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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/48/2003

ATA/761/2004 du 05.10.2004 ( FIN ) , ADMIS

Descripteurs : IMPOT; IMPOT SPECIAL; DROIT D'ENREGISTREMENT; DROIT DE MUTATION; VENTE D'IMMEUBLE; INTERPRETATION; DROIT DE PREEMPTION; TRANSFERT(EN GENERAL)
Normes : LDE.1; LDE.8; LDE.33; LDE.50; LDE.178
Résumé : Recours contre la perception de droit de mutation à l'occasion de la vente d'un immeuble, l'AFC ayant taxé tant l'inscription du droit d'emption que la vente elle-même. Dès lors, que le pacte d'emption n'est que l'accessoire de l'acte principal, pour en garantir l'exécution, en l'occurence une vente à terme, il n'y a pas lieu à la perception d'un droit supplémentaire, l'impôt dû en vertu de l'art. 50 LDE étant en quelque sorte absorbé par l'imposition de l'acte principal.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/48/2003-FIN ATA/761/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 octobre 2004

dans la cause

 

Monsieur J. L. D.

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE



1. Monsieur J. L. D. est notaire à Genève.

2. En date du 8 novembre 2000, il a instrumenté un acte libellé « vente à terme, droit d’emption » par lequel Monsieur M. M. vendait à Monsieur J. N. un immeuble situé sur la commune de Plan-les-Ouates pour le prix de CHF 26'000'000.-.

L’inscription du transfert de propriété auprès du registre foncier était subordonnée à la renonciation, par l’État de Genève, du droit de préemption dont il est bénéficiaire selon la loi générale sur les zones de développement industriel du 13 décembre 1984 (LGZDI - L 1 45).

L’acte prévoyait que dès l’obtention de cette renonciation, les parties signeraient, devant M. D., la réquisition de transfert de propriété qui serait ensuite produite auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC) soit pour elle le service de l’enregistrement, aux fins de taxation de l’acte de vente.

Le contrat prévoyait encore que l’entrée en jouissance de l’immeuble aurait lieu le 1er novembre 2000, et l’acquisition le jour de l’inscription de l’acte au registre foncier, accompagnée de la réquisition de transfert de propriété.

Enfin, afin de garantir l’exécution de son obligation de vendre, M. M. a concédé à M. N. un droit d’emption incessible sur la parcelle vendue et valable jusqu’au 20 décembre 2000.

3. Par courrier du 30 octobre 2000, le recourant a écrit au Conseil d’État pour l’informer qu’il était chargé d’instrumenter l’acte de vente précité et lui demander de bien vouloir se prononcer sur le droit de préemption légal inscrit sur ladite parcelle.

Un courrier semblable, mais daté du 27 octobre 2000, était adressé à la Fondation pour les terrains industriels de Genève.

4. L’acte de vente a été enregistré par le service compétent de l’AFC en date du 15 novembre 2000. Des droits de mutation à hauteur de CHF 54'600.- ont été prélevés.

5. Par lettre du 22 novembre 2000, le Conseil d’État a informé le recourant que l’État de Genève renonçait à exercer son droit de préemption.

6. Par acte notarié du recourant du 29 novembre 2000, intitulé « réquisition de transfert », les parties à la convention du 8 novembre 2000 ont requis le transfert de propriété auprès du registre foncier.

Ledit acte a été enregistré le 1er décembre 2000, et CHF 4,20 de droits de mutation ont été prélevés.

7. Par lettre du 12 décembre 2000 adressée à l’AFC, le recourant a élevé réclamation, au sens de l’article 178 de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30) en concluant à l’annulation de la taxation de l’acte de vente à terme cité en référence. Par ailleurs, il signalait à l’AFC qu’une erreur avait été commise par son service en ce sens qu’il avait mal taxé la réquisition de transfert.

8. Par correction du 14 décembre 2000, l’AFC a procédé à une nouvelle taxation par CHF 780'000.- en lieu et place des CHF 4,20.

9. Par courrier du 15 décembre 2000, la direction de l’enregistrement, des successions et des impôts fonciers a accusé réception de la réclamation contre la taxation de l’acte du 8 novembre 2000.

Celle-ci a été transmise au chef des services de l’enregistrement pour raison de compétence et l’AFC laissait le soin au recourant d’aborder la problématique des ventes à terme lors d’une prochaine réunion des membres de l’AFC et d’une délégation de la Chambre des notaires.

10. Le 23 février 2001, la commission des relations avec les administrations de la Chambre des notaires et les membres de la direction de l’AFC se sont réunis. Il a été brièvement question des ventes à terme et des droits d’emption.

11. Par courrier du 28 février 2001, l’intimée a accordé au recourant un délai expirant le 31 mars 2001 pour compléter sa réclamation du 12 décembre 2000.

Le recourant n’a pas fait usage de ce droit.

12. Par décision du 9 avril 2001, la direction de l’enregistrement des successions et des impôts fonciers a rejeté la réclamation.

13. Par acte du 9 mai 2001, le recourant a saisi la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : la CCRMI ou la commission de recours).

L’AFC avait considéré à tort qu’il y avait d’abord une inscription du droit d’emption, taxée à CHF 54'600.-, et ensuite une vente, taxée à CHF 780'000.-.

Il s’agissait d’une erreur d’interprétation dans la mesure où aucune disposition de la LDE ne distinguait la vente effective de la vente à terme.

La réelle intention des parties était que le transfert de la parcelle concernée intervienne dès réception formelle de la renonciation au droit de préemption par l’État de Genève.

Il était donc injuste de taxer, outre la vente, un droit d’emption.

Le recourant rappelait encore qu’il avait spontanément signalé à l’AFC l’erreur commise par elle sur la taxation de la réquisition de transfert, puisque celle-ci avait imposé l’opération à CHF 4,20 alors qu’il concevait qu’elle soit taxée, dans sa logique, à CHF 780'000.-.

14. Le 26 septembre 2001, l’AFC a produit sa réponse. En vertu de l’article 33 alinéa 1 LDE, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l’usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève étaient soumis au droit de mutation.

Selon l’article 50 LDE, les actes portant promesse de vente, d’achat ou d’échange, ainsi que les pactes d’emption, sont soumis au droit de 1 o/00, calculé sur la valeur vénale de l’immeuble, sans aucune déduction pour les dettes et les charges qui peuvent le grever.

Lors de la rencontre du 23 février 2001, l’AFC avait confirmé maintenir sa position quant à sa pratique consistant à traiter comme une promesse de vente, les ventes à terme avec clause d’emption et à traiter comme vente le second acte opérant le transfert de la propriété.

Elle faisait également référence au rapport établi par Me V. B., notaire, le 4 mai 2000 à l’attention de la commission juridique de la Chambre des notaires.

L’AFC contestait qu’un quelconque accord soit intervenu en dehors de ladite réunion où aucun procès-verbal ou compte-rendu n’avait été rédigé.

Par complément de réponse du 25 octobre 2001, elle a produit quatre exemples de vente à terme avec promesse de vente taxée par le service de l’enregistrement selon sa pratique.

15. Par décision du 18 décembre 2002, la CCRMI a déclaré recevable le recours de M. D., l’a rejeté et a mis à sa charge un émolument de CHF 600.-.

Après avoir rappelé la teneur des articles 33 et 50 LDE et le rôle de l’administration de l’enregistrement qui se borne, en principe, à l’analyse des caractères apparents des conventions, la commission de recours a jugé que les droits sont dus tels qu’ils ressortent des stipulations des actes.

Tant les promesses de vente que les pactes d’emption portant sur un immeuble n’étaient valables que s’ils étaient passés en la forme authentique. Le transfert de propriété résultant d’une vente ordinaire, instrumenté par acte authentique, représentait le cas le plus fréquent et le plus typique des actes soumis au droit de mutation.

De plus, la pratique de l’autorité administrative consistant à traiter comme une promesse de vente, les ventes à terme avec droit d’emption et à traiter comme une vente le second acte opérant le transfert de la propriété correspondait à l’avis du 4 mai 2000 de la commission juridique de la Chambre des notaires.

Au chapitre traitant de la vente conditionnelle, si l’acte de vente prévoyait un droit d’emption, il était perçu un droit d’enregistrement au moment de la conclusion de l’acte puis lors de l’inscription du transfert de propriété au registre foncier.

En ce qui concernait les ventes à terme, suivies d’un second acte authentique (intitulé réquisition de transfert, par lequel les parties exécutent la vente à terme), cette construction se confondait avec la promesse de vente assortie d’un droit d’emption.

L’acte litigieux contenait un droit d’emption. La pratique rappelée par la Chambre des notaires était donc applicable. Conséquemment, le recours de M. D. était infondé.

16. Le 13 janvier 2001, M. D. a recouru devant le Tribunal administratif contre la décision de la CCRMI.

Le droit d’emption était la faculté en vertu de laquelle une personne pouvait se porter acheteur d’une chose par une simple déclaration unilatérale de volonté. Dans le cas d’espèce, le droit d’emption ne pouvait exister puisque l’acquisition unilatérale dépendait en réalité d’une renonciation de l’État de Genève à son droit de préemption. La problématique était de savoir si l’AFC était fondée à percevoir une taxe d’enregistrement pour la constitution d’un droit d’emption, prévu uniquement comme préalable et sauvegarde de l’exécution de la vente d’une part, et d’autre part une nouvelle taxe d’enregistrement sur la vente.

Le recourant reprochait à l’AFC de se fonder essentiellement sur des travaux des commissions internes de la Chambre des notaires, documents qui n’avaient aucune valeur particulière.

La loi fiscale ne distinguait pas une vente ordinaire d’une vente à terme ; dès lors, les ventes à terme devaient être taxées selon les droits de vente prévus à l’article 33 LDE et ceci immédiatement, sans attendre l’inscription de l’acte au registre foncier, l’inscription d’une opération immobilière audit registre n’étant pas une condition pour la perception de droit d’enregistrement.

Enfin, la pratique très récente des notaires genevois consistant à abandonner en certaine occasion la confection de promesse de vente au profit de vente à terme, avait pour but essentiel de diminuer le coût des opérations.

En conclusion, vouloir considérer qu’il y avait deux opérations, et non une seule réalisée en deux temps, constituait un abus de droit.

Il a conclu à l’annulation de la décision attaquée, à la perception d’une taxe de vente de 3 % conformément à l’article 33 LDE sur le premier acte de vente et la perception, par le même service, d’une taxe fixe de CHF 4,20 sur l’acte de réquisition de transfert.

17. Dans sa réponse du 4 février 2003, l’AFC a persisté intégralement dans ses écritures déposées en première instance en date des 26 septembre et 25 octobre 2001.

Pour le surplus, la LDE était une loi formaliste. Le taxateur devait se fonder sur le seul acte ou document qui lui était présenté, à l’exclusion de tous éléments extrinsèques.

Dès lors, le caractère formaliste de l’enregistrement impliquait une interprétation restrictive des dispositions de la LDE.

En corollaire du formalisme de la LDE, le service de l’enregistrement n’avait pas à se prononcer sur l’usage que pourrait faire le débiteur des droits de la pièce qui lui était soumise. Or, l’acte du 8 novembre 2002, instrumenté par le recourant était libellé « vente à terme, droit d’emption ». Cet acte prévoyait donc la vente d’un objet pour un certain montant et en second lieu l’octroi d’un droit d’emption incessible.

L’article 50 LDE, qui traitait des actes portant promesse de vente, appréhendait aussi de la même manière les promesses de vente et les pactes d’emption.

L’article 33 LDE soumettait obligatoirement à un droit de 3 % tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété.

Conséquemment, en présence d’une vente avec clause d’emption, les articles 33 et 50 LDE s’appliquaient dans la mesure où la taxation s’effectuait sur deux actes séparément.

Dans le cas d’espèce, l’AFC s’était trouvée en présence d’une vente à terme avec une clause d’emption ou une promesse de vente, et non pas une simple vente à terme sans droit d’option.

Enfin, la commission de recours avait relevé que l’imposition dans le cas d’espèce était conforme à la pratique de l’administration relative à des actes de même nature durant la période considérée.

De ce fait, le recours devait être rejeté.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 – LOJ – E 2 05 ; art. 63 al. 1 lit. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10 ).

2. Selon l’article 1 de la LDE, les droits d’enregistrement sont un impôt qui frappe toute pièce, constatation, déclaration, condamnation, convention, transmission, cession et en général toute opération ayant un caractère civil ou judiciaire, dénommées dans la présente loi : «actes et opérations », soumises soit obligatoirement, soit facultativement à la formalité de l’enregistrement ; ils sont perçus par l’administration de l’enregistrement, des droits de succession et du timbre du canton de Genève.

L’article 8 LDE dispose qu’est déterminante pour la fixation des droits, la nature réelle des actes et opérations, ainsi que celle des stipulations qui y sont contenues.

Le titre Vème de la LDE traite des ventes. L’article 33 prévoit que sont soumis obligatoirement au droit de 3 %, sous réserve des exceptions prévues par la présente loi, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, la nue-propriété ou de l’usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève, notamment les ventes, substitutions d’acquéreur, adjudications, apports et reprises de biens.

L’article 50 LDE traite des promesses de vente et pactes d’emption. Les actes portant promesse de vente, d’achat ou d’échange, ainsi que les pactes d’emption sont soumis au droit de 1 o/00, calculé sur la valeur vénale de l’immeuble sans aucune déduction pour les dettes et les charges qui peuvent les grever.

La LDE ne contient aucune disposition relative aux ventes à terme.

3. a. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (ATF 114 I a, p. 28 ; ATF 117 I a p. 331). Toutefois, si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il faut alors rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous ses éléments à considérer, soit notamment du but de la règle, de son esprit, ainsi que les valeurs sur lesquelles elle repose. Le sens qu’elle prend dans son contexte est également important. En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la constitution (ATF 119 I a p. 241 et p. 248).

Le Tribunal fédéral ne s’écarte du texte clair de la loi que s’il y a des motifs de penser que le texte ne représente pas le sens véritable de la règle (si les motifs peuvent résulter du contexte dans lequel la disposition en cause se trouve, les travaux préparatoires ou du but de la loi) ; il s’écarte aussi de l’interprétation littérale si elle aboutit à un résultat que le législateur ne peut pas avoir voulu ou à un résultat arbitraire ou encore à une violation du droit fédéral ou de la Constitution (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, n° 419 est la jurisprudence citée ; ATA Y. du 27 avril 1993 ; S. du 11 mai 1993).

Selon la jurisprudence, le juge ne peut s’écarter d’un texte clair que si des raisons sérieuses lui permettent de penser, sans doute possible, que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la norme (ATF 116 II 178 ; 115 I a 137 consid. 2 b ; 113 I a 14 consid. 3 c ; 112 I b 472 consid. 4 c ; 105 I b 62 consid. 5 b ; 103 I a 117 consid. 3) et conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulu et qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l’égalité de traitement (ATF 112 III 110 consid. 4 ; 109 I a 27 consid. 5 d et les arrêts cités).

De telles raisons peuvent découler des travaux préparatoires, du texte et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 115 I a 137 consid. 2 b et les arrêts cités).

En dehors du cadre ainsi défini, les considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s’écarter du texte clair de la loi (ATF 105 I b 62 consid. 5 b ; 117 II 525 consid. 1 c).

b. La suprématie de la loi devrait conduire à l’application de la règle selon laquelle le silence de la loi doit faire présumer l’existence d’une lacune improprement dite qu’il n’est pas admissible de combler. Cette présomption est irréfragable, mais elle n’est justifiée que si elle conduit à un résultat naturel et prévisible. De même le recours à la théorie de la réalité économique n’est justifié, à moins que la loi elle-même ne prévoit expressément certaine analogie déterminée, que si le contribuable a commis un abus manifeste. Une clause générale permettant l’application de la théorie de la réalité économique n’est acceptable que si elle subordonne cette application à l’existence d’un abus (J.-A. Reymond, Principe de la légalité de l’impôt et l’interprétation des lois fiscales, in Mélanges offerts à la société suisse des juristes, 1976, p. 292/93).

4. a. Le droit d’emption est un droit d’acquisition conditionnelle, la seule condition (potestative) étant la déclaration d’exercice du droit faite par l’empteur. Pour celui-ci, le droit d’emption ne représente donc qu’un pouvoir, qu’une prérogative, mais n’implique aucun engagement.

Quant au concédant, il prend naturellement le risque de devoir vendre l’immeuble à quelque moment que se soit, mais il doit aussi s’abstenir de tous actes qui l’empêcheraient d’exécuter ses obligations envers l’empteur. Le droit d’emption permet ainsi à l’empteur de différer l’achat d’immeuble tout en ayant une (certaine) assurance de pouvoir se porter acheteur au moment voulu (cf. P.-H. Steinauer, Les droits réels, 2ème édition, Tome II, p. 97).

Le droit d’emption doit être distingué de la promesse de vente, qui donne à chaque partie (promesse bilatérale) ou seulement au promettant acheteur (promesse unilatérale) le droit d’exiger la conclusion d’un contrat de vente (ATF 56 I, p. 195), mais non celui d’exiger le transfert de la propriété, ce dernier droit ne résulte que de la conclusion du contrat principal.

Au contraire, le droit d’emption confère à son bénéficiaire le droit d’exiger le transfert de la propriété sans conclure un nouveau contrat de vente. En outre, la promesse de vente immobilière ne peut pas être annotée au registre foncier.

Il peut aussi servir de moyen de pression contre le propriétaire et constituer ainsi, indirectement, la garantie que celui-ci exécutera un engagement qu’il a pris ou une obligation légale (par exemple en cas de promesse de vente, voire de vente).

Le droit d’emption portant sur un immeuble peut être annoté au registre foncier. L’annotation a pour effet de renforcer la position de l’empteur, dont le droit devient opposable à tous droits acquis postérieurement sur l’immeuble (cf. art. 959, al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210)).

La situation juridique avant l’exercice du droit d’emption équivaut à celle qui régit une vente conditionnelle soumise à une condition suspensive aussi longtemps que ladite condition n’est pas réalisée.

D’une façon générale, après la levée de l’option, la situation est la même que si le concédant et l’empteur étaient liés par un contrat de vente produisant ses effets ex nunc (P.-H. Steinauer op. cit. p. 104 n° 1711).

b. Le droit de préemption est la faculté en vertu de laquelle, la personne (le préempteur) peut exiger d’une autre personne (le promettant) le transfert de la propriété d’une chose, dans l’éventualité ou le promettant la vend à un tiers. Le droit de préemption est donc, comme le droit d’emption, un droit d’acquisition conditionnel, mais il est subordonné non pas à une seule condition, mais à deux conditions: il faut d’abord que le promettant ait conclu avec un tiers un contrat de vente (ou un acte qui est assimilé à une vente), et il faut ensuite que le préempteur déclare exercer son droit (condition potestative).

Le pacte consécutif d’un droit de préemption immobilier ne doit revêtir la forme authentique que s’il est limitatif. Le droit de préemption portant sur un immeuble peut être annoté au registre foncier pour autant que cette annotation ait été expressément convenue entre les parties en la forme authentique ou écrite.

Le droit de préemption peut ainsi être considéré comme un droit d’emption qui ne peut être exercé que si le promettant vend la chose (P.-H. Steinauer op. cit. p. 108 n° 1719 ss).

Ainsi donc, aussi longtemps qu’un cas de préemption ne s’est pas réalisé, le titulaire du droit de préemption ne jouit, sauf convention contraire, d’aucun droit en relation avec l’immeuble.

c. Une vente à terme est une forme de vente dans laquelle il est convenu que l’exécution – livraison et paiement – sera différée par rapport au jour de la conclusion du contrat.

d. Eu égard à ce qui précède, on ne saurait assimiler une vente à terme avec un droit d’emption à une promesse de vente, les effets juridiques n’étant pas les mêmes.

Le droit d’emption inclu dans un contrat de vente à terme ne constitue qu’une assurance pour l’acheteur quant à l’exécution des obligations du vendeur.

C’est la raison pour laquelle, la LDE ne fait aucune distinction entre une vente ordinaire et une vente à terme.

5. Les ventes à terme doivent être taxées conformément aux droits de vente prévus à l’article 33 LDE sans attendre l’inscription de l’acte au registre foncier, car l’inscription d’une opération immobilière au registre foncier n’est pas une condition pour la perception des droits d’enregistrement.

Certes, l’article 50 LDE prévoit que les pactes d’emption sont soumis aux droits de 1 o/00 calculés sur la valeur vénale de l’immeuble. Cependant, la systématique de la loi indique que le législateur a voulu que seuls les actes d’emption isolés soient soumis à la perception d’un droit de mutation, par analogie avec une promesse de vente.

En revanche, dès lors que le pacte d’emption n’est que l’accessoire ou le sous-jacent de l’acte principal, pour en garantir l’exécution, en l’occurrence d’une vente à terme, il n’y a pas lieu à perception d’un droit supplémentaire, l’impôt dû, en vertu de l’article 50 LDE, étant en quelque sorte, absorbé par l’imposition de l’acte principal.

Les articles 33 et 50 LDE ne trouvent dès lors pas d’application cumulative dans la mesure où la taxation ne s’effectue pas sur deux actes séparément mais sur un seul en réalité.

Le tribunal de céans ne saurait suivre la CCRMI lorsqu’elle se fonde sur la pratique de l’autorité intimée qui consiste à traiter comme une promesse de vente, les ventes à terme avec droit d’emption et à traiter comme une vente le seconde acte opérant le transfert de propriété. En effet, juridiquement, une vente à terme avec droit d’emption ne peut en aucun cas être assimilée à une promesse de vente.

Quant à l’opinion de la commission juridique de la Chambre des Notaires de Genève, elle ne constitue qu’un point de vue subjectif, soit celui de son auteur, et ne saurait être assimilée ni à des directives ayant une quelconque force obligatoire vis-à-vis des contribuables ni à une jurisprudence.

En l’espèce, l’acte incriminé est une vente à terme doublée d’un droit d’emption. L’intention des parties était de garantir l’acquéreur de l’exécution de la vente à terme quand bien même la constitution du droit d’emption en faveur de M. N. était en contradiction avec le droit de préemption conféré à l’État de Genève par la loi. En effet, ce droit d’emption était dénué de toute efficacité tant que l’État de Genève n’avait pas exercé ou renoncé à exercer son droit de préemption.

L’acte de vente litigieux ne pouvait donc pas être inscrit immédiatement au registre foncier, puisque l’opération était subordonnée à la renonciation de la part de l’État de Genève à son droit de préemption légal.

La réelle et commune intention des parties était de permettre à l’acquéreur de devenir propriétaire (le plus rapidement possible) de l’immeuble, objet de l’acte notarié du recourant, l’entrée en jouissance rétroactive au 1er novembre 2000, (l’acte de vente ayant été signé le 8 novembre 2000) en faisant foi. Toutefois, en raison du droit de préemption légal de l’État, cette intention n’était pas immédiatement réalisable.

Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que l’opération effectuée par le recourant s’apparente, même de loin, à une promesse de vente.

6. Eu égard à ce qui précède, le recours sera admis, la décision de la CCRMI annulée et la cause renvoyée à l’AFC pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, celui-ci ayant agi en personne (art. 89B LPA).

 

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2003 par Monsieur J. L. D. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 12 décembre 2002;

au fond :

l’admet ;

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du 12 décembre 2002 ;

 

renvoie la cause à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

 

dit qu’il ne sera pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Monsieur J. L. D. ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges et M. Bonard, juge suppléant.

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :