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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3659/2012

ATA/832/2014 du 28.10.2014 sur JTAPI/29/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT ; DROIT FISCAL ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; DÉDUCTION POUR FRAIS D'ENTRETIEN D'IMMEUBLE ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : Cst.29.al2; aLIFD.32.al2; LIFD.34.letd; LHID.9.al3; LHID.9.al3; LHID.9.al4; aLIPP-V.6.al4; aLIPP-V.9.letd
Résumé : Seules les dépenses, engagées à la rénovation d'un bien immobilier, destinées à préserver la valeur de celui-ci sont admises en déduction de l'impôt sur le revenu, tant en matière d'ICC que d'IFD. Les dépenses qui engendrent une plus-value de ce bien ne peuvent être déduites fiscalement. Les travaux ayant servi à la reconstitution d'une vigne et au remplacement de toutes les installations servant à sa culture, pour un montant de CHF 33'025.-, ne peuvent être déduits, ceux-ci allant au-delà de simples travaux de rénovation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3659/2012-ICCIFD ATA/832/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Rhône Trust and Fiduciary Services SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

AMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 janvier 2014 (JTAPI/29/2014)


EN FAIT

1) Madame A______, sans profession, et Monsieur A______, employé de banque, (ci-après : les époux A______) sont contribuables à Genève.

2) En 2008, ils ont acquis deux parcelles de vignes, sises sur la commune de B______ en Valais (ci-après : la vigne), pour un montant de CHF 4'660.-, en tant que placement immobilier avec l'intention de la faire exploiter et d'en tirer un revenu.

3) Ces parcelles ont été aménagées en terrasses en raison du dénivelé du terrain. L'ancien propriétaire y avait fait planter, en 1987, des cépages de pinot noir et de chasselas.

4) En 2009, les époux A______ ont fait appel à l'entreprise C______, soit à son propriétaire Monsieur D______, pour effectuer des travaux de reconstitution de la vigne.

Selon la facture afférente du 10 décembre 2009, le montant total de ces travaux s'est élevé à CHF 33'024.75 et se composait comme suit :

Remise en état de la parcelle : arrachage des vignes ; divers travaux de terrassement ; transport de terre (25 camions) ; main d'oeuvre

 

 

CHF 13'000.-

Replantation : main d'oeuvre ; 1500 plantons (Syrah/Cornalin)

CHF 7'400.-

Rénovation : matériel ; main d'oeuvre

CHF 2'000.-

Rénovation de la rampe d'accès : main d'oeuvre ; béton ; chenillette

CHF 4'600.-

Remplacement des piquets/fils de fer : main d'oeuvre ; piquets

CHF 3'261.-

Entretien des sols : fumier bovin ; nitrate d'ammoniaque ; chenillette

 

CHF 374.-

Travail à la vigne au forfait : 1535 * CHF 1.85

CHF 2'389.75

 

5) Dans leur déclaration fiscale 2009, les époux A______ ont mentionné la vigne, dans leur fortune privée, pour un montant de CHF 4'660.- et ont indiqué la somme de CHF 33'025.- (valeur arrondie) à titre de frais d'entretien de celle-ci.

6) À partir de l'année 2011, la vigne a été mise en métayage au profit de l'entreprise C______.

7) Par bordereaux du 24 janvier 2011, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les époux A______ pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2009. L'AFC-GE n'a pas admis la déduction du montant des travaux précités.

8) Par acte du 7 février 2011, les époux A______ ont formé réclamation à l'encontre de ces bordereaux. La reconstitution de la vigne devait être considérée comme relevant des frais d'entretien déductibles au regard de la notice 1/2007 de l'AFC-GE.

Cette réclamation portait également sur d'autres points, qui ne sont plus actuellement litigieux.

9) Par courrier du 16 mai 2011, faisant suite à une demande de renseignement de l'AFC-GE, les époux A______ ont indiqué que la vigne n'avait dégagé aucun revenu pendant la période fiscale 2009, soit l'année où elle avait été replantée, et qu'elle n'était pas occupée par un tiers durant cette période.

10) Par courrier du 25 juin 2012, ils ont encore précisé à l'AFC-GE que l'administration fiscale valaisanne avait admis, quant à elle, dans sa décision de taxation 2009 une perte de revenu agricole d'un montant de CHF 33'025.-.

11) Dans le cadre de leur taxation 2011, les époux A______ ont remis à l'AFC-GE diverses factures de travaux sur la vigne pour un montant total de CHF 232'904.-.

12) Par décisions du 17 octobre 2012, l'AFC-GE a partiellement rectifié les bordereaux ICC et IFD 2009 des époux A______ sur des points extérieurs au présent litige, mais a refusé la déduction sollicitée. La réfection d'une vigne n'était pas considérée comme des frais d'entretien d'immeuble. Les décisions de taxation valaisannes ne l'engageaient pas.

13) Par acte du 16 novembre 2012, les époux A______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, en concluant à leur annulation et à la constatation que les travaux de remise en état de la vigne étaient déductibles de leur revenu imposable.

La vigne ayant été acquise aux moyens de fonds propres et privés et son exploitation ne présentant aucun lien avec l'activité principale de M. A______, elle faisait partie de leur fortune privée. Partant, les divers travaux de remise en état de la vigne étaient déductibles, s'agissant de frais de rénovation entrepris pour maintenir la valeur de l'immeuble. Il ne s'agissait pas de dépenses d'investissement, étant donné que le matériel et les installations nécessaires à la culture viticole avaient une durée de vie limitée et devaient être périodiquement remplacés ou rénovés.

14) Dans sa réponse du 11 mai 2013, l'AFC-GE a conclu au rejet de ce recours.

Les travaux entrepris correspondaient à une nouvelle construction apportant une plus-value aux parcelles concernées. Il s'agissait de frais d'investissement non déductibles, au vue de l'augmentation de la valeur de l'immeuble en comparaison à son état au moment de l'acquisition de la vigne. De plus, les époux A______ avaient remis des factures afférentes à l'année 2011, attestant de nouveaux travaux pour un montant de CHF 232'904.-, démontrant que ceux opérés en 2009 n'étaient que le point de départ d'un grand projet.

15) Par réplique du 17 juin 2013, les époux A______ ont persisté dans l'argumentation et les conclusions de leur recours.

Les travaux litigieux n'apportaient aucune plus-value aux parcelles concernées, mais correspondaient aux étapes indispensables au remplacement des vignes en fin de vie. Les faits invoqués par l'AFC-GE relatifs à la période fiscale 2011 violaient les principes de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux.

16) Par duplique du 19 juillet 2013, l'AFC-GE a persisté dans les termes de sa réponse.

Les éléments factuels 2011 servaient à mieux appréhender la situation de 2009 et l'examen du bien-fondé de la demande litigieuse de défalcation. Les travaux entrepris par les époux A______ étaient d'une telle ampleur, que ceux-ci s'apparentaient à une nouvelle construction. Il ne s'agissait pas du simple remplacement des ceps de vigne à la fin de leur durée de vie, mais du réaménagement d'un nouveau domaine, afin de commercialiser en Suisse et à l'étranger une nouvelle gamme de produits.

17) Par jugement du 13 janvier 2014, notifié aux parties le 17 janvier 2014, le TAPI a rejeté le recours des époux A______.

Dès lors que les travaux étaient intervenus dans les cinq ans à compter de l'acquisition de la vigne, la question de l'applicabilité de la « pratique Dumont »se posait. Toutefois, les époux A______ n'avaient pas établi à satisfaction de droit le fait qu'en 2009 les ceps de vigne se trouvaient en fin de vie. Les travaux entrepris devaient dès lors être considérés comme une transformation partielle, voire totale du terrain, et n'étaient de ce fait pas déductibles. Les décisions de l'administration valaisanne ne liaient pas l'AFC-GE.

18) Par acte du 17 février 2014, les époux A______ ont recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, préalablement, à l'ouverture d'enquêtes, notamment à l'audition de M. D______, principalement, à son annulation et à celle des décisions sur réclamation du 17 octobre 2012 et au constat que les dépenses engagées pour la remise en état de la vigne sont déductibles.

À l'appui de leur recours, ils ont produit un rapport établi par M. D______ sur la nécessité de la reconstitution de la vigne et les étapes indispensables à ce procédé. Lors de son acquisition, celle-ci avait plus de vingt ans, de même que les installations qui rendaient sa culture possible, dès lors, il était nécessaire de procéder au réencépagement et à la rénovation du système d'irrigation, de la rampe d'accès, des piquets de fer et des terrasses, afin de pouvoir exploiter efficacement cette vigne sur le long terme. Ces travaux correspondaient à des frais de rénovation déductibles, qui avaient permis de mettre la vigne en métayage dès 2011 à la C______. Il ne s'agissait pas de dépenses d'investissement, la plus-value qui en découlait n'étant que temporaire. Au regard de la « pratique Dumont » dite « assouplie », ces travaux, étant intervenus à l'échéance de durée de vie des installations et de la vigne, devaient être considérés comme des frais de remise en état, soit des frais d'entretien déductibles de leur revenu imposable. Enfin, dans son jugement le TAPI avait exigé de manière disproportionnée la preuve de la vétusté des installations et de la vigne.

19) Par réponse du 5 mai 2014, l'AFC-GE a conclu au rejet de ce recours et à la confirmation du jugement querellé du TAPI.

Le but de la manoeuvre entreprise par les époux A______ était d'améliorer une source de revenu pour en acquérir un supérieur, en mettant en location la vigne. Certes, le vignoble était âgé mais rien ne permettait de conclure qu'il n'était plus propre à la culture viticole et que les travaux entrepris étaient indispensables pour l'exploitation de la vigne. Il s'agissait bien d'une transformation partielle, voire totale, du terrain. La remise en état des parcelles correspondait à une démolition et le replantage de 1'500 plantons de vigne devait être assimilé à une reconstruction. Cela avait engendré une plus-value du bien immobilier en comparaison à son état lors de l'acquisition par les époux A______, les travaux litigieux étaient donc des dépenses d'investissement. Du point de vue fiscal, il s'agissait d'une nouvelle construction et non plus d'une simple rénovation.

20) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265 consid. 3.2 ;135 II 286 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_ 12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 et 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 et 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012).

En l'espèce, les recourants sollicitent l'ouverture d'enquêtes, soit l'audition de M. D______. Eu égard aux questions juridiques à résoudre, il n'appert pas que des éléments supplémentaires pourraient être mis au jour par la mesure d'instruction requise. En effet, outre les divers échanges d'écritures opérés tout au long de la procédure, le dossier contient également le rapport écrit de M. D______ sur la reconstitution de la vigne.

La chambre de céans disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause, il n'était pas utile de procéder à l'audition sollicitée.

3) Le litige concerne la déductibilité du revenu imposable de frais engagés par les contribuables en rapport avec un bien immobilier dont ils sont propriétaires. Pour le traitement fiscal de ce type de déduction, la législation tant fédérale que cantonale a changé le 1er janvier 2010.

Ainsi, en matière d'IFD, les art. 32 al. 2 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 1 al. 1 de l'ordonnance de l'AFC sur les frais relatifs aux immeubles privés déductibles dans le cadre de l'IFD du 24 août 1992 (ordonnance de l'AFC sur les frais relatifs aux immeubles - RS 642.116.2) ont vu leur teneur modifiée.

De même le 1er janvier 2010, en matière d'imposition cantonale, l'art. 9 al. 3 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), qui porte sur ce type de déduction, a été modifié. Parallèlement, est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 abroge les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (ci-après : aLIPP-I à V) dont notamment les art. 6 al. 4 et 9 let. d de la loi sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16).

Le litige fiscal concernant une période fiscale antérieure au 1er janvier 2010, se pose la question du droit applicable.

La LIFD ne prévoit pas de dispositions spécifiques relatives à cette question tandis que la LIPP prévoit qu'elle s'applique dès la période fiscale 2010, les périodes antérieures étant régies par l'ancien droit (art. 72 al. 1 LIPP). De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1 et les arrêts cités ; ATA/232/2014 du 8 avril 2014 ; ATA/724/2012 du 30 octobre 2012).

En l'espèce, le recours concernant l'ICC et l'IFD de la période fiscale 2009, la présente cause est régie par le droit en vigueur pour cette période, soit par les dispositions de l'ancien droit cantonal précité et par la LIFD dans son état au 31 décembre 2009 (ci-après : aLIFD).

4) Selon un principe consacré, il incombe à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4.c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_477/2009 du 8 janvier 2010 consid. 3.5 et 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/339/2014 du 13 mai 2014 ; ATA/232/2014 du 8 avril 2014 ; ATA/532/2013 du 27 août 2013 et les références citées).

5) a. Le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers (art. 32 al. 1 1ère phrase aLIFD).

Sont en particulier déductibles les dépenses dues aux réparations ou aux rénovations, si elles n'entraînent pas une augmentation de la valeur de l'immeuble (art. 1 al. 1 let. a ch 1 de l'ordonnance de l'AFC sur les frais relatifs aux immeubles). Ne peuvent être déduits les autres frais et dépenses, en particulier les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de fortune (art. 34 let. d aLIFD).

b. Des règles similaires existent en matière d'ICC (art. 9 al. 4 aLHID et art. 6 al. 4 et 9 let. d aLIPP-V).

La jurisprudence rendue en matière d'IFD est également valable pour l'application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 et les références citées ; ATF 130 II 65 consid. 3.1 et 3.2).

6) Il ressort des dispositions précitées que les dépenses servant au maintien de la valeur du bien immobilier sont déductibles, alors que celles qui lui apportent une plus-value ne le sont pas (Peter AGNER/ Beat JUNG/Gotthard STEINMANN, Commentaire de loi sur l'impôt fédéral direct, 2001, p. 120).

Les frais d'entretien au sens étroit sont essentiellement ceux qui sont encourus pour des travaux destinés à compenser l'usure normale de la chose due à son usage et à l'écoulement du temps et à maintenir l'état d'entretien original du bien. Il s'agit de maintenir la source du revenu que représente le bien immobilier pour le contribuable (Nicolas MERLINO, in Danièle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad. art. 32, p. 490). Ils se subdivisent en frais d'entretien courants, en frais de remise en état et en coûts de remplacement de vieilles installations. Les premiers correspondent à des dépenses courantes dans le but de conserver les fonctionnalités de l'immeuble, telles de petites réparations. Les frais de remise en état visent à maintenir la capacité de rendement du bien immobilier (rénovation de façade, changement de tapisserie, de sols, etc.). Enfin, il y a les coûts de remplacement de vieilles installations, parmi lesquelles l'on peut citer les installations sanitaires, le chauffage et la cuisine (Nicolas MERLINO, op. cit., p. 490 - 491).

Pour que ces frais soient déductibles, l'art. 32 al. 2 aLIFD n'exige toutefois pas qu'ils soient absolument nécessaires à un moment précis. Il suffit en principe que l'on soit objectivement en présence de travaux d'entretien, dans le sens défini ci-dessus, qui sont nécessaires et doivent être effectués tôt ou tard dans une fourchette temporelle aux alentours des échéances susmentionnées, pour qu'il s'agisse de frais d'entretien déductibles (Nicolas MERLINO, op. cit., p. 491 - 492 et les références citées).

Dans les cas de rénovation partielle ou intégrale de l'immeuble, les dépenses consenties ne visent pas à conserver l'immeuble dans un état qui permette de l'utiliser ou dans l'état convenu contractuellement jusqu'alors, mais à améliorer une source de revenu (ATF 123 II 218 consid. 1c ; RDAF 2005 II p. 230).

En résumé, à teneur des dispositions précitées, si l'on retient que des travaux effectués sur un immeuble contribuent à l'amélioration de celui-ci, ils tombent sous le coup de l'art. 34 let. d aLIFD et ne sont pas déductibles. On parle de travaux de plus-value puisque leurs coûts entraînent une augmentation correspondante de la valeur de l'immeuble. S'ils n'aboutissent pas à une valorisation du bien, ils contribuent alors uniquement au maintien de son état et donc à la continuation de sa fonction génératrice de revenu. On les qualifie ainsi de travaux d'entretien, déductibles du revenu imposable au titre de frais d'acquisition du revenu (art. 32 al. 2 aLIFD ; Nicolas MERLINO, op. cit., p. 563).

7) a. Sous l'égide du droit en vigueur jusqu'au 1er janvier 2010, le Tribunal fédéral avait développé une pratique restrictive dénommée « pratique Dumont » quant à la prise en compte fiscale des travaux de rénovation d'un bien immobilier récemment acquis, selon laquelle, les dépenses d'amélioration d'un tel bien, y compris les frais d'entretien au sens technique, engagés dans les cinq ans à compter de son acquisition pour sa remise en état n'étaient pas déductibles, que l'immeuble en question ait été ou non entrenu régulièrement. En effet, ces frais étaient considérés comme des impenses apportant une plus-value et ne pouvaient venir en déduction du revenu imposable (ATF 99 Ib 362). Dans un arrêt du 24 avril 1997, le Tribunal fédéral avait toutefois admis un assouplissement de cette pratique, dans l'hypothèse où le vendeur avait toujours entretenu et maintenu en bon état son immeuble. En d'autres termes, les frais liés à des travaux d'entretien périodiques effectués sur un immeuble maintenu jusque là en bon état étaient immédiatement déductibles. En revanche, des frais provoqués par le rattrapage de travaux négligés jusqu'ici ne l'étaient pas (ATF 123 II 218 ou RDAF 1997 II 582). Ainsi, selon la jurisprudence, la transformation de la salle de bains, de la cuisine, des sols, des parois et des plafonds, en raison de l'état « misérable » d'un immeuble constituait des frais de remise en l'état non déductibles car il s'agissait de l'acquisition d'un immeuble laissé à l'abandon. On devait d'ailleurs, en cas de rénovation globale d'un tel immeuble, présumer que l'ensemble des dépenses revêtaient un caractère d'amélioration des éléments de la fortune (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2007, p.150 ; RDAF 2005 II p.231).

En matière d'ICC, la « pratique Dumont » avait été reprise dans la notice 1/2007 émise par l'AFC-GE concernant la déductibilité des charges et des frais d'entretien des immeubles du 1er février 2007.

b. La « pratique Dumont » a été abandonnée, lors de l'entrée en vigueur de l'art. 32 al. 2 LIFD et de la LIPP le 1er janvier 2010. L'abrogation de cette pratique ne change cependant rien au principe, repris par la législation actuelle, selon lequel seules les dépenses destinées à préserver la valeur d'un bien sont admises en déduction de l'impôt sur le revenu.

8) En l'espèce, au regard des pièces du dossier, les époux A______ n'ont pas apporté la preuve de l'état dans lequel se trouvaient les parcelles viticoles, lors de leur acquisition, soit si celles-ci se trouvaient dans un état de délabrement ou, au contraire, avaient été maintenues en bon état, si bien que la question de savoir s'il y a lieu ou non d'appliquer la « pratique Dumont », même « assouplie », ne se pose pas.

Il s'agit uniquement de déterminer si les travaux entrepris constituent des travaux d'entretien ou s'ils ont augmenté la valeur de l'immeuble.

Il ressort de la facture du 10 décembre 2009 de l'entreprise C______, que les recourants ont procédé à une remise en état quasi complète de leurs parcelles viticoles. En effet, M. D______ a effectué en sus de la reconstitution de la vigne, le remplacement de toutes les installations nécessaires à sa culture, soit le remplacement du système d'irrigation, de la rampe d'accès et encore des piquets de fer. De plus, les terrasses de ces parcelles ont également été consolidées, voire recrées, ce qui s'apparente à un réaménagement du terrain.

Les travaux entrepris sont d'une grande envergure et avaient pour but d'optimiser, sur le long terme, l'exploitation de la vigne et d'en tirer un revenu. Dans son rapport, M. D______ explique que les travaux litigieux ont été effectués afin de pouvoir rendre la vigne exploitable et rendre possible un métayage à partir de 2011. Pour assurer une rentabilité, ils ont donc enlevé les cépages de chasselas et de pinot noir, pour en replanter d'autres de syrah et cornalin, plus autochtones et traditionnels, soit plus vendeurs. Afin de diminuer la pénibilité du travail du métayer, les installations ont été changées pour les mettre au standard d'exploitation actuel.

Les travaux en question n'ont pas uniquement eu pour objectif de maintenir l'état des parcelles viticoles et le maintien de la capacité de rendement de celles-ci. Il s'est agi, au vu de leur ampleur, de travaux qui visaient à l'amélioration du confort et du rendement d'exploitation de la vigne dans la durée. Sans avoir besoin de relever qu'ils ont été suivis d'autres investissements trois ou quatre ans après, leur montant s'est élevé à CHF 33'025.- au regard d'une valeur d'acquisition de CHF 4'660.- . Les recourants n'ont pas apporté la preuve que les dépenses qu'ils avaient engagées correspondaient à des frais de simple rénovation/reconstitution de la vigne, déductibles au sens de la loi.

Partant, c'est de manière conforme aux art. 32 al. 2 aLIFD et 1 al. 1 de ordonnance de l'AFC sur les frais relatifs aux immeubles dans sa teneur au 31 décembre 2009 pour l'IFD, respectivement aux art. 6 al. 4 et 9 let. d aLIPP-V pour l'ICC, que l'AFC-GE n'a pas admis la déduction des frais liés auxdits travaux du revenu des contribuables. Le jugement du TAPI ne peut qu'être confirmé.

9) Au regard de ce qui précède, le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des époux A______, conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et il ne leur sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 février 2014 par Madame et Monsieur  A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 janvier 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______, représentés par Rhône Trust and Fiduciary Services SA mandataire, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :