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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4474/2011

ATA/771/2014 du 30.09.2014 sur JTAPI/1280/2012 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; 5E ZONE ; TRANSFORMATION PARTIELLE ; CHANGEMENT D'AFFECTATION ; LAC ; LAC LÉMAN ; PROTECTION DE LA SITUATION ACQUISE ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; RÉNOVATION D'IMMEUBLE ; CONFORMITÉ À LA ZONE
Normes : LAT.17.al1.leta ; LAT.22.al1 ; LAT.24 ; LEAUX-GE.15.al1; LEAUX-GE.15.al3; LEAUX-GE.15.al4; LEAUX-GE.15.al.6 ; LDPU.1.letb ; LDPU.13.al1 ; LCI.1.al1.leta; LCI.1.al1.letb ; LCI.15.al2 ; LCI.59.al1 ; LPRLAC.2.al1 ; LPRLAC.6.al2 ; LPRLAC.6.al3 ; LPRLAC.15.al1 ; LPRLAC.15.al2
Parties : DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE / BARDE Hubert et autres, BARDE Michel, BARDE Pierre
Résumé : Aussi bien le droit fédéral que le droit cantonal prévoient de laisser libres de constructions les bords des lacs et des cours d'eau. S'agissant de constructions et d'installations sur les eaux publiques, l'obligation d'obtenir une autorisation de construire prévue par la LAT s'applique. L'intérêt public à laisser libre de constructions les rives des lacs et des cours d'eau découle des principes fondamentaux régissant l'aménagement du territoire. La réalisation de cet intérêt public se concrétise par l'adoption de zones protégées. La délimitation détaillée de la zone libre de constructions relève de l'appréciation des autorités cantonales ou locales. Une augmentation de près de la moitié du volume du bâtiment existant ne saurait être qualifiée de mesurée au sens de la LEaux-GE. Sous l'angle de la volumétrie, aucune dérogation à l'interdiction de construire sur la base de la garantie d'une situation acquise ne peut être accordée, seul un agrandissement mesuré pouvant être autorisé par le département. Celui-ci est également en droit de refuser toute dérogation à une construction qui modifie de manière significative l'affectation du bâtiment existant dans son utilisation en rapport avec le lac.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4474/2011-LCI ATA/771/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 septembre 2014

2ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

contre

Messieurs Hubert, Michel et Pierre BARDE
représentés par Me Marie-Flore Dessimoz, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 octobre 2012 (JTAPI/1280/2012)


EN FAIT

1) Messieurs Hubert, Michel et Pierre BARDE (ci-après : les propriétaires) sont propriétaires d'une parcelle anciennement inscrite au registre foncier sous le n° 948, feuille 20 de la commune de Genthod, sise au bord du Lac Léman et le long de la route de Lausanne, d'une surface totale de 2'475 m2, se trouvant à raison de 1'221 m2 en zone agricole viticole protégée et de 1'254 m2en 5ème zone de construction.

2) Un hangar à bateaux d'une surface de 114 m2 (bâtiment n° 1'003), construit dans les années 1830 alors que la propriété de la famille des précités s'étendait d'un seul tenant du bois de Genthod jusqu'au lac, est érigé à cheval sur la partie en zone à bâtir arborisée, devenue depuis la division-réunion parcellaire 13/2013 du 14 janvier 2014, la parcelle n° 2'470 d'une superficie de 1'251 m2 (ci-après : la parcelle n° 2'470), feuille 20 de la commune de Genthod, et le bien-fonds n° 1'901 appartenant au domaine public cantonal, soit le lac. Le bâtiment est construit à raison de 73 m2 sur le lac et de 41 m2, à l'intérieur de la limite inconstructible des 30 m par rapport à la rive du lac.

3) Les propriétaires bénéficient d'une autorisation pour l'usage du hangar à bateaux délivrée par l'État de Genève et versent une redevance annuelle au service de la capitainerie rattachée à la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : la DGNP) du département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement, devenu le département de l'environnement, des transports et de l'agriculture (ci-après : le DETA).

4) En son amont, la parcelle n° 2'470 est contigüe à la parcelle n° 1'359, également sise en 5ème zone, sur laquelle, dans la limite inconstructible des 30 m par rapport à la rive du lac, sont édifiés quatre bâtiments, dont trois, nos 905, 67 et 959, sont destinés à l'habitation. En outre, deux constructions, cadastrées nos 67 et 195 ont été édifiées pour partie sur la rive et pour partie sur le lac.

5) Une autre parcelle voisine, située également en amont de la parcelle n° 2'470 accueille également une maison d'habitation implantée dans la limite inconstructible des 30 m par rapport à la rive du lac.

6) En mars 2010, les propriétaires ont déposé auprès du département de l'urbanisme, devenu le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le DALE), une demande préalable d'autorisation de construire, enregistrée sous la référence DP 18'256-4, en vue de transformer et agrandir le hangar à bateaux et d'y aménager un logement.

7) La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), la direction générale de l'eau (ci-après : DGEau), la commune de Genthod, la direction générale de la mobilité (ci-après : la DGM), l'office du génie civil (ci-après : OGC), le service de l'énergie (ci-après : le SEN), la police du feu et l'administration fédérale des douanes ont préavisé favorablement le projet, parfois sous conditions.

8) Le 12 avril 2010, le service des monuments et sites (ci-après : le SMS) rattaché au DALE a émis un préavis défavorable.

Le bâtiment, situé dans une zone inconstructible de 30 m par rapport à la rive du lac, ne pouvait faire l'objet d'une extension doublant les volumes des surfaces existantes.

9) Le 4 mai 2010, la direction générale de l'aménagement du territoire, devenue, pour le secteur ouest et est, la direction du développement urbain - rive droite (ci-après : DDURD), a émis un préavis défavorable confirmé le 18 août 2010.

10) Le 20 mai 2010, la DGNP a émis un préavis défavorable confirmé le 25 août 2010 au motif que le projet impliquait l'abattage d'un tilleul.

11) Par décision du 19 novembre 2010, le DALE a refusé l'autorisation sollicitée.

La construction projetée allait au-delà d'une simple rénovation ou d'un agrandissement mesuré. Par ailleurs, le département ne pouvait pas autoriser l'abattage d'un tilleul.

12) Par jugement du 21 février 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) a déclaré irrecevable le recours interjeté le 24 décembre 2010 par les propriétaires contre la décision précitée, faute de paiement de l'avance de frais exigée.

13) Le 27 mai 2011, les propriétaires ont adressé au DALE une nouvelle demande préalable d'autorisation de construire, enregistrée sous la référence DP 18'278-4, pour un autre projet portant sur le même hangar à bateaux.

L'emprise au sol du bâtiment existant ne serait pas modifiée. Le projet était limité à l'adjonction d'une surface brute de plancher de 42 m2 (ci-après : SBP) sous la toiture et n'impliquait pas d'abattage d'arbre. Une surélévation de 1,8 m du bâtiment et la création de deux nouvelles fenêtres en vue d'aménager un logement de trois pièces étaient envisagées. L'affectation de hangar à bateaux serait conservée.

La capitainerie cantonale avait été informée du projet et avait accueilli favorablement l'ouverture de l'instruction de la demande sans toutefois s'engager à octroyer une permission d'occuper le domaine public à l'issue de la procédure.

14) Le 5 juillet 2011, le SEN a émis un préavis favorable sous conditions.

Les prescriptions et standards énergétiques devaient être respectés au moment du dépôt de la demande définitive en autorisation de construire et une installation de chauffage à basse température réalisée.

Le SEN souhaitait par ailleurs la prospection d'une variante en production de chaleur au moyen d'énergies renouvelables et celle d'un chauffage à très basse température.

15) Dans un rapport du 6 juillet 2011, la DDURD a émis un préavis défavorable.

La construction se situait à l'intérieur d'un périmètre de protection des rives du lac et dans la limite inconstructible des 30 m par rapport à la rive.

16) Le 7 juillet 2011, le service du feu a émis un préavis favorable sous conditions.

Les chaufferies, cheminées de salon, poêles et autres appareils de chauffage et des cusines devaient être conformes aux normes en vigueur. Les conduits d'air frais et d'air vicié traversant d'autres locaux devaient être isolés. Des extincteurs appropriés à la classe de risque et judicieusement répartis devaient être installés.

17) Le 7 juillet 2011, l'inspection des constructions a émis un préavis favorable sous réserves.

18) Le 15 juillet 2011, la DGEau a émis un préavis favorable sous conditions.

Les canalisations d'évacuation des eaux polluées et non polluées devaient être totalement indépendantes et exécutées en système séparatif et raccordées pour les eaux polluées au collecteur du réseau public d'assainissement des eaux de la route de Lausanne et pour les eaux non polluées directement au lac. Le plan détaillé des canalisations du bâtiment existant devait être fourni. Ces conditions devaient être respectées en vue d'obtenir un préavis favorable lors de l'examen de la demande définitive

19) Le 20 juillet 2011, la CMNS a donné un préavis favorable sous réserves.

Elle maintenait son préavis favorable du 7 juillet 2010 pour un agrandissement mineur du bâtiment existant sous réserve de l'utilisation d'un bardage en bois non traité. Elle octroyait la dérogation à la limite inconstructible des 30 m par rapport à la rive du lac, la direction des autorisations de construire (ci-après : la DAC) devant vérifier la légalité d'un changement d'affectation pour un bâtiment situé sur le domaine public.

20) Le 20 juillet 2011, la commune de Genthod a donné un préavis favorable.

21) Le 22 juillet 2011, l'OGC a donné un préavis favorable sous conditions.

Tous les travaux exécutés sur le domaine public devaient faire l'objet d'une requête de permission pour fouille, travaux divers ou détention d'une installation sur ou sous le domaine public cantonal auprès du service de la maintenance des routes cantonales du DALE.

22) Le 8 août 2011, la DGNP a émis un préavis défavorable.

Une autorisation d'occupation du domaine public ne pouvait être accordée pour la construction projetée qui se trouvait pour partie sur les eaux publiques. L'utilisation de la parcelle à des fins d'habitation était incompatible avec le maintien de la végétation. Le projet portait atteinte au site et entrait en conflit avec le périmètre de protection des rives du lac et la limite inconstructible des
30 m, ainsi qu'avec les exigences de la protection du paysage, des biotopes et de la végétation.

23) Par décision du 25 novembre 2011, le DALE a refusé d'octroyer l'autorisation sollicitée.

L'édification de constructions ou d'installations permanentes sur les eaux publiques nécessitait une autorisation d'occuper qui ne pouvait être accordée que pour des ouvrages liés à la destination du lac et de ses rives, tels que des ouvrages sportifs, des commerces de glace ou des buvettes. La loi ne permettait pas de déroger aux distances fixées par rapport à la limite des cours d'eau. L'usage privatif du lac dans un but d'habitation n'était pas autorisable et une permission d'utilisation du domaine public ne pouvait être accordée à une construction destinée à l'habitation sur les eaux publiques.

24) Par acte posté le 23 décembre 2011, les propriétaires ont recouru contre la décision précitée auprès du TAPI, concluant à son annulation et à ce que le département soit invité à délivrer l'autorisation sollicitée.

Le projet était conforme à la législation en vigueur. L'empiétement du hangar à bateaux sur le lac n'était pas modifié et le bâtiment conservait partiellement son affectation, sa transformation ne constituait pas une occupation des eaux publiques.

25) Le 9 mars 2012, le DALE a conclu au rejet du recours et a sollicité un transport sur place ainsi que l'audition du directeur de la DGNP.

Le projet ne constituait pas une simple transformation du hangar à bateaux, mais un changement d'affectation. Les propriétaires ne pouvaient pas se prévaloir de la garantie de la chose acquise.

26) Le 4 avril 2012, le TAPI a procédé à un transport sur place.

a. Selon les propriétaires, les instances de préavis, y compris celles compétentes pour des questions des forêts, de la nature et du paysage, ne s'étaient pas rendues sur place pour procéder à un constat et observer la situation des lieux. Le projet impliquait une surélévation de 1,8 m du hangar afin d'aménager une mezzanine, le toit devait être conservé. L'arrivée d'eau et les sanitaires seraient concentrés sur l'arrière du bâtiment et munis d'un système de pompes. Le système des raccordements avait été validé par les services industriels de Genève (ci-après : les SIG).

Le logement serait accessible directement par bateau à travers le hangar qui serait conservé.

Un garage à bateaux situé sur une parcelle voisine avait été agrandi et transformé en une maison d'habitation.

b. Les propriétaires ont produit trois photographies de bâtiments situés sur la parcelle voisine n° 1'359 dont l'un était habité par le propriétaire, les deux autres étaient loués à des personnes qui y vivaient à l'année.

c. Le TAPI a pu constater l'emplacement du hangar à bateaux, sa nature et son aménagement intérieur et extérieur. Il a également observé la situation des bâtiments se trouvant sur la parcelle voisine n° 1'359.

27) Le 7 mai 2012, ainsi qu'il en avait été requis par le TAPI lors du transport sur place, le DALE a produit les autorisations de construire accordées pour les bâtiments des parcelles voisines.

Celle-ci, soit les DD 48'536, DP 12'747 et DD 68'898/2 avait été délivrée entre 1975 et 1977. Le hangar à bateaux situé sur la parcelle voisine qui avait été agrandi et transformé en maison d'habitation l'avait été sans être au bénéfice d'aucune autorisation de construire

28) Le 13 juin 2012, le TAPI a procédé à l'audition du directeur général de la DGNP et de son collaborateur.

a. Selon le directeur général, l'instruction du dossier des propriétaires n'avait pas nécessité de mesures particulières. La parcelle concernée était très arborisée et très riche en végétation. Lui-même n'avait pas été sur place. Il ne connaissait aucun précédent similaire au cas des propriétaires.

b. Son collaborateur s'était lui-même rendu sur place en avril 2012, accompagné des propriétaires, afin d'examiner la situation de la parcelle. Le projet à autoriser présentait des difficultés notamment en matière de protection de la végétation et de sa faisabilité concrète en termes d'accès au chantier par exemple. Suite à ses remarques, les propriétaires avaient élaboré un plan d'installation du chantier. Le préavis défavorable de la DGNP visait plutôt la réalisation des travaux et le chantier que le projet de construction en soi. Celui-ci ne posait plus de problème majeur. Le tilleul et le marronnier se trouvant sur la parcelle n'avaient pas besoin d'être protégés, ni leurs repousses d'être conservées.

c. Pour le représentant du DALE, le DETA serait amené à se déterminer au stade de la demande définitive d'autorisation de construire.

29) Il ressort des courriels échangés le 7 mai 2012 entre l'architecte des propriétaires et le collaborateur de la DGNP, produits le 19 juin 2012, que celle-ci pouvait modifier son préavis, si des mesures de conservation du tilleul étaient prises par les propriétaires et le plan complémentaire au dossier en instruction déposé.

30) Le 27 juin 2012, le DALE a refusé de réexaminer le dossier malgré la production de pièces complémentaires par les propriétaires et a persisté dans sa décision de refus d'accorder l'autorisation préalable de construire.

31) Le 28 août 2012, le TAPI a auditionné le chef de la DDURD.

a. Selon lui, la DDURD était concernée par le projet, en particulier au regard de l'affectation du bâtiment. La demande des propriétaires soulevait des questions d'aménagement du territoire. Lors d'instructions de demandes d'autorisation de construire, il ne se rendait pas souvent sur le terrain, son service disposant d'outils informatiques permettant d'émettre des préavis. La transformation et l'agrandissement conséquent du hangar à bateaux ainsi que l'aménagement d'un logement n'existant pas auparavant étaient problématiques.

Il avait rédigé le préavis défavorable de la DDURD. Pour lui, il n'était pas possible de construire un logement sur le lac. Par ailleurs, la construction prévue s'avérait importante.

Le hangar à bateaux devait conserver sa destination ou être affecté à un autre usage conforme à la destination du lac. Le bâtiment pouvait en outre être détruit sans conséquence pour la protection des monuments et sites. Depuis la modification de la législation sur la protection des eaux, il n'était plus possible d'implanter des constructions dans les limites interdites et le département avait adopté une pratique restrictive, néanmoins des dérogations étaient possibles. Chaque organe de préavis prenait sa décision de façon autonome dans son domaine de compétence.

La construction prévue ne se trouvait pas en zone villa, mais sur le lac. Un aménagement du hangar avec les commodités pour en faire une maison de week-end n'était pas envisageable non plus.

Lui-même n'avait pas comparé la situation du hangar à bateaux des propriétaires à celle de la parcelle n° 1'359.

b. Pour la représentante du DALE, la question de l'octroi d'une permission pour l'usage accru du domaine public pourrait être examinée dans le cadre de la demande définitive d'autorisation de construire. Le département transmettrait le dossier à la capitainerie cantonale qui rendrait une décision parallèlement à celle portant sur l'autorisation de construire, de sorte que deux décisions contradictoires étaient plausibles.

32) Par jugement du 25 octobre 2012, le TAPI a admis le recours des propriétaires et a renvoyé le dossier au DALE afin qu'il délivre l'autorisation sollicitée.

Le hangar à transformer et à rénover était suffisamment ancien pour bénéficier de la prescription acquisitive de trente ans en matière immobilière. Son emplacement et son affectation ne revêtaient pas de caractère illicite. Le département pouvait autoriser sa rénovation, sa transformation partielle, son agrandissement mesuré ou sa reconstruction.

Le projet des propriétaires avait reçu neuf préavis favorables parmi lesquels ceux de la DGEau, de la CMNS et de la DGNP. Ces préavis, émanant d'instances compétentes en la matière et disposant de spécialistes à même d'évaluer les impacts du projet sur le site, sis en zone protégée, étaient essentiels. Le DALE avait excédé son pouvoir d'appréciation en s'en écartant pour privilégier celui défavorable de la DDURD. Il s'était arrogé les compétences qui revenaient au DETA ou au Conseil d'État en matière d'autorisation d'usage accru du domaine public situé sur ou en bordure des eaux publiques.

Le DALE avait violé le principe de l'égalité de traitement en faisant une distinction qui ne se justifiait pas entre la parcelle des propriétaires et celle voisine qui avait bénéficié d'une dérogation à l'interdiction générale de construire dans une zone inconstructible. Il n'était pas indiqué de traiter différemment ces deux situations qui ne trouvaient pas d'équivalent dans le canton, voire sur le lac Léman, le projet litigieux étant du reste moins ambitieux que celui autorisé sur la parcelle n° 1'359.

33) Par acte posté le 23 novembre 2012, le DALE a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à ce que sa décision du 25 novembre 2011 refusant l'autorisation préalable de construire soit confirmée.

Au stade de l'instruction d'une demande préalable d'autorisation de construire, les aspects essentiels du projet à analyser étaient son implantation, sa destination, son volume et sa dévestiture. Dans ce cadre, le préavis de la DDURD revêtait un caractère prépondérant.

Selon le plan délimitant le périmètre du territoire à protéger au bord du lac, l'ensemble de la parcelle 2'470 faisait partie d'un secteur inconstructible. La construction en question ne poursuivait qu'un intérêt privé. Le TAPI n'avait pas pris en compte les conditions découlant de l'emplacement de la parcelle concernée dans un secteur inconstructible.

Le projet à autoriser ne respectait pas la distance des 30 m prévue par la législation sur les eaux. Il ne pouvait pas être autorisé à titre dérogatoire. La garantie d'une situation acquise pouvait permettre d'autoriser la rénovation de l'abri à bateaux, mais sa transformation en un logement équivalait à un changement d'affectation et ne correspondait pas à sa zone d'emplacement. Le potentiel d'agrandissement était fortement réduit en cas de changement d'affectation, afin de garantir l'identité du bâtiment concerné.

Le principe de l'égalité de traitement n'avait pas été violé, la législation en la matière ayant évolué depuis l'autorisation de transformation du bâtiment situé sur une parcelle voisine accordée en 1977. Les possibilités de construire avaient été réduites. Le département avait instruit le dossier des propriétaires en tenant compte de l'évolution législative et n'avait ainsi pas excédé son pouvoir d'appréciation. L'État devait préserver une surface agricole utile et les zones protégées.

Le département ne s'était pas arrogé des compétences en matière d'utilisation du domaine public. Le projet examiné n'était pas autorisable sous l'angle des dispositions légales sur les eaux publiques et sur la protection des rives du lac, il ne pouvait pas prétendre obtenir par la suite une autorisation découlant des normes sur l'usage du domaine public.

34) Par courrier du 28 novembre 2012, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

35) Le 7 janvier 2013, les propriétaires ont conclu au rejet du recours.

L'interdiction générale de construire voulue par les dispositions sur les eaux publiques et celles sur la protection des rives du lac n'était pas absolue. Les dérogations pouvaient être accordées non seulement pour un intérêt général, mais aussi un intérêt privé ou public. L'autorisation préalable de construire sollicitée ne visait pas l'édification d'une nouvelle construction au bord du lac, mais la rénovation et la transformation d'une ancienne maison faisant partie du site depuis plus d'un siècle. Le hangar bénéficiait de la garantie d'une situation acquise et pouvait par conséquent être rénové, transformé partiellement ou agrandi de façon mesurée.

Il n'y avait pas de raison objective permettant de traiter différemment le hangar à bateaux des propriétaires et les bâtiments voisins situés aussi en 5ème zone. Le projet préavisé favorablement par les instances compétentes en la matière n'avait aucune incidence négative sur le lac, le paysage, la végétation et les biotopes de la rive. Les constructions érigées sur la parcelle voisine n° 1'359 avaient été autorisées en vertu de la législation en vigueur sur les eaux publiques, celle-ci n'avait pas changé depuis. Aucun intérêt public n'était lésé par le projet des propriétaires en raison de la configuration des lieux.

36) Le 24 juin 2013, la chambre de céans a procédé à un transport sur place.

a. D'après les déclarations de Monsieur Michel BARDE, représentant des propriétaires, leur hangar était similaire au bâtiment voisin n° 67. Deux autres constructions avaient été autorisées, soit une villa érigée au-dessus d'un hangar à bateaux d'une parcelle voisine et le bâtiment n° 905.

Les propriétaires souhaitaient au départ une construction avec un agrandissement à l'arrière. Suite aux préavis négatifs de la DDURD, ils avaient décidé de transformer le hangar en restant dans ses dimensions, mais en augmentant sa hauteur pour y construire un appartement à l'étage.

M. BARDE ne comprenait pas pourquoi leur projet ne pouvait pas être réalisé, alors que le département avait autorisé l'agrandissement, la transformation d'un bâtiment existant ainsi que la construction de parkings de surface sur une parcelle voisine. La situation était similaire à la leur. Leur projet ne visait pas à privatiser le lac, mais à utiliser les dimensions d'un bâtiment existant.

b. Pour Madame Alexandra JACQUEMET, représentante du département, la législation interdisait la construction au-dessus du lac et sur le bord de celui-ci.

c. Selon Monsieur Roland-Richard MARTIN, architecte des propriétaires, l'affectation de la construction restait la même.

d. D'après les parties, la villa construite sur la parcelle n° 1'359 datait de 1919 et avait été agrandie dans les années 1970. Une autre habitation avait été construite le long de la route de Lausanne. Le projet de construction en cause ne portait pas atteinte à la végétation.

e. Selon les constatations de la chambre de céans, l'ouest de la parcelle était en zone agricole et planté de vignes. Un hangar à bateaux, bâtiment n° 1'003, était construit sur le côté sud-ouest, empiétant sur le lac à raison de deux tiers de sa surface. Le côté sud-ouest comportait une large ouverture permettant l'entrée des bateaux dans l'abri. Le volume intérieur du hangar n'était pas réparti en étage. Au nord-ouest de la parcelle n° 2'470, une villa était construite sur un hangar à bateaux, bâtiment n° 67 de la parcelle n° 1'359, empiétant également sur le lac. Au nord-ouest de cette bâtisse se trouvait une villa portant le n° 905. Une autre habitation, bâtiment n° 195, était érigée derrière les bâtiments nos 905 et 67. Un petit port dans lequel des bateaux étaient amarrés avait été construit entre les bâtiments nos 1'003 et 67, sous forme de jetées.

f. M. BARDE a produit une photo du chantier d'une construction en cours sur une parcelle voisine.

37) Par courrier du 13 septembre 2013, les propriétaires ont formulé des observations complémentaires.

Leur projet était une transformation partielle d'un bâtiment existant dont la légalité n'était pas contestée. L'exigence d'une construction répondant à un intérêt général n'était pas applicable. Le refus du DALE devait être analysé à l'aune du principe de la proportionnalité.

Pour le surplus, les propriétaires ont repris les arguments contenus dans leurs écritures antérieures.

38) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le refus du DALE d'autoriser l'adjonction d'un logement de trois pièces au-dessus d'un hangar à bateaux jouissant de la garantie d'une situation acquise et situé dans un périmètre protégé à l'intérieur d'une zone inconstructible de 30 m des rives du lac Léman.

3) Les zones à protéger comprennent notamment les cours d'eau, les lacs et leurs rives (art. 17 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 - LAT - RS 700). Par ailleurs, l'art. 22 al. 1 LAT prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

Aussi bien le droit fédéral que le droit cantonal prévoient de laisser libres les bords des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et le passage le long de celles-ci (ATF 118 Ia 394 consid. 3a p. 398 publié in JdT 1994 I 404 consid. 3a p. 405). S'agissant de constructions et d'installations sur les eaux publiques, l'obligation de l'autorisation de construire prévue par la LAT (art. 22 à 24 LAT) s'applique également (ATF 118 Ib 503 consid. 5b p. 506 publié in JdT 1994 I 518).

L'intérêt public d'une zone à laisser libre de constructions sur les rives des lacs découle des principes fondamentaux de l'aménagement du territoire. La réalisation de cet intérêt public se concrétise par l'adoption de zones protégées. La délimitation détaillée de la zone libre de constructions relève de l'appréciation des autorités cantonales ou locales (ATF 109 Ia 270 consid. 5c publié in JdT 1985 I 536 5c). Une simple limite des constructions le long des lacs et cours d'eau ne suffit pas. Il faut une zone protégée au sens de l'art. 17 LAT, pour soustraire définitivement à la construction les surfaces qui y sont comprises, surfaces qui ne peuvent pas non plus être prises en considération pour fixer l'indice d'utilisation des parcelles situées dans les zones à bâtir limitrophes (ATF 114 Ia 233 consid. 4 publié in JdT 1990 I 466 consid. 4 p. 470).

Le droit cantonal aura à prévoir les instruments juridiques nécessaires pour fixer un régime généralement obligatoire de protection (Pierre MOOR, Commentaire LAT, 2010, art. 17 n. 34 et 36). Les cours d'eau et les rives forment des secteurs particulièrement sensibles. Leurs caractéristiques exercent un grand attrait pour l'habitat. D'où la nécessité de leur accorder une attention privilégiée ; la LAT le marque par le fait que, contrairement aux autres objets qu'elle vise, la protection n'est pas restreinte à ce qui « mérite plus particulièrement d'être protégé » (Ibid, n. 41).

4) La loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 05) réglemente le domaine public dont font partie le lac et les cours d'eau (art 1 let. b LDPu) et subordonne l'établissement de constructions ou d'installations permanentes sur le domaine public à une permission (art. 13 al. 1 LDPu). La compétence pour se prononcer sur les conditions d'utilisation du domaine public qu'est le lac appartient au Conseil d'État voire du DETA (art. 2 al. 1 du règlement concernant l'utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 - RUDP - L 1 10.12).

5) a. L'art. 2 al. 1 de loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10) instaure certaines restrictions de bâtir dans le périmètre à protéger, délimité par les plans no 28'122-600, complété par les plans n° 29'287-516, n° 28'123-600 et n° 28'124-600, et qui constitue une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT, et de l'art. 29 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

À teneur de l'art. 3 al. 1 LPRLac, à l'intérieur du périmètre à protéger, la surface des constructions exprimée en m2 de plancher ne doit pas excéder 20% de la surface des terrains situés en 5e zone. L'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n'est donc pas applicable.

b. Nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou en partie une construction ou une installation sur le territoire du canton (art. 1 al. 1 let. a LCI). De même, il n'est pas possible de modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation sans autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

Le DALE peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public. La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (art. 15 al. 1 et 2 LCI).

c. Aux termes de l'art. 6 al. 1 LPRLac, aucune construction lacustre, telle que mur, digue, remblai, hangar, ne peut être édifiée sur les parties immergées des parcelles riveraines du lac.

d. Selon l'art. 15 al. 1 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961
(LEaux-GE - L 2 05), aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu'en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 ou 50 m de la limite du cours d'eau.

Les dispositions instaurant le système de distance des constructions par rapport à l'objet protégé ont pour objectif de protéger les eaux contre les risques de pollution, de permettre les travaux nécessaires à l'entretien des cours d'eau, l'aménagement de sentiers riverains, la pose de conduites et la construction de collecteurs à proximité de l'eau, ainsi que la renaturalisation des rives (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 169).

6) Une autorisation de construire est délivrée notamment si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT). L'art. 24 LAT prévoit en outre qu'en dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et qu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b).

7) S'il n'en résulte pas d'atteinte au site, le département peut autoriser des installations en rapport avec l'utilisation du lac ou des ouvrages de protection contre l'érosion (art. 6 al. 2 LPRLac). La législation sur le domaine public ainsi que l'application de la loi fédérale sur la pêche du 14 décembre 1973 remplacée par la loi fédérale sur la pêche du 21 juin 1991 (LFSP - RS 923.0) sont réservées. À ce titre, le DALE, assisté de la commission consultative de la diversité biologique, veille plus particulièrement à la protection des grèves et des roselières, de même qu'à celle des lieux propices au frai (art. 6 al. 3 LPRLac). La LEaux-GE permet aussi au département d'accorder des dérogations, pour des constructions ou installations en relation avec le cours d'eau et après consultation de la commune et de la commission des monuments et des sites, pour autant que celles-ci ne portent pas atteinte aux fonctions écologiques du cours d'eau et de ses rives ou à la sécurité de personnes et des biens (art. 15 al. 3 let. b et al. 4 LEaux-GE). Il peut également admettre la rénovation de constructions existantes, dûment autorisées, dans les zones inconstructibles ainsi que leur transformation partielle, leur reconstruction ou encore leur agrandissement mesuré (art. 15 al. 6 LEaux-GE). La surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées qui respectent l'un de ces standards (art. 59 al. 1 LCI).

Les constructions et les installations peuvent être admises dans une zone protégée, sur la base d'une autorisation ordinaire au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT, le cas échéant après l'adoption d'un plan d'affectation spécial, ou au contraire sur la base d'une dérogation selon les art. 24ss LAT, si leur implantation sur le lac ou sur la rive est justifiée par des intérêts prépondérants ou si elle est imposée par leur destination. Les possibilités de construire dans ces zones doivent être limitées, dans la mesure où leur but est notamment la sauvegarde des paysages harmonieux dont les cours d'eau sont un élément important (Benoît BOVAY/Raymond DIDISHEIM/Denis SULLIGER/Thierry THONNEY, Droit fédéral et vaudois de la construction, 2010, p. 67 et la jurisprudence citée).

Les dérogations prévues à l'art. 59 al. 1 LCI sont applicables dans la zone de protection des rives du lac. Le taux de 20 % peut être augmenté de 10 % à 20 % pour les constructions avec un standard énergétique adéquat, mais excluant des dérogations plus importantes visant une densité supérieure (François BELLANGER, Les droits à bâtir : une notion virtuelle pour une valeur réelle in Andrea GOOD/Bettina PLATIPODIS [éd.], Festschrift Andreas AUER, Direkte Demokratie, 2013, p. 291 note 23).

8) a. En l'espèce, la parcelle des propriétaires, située en 5ème zone, est incluse dans le périmètre protégé institué par la LPRLac et dans une zone inconstructible au sens de la LEaux-GE. Le hangar qui y est érigé depuis environ 1830 bénéficie d'une garantie de la situation acquise et son utilisation comme abri à bateaux n'est pas contestée. Le projet de sa transformation impliquant la création d'un logement doit être ainsi examiné au regard des dispositions de la LPRLac et de la
LEaux-GE qui se superposent aux prescriptions réglant l'affectation de la zone concernée.

b. Le projet des intimés envisage d'agrandir de 42 m2 le hangar existant de
114 m2 par la création d'un logement de trois pièces.

D'après les constatations de la chambre de céans, non contredites par les propriétaires lors du transport sur place du 24 juin 2013, le volume intérieur du hangar n'est pas réparti en étage. Selon la demande d'autorisation préalable de construire, le projet prévoit l'adjonction d'une surface de 42 m2 sous la toiture, une surélévation de 1,8 m du bâtiment et la création de deux nouvelles fenêtres en vue d'aménager un logement de trois pièces. La chambre de céans relève, dans ces circonstances, que les travaux envisagés vont au-delà d'une rénovation, d'une transformation partielle ou d'une reconstruction du bâtiment existant au sens de la LEaux-GE. Par contre, ils constituent un agrandissement de l'abri à bateaux.

9) Selon le TAPI, reprenant les arguments des propriétaires, le hangar à bateaux existant bénéficie de la garantie d'une situation acquise, le département ne peut ainsi refuser l'autorisation requise sans abuser de son pouvoir d'appréciation.

D'après les dimensions retenues dans le projet, l'augmentation du volume actuel du hangar serait de 48 % en cas d'autorisation. Un tel agrandissement qui accroît de près de la moitié le volume du bâtiment existant ne saurait être qualifié de mesuré au sens de la LEaux-GE. Sous l'angle de la volumétrie, la construction d'un logement d'habitation de trois pièces ne peut ainsi pas bénéficier d'une dérogation à l'interdiction de construire sur la base de la garantie d'une situation acquise, seul un agrandissement mesuré pouvant être autorisé par le département.

10) Les propriétaires, suivis par le TAPI, soutiennent en outre que le logement à autoriser ne modifie pas la destination du bâtiment existant dans la mesure où celui-ci continuerait à être utilisé comme hangar à bateaux.

a. Le projet des propriétaires vise la création d'une habitation destinée à héberger de manière durable des personnes. Une mise en place de commodités propices à une occupation du logement à construire soit par les propriétaires, soit par des locataires est prévue. Une telle utilisation ne relève pas de l'affectation du hangar existant comme abri à bateaux. Elle en modifie la destination. Les propriétaires reconnaissent du reste dans leur recours du 23 décembre 2011 au TAPI que le bâtiment existant ne conserverait que partiellement son affectation suite à la construction du logement, l'abri étant utilisé pour accéder à celui-ci. La garantie de la situation acquise dont bénéficie le hangar ne se conçoit qu'en rapport avec son utilisation comme abri à bateaux. Or, il ne ressort pas de la procédure que la situation actuelle empêche les propriétaires d'utiliser le hangar à cette fin de sorte que la construction d'un logement serait indispensable pour atteindre ce but, autrement dit qu'elle réponde à un besoin objectivement fondé dans le cadre de l'utilisation du hangar. La construction envisagée n'est pas motivée par un besoin particulier lié à des contraintes techniques ou d'exploitation du hangar, les raisons subjectives liées à la personnalité du requérant, comme le besoin d'améliorer la fonctionnalité, l'utilité ou le confort d'un bâtiment ne suffisent pas (Rudolf MUGGLI, Commentaire LAT, 2010, art. 24 n. 9, 10, 13 et 14).

b. Le projet des propriétaires modifiant de manière significative l'affectation du bâtiment existant dans son utilisation en rapport avec le lac, aucune dérogation à l'interdiction de construire dans le périmètre protégé ne saurait être accordée.

c. Par ailleurs, même en cas d'installations lacustres en rapport avec l'utilisation du lac, la LPRLac n'autorise le département à accorder des dérogations que s'il ne résulte pas des constructions envisagées d'atteinte au site protégé. Or, d'après le préavis défavorable du 8 avril 2011 de la DGNP, le projet envisagé porte atteinte au site et entre en conflit avec les exigences de la protection du paysage, des biotopes et de la végétation des rives. Le représentant de la DGNP, auditionné par le TAPI le 7 mai 2012, a confirmé que l'utilisation de la parcelle à des fins d'habitation présentait des difficultés notamment en matière de protection de la végétation et de sa faisabilité concrète en rapport avec l'accès au chantier. Si par la suite, les propriétaires ont élaboré un plan d'installation du chantier, la question de la protection de la végétation n'a pas été résolue, la construction d'un logement qui serait durablement habité étant propice à porter atteinte au site concerné.

d. L'implantation d'une habitation de trois pièces sur un bâtiment qui empiète pour les deux tiers sur le lac, sur lequel toute construction qui n'est pas en rapport avec son utilisation ne peut être autorisée, ne saurait être autorisée non plus.

11) Le TAPI soutient également que le département s'est arrogé des compétences qui ne lui reviennent pas en matière d'utilisation du domaine public.

Il est constant que la LCI soumet la construction litigieuse à une autorisation préalable qui doit être délivrée par le DALE. En matière de construction lacustre, la LPRLac prévoir la compétence de ce département également lorsqu'il s'agit d'accorder des autorisations dérogatoires à l'interdiction de construire sur les parties immergées des parcelles riveraines du lac. Or, il ne ressort pas de la procédure que le DALE, dans le cadre de la procédure préalable d'autorisation, serait allé au-delà de l'examen des conditions d'octroi d'une dérogation à l'interdiction d'ériger des constructions lacustres sur le site protégé concerné, pour se prononcer sur les conditions d'utilisation du domaine public qu'est le lac, compétence du Conseil d'État voire du DETA. Au contraire, les représentants du DALE ont déclaré à deux reprises devant le TAPI, lors des audiences du 13 juin et du 28 août 2012, que le DETA serait amené à se prononcer sur la question de l'utilisation du domaine public lors de l'examen éventuel d'une demande définitive de construire.

Au demeurant, ni le TAPI, ni les propriétaires ne contestent que la décision querellée s'inscrit dans le cadre d'une demande préalable d'une autorisation de construire et que cette compétence revient au DALE. Ils ne contestent pas non plus qu'une autorisation préalable est indispensable afin de déterminer si la destination du logement envisagé pourrait être compatible avec la protection assurée à la zone concernée. Dans ce cadre, le département dispose d'un large pouvoir d'appréciation dont il ne ressort pas de la procédure qu'il aurait mésusé.

Par ailleurs, la construction du logement souhaité relevant également de l'aménagement du territoire, les aspects de son implantation, de sa destination, de son volume et de sa dévestiture devaient être tranchés avant qu'une demande définitive du permis de construire ne soit déposée. Or, cet examen préalable revient au DALE et celui-ci peut solliciter l'avis de ses services compétents dans ce domaine parmi lesquels la DDURD. Dans son préavis favorable du 20 juillet 2011, la CMNS a certes octroyé la dérogation à la limite inconstructible des 30 m par rapport à la rive du lac, mais elle a précisé que la DAC devait vérifier la légalité d'un changement d'affectation pour un bâtiment situé sur le domaine public. Une telle réserve permettait au DALE dont relève la DAC de pondérer le préavis de la CMNS avec le changement de l'affectation du hangar suite au projet des propriétaires. Dans ce cadre, le département a conclu, sans arbitraire, que la construction d'un logement de trois pièces modifiait l'affectation du hangar à bateaux et ne pouvait pas bénéficier d'une dérogation à la limite inconstructible des 30 m dans une zone protégée.

12) Le fait que le projet des propriétaires ne remplisse pas les conditions d'une dérogation à l'interdiction de construire dans le périmètre protégé du lac suffit pour sceller l'issue de la présente procédure. Le département n'a pas une marge de manoeuvre de procéder à une pesée des intérêts, certains aspects étant concrètement réglés par la LPRLac et la LEaux-GE (Rudolf MUGGLI, op. cit., n. 16). La chambre de céans peut ainsi se dispenser d'examiner si le département a violé le principe de la proportionnalité invoqué par les intimés.

13) Le TAPI, dans son jugement, s'est référé aux autorisations accordées pour les constructions situées sur les parcelles voisines pour justifier sa décision d'annuler le refus du département. Il s'agit d'examiner si sa décision viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

a. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6 s).

b. Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 139 II 49 consid. 7.1 p. 61 ; 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.1 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7).

c. En l'espèce, il ressort de l'instruction effectuée par l'autorité de recours de première instance et des pièces versées à la procédure que les constructions situées sur les parcelles voisines de celle des intimés, qui sont susceptibles de se trouver dans une situation juridique comparable, ont été construites voire autorisées il y a plus de 30 ans. Un tel état de fait, s'il est comparable, ne procède pas d'une situation juridique semblable, et ne justifie pas une dérogation à la législation en vigueur qui interdit les constructions nouvelles sur les rives du lac, le recours intenté par le recourant constituant la démonstration qu'il entend faire respecter ladite législation.

Bien fondé, le recours du département sera admis, le jugement du TAPI annulé et la décision de refus d'autorisation préalable de construire rétablie.

14) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis, conjointement et solidairement, à la charge des intimés qui succombent. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2012 par le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 octobre 2012 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du 25 octobre 2012 du Tribunal administratif de première instance ;

rétablit la décision du 25 novembre 2011 du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie ;

met conjointement et solidairement un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Messieurs Hubert, Michel et Pierre BARDE, conjointement et solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à Me Marie-Flore Dessimoz, avocate de Messieurs Hubert, Michel et Pierre BARDE.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :