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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3376/2012

ATA/800/2012 du 23.11.2012 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3376/2012-PATIEN ATA/800/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 novembre 2012

en section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre


COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1980, souffrant de schizophrénie paranoïde, est hospitalisée depuis le 9 mai 2012 au département de psychiatrie des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en entrée non volontaire sur mandat de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission).

2. Le 7 novembre 2012, elle a été placée par les responsables médicaux en chambre fermée continue avec traitement imposé, en raison d'une décompensation psychotique, d'un délire mégalomaniaque et d'empoisonnement ainsi que de dépenses inconsidérées, dans un contexte d'antécédents hétéro-agressifs.

3. Le même jour, Mme A______ a adressé à la commission une demande de levée des mesures de contrainte susmentionnées auprès de la commission.

4. Le 8 novembre 2012, après avoir entendu l'intéressée et l'un de ses médecins traitant, une délégation de la commission a rejeté la demande de levée des mesures de contrainte. L'hospitalisation de Mme A______ était erratique, avec de nombreuses fugues, des refus de traitement et des incidents divers, dont une incarcération pénale pendant une fugue pour des amendes impayées. Au vu de l'évolution catastrophique de la patiente sur le plan psychopathologique, le médecin responsable avait décidé de la placer en chambre fermée avec traitement injectable. Mme A______ estimait n'avoir aucun problème psychique et tenait un discours délirant. Le traitement et les mesures décidées étaient en adéquation avec l'état de santé et la situation de l'intéressée.

5. Le même jour, Mme A______ a inscrit sur la décision susmentionnée « omicide volontaire Débouter-réfuter opposition je demande un recours auprès d'un tribunal pour l'absence de visibilité médical ».

6. Elle a par ailleurs adressé, le 8 novembre également, une lettre à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) indiquant que les HUG l'utilisaient comme cobaye. Elle s'opposait à son traitement car elle n'était pas d'une espèce à laquelle il était adapté. Elle était « aquatique », donc le traitement devait être phytosanitaire et homéopathique. Les médecins se trompaient. Elle souhaitait être en dehors de toute psychiatrie.

7. Le 9 novembre 2012, Mme A______ a adressé à la chambre administrative un courrier complétant son recours. Elle indiquait avoir pour alias B______. L'objectif initial de son séjour aux HUG visait à comprendre le cas d'un homme marié qui la voulait pour femme et contre lequel elle avait déposé plainte pour harcèlement sexuel et proxénétisme. Elle était maintenant retenue dans une chambre aux HUG et « médicamentée » de force. Elle n'était pas suicidaire, ni dangereuse pour autrui. Elle refusait les mesures de contraintes imposées par les HUG et s'engageait à consulter régulièrement un psychologue pour assurer son suivi psychiatrique en dehors des HUG. Elle poursuivait une personne pour homicide volontaire en raison du traitement par injection « qui lui faisait vivre une expérience en dehors de son corps ». Son hospitalisation ne reposait sur aucun diagnostic valable. Elle avait depuis longtemps fait recours au Tribunal fédéral contre toute psychiatrie. Les médicaments qu'on la forçait à prendre la rendaient agressive verbalement et nerveuse. Ils étaient en contradiction avec les recommandations de son médecin de famille.

Ce courrier a été réceptionné le 14 novembre 2012 au greffe de la chambre administrative.

8. Le 9 novembre 2012, les HUG ont déposé à la chambre administrative une copie d'une télécopie de la décision querellée annotée par Mme A______ ainsi que le dossier de la commission et ont transmis par télécopie la lettre de cette dernière du 8 novembre 2012 susmentionnée, dont l'original expédié le 13 novembre 2012 a été reçu le 16 novembre 2012.

9. Le 19 novembre 2012, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger en l'état.

EN DROIT

1. Une télécopie ne peut être considérée comme un recours dès lors que la signature manuscrite fait défaut (ATF 121 II 252). Le recours valable à la forme sur ce point a ainsi été expédié le 13 novembre 2012.

2. Interjeté pour le surplus en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 30 al. 2 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 -LComPS - K 3 03).

3. a. Selon l'art. 50 de la loi sur la santé du 1er septembre 2006 (LS - K 1 03), toute mesure de contrainte à l'égard des patients est en principe interdite. Exceptionnellement, dans la mesure du possible, après avoir discuté avec le patient, respectivement le représentant qu'il a désigné, le représentant légal ou ses proches, le médecin responsable d'une institution de santé peut, après consultation de l'équipe soignante, imposer pour une durée limitée des mesures de contrainte strictement nécessaires à la prise en charge du patient si d'autres mesures moins restrictives de la liberté personnelle ont échoué ou n'existent pas et si le comportement du patient présente un danger grave pour sa sécurité ou sa santé ou celle d'autrui. Le médecin responsable d'une institution de santé peut déléguer cette prérogative à un autre professionnel de la santé compétent. La mise en cellule d'isolement à caractère carcéral est interdite.

A teneur de l'art. 51 al. 1 LS, la surveillance du patient est renforcée pendant toute la durée de la mesure de contrainte, dont le maintien fait l'objet d'évaluations régulières et fréquentes. Un protocole comprenant le but et le type de chaque mesure utilisée, ainsi que le nom de la personne responsable et le résultat des évaluations est inséré dans le dossier du patient. Selon l'art. 51 al. 2 LS, le patient, le représentant qu'il a désigné pour prendre en son nom les décisions de soins, son représentant légal et ses proches peuvent s'adresser à la commission pour demander l'interdiction ou la levée des mesures de contrainte.

Dans ces cas, l'instruction du dossier est confiée à une délégation composée de trois membres de la commission de surveillance, dont un psychiatre et un membre d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des patients (art. 23 al. 1 LComPS).

4. Le mémorial des séances du Grand Conseil (MGC) concernant l'art. 51 LS définit la mesure de contrainte. Il s'agit de toute mesure limitant la personne dans sa liberté de mouvement. La notion doit dès lors être clairement distinguée du traitement médical forcé ou traitement « sans consentement » (MGC 2003-2004/XI A 5849).

La liberté de mouvement est une composante de la liberté personnelle garantie par l’art. 10 al. 2 Cst. Elle n'est pas absolue et peut être restreinte moyennant le respect des conditions énoncées à l'art. 36 Cst. : la restriction doit ainsi reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé (MGC précité).

En milieu médical, la question des mesures de contrainte doit être comprise dans un sens très large et recouvre des mesures aussi diverses que celles « liées à la surveillance électronique ou à la fermeture automatique des portes » et celles correspondant à des « entraves telles que des liens ou des barrières visant à éviter les chutes » (ATA/542/2009 du 27 octobre 2009).

5. Un traitement médical sous contrainte, prévu par l'art. 49 al. 3 LS, trouve un consensus entre juristes et médecins autour de la notion de péril en la demeure. Toute personne qui risque de devenir un danger pour elle-même ou autrui devient ainsi susceptible de se voir appliquer des mesures de contrainte, classiquement une hospitalisation non volontaire, surtout dans la mesure où son comportement est dû à une maladie ou à un état mental particulier susceptible de diminuer ses capacités d'action et de jugement. Protection de l'individu contre lui-même et/ou protection de la société contre une personne dérangeante, la ligne de démarcation est floue (Droit, santé mentale et handicap, acte de la 9ème journée de droit de la santé, rapport n° 2 de l'Institut du Droit de la Santé [IDS] de l'Université de Neuchâtel, 2003, p. 27).

6. En l’espèce, les mesures litigieuses ont été confirmées par la délégation ad hoc de la commission, composée de spécialistes, après examen de la situation de la recourante. Elles sont justifiées par des éléments médicaux ressortant du dossier. La recourante se borne à contester les mesures sans toutefois fournir aucun argument de nature à remettre en cause le bien-fondé et l’adéquation de celles-ci à sa situation personnelle. La décision de la commission ne peut ainsi qu’être confirmée, sans acte d'instruction (art. 72 LPA).

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Aucun émolument ne sera perçu (art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2012 par Madame A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 8 novembre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 72 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière civile ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu'aux Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffière-juriste. :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :