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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/597/2001

ATA/752/2002 du 03.12.2002 ( TPE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 23.01.2003, rendu le 27.03.2003, REJETE, 1P.50/03
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; EGALITE DE TRAITEMENT; AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PERMIS DE CONSTRUIRE; ESTHETIQUE; SURFACE; AUTORISATION DEROGATOIRE(EN GENERAL); TPE
Normes : LCI.59 al.4 litt.a; CST.8
Relations : ATA S.-K. du 4 mars 1998
Résumé : Le principe de l'égalité de traitement ne permet pas, contrairement à un cas déjà jugé, de déroger au rapport de surface de 20 % dans la présente affaire. En effet, bien que le projet vise également la construction de quatre villas, en 5e zone, dans le même quartier, les constructions envisagées s'intègrent mal au milieu bâti déjà existant, elles ne permettent pas de ménager des espaces de verdure et engendrent une densification sans cohérence de ce secteur de la commune.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 3 décembre 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

LA VILLE D'X.

représentée par Me Bernard Dorsaz, avocat

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

Y. ARCHITECTE S.A.

représentée par Me Soli Pardo, avocat

 



EN FAIT

 

 

1. Par arrêt du 30 janvier 2001 le Tribunal administratif a annulé la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) du 7 décembre 1999 ainsi que l'autorisation de construire n° DD ... au motif que le projet déposé par Y. Architecte S.A. (ci-après : la société) portant sur l'adjonction de quatre villas jumelées et garages sur les parcelles n° 313 et 724 du registre foncier de la commune d'X. (ci-après : la commune) était incompatible avec le développement du quartier et le maintien d'une qualité de vie acceptable en zone de villas. Une dérogation au rapport de surface en vertu de l'article 59 alinéa 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n'était dès lors pas possible (procédure A/53/2000).

 

2. Le 31 mai 2001 le Tribunal fédéral, statuant sur recours de droit public, a admis le recours formé par la société et a annulé l'arrêt du Tribunal administratif. Celui-ci n'avait pas examiné l'argument tiré de l'égalité de traitement discuté par les parties. Or, cet argument revêtait une certaine pertinence car la commission avait rejeté le recours en se fondant essentiellement sur une affaire concernant la construction de quatre villas mitoyennes sur la parcelle voisine (aux n° 6-12 du ch. ...) jugée par le Tribunal administratif.

 

3. Sur quoi les parties ont été invitées à se déterminer sur la question du respect du principe de l'égalité de traitement eu égard à l'autorisation de construire relative aux n° 6 à 12 ch. ... et au projet litigieux.

 

4. Le DAEL a transmis, le 17 août 2001, le dossier d'autorisation de construire relatif aux villas sises aux n° 6-12 ch. ....

 

5. La Ville d'X. s'est déterminée dans un mémoire complémentaire daté du 28 septembre 2001. Elle conclut à la constatation de l'absence de violation du principe de l'égalité de traitement. Le contexte ainsi que les circonstances de fait à l'origine des deux autorisations concernées différaient considérablement. Par ailleurs, la volonté de la Ville d'X. de conserver dans le quartier en cause des espaces suffisants de détente et de jeu ainsi que des zones vertes répondait à un intérêt public pertinent et prépondérant. Les conditions d'une dérogation pour la présente affaire n'étaient donc pas remplies.

 

6. La société s'est exprimée par mémoire complémentaire reçu le 1er octobre 2001. Elle conclut à la constatation de la violation du principe de l'égalité de traitement. Les deux projets étaient identiques. Dans l'affaire jugée le 4 mars 1998 qui portait également sur la construction de quatre villas avec couvert à voitures sises aux n° 6 à 12 ch. ... à X., le Tribunal administratif avait retenu qu'une dérogation d'un coefficient de 0,25 s'imposait au motif de l'égalité de traitement en raison d'autres projets autorisés dans le quartier. Ce même principe commandait que le cas présent soit traité de manière identique à la situation similaire du ch. ....

 

7. Pour le surplus, le tribunal de céans se référera aux faits tels qu'ils ont été exposés dans son arrêt du 30 janvier 2001.

 

8. Les parties ont été informées le 2 juillet 2002 que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Le tribunal de céans n'examinera pas la question de la recevabilité, celle-ci n'ayant pas été contestée devant le Tribunal fédéral.

 

2. Suite à l'arrêt du Tribunal fédéral il convient de déterminer si, dans le cas d'espèce, le principe de l'égalité de traitement impose l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 59 alinéa 4 lettre a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), en particulier au regard de la dérogation au rapport de surface de 20 % accordée par le tribunal de céans pour la construction de quatre villas mitoyennes sur une parcelle voisine.

 

3. Aux termes de l'article 59 alinéa 1 LCI la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 20 % de la surface de la parcelle. Toutefois, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d'architecture, un projet de construction en ordre contigu dont la surface de plancher habitable n'excède pas 25 % de la surface du terrain (art. 59 al. 4 let. a LCI)

 

4. a. Il y a inégalité de traitement interdit par l'article 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) lorsqu'on est en présence de deux ou de plusieurs décisions, émanant d'une même autorité, qui, bien que conformes à la loi sont contradictoires (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne, 2000, vol. II, p. 499).

 

b. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 118 Ia 3).

 

5. a. Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un certain pouvoir d'appréciation qui lui permet en principe de statuer librement. L'autorité est néanmoins tenue d'accorder la dérogation dans un cas où le texte légal l'y oblige expressément ou implicitement, ou encore lorsque la dérogation se justifie par des circonstances particulières, que notamment elle répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou par un intérêt privé auquel ne s'opposent pas un intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants, ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA H. du 7 novembre 1995; ATF 117 Ia 146-147, consid. 4; 117 Ib 134, consid. 6d).

 

b. Lors de l'octroi d'une dérogation, la particularité du cas devra être soigneusement établie, afin d'éviter de se trouver confronté avec une extension inattendue des exceptions (P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 2e éd., Berne, 1994, p. 324). On ne saurait admettre qu'au nom de l'égalité de traitement tous ceux qui se trouvent dans une situation identique bénéficient automatiquement d'une dérogation. En effet, on en viendrait ainsi à faire de l'exception la règle, à réviser la loi sans suivre les procédures régulières et à ne plus respecter l'intérêt public qui a motivé la loi. On dira donc que, dans ces cas, l'intérêt public poursuivi par la loi et le principe de la légalité doivent l'emporter sur le principe de l'égalité de traitement (B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle, 1991, p. 293).

 

6. Dans le domaine de l'aménagement du territoire le principe de l'égalité de traitement ne peut recevoir qu'une application restreinte, car la délimitation entre les divers modes d'utilisation du sol repose sur des pronostics incertains et conduit nécessairement à traiter inégalement des biens-fonds de mêmes situation et qualité (G. MÜLLER in Commentaire de la Constitution fédérale, état mai 1995, art. 4, n° 33 et 40). La délimitation des zones repose sur un certain nombre de principes : c'est par rapport à ces objectifs que, dans l'espace concret qu'il doit classer, l'aménagiste arrêtera l'extension de chaque zone. L'égalité de traitement entre les propriétaires, en fonction des caractéristiques intrinsèques de leurs fonds, ne peut y jouer qu'un rôle secondaire, dès lors que l'aménagement général du périmètre en cause présente en lui-même et par rapport à l'ensemble une cohérence suffisante (P. MOOR, op. cit., p. 463). L'analyse comparative de parcelles considérées isolément est donc remplacée par un examen plus large, celui des motifs justifiant des différences de classement dans la cohérence du plan dans son ensemble et dans la concrétisation qu'il donne sur le terrain aux buts, principes et objectifs de l'aménagement du territoire (P. MOOR, commentaire LAT, 1999, art. 14 n° 42). Le Tribunal fédéral n'accorde ainsi qu'une portée relative au principe constitutionnel de l'égalité de traitement, celui-ci se confondant avec l'interdiction de l'arbitraire (ATF n.p. du 29 novembre 2001 1P.444/2001; n.p. du 3 octobre 2000 1P.416/2000).

 

Le Tribunal fédéral a reconnu que l'extension de la zone à bâtir selon l'article 15 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) devait se faire, non pas parcelle par parcelle, mais en fonction de la cohérence de l'ensemble d'un périmètre, qui doit à son tour s'intégrer dans la planification locale, voire régionale (ATF n.p. du 31 mars 2000 1A 56/1999). Ce raisonnement doit également s'appliquer lors de l'octroi d'une dérogation au rapport de surface de 20 % au sens de l'article 59 alinéa 4 lettre a LCI.

 

7. Dans son arrêt relatif à la construction de quatre villas aux n° 6 à 12 ch. ..., le tribunal de céans a considéré que les conditions pour accorder une dérogation en faveur d'un indice d'utilisation de 0,25 au sens de l'article 59 alinéa 4 lettre a LCI étaient remplies (ATA S.-K. du 4 mars 1998). Il a retenu que l'environnement était essentiellement bâti, en particulier, un complexe de villas mitoyennes d'une densité de construction comparable à celle du projet avait été construit à proximité de la parcelle. La qualité agraire du site n'était dès lors plus qu'un lointain souvenir. Le parc de la Mairie, zone protégée, était séparé du projet par deux villas mitoyennes dont la hauteur était comparable à celle du projet envisagé. Enfin, le projet devait être construit dans un quartier résidentiel et non pas dans le site classé du Vieil-X.. Une dérogation au rapport de surface de 20 % était donc compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. Le projet était également justifié par les circonstances, celui-ci respectant la politique cantonale genevoise en matière d'aménagement du territoire, dont l'objectif était, depuis une quinzaine d'années, une meilleure utilisation et densification du sol dans la 5e zone. Se référant au principe de l'égalité de traitement, il a encore relevé que d'autres projets qui dérogeaient au rapport de surface de 20 % avaient été autorisés dans le quartier.

 

8. S'il est vrai que tant la présente affaire que l'affaire jugée le 4 mars 1998 concernent la construction de quatre villas, en 5e zone, qui se trouveraient dans le même quartier de la commune d'X., ces deux cas ne sont toutefois pas identiques pour différentes raisons.

 

a. Dans l'arrêt du 4 mars 1998, l'esthétique des villas n'a pas fait l'objet de réserves de la part du tribunal de céans. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Deux des quatre villas supplémentaires devraient être édifiées sur la partie supérieure des parcelles, côté nord, entre des villas existantes et le débouché sur le ch. xxx bien que ces dernières soient déjà fort proches dudit débouché. Les deux autres villas projetées seraient construites au sud des parcelles où la situation actuelle laisse l'impression d'une certaine respiration, une pelouse séparant les dernières constructions d'un cordon boisé. Le tribunal a ainsi retenu l'urbanisme particulièrement pauvre du projet qui ne s'harmonise pas avec le caractère du quartier.

 

b. L'autorisation relative au ch. ... visait la construction de quatre villas sur une parcelle de 1'301 m2 tandis que, dans la présente cause, les quatre villas viendraient s'ajouter à un complexe de vingt villas sur des parcelles dont la surface totale est de 12'196 m2. L'ampleur de la dérogation n'est donc de loin pas la même.

 

c. Le tribunal relèvera également que le quartier, déjà bâti lors de l'octroi de l'autorisation pour les villas sises au ch. ..., s'est encore développé vu les vingt nouvelles constructions déjà édifiées. Le secteur a donc subi une densification qui nécessite un examen différent de celui opéré lors de la délivrance de l'autorisation préalablement accordée.

 

d. Enfin, le projet jouxte un complexe de maisons mitoyennes dont la densité de construction est supérieure à 0,20. Une autorisation pour l'édification de quatre villas supplémentaires rendrait ce secteur, compris entre le parc de la Mairie et le ch. xxx, fortement densifié où la dérogation serait alors la règle.

 

Il ressort des considérations qui précèdent que les faits pertinents ne sont pas similaires dans les deux affaires. Les constructions envisagées s'intègrent mal au milieu bâti déjà existant dans le quartier et au sein même de la parcelle, elles ne permettent pas de ménager des espaces de verdure et engendrent une densification sans cohérence de ce secteur de la commune d'X.. Le principe d'égalité de traitement ne permet dès lors pas, contrairement au cas précédemment jugé, d'admettre la réalisation de la clause d'esthétique, condition indispensable pour autoriser une dérogation au rapport de surface de 20 %, dans le cas d'espèce.

 

9. De toute manière, si l'on considérait les situations comme identiques, l'intérêt public visant le maintien d'une qualité de vie acceptable en zone villas devrait l'emporter sur le principe de l'égalité de traitement. Même si la politique tend à une meilleure utilisation et densification du sol en zones villas,celles-ci ne peuvent avoir lieu de manière désordonnée. Il convient d'appliquer la loi en gardant une vue d'ensemble et ne pas autoriser des dérogations sans autre examen. En l'occurrence, la densification de ce secteur de la commune d'X. ne peut s'effectuer sans réflexion et conduire à accepter dorénavant toute dérogation.

 

10. La décision de la commission du 7 décembre 1999 et l'autorisation de construire n° DD ... seront ainsi annulées.

 

11. Au vu de l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument et la Ville d'X. aura droit à une indemnité de procédure de CHF 4'500.-- à la charge de la société.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 7 décembre 1999 ainsi que l'autorisation de construire n° DD 94'794/3;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

alloue à la Ville d'X. une indemnité de procédure de CHF 4'500.-- à la charge de Y. Architecte S.A.;

 

communique le présent arrêt à Me Bernard Dorsaz, avocat de la recourante, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi qu'à Me Soli Pardo, avocat de la société intimée.


 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci