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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/815/2005

ATA/755/2005 du 08.11.2005 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : EGALITE DE TRAITEMENT; IMPOT; LOGEMENT; VENTE D'IMMEUBLE; INTERPRETATION; VILLA; IMPOT SUR LES GAINS IMMOBILIERS
Normes : LHID.12; LCP.85
Résumé : Notion de remploi en droit fiscal, interprétation de l'art. 85 LCP; l'achat d'un terrain dans le délai de 5 ans suivant la vente d'une villa ne peut pas être considéré comme l'achat d'un immeuble de même nature. Le remploi ne peut ainsi pas être accordé.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/815/2005-FIN ATA/755/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 8 novembre 2005

dans la cause

 

Monsieur R._______

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE



1. Monsieur R._______ (ci-après : M. R._______ ou le contribuable) a acquis en 1984 une villa sise sur la commune de Chêne-Bougeries _______, pour un montant de CHF 1'746'960.-.

2. En date du 7 juillet 1998, M. R._______ a vendu ce bien immobilier pour le prix de CHF 2'000'000.-.

3. Le 17 juillet 1998, le notaire chargé de l’opération a établi une déclaration pour l’impôt sur les bénéfices et les gains immobiliers faisant état d’un gain imposable de CHF 127'540.- et d’une commission de vente de CHF 74'500.-.

4. Suite à cette transaction, l’administration fiscale cantonale a notifié, le 7 septembre 1998, un bordereau d’impôt sur les bénéfices et les gains immobiliers de CHF 12'754.-, soit un taux de 10% du gain imposable.

5. Le contribuable s’est acquitté dudit impôt le 5 octobre 1998.

6. N’ayant pas réussi à trouver une maison qui lui convenait, il s’est résolu à acquérir un terrain afin d’y construire une villa. Par une série d’actes convenus les 15 août 2001 (achat), 30 mai et 5 juin 2002 (division, réunions de parcelles et échange) il a acheté une parcelle de terrain sur la commune de Vandoeuvres pour un prix de CHF 1’136'860.-.

7. Le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le DAEL) lui a octroyé l’autorisation de construire DD 98169-3 en date du 21 juillet 2003.

8. Par courrier du 30 septembre 2003, le contribuable a fait une demande de remboursement de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers s’élevant à CHF 12'754.- à titre de remploi.

9. Par décision du 2 octobre 2003, l’AFC a rejeté la demande de remploi au sens de l’article 85 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05), au motif que le délai prescrit de cinq ans par l’alinéa 2 était échu.

10. Le 10 octobre 2003, le contribuable a saisi la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : la commission) et a conclu à l’admission de sa demande de remploi.

Il a précisé qu’il s’était passé moins de quatre ans entre la vente de sa villa de Chêne-Bougeries (juillet 1998) et l’achat du terrain destiné à la construction de sa nouvelle maison (30 mai et 5 juin 2002). Il s’était également passé moins de cinq ans entre le moment du paiement du bordereau relatif à la vente de la villa (5 octobre 1998) et celui où il avait demandé le remboursement dans le cadre du remploi (30 septembre 2003). L’administration faisait une interprétation excessivement restrictive de la loi en exigeant qu’il ne se passe plus de cinq ans entre la vente de la maison et l’achat ou l’achèvement d’une maison en construction.

11. Dans sa réponse du 10 mars 2004, l’administration a maintenu que les conditions pour bénéficier du remploi de l’article 85 LCP n’étaient pas remplies et a conclu au rejet du recours.

Il y avait remploi au sens de l’article 85 alinéa 2 LCP lorsque l’aliénateur faisait l’acquisition d’un bien de remplacement, c’est-à-dire un bien nouveau semblable à l’ancien de même importance qualitativement et quantitativement. Or, le contribuable n’avait pas démontré qu’il avait procédé à la construction d’une villa et que celle-ci était devenu son habitation. Dès lors, l’exigence liée à l’acquisition d’un immeuble de remplacement de même nature n’était pas réalisé. En effet, l’immeuble dont le contribuable avait fait l’acquisition, soit le terrain, n’était en rien comparable à celui dont il s’était défait, soit une villa servant d’habitation. De plus, le délai de cinq ans entre l’aliénation et l’acquisition d’un bien de même nature était dépassé.

12. Dans son écriture du 19 mars 2004, le contribuable a précisé avoir effectué toutes les démarches nécessaires en vue d’édifier une villa et que celle-ci devait être considérée comme un bien de remplacement donnant lieu au remploi. Le fait que le DAEL avait mis du temps à lui délivrer l'autorisation de construire, ne lui était pas imputable. Pour le surplus, il a persisté dans les termes de son recours.

13. Par décision du 21 février 2005, la commission a rejeté le recours.

La question de savoir si l’acquisition d’un terrain destiné à l’édification d’une villa pouvait être assimilée à un immeuble de même nature au sens de l’article 85 alinéa 2 LCP n’avait pas besoin d’être résolue, attendu que le prix d’achat du terrain faisant office d’immeuble de remplacement était inférieur au prix d’acquisition de la villa de Chêne-Bougeries (art. 85 al. 3 LCP).

14. Par acte du 24 mars 2005, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à son annulation et à l’admission de sa demande de remploi.

L’argumentation de la commission était inadmissible. Elle avait indiqué que selon le système fiscal genevois, c’était l’ensemble des revenus d’un contribuable qui était taxé par principe. Les dérogations étaient une exception, avec pour corollaire que la législation instituant de telles dérogations, devait s’interpréter restrictivement. Or, la vente de la villa ne constituait pas un revenu au sens fiscal. Il convenait de constater qu’à Genève les plus-values en capital de tout genre n’étaient normalement pas taxables si ceux qui les réalisaient n’étaient pas commerçant, avec une exception pour les bénéfices immobiliers. S’agissant d’une exception par rapport au système général, c’était donc le principe de la taxation d’un gain en capital qui devait s’analyser restrictivement.

Enfin, l’approche de la commission instaurait une inégalité de traitement entre ceux qui après avoir vendu leur logement avaient acheté une villa déjà construite, ceux qui avaient acheté un terrain et parvenaient à construire leur maison dans un bref délai et ceux qui avaient acheté un terrain et terminaient la construction de leur maison qu’après un certain temps.

15. L’administration a répondu le 6 mai 2005 en reprenant les arguments préalablement développés par-devant la commission.

Elle a ajouté que les arguments du contribuable étaient faux. En effet, selon la règle posée par le législateur les bénéfices et les gains immobiliers devaient être imposés (art. 80 LCP). L’article 85 LCP était une exception à cette règle et devait, par conséquent, être interprété de façon restrictive. Le but de l’exception étant d’exonérer de l’impôt le contribuable qui avait substitué un bien immobilier dont il avait l’usage, par un autre bien appelé à remplir la même fonction. Dans la mesure où l’article 85 LCP était parfaitement clair, il ne convenait pas de s’écarter de son texte.

De plus, c’était avec raison que la commission avait estimé que les conditions de l’article 85 alinéa 3 LCP n’étaient pas remplies, dans la mesure où le prix d’achat du terrain faisant office d’immeuble de remplacement ascendant à CHF 1'136'860.-, était inférieur au prix d’acquisition de la villa aliénée qui s’élevait à CHF 1'746'960.-. En effet, c’était la plus-value utilisée qui faisait l’objet d’un sursis à l’impôt.

16. Le contribuable a répliqué en date du 10 juin 2005.

L’article 85 LCP était loin d’être clair et on ne pouvait pas exclure toute interprétation. De plus, la loi cantonale ne pouvait pas imposer une solution différente de celle prévue à l’article 12 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), et ce conformément à l’article 72 chiffre 2 LHID.

17 . Dans sa duplique déposée au greffe du Tribunal administratif le 30 juin 2005, l’administration a maintenu son opposition au recours en se fondant sur les arguments précédemment développés.

18. Le 20 septembre 2005, une audience de plaidoirie a eu lieu devant le plénum du Tribunal administratif :

a. M. R._______ a rappelé que sa demande de remploi avait été rejetée par l’AFC, car elle était hors délai. Par la suite, la commission avait refusé d’octroyer le remploi au motif que tous les fonds n’avaient pas été remployés. La différence de raisonnement de ces deux entités démontrait que le texte de l’article 86 LCP n’était pas si clair. De plus, en utilisant les termes « bénéfice » et « de même nature », l’article 86 LCP différenciait de l’article 12 alinéa 3 lettre e LHID qui parlait de « produit » et « d’habitation de même usage ».

Puis, il a abordé le sujet du remploi en cas de réinvestissement partiel en invoquant la circulaire n° 19 de la conférence suisse des impôts et les deux méthodes de calcul : la méthode absolue et la méthode proportionnelle. La méthode proportionnelle n’était pas en accord avec le principe de la réalisation et pouvait dans certains cas conduire à des résultats contestables, voir choquants. C’est pourquoi, la conférence suisse des impôts recommandait aux cantons de suivre la méthode dite absolue.

Pour finir, il a indiqué qu’en ayant acheté sa maison CHF 1'250'000.- en 1984 et en la vendant CHF 1'925'000.- en 1998, il n’avait pas réalisé de réelle plus-value vu les travaux à exécuter. En conséquence, il avait bien investi dans l’immobilier et dès lors remplissait toutes les conditions de la LHID pour bénéficier du remploi.

b. La représentante de l’administration fiscale cantonale a réaffirmé que les articles 85 et 86 LCP étaient parfaitement clairs. La LHID laissait une certaine marge d’appréciation aux cantons, notamment en ce qui concernait le délai approprié au cours duquel le produit de l’aliénation devait être affecté à la construction ou l’acquisition d’une habitation. Elle a rappelé que le texte genevois prévoyait un délai de cinq ans tandis que le canton de Neuchâtel prévoyait un délai de deux ans et celui de Fribourg un délai d’un an. Pour le surplus, elle a persisté dans ses conclusions précédentes.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant estime qu’il est en droit d’obtenir le remboursement de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers, à titre de remploi et que l’administration en le lui refusant a interprété la loi de manière trop restrictive.

3. Le 1er janvier 2001 est entrée en vigueur la nouvelle loi genevoise sur l’imposition des personnes physiques - LIPP, divisée désormais en quatre parties (LIPP-I, LIPP-II, LIPP-III et LIPP-IV) - qui a modifié ou abrogé la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05).

Toutefois, l’article 85 LCP, en vigueur depuis le 1er janvier 1995 et qui reprend pour l’essentiel l’article 86A LCP n’a pas été modifié par ces textes et a la teneur suivante :

"L’impôt est remboursé en cas de remploi du bénéfice résultant de l’aliénation :

a) d’un logement (villa ou appartement) occupé par le propriétaire qui aliène ;

b) d’une propriété exclusivement agricole exploitée par le propriétaire qui aliène, son conjoint ou un membre en ligne directe de sa famille ;

c) de tout autre immeuble cédé à l’Etat, à une commune genevoise ou à une corporation de droit public genevois pour cause d’utilité publique ou d’intérêt général.

2 Il y a remploi au sens de l’alinéa précédent lorsque l’aliénateur utilise le produit de l’aliénation pour acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature, pourvu qu’il ne s’écoule pas plus de cinq ans entre les deux opérations.

3 N’est remboursé que l’impôt relatif au bénéfice qui a été effectivement investi, en plus du montant de la valeur d’acquisition du bien aliéné.

4 L’impôt remboursé est exigible lors de l’aliénation de l’immeuble de remplacement ; les aliénations dont l’imposition est prorogée n’entrent pas en ligne de compte, mais l’acquéreur reprend l’obligation de l’aliénateur dans le cas de l’article 81, alinéa 1, lettres a et b.

5 La prescription et la péremption ne commencent à courir qu’au moment de l’aliénation donnant lieu à la perception de l’impôt."

4. La question qui se pose dans le présent litige est celle de savoir si le contribuable remplit les conditions nécessaires pour bénéficier de l’octroi du remploi au sens de l’article 85 LCP. Il faut donc déterminer s’il a bien investi dans un délai de cinq ans le bénéfice de CHF 127'540.- résultant de la vente de sa villa de Chêne-Bougeries, en plus du montant de la valeur d’acquisition du bien aliéné ascendant CHF 1'746'960.- pour acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature que celui qui a été vendu.

a. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 408). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248).

S’agissant plus spécialement des travaux préparatoires, bien qu’ils ne soient pas directement déterminants pour l’interprétation et ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d’intérêt et peuvent s’avérer utiles pour dégager le sens de la norme. En effet, ils révèlent la volonté du législateur, laquelle demeure, avec les jugements de valeur qui la sous-entendent, un élément décisif dont le juge ne saurait faire abstraction même dans le cadre d’une interprétation téléologique (ATF 119 II 183 consid. 4b p. 186 ; 117 II 494 consid. 6a p. 499). Les travaux préparatoires ne seront toutefois pris en considération que s’ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambigüe et qu’ils aient trouvé expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b p. 129).

b. Contrairement à ce que le contribuable affirme, la rédaction de l’article 85 alinéa 2 LCP est parfaitement claire. Lorsque le produit de la vente d’un immeuble est utilisé pour acquérir un autre immeuble, la perception de l’impôt est différée jusqu’à l’aliénation du 2ème immeuble. Une fois la vente du 1er immeuble effectuée, le contribuable doit acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature dans un délai de cinq ans pour pouvoir bénéficier du remploi. De plus, il doit s’agir d’un immeuble de même nature. L’article 86 A LCP, en vigueur jusqu’au 31 décembre 1986, parlait de tout autre immeuble semblable. Les travaux préparatoires précisent que par bien de remplacement, il faut entendre un bien semblable à l’ancien de même importance qualitativement et quantitativement (Mémorial des séances du Grand conseil de la République et canton de Genève, 1971/I, Volume des débats, séance 4, p. 338). Le mot semblable se rapporte à la fonction de l’immeuble. Le bien de remplacement doit être comparable dans tous ses aspects à celui dont le contribuable s’est défait (ATA L. du 21 septembre 1988).

Dans le cas d’espèce, le délai à prendre en considération est celui qui sépare les deux opérations soit la vente de la villa ayant permis la réalisation du gain d’une part, et l’achat du terrain d’autre part. Or, dans ce cas, le délai de cinq ans est bien respecté mais le terrain ne peut pas être considéré comme un immeuble de remplacement de même nature : il n’est en rien comparable à une villa servant d’habitation. En revanche, si l’on prend en considération la construction de la villa, il s’agit bien d’un immeuble de même nature, mais dans ce cas le délai de cinq ans n’est plus respecté car à ce jour la construction de la nouvelle villa du contribuable n’a toujours pas débuté.

c. Enfin, l’alinéa 3 précise que l’administration ne rembourse que l’impôt relatif au bénéfice qui a été effectivement investi, en plus du montant de la valeur d’acquisition du bien aliéné. En d’autres termes, l’imposition du gain n’est pas différée lorsque le montant réinvesti dans l’acquisition de l’objet de remplacement est inférieur aux dépenses d’investissement de l’immeuble aliéné (Circulaire n° 19 de la conférence suisse des impôts, p. 2). En conséquence, l’impôt n’est reporté que si les dépenses de réinvestissement dans l’immeuble de remplacement sont supérieures à celle de l’investissement dans l’immeuble aliéné (W. RYSER / B. ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, Berne 2002, p. 387).

Dans le cas présent, la condition de l’article 85 alinéa 3 n’est pas remplie, le prix d’achat faisant office d’immeuble de remplacement ascendant à CHF 1'136'860.- est inférieur au prix d’acquisition de la villa aliénée qui s’élevait à CHF 1'176'960.-. Le contribuable allègue qu’il faut prendre en considération le coût de la construction en plus du coût du terrain. Cependant, s’il est vrai que d’après le sens de la loi ces deux montants peuvent être additionnés, il faut encore que la construction soit réalisée dans le délai de cinq ans, ce qui n’est à l’évidence pas le cas.

5. Le contribuable affirme que la législation cantonale genevoise en matière d’impôt sur les gains immobiliers impose une solution différente de celle qui résulte de l’application de l’article 12 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

La LHID désigne les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixe les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 LHID). Il s’agit d’une législation de principe qui s’adresse au législateur cantonal et non aux citoyens (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, Bâle 1998, p.19). En tant que loi-cadre, la LHID laisse une marge de manœuvre aux cantons dans l’adaptation de leur législation aux règles de l’harmonisation. Entrée en vigueur le 1er janvier 1993, la LHID accorde un délai de huit ans aux cantons pour adapter leur législation fiscale aux principes d’harmonisation contenus dans la loi, soit jusqu’au 31 décembre 2000. Passé ce délai, le droit fédéral devient directement applicable si les dispositions cantonales s’en écartent (art. 72 al. 2 LHID).

En l’espèce, l’impôt sur les gains immobiliers est un impôt spécial soumis à la LHID. Il faut par conséquent examiner si, et dans quelle mesure la LHID contient du droit harmonisé contraignant. Selon l’article 12 alinéa 3 lettre e LHID l’imposition sur les gains immobiliers est différée en cas d’aliénation de l’habitation (maison ou appartement) ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l’aliénateur, dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un délai approprié, à l’acquisition ou la construction en Suisse d’une habitation servant au même usage. La lettre de cette disposition est rédigée de façon très large et laisse au législateur cantonal une certaine marge d’appréciation (RDAF 2004 II 262 consid. 3.2 p. 265). A l’intérieur de ce cadre, il appartient au législateur cantonal ou à la jurisprudence de préciser le mode d’imposition. La loi genevoise a respecté dans son texte de loi (art. 85 LCP) les conditions d’octroi du remploi telle que prévues à l’article 12 alinéa 3 lettre e LHID en précisant que le remploi est accordé lorsqu’il s’agit d’un immeuble de même nature et en fixant un délai approprié de cinq ans. En conséquence, la lettre de l’article 85 LCP ne contredit nullement la LHID.

6. Enfin, pour le contribuable, l’article 85 LCP instaure une inégalité de traitement entre les personnes qui achètent un bien déjà construit par rapport aux personnes qui construisent.

En matière fiscale, le principe de l’égalité de traitement est concrétisé par les principes de la généralité et de l’égalité de l’imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de la charge fiscale fondée sur la capacité économique (ATF 122 I 101 consid. 2b p. 103 ; 118 Ia 1 consid. 3a p. 3). Le principe de la généralité de l’imposition interdit que certaines personnes ou groupes de personnes soient exonérés sans motif objectif, les charges financières de la collectivité qui résultent des ses tâches publiques générales devant en principe être supportées par l’ensemble des citoyens. En vertu du principe de l’égalité d’imposition et de l’imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu’ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée.

Rien ne permet objectivement de traiter différemment les contribuables qui achètent un terrain pour construire une villa de ceux qui achètent une villa déjà construite et qui demandent à bénéficier du remploi. En conséquence, ce grief est infondé, car dans les deux cas la loi leur accorde un délai de cinq ans qui doit être considéré comme suffisant pour procéder à la construction d’une villa et bénéficier du remploi.

7. Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mars 2005 par Monsieur R._______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 21 février 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Monsieur R._______ ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :