentionnelle ou gravement négligente son devoir de diligence au sens de l’art. 398 al. 2 CO (Arrêt du Tribunal fédéral du 10 juillet 2008, 2C_150/2008, consid. 7.1 ; F. BOHNET/V.MARTINET, op. cit., p.514).

Vis-à-vis des autorités, l’avocat doit certes régler ses activités en fonction de l’intérêt de son client, mais il ne doit user que des moyens légaux à sa disposition. En particulier, il ne peut « cacher des éléments déterminants pour la recevabilité de son acte, tromper les juges (où les parties adverses) par une exposition des faits qu’il sait fausse, ou par des manœuvres procédurales certes licites mais condamnables moralement » (F. BOHNET/V. MARTENET, op. cit., p. 525 et jurisprudence citée). En particulier, constitue une violation du devoir de diligence de la part d’un avocat le fait de ne pas mentionner dans un recours au Tribunal fédéral un accord transactionnel ayant pour conséquence le défaut de qualité pour recourir de ses clients (RDAF 1997 I 93).

10. La commission a retenu que le recourant avait, par de graves agissements et par des déclarations contradictoires devant différentes juridictions, aliéné la confiance que les autorités judiciaires, les confrères et les justiciables devaient porter à un avocat.

11. En rapport avec les faits de la cause, les éléments suivants doivent être retenus :

a. Le recourant a été mandaté par l’ayant-droit économique de deux entités, C______ et J______ qui voulait agir successivement ou alternativement au nom de l’une ou de l’autre pour des raisons qui lui étaient propres. La première de celles-ci a obtenu en 2005 la cession des droits de la masse en faillite d’une société qui était sa débitrice, tant pour agir en responsabilité contre les organes de celle-ci que pour engager des actions révocatoires.

b. Une telle cession, prévue à l’art. 260 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) n’est pas une cession au sens de l’art. 164 al. 1 CO. Il s’agit d’une cession de nature procédurale permettant au cessionnaire d’entamer un procès en son propre nom et pour son propre compte ou de reprendre celui-ci dans les mêmes conditions, sans qu’il devienne pour autant l’ayant droit de la prétention litigieuse (V. JEANNERET/ V. CARRON in DALLEVES/FOEX/JEANDIN/loi sur la poursuite pour dettes, Commentaire romand, Bâle 2005, ad art. 260, p. 1180).

c. A teneur des réquisitions adressées à l’office ou des courriers adressés à l’office des faillites ou aux différents avocats, l’existence des deux entités précitées agissant alternativement n’a pas été cachée par le recourant, notamment au dénonciateur.

d. Après le dépôt de deux actions révocatoires devant les tribunaux genevois en 2006, C______ a cédé à J______ le 18 mai 2006 l’ensemble de ses droits liés à la créance produite dans la faillite de sa débitrice. L’acte de cession donnait valablement le droit à la cessionnaire de conduire le procès destiné à recouvrer la créance cédée par la masse ou d’en reprendre la conduite, dès lors que l’acte de cession établi en la forme écrite remplissait les conditions de l’art. 164 al. 1 CO et emportait cession de la créance produite dans la faillite (V. JEANNERET/ V. CARRON, op. cit. p. 1185 et jurisprudence citée).

e. La cession de créance du 18 mai 2006 intervenait entre deux entités qui avaient le même ayant droit économique, si bien que l’avocat conservait la maîtrise des rapports entre le cédant et le cessionnaire des créances qui faisaient l’objet de la contestation civile, ainsi que la possibilité de les modifier sans difficulté.

f. Avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2011 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), c’était la loi de procédure civile du applicable qui déterminait les conditions dans lesquelles la substitution des parties est possible ou nécessaire (ATF 105 III 139, JT 1981 II 71 ; P-R. GILLIERON, Commentaire de la LP, tome 2, 2001, p. 910). Sous l’égide des dispositions de la loi de procédure civile du 10 avril 1987 (aLPC – E 3 05) en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010, la cession d’une créance litigieuse ne privait pas le cédant de la qualité pour poursuivre le procès, tout en autorisant le cessionnaire à intervenir dans l’instance en vue d’appuyer les conclusions du cédant. En effet, du fait du procès en cours, le cessionnaire n’acquérait qu’un droit conditionnel sur la créance jusqu’à l’issue du procès (SJ 1984 575 et 582). C’était au demeurant la constatation à laquelle la Cour de justice était arrivée dans son arrêt du 21 mai 2010, lorsqu’elle a traité de l’incidence de cette cession sur la procédure en cours.

g. Sur la base de la cession de créance du 18 mai 2006, J______ était habilitée à déposer l’action en responsabilité contre les organes de la société faillie. Il n’est dès lors guère compréhensible que le recourant ne s’y soit pas référé en établissant son mode de preuve, ce d’autant plus qu’une de ses collaboratrices en avait fait usage et l’avait transmise au conseil de l’une de ses parties adverses le 11 janvier 2009 dans le cadre de démarches entreprises visant au retrait de poursuites engagées pour sauvegarder un délai de prescription en les remplaçant par des déclarations de renonciation. Une explication peut éventuellement se trouver dans le courriel que le recourant a adressé à son correspondant représentant du client à propos du statut de société en liquidation de C______. Cela étant, vu l’acte de cession du 18 mai 2006, rien n’empêchait cette dernière entité et J______ de vouloir confirmer la cession au travers d’un nouvel acte à produire, portant sur la cession des droits liés à la créance litigieuse, avec ou sans réaménagement de leurs rapports au plan interne. Cette question souffre cependant de rester ouverte, dans la mesure où le rôle de la chambre de céans n’est pas de trancher le litige civil entre les parties mais d’examiner si les faits retenus sont constitutifs d’une violation de ses obligations professionnelles par le recourant.

h. En mars 2010, le recourant a été sommé par le dénonciateur de produire à l’audience d’introduction l’acte de cession de créance qui légitimait J______ à agir en responsabilité des organes de la société faillie. Au vu des pièces versées à la procédure, il a opté pour l’établissement d’un nouvel acte de cession de créance qui limitait celle-ci à la différence entre le montant total de la créance produite par C______ dans la faillite et la somme des montants réclamés en capital dans les deux actions révocatoires intentées au nom de cette entité. Craignant cependant que la légitimation active de la cessionnaire ne soit pas reconnue, il a choisi de ne pas faire usage de cet acte de cession et préféré retirer l’action en responsabilité déposée au nom de J______ tout en organisant un retour en main de C______ de l’entier de la créance cédée à J______ Cette succession d’actes - réduction ou réduction conditionnelle de la créance puis rétrocession de celle-ci à C______ - n’est pas en soi interdite par la loi. L’intervention de J______ dès 2008 ne remettait pas en question, pour les raisons rappelées plus haut, la légitimation active de C______ dans les deux actions révocatoires pendantes devant la Cour de justice. Quant à J______, qui était au bénéfice des actes de cession des 18 mai 2006 et 3 mars 2010, elle a retiré sa demande en justice dès que lesdits droits lui ont été retirés.

12. Au vu des faits de la cause et des constats qui précèdent, l’opinion de la commission, qui retient une grave violation de son devoir de diligence par le recourant, ne peut être suivie. Si ce dernier a fait montre d’une certaine maladresse dans la conduite de son mandat, voire d’une certaine précipitation dans son analyse de la situation juridique lesquelles l’ont contraint à prendre des décisions procédurales précipitées, il ne résulte pas qu’il aurait menti à l’autorité. Les deux actions révocatoires ont été déposées avant que C______ signe son premier acte de cession de créance en faveur de J______. Au moment du dépôt de l’action en responsabilité par J______, il existait une cession des droits autorisant a priori celle-ci à agir. Cette cession, à teneur de la jurisprudence, n’obligeait pas, après le 18 mai 2006, à une substitution de partie dans les procédures civiles déjà engagées. Que le recourant ait compliqué sa situation en n’invoquant pas la cession de créance initiale, en la faisant modifier pour en restreindre la portée le 3 mars 2010, puis en renonçant à en faire usage quelques jours plus tard en retirant l’action en responsabilité déposée, cela résulte de son analyse de la situation juridique et de ses propres choix, mais cela ne revêt pas un caractère disciplinaire. Si des contradictions, des euphémismes voire des dérobades peuvent être relevés dans les propos échangés par Me X______ à l’adresse de Me S______ dès mars 2010 au gré des courriers échangés après que la cause a été gardée à juger par la Cour de justice, ils sont la conséquence des hésitations précitées. L’action de Me X______, est restée dictée par la volonté de préserver les intérêts du client, ayant droit des deux sociétés concernées par la cession, sans volonté de tromper. Les faits dénoncés doivent être tenus pour des incidents de procédure mais non pas pour des actes violant les obligations que l’art. 12 let a LLCA impose à un avocat et qui devraient être sanctionnés disciplinairement parce qu’ils atteignent à l’administration de la justice

13. Le recours sera admis. La décision de la commission sera annulée et la cause renvoyée à la commission du barreau afin qu’elle classe la dénonciation et avise le dénonciateur de cette issue (art. 48 LPAv).

14. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA). Une indemnité de CHF 1'500.- qui sera mise à la charge de l’Etat de Genève, sera allouée au recourant qui y a conclu,

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours de Monsieur X______ du 9 novembre 2011 contre la décision de la commission du barreau du 3 octobre 2011 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission du barreau du 3 octobre 2011 ;

renvoie la cause à la commission du barreau pour qu’elle prononce le classement de la dénonciation du 31 mars 2010 formée par Monsieur S______ et en informe ce dernier ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur X______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marie CRETTAZ, avocat du recourant, ainsi qu’à la commission du barreau.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :