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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/334/2003

ATA/76/2006 du 07.02.2006 ( ASSU ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/334/2003-ASSU ATA/76/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 7 février 2006

2ème section

dans la cause

 

Mesdames M__________ et C__________ R__________
représentées par l’association suisse des assurés (ASSUAS)

contre

CHRéTIENNE SOCIALE SUISSE


 


1. a. Mesdames M__________ et C__________ R__________ sont affiliées à la Chrétienne Sociale Suisse Assurance, association de siège à Lucerne (ci-après : la caisse), pour l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie. La caisse est soumise à la surveillance de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS).

b. La société Chrétienne Sociale Suisse Assurance S.A. (ci-après : CSS S.A.), quant à elle, propose notamment à ses clients des assurances-maladie complémentaires. Elle est soumise à la surveillance de l’Office fédéral des assurances privées (OFAP).

2. Courant octobre 2002, la caisse a notifié à Mmes R__________ un nouveau certificat d’assurance, aux termes duquel la prime mensuelle de l’assurance obligatoire des soins était portée de CHF 377,40 à CHF 397.- pour Mme M__________ R__________ et de CHF 92,80 à CHF 331,50 pour Mme C__________ R__________ (compte tenu d’une diminution de franchise et du changement du groupe d’âge).

3. Toutes deux ont formé opposition en temps utile à l’encontre de l’augmentation de leur prime d’assurance-maladie pour l’année 2003.

En substance, la fixation des primes dans l’assurance obligatoire des soins devait respecter les principes d’équivalence et de couverture des frais, et également se conformer au principe de l’égalité de traitement. La preuve de l’approbation par l’office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’office fédéral) de la hausse litigieuse devait lui être fournie. La caisse devait également démontrer, pièces à l’appui, que les principes susmentionnés avaient été dûment respectés dans le cadre de la fixation de sa prime pour l’année 2003. Elle sollicitait enfin que la caisse leur notifie une décision sur opposition.

4. La caisse a confirmé sa position par décision du 2 décembre 2002, laquelle contenait l’indication de la voie et du délai d’opposition.

5. Saisie d’une opposition de la part de Mmes R__________, la caisse l’a rejetée par décision datée du 31 janvier 2003 – reçue le 7 février 2003.

La voie et le délai de recours étaient indiqués.

6. Par acte posté le 2 mars 2003, Mmes R__________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, fonctionnant alors comme Tribunal cantonal des assurances sociales. Elles concluent, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision attaquée, et à ce qu’il soit constaté que leurs primes de l’assurance maladie obligatoire pour 2003 sera identique à celle fixée pour l’année 2002. Elles sollicitent en outre la restitution de l’effet suspensif au recours.

La hausse de prime n’était pas justifiée, dans la mesure où les justificatifs de la hausse des coûts n’avaient toujours pas été fournis. Elles ignoraient donc quelles étaient les bases sur lesquelles cette hausse leur était réclamée. Dans son arrêt du 31 mai 2002, le Tribunal fédéral des assurances avait précisé qu’il appartenait au tribunal cantonal des assurances sociales de se prononcer sur la légalité de l’augmentation des primes. Ce dernier était donc compétent pour connaître du présent recours et apprécier la légalité de la hausse, en s’assurant notamment que celle-ci respectait les principes d’égalité de traitement et d’équivalence. Pour ce faire, toutes les pièces visées aux articles 85 et 86 de l’ordonnance sur l’assurance maladie du 27 juin 1995 (OAMal – RS 832.102) devaient être produites par la caisse.

7. Le 23 janvier 2003, transmettant copie du recours à la caisse, le Tribunal administratif a sollicité la production de toutes les pièces visées à l’article 85 OAMal relatives à la prime 2003, ainsi que les rapports de l’organe de révision pour la même période (art. 86 OAMal).

8. La caisse s’est opposée au recours le 13 mars 2003.

La recevabilité du recours était douteuse, dans la mesure où Mmes R__________ entendaient en réalité faire contrôler par les tribunaux l’opportunité de l’ensemble du tarif, voire de l’ensemble des tarifs cantonaux de la caisse. Ainsi, dans la mesure où le recours tendait uniquement à faire contrôler le tarif 2003 pour ses assurés du canton de Genève, il était irrecevable.

Sur le fond, le montant de la prime avait été fixé conformément aux principes de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de mutualité et d’équivalence, de sorte que, même s’il devait être considéré comme recevable, le recours devait être rejeté.

Elle a également produit les pièces demandées, soit son bilan, son compte d’exploitation, son rapport de gestion pour l’année 2001, la décision du 8 juin 2002 du conseil des sociétaires portant approbation des comptes annuels 2001, le tarif des primes 2003 pour le canton de Genève, le tableau des réductions de primes 2003, et les comptes et budgets 2001, 2002 et 2003 pour le canton de Genève.

9. Le 27 mai 2003, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était suspendue jusqu’à droit jugé par le Tribunal fédéral des assurances dans une affaire semblable.

10. Le Tribunal fédéral des assurances ayant statué par arrêt daté du 1er février 2005 (cause K 45/03), le Tribunal de céans a ordonné la reprise de l’instruction de la cause par décision du 21 avril 2005.

Conformément aux considérants de l’arrêt de la Haute cour, le Tribunal administratif a imparti un délai au 31 mai 2005 à la caisse pour qu’elle produise toutes pièces utiles établissant, pour les charges et les produits, qu’elle avait tenu une comptabilité distincte pour l’assurance maladie sociale et, dans ce cadre, une comptabilité séparée pour l’assurance obligatoire ordinaire des soins, pour les formes particulières d’assurance au sens de l’article 62 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal – RS 832.10).

Les pièces produites devaient être étayées par les rapports complets des organes de révision pour les trois dernières années précédant celle pour laquelle les primes étaient contestées, soit en l’espèce les années 2000, 2001 et 2002.

11. a. Le 30 mai 2005, la caisse a produit les pièces sollicitées, soit les rapports de gestion des années 2001, 2002 et 2003, ainsi que le rapport d’activité de l’année 2000.

b. Elle a également commenté lesdites pièces.

- Le rapport de gestion de l’année 2003 distinguait bien, dans sa partie financière, les branches de l’assurance-maladie sociale (assurance obligatoire des soins et assurance facultative d’indemnités journalières LAMal) d’une part, et les branches des assurances complémentaires, d’autre part. En ce sens, il démontrait qu’elle avait tenu une comptabilité distincte pour l’assurance maladie sociale. Le rapport de l’organe de révision du 31 mars 2004, qui figurait en page 55 du rapport, indiquait que, selon l’appréciation des réviseurs, la comptabilité et les comptes annuels ainsi que la proposition relative à l’emploi du bénéfice au bilan étaient conformes à la loi suisse et aux statuts.

- Le rapport de gestion de l’année 2002 concernait uniquement les branches de l’assurance-maladie sociale. Il démontrait également qu’elle avait tenu une comptabilité distincte pour l’assurance-maladie sociale. Le rapport de l’organe de révision du 17 avril 2003, qui figurait en page 59 du rapport, indiquait qu’une appréciation avait été portée sur la manière dont avaient été appliquées les règles relatives à la présentation des comptes.

- Le rapport de gestion de l’année 2001 concernait uniquement les branches de l’assurance-maladie sociale. Il démontrait également qu’elle avait tenu une comptabilité distincte pour l’assurance-maladie sociale. Le rapport de l’organe de révision du 25 avril 2002, qui figurait en page 43 du rapport, indiquait que, selon l’appréciation des réviseurs, la comptabilité, les comptes annuels et les statistiques étaient formellement et matériellement conformes à la loi suisse et aux statuts, ce qui impliquait que des comptes distincts aient été tenus pour les formes particulières d’assurance au sens de l’article 62 LAMal.

- Le rapport d’activité pour l’année 2000 présentait des comptes globaux pour toutes les branches d’assurance qu’elle pratiquait. Le rapport de l’organe de révision du 17 avril 2001, dont elle joignait une copie en annexe, indiquait que, selon l’appréciation des réviseurs, la comptabilité, les comptes annuels et les statistiques étaient formellement et matériellement conformes à la loi suisse et aux statuts, ce qui impliquait, bien sûr, que des comptes distincts aient été tenus pour les formes particulières d’assurance au sens de l’article 62 LAMal et pour l’assurance d’indemnités journalières facultative.

12. La juge déléguée a invité la caisse à compléter les pièces produites par pli du 10 août 2005. En effet, le rapport d’activité 2000 ne permettait pas de vérifier qu’elle avait tenu une comptabilité séparée pour l’assurance obligatoire ordinaire des soins. En outre, le rapport de l’organe de révision du 17 avril 2001, rédigé en langue allemande, devait être traduit en français, seule langue en usage devant les tribunaux genevois.

13. Le 30 novembre 2005, la caisse a fait parvenir au Tribunal de céans les documents demandés, soit :

- La confirmation par son organe de révision externe, la société K__________ (ci-après : l’organe de révision), qu’elle tenait une comptabilité séparée pour l’assurance obligatoire des soins, pour les formes particulières d’assurance au sens de l’article 62 LAMal et pour l’assurance d’indemnités journalières. L’organe de révision confirmait également que les charges administratives étaient réparties sur les différents domaines d’assurance, ce qui revenait à dire que les frais d’administration avaient été comptabilités séparément dans chaque branche d’assurance ;

- La traduction en langue française par l’organe de révision de son rapport de révision du 17 avril 2001.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Selon l'article 82 LPGA, les dispositions matérielles de la présente loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur.

En l’espèce, la décision sur opposition a été rendue par l’autorité intimée le 31 janvier 2003, soit postérieurement au 31 décembre 2002. Cela étant, dans la mesure où les dispositions procédurales retenues par la LPGA sont similaires à celles de l’ancien droit, la question de savoir si ce sont les dispositions de la LPGA qui sont applicables ne revêt pas une importance décisive (cf. ATF 130 V 318).

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 86 al. 1 et 3 LAMal, dans son état au 24 septembre 2002 ; art. 56C let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05, dans son état au 1er janvier 2000).

3. Les pièces produites sont suffisamment claires pour que le tribunal de céans soit en mesure de juger la cause, sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’audition des réviseurs (cf. consid. 4c in fine pour le surplus).

4. Les recourantes contestent l’augmentation de leur prime d’assurance-maladie pour l’année 2003, en ce sens que cette clause tarifaire ne serait pas fondée en droit.

a. Selon l’article 60 LAMal, l’assurance obligatoire des soins est financée d’après le système de la répartition des dépenses. Les assureurs constituent des réserves suffisantes afin de supporter les coûts afférents aux maladies déjà survenues et de garantir leur solvabilité à long terme (al. 1). Le financement doit être autonome. Les assureurs présentent séparément au bilan les provisions et les réserves destinées à l’assurance obligatoire des soins (al. 2). Les assureurs tiennent un compte d’exploitation distinct pour l’assurance obligatoire des soins. L’exercice comptable correspond à l’année civile. Les montants des primes et des prestations relatives aux cas de maladie et d’accidents sont indiqués séparément (al. 3). Les assureurs établissent pour chaque exercice un rapport de gestion qui se compose du rapport annuel et des comptes annuels. Le Conseil fédéral détermine les cas dans lesquels un compte de groupe doit également être établi (al. 4). Le rapport de gestion est établi conformément aux règles du code des obligations relatives aux sociétés anonymes et aux dispositions de la présente loi (al. 5).

b. Il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 1er février 2005 (ATF 131 V 66), que dans le cadre du contrôle de la légalité de la clause en question, le juge des assurances sociales doit examiner si celle-ci est conforme au système de la répartition des dépenses (art. 60 al. 1 LAMal) et au principe du financement autonome de l'assurance obligatoire des soins (art. 60 al. 2 et 3 LAMal). En particulier, il lui incombe de vérifier si la clause contestée repose, en ce qui concerne les charges et les produits, sur une comptabilité distincte pour l'assurance-maladie sociale et, dans ce cadre, une comptabilité séparée pour l'assurance obligatoire ordinaire des soins, pour les formes particulières d'assurance au sens de l'art. 62 LAMal et pour l'assurance d'indemnités journalières (art. 81 al. 1 OAMal). L'exigence d'une comptabilité distincte doit être contrôlée également en ce qui concerne les frais d'administration (art. 84 OAMal).

c. Appelé dans un cas particulier à se prononcer sur la légalité d'une position d'un tarif des primes de l'assurance-maladie obligatoire, le juge des assurances sociales doit faire appel à des spécialistes des organes de fixation et d'approbation des tarifs de primes. Au demeurant, il faut tenir compte d'une autre particularité propre aux litiges en matière de tarifs de primes de l'assurance-maladie: la production des comptes des assureurs peut poser des problèmes procéduraux très délicats au regard des droits des parties (droit de l'assuré de consulter les pièces, d'en effectuer des copies) ou du droit au secret des affaires (le risque étant que la comptabilité d'un assureur se retrouve chez un concurrent). C'est pourquoi la plupart des questions auxquelles le juge pourrait être amené à donner des réponses dans le cadre du contrôle qui lui incombe peuvent s'appuyer sur le témoignage (écrit ou oral) de l'organe de révision (art. 86 OAMal), dont l'indépendance est présumée de par la loi (ATF 131 V 76).

En l’espèce, il ressort des nombreuses pièces versées au dossier par la caisse intimée que les comptes de la caisse intimée ont été effectivement tenus séparément s’agissant des années 2000 à 2003, ainsi qu’en attestent en particulier les rapports de l’organe de révision datés du 17 avril 2001, 25 avril 2002, 17 avril 2003 et 31 mars 2004. En outre, les rapports de gestion des années 2001 (p. 38-39), 2002 (p. 42-3), 2003 (p. 38-9) font tous état, dans leur rubrique « Comptes par catégorie » d’une comptabilité séparée entre l’assurance obligatoire des soins LAMal et l’assurance d’indemnités journalières facultative LAMal. Les formes particulières d’assurance sont quant à elles traitées dans la rubrique dévolue aux comptes de la société CSS S.A., donc séparément. Conformément aux principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus, ces éléments de fait suffisent pour constater que la clause tarifaire entreprise repose sur une comptabilité distincte, conformément au système de la répartition des dépenses et au principe du financement autonome de l'assurance obligatoire des soins. Il n’est dès lors pas nécessaire de procéder à l’audition des réviseurs de la caisse.

Le recours s’avère ainsi mal fondé.

5. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mars 2003 par Mesdames M__________ et C__________ R__________, contre la décision de la Chrétienne Sociale Suisse Assurance du 31 janvier 2003 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, auprès du Tribunal fédéral des assurances. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire de recours sera adressé, en trois exemplaires, au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne ;

communique le présent arrêt à l’association suisse des assurés (ASSUAS), à la Chrétienne Sociale Suisse Assurance, ainsi qu'à l’office fédéral des assurances sociales.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Paychère, Thélin, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

S. Hüsler

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :