Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3374/2013

ATA/750/2014 du 23.09.2014 sur JTAPI/356/2014 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL ; DÉLAI ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LEtr.33; LEtr.43.al1; LEtr.44; LEtr.47; LEtr.126.al3; OASA.58; OASA.73; Cst.9
Résumé : L'autorisation de séjour obtenue par le recourant, d'une durée de validité de seulement trois mois, ne peut pas marquer le départ du délai de 12 mois pour déposer une demande de regroupement familial en faveur d'un enfant de plus de douze ans. La tardiveté de la demande du recourant, qui s'explique par les informations erronées recueillies aux guichets de l'office cantonal de la population et des migrations, ne peut lui être imputée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3374/2013-PE ATA/750/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 septembre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Maurice Utz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
1er avril 2014 (JTAPI/356/2014)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1975, est ressortissant de Côte d'Ivoire.

2) Il a une fille, C______ (ci-après : C______), née le
______ 1996 en Côte d'Ivoire.

3) Arrivé seul en Suisse en 1999, il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour le 6 octobre 2001, suite à son mariage avec une ressortissante suisse le
6 juillet 2001.

4) Les époux ont divorcé en date du 23 mars 2006.

5) Les 24 août 2006, l'office cantonal de la population, devenu le 11 décembre 2013 l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), a informé M. A______ du fait qu'il ne remplissait plus les conditions légales pour obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour et de son intention de ne pas renouveler celle-ci.

6) Le 23 et 27 septembre 2006, M. A______ a néanmoins sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour.

7) Par courrier du 21 août 2008, l'OCPM a informé M. A______ qu'il était disposé à donner une suite positive à sa demande de prolongation d'autorisation de séjour et a transféré son dossier à l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) pour approbation.

8) Le 26 septembre 2008, l'ODM a communiqué son intention de refuser d'approuver la prolongation de son autorisation de séjour et lui a imparti un délai pour se déterminer à ce sujet.

9) Le 27 février puis le 20 mars 2009 (« retour ODM »), M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour valable jusqu'au 6 juillet 2009.

10) A partir du 6 juillet 2009, la demande de renouvellement de son permis de séjour a été mise en examen par l'OCPM.

S'en sont suivis des échanges de courriers électroniques entre l'OCPM et
M. A______ durant le mois d'août 2009.

Dans un courriel daté du 13 août 2009, ce dernier s'étonnait du temps que mettait l'OCPM à traiter sa demande de renouvellement de permis de séjour. Cela faisait cinq semaines qu'il avait déposé son autorisation de séjour, alors qu'on lui avait fait part d'un délai de traitement de trois semaines entre le dépôt et la décision de renouvellement. Étant actuellement en phase active de recherche d'emploi, on lui demandait sans cesse de présenter son permis, ce qu'il lui était impossible de faire.

Dans sa réponse du 17 août 2009, l'examinateur de l'OCPM en charge du dossier de M. A______ a demandé si ce dernier faisait ménage commun avec sa compagne, Mme D______, ressortissante suisse née le ______ 1973. Il a demandé également à ce que celle-ci déclare par écrit qu'elle subvenait à l'entretien de M. A______.

Par courrier électronique du 18 août 2009, M. A______ a confirmé vivre en ménage commun avec Mme D______.

Par lettre du 24 août 2009 adressée à l'examinateur de l'OCPM,
Mme D______ a confirmé subvenir seule aux besoins du couple.

11) Le 3 septembre 2009, M. A______ a obtenu une autorisation de séjour valable jusqu'au 22 juin 2010, qui a été renouvelée jusqu'au 6 juillet 2011, date à laquelle, encore une fois, le renouvellement de cette autorisation de séjour a été mis à l'examen, portant sur les moyens financiers actuels de l'intéressé.

12) Le ______ 2011, est née à Genève l'enfant E______ D______, fille de M. A______ et de Mme D______.

13) Le 27 janvier 2012, M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement.

14) Le 1er juin 2012, M. A______ a été engagé aux transports publics genevois (ci-après : TPG) comme conducteur de bus. Après une période d'essai, il a été mis au bénéfice d'un contrat de travail de durée indéterminée.

15) Le 16 janvier 2013, C______ a introduit une demande de regroupement familial à l'ambassade de Suisse à Abidjan en vue de rejoindre de manière permanente son père à Genève et d'y poursuivre une scolarité normale. À l'occasion de cette démarche, M. A______ avait communiqué son accord par courrier daté du 10 janvier 2013, précisant notamment que la chambre de C______ était prête dans son appartement.

16) Ladite demande a été reçue par l'OCPM le 31 mai 2013. Par courrier du
26 juin 2013, l'OCPM a requis de la part de M. A______ des informations et documents complémentaires à ce propos.

17) Le 2 juillet 2013, M. A______ a répondu à l'OCPM qu'il avait gardé contact avec sa fille, malgré la distance. Il avait participé à son éducation et l'avait toujours financièrement entretenue, parfois avec l'aide de sa compagne. Il était également retourné en Afrique à chaque fois que l'occasion s'était présentée. C______ vivait à Abidjan avec sa grand-mère paternelle, née le ______ 1952. Âgée de 61 ans et éprouvant des problèmes de santé liés à son âge, cette dernière n'était plus en mesure de s'occuper de sa petite-fille et exprimait le besoin de se reposer. Quant à la mère de C______, elle était partie sans laisser d'adresse alors que celle-ci était âgée de 8 mois.

M. A______ a précisé qu'il vivait depuis dix ans avec sa compagne,
Mme D______, à Genève. Le couple, avec leur petite fille E______, souhaitait accueillir C______ au sein de ce foyer familial stable et équilibré.

Il travaillait comme chauffeur auprès de B______ (salaire brut d'environ
CHF 63'000.-) et sa compagne comme enseignante auprès du département de l'instruction publique, de la culture et du sport (salaire brut d'environ
CHF 88'000.-).

M. A______ a encore expliqué qu'il n'avait pas déposé de demande de regroupement familial plus tôt car il ne pouvait, à l'époque, offrir des conditions de vie décentes à sa fille. Suite à son divorce, il avait perdu son titre de séjour et, par contrecoup, son emploi. Le renouvellement de son titre de séjour avait été mis à l'examen pendant trois ans et il lui avait paru impossible, dans ces conditions, de faire venir sa fille en Suisse, même si celle-ci lui manquait énormément.

18) Par décision du 20 septembre 2013, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de regroupement familial.

Le délai légal de douze mois pour déposer une demande de regroupement familial au bénéfice de C______ avait couru du 8 octobre 2008 au 1er janvier 2009 et était donc échu. En outre, il était dans l'intérêt supérieur de celle-ci, âgée de
17 ans et capable de s'assumer en grande partie, de continuer à vivre en Côte d'Ivoire où elle avait toujours vécu. Il n'existait donc pas de raisons personnelles majeures qui militaient en faveur de sa venue en Suisse.

19) Le 21 octobre 2013, M. A______ a formé recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Il a conclu au fond à l'annulation de la décision de l'OCPM et à l'octroi d'une autorisation de séjour au bénéfice de C______. Il a demandé en outre à faire entendre des témoins.

La manière dont l'OCPM avait traité les demandes de renouvellement de
M. A______ depuis son divorce avait plongé ce dernier dans la confusion. Il n'avait pas compris si son autorisation de séjour avait été révoquée ou non après son divorce et les nombreux échanges de courriers électroniques entretenus avec l'OCPM ne lui avaient pas permis d'éclaircir sa situation. Il ne pouvait pas savoir s'il était au bénéfice d'une autorisation de séjour avant la délivrance de son permis intervenue le 22 juin 2010, et c'était par conséquent à cette date que commençait à courir le délai légal de douze mois pour déposer une demande de regroupement familial.

Certes, la demande de regroupement familial avait été déposée tardivement, le 16 janvier 2013, mais M. A______ invoquait la violation du principe constitutionnel de la bonne foi de l'administration. Il s'était fié aux renseignements obtenus au guichet de l'OCPM à deux reprises, il pensait donc devoir attendre d'avoir une situation plus stable avant de déposer une demande de regroupement familial.

Subsidiairement, la dégradation de l'état de santé de la mère du recourant empêchait celle-ci de s'occuper de C______, et l'intérêt supérieur de cette dernière commandait qu'elle vienne vivre avec son père en Suisse. Partant, M. A______ se prévalait de raisons familiales majeures justifiant un regroupement familial.

20) Le 13 janvier 2014, l'OCPM a communiqué ses observations sur le recours.

M. A______ bénéficiait d'un titre de séjour en Suisse depuis 2001, soit avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20). Le délai de douze mois dans lequel il aurait fallu déposer une demande de regroupement familial avait donc commencé à courir le 1er janvier 2008, conformément aux dispositions transitoires. Par conséquent, la demande de regroupement familial, déposée le 13 mai 2013, était hors délais.

Depuis le 26 février 2009, l'autorisation de séjour de M. A______ avait été régulièrement renouvelée, puis transformée en autorisation d'établissement. Le délai de traitement et les mesures d'instructions ordonnées dans l'intervalle ne l'empêchaient nullement de déposer une demande en faveur de sa fille.

S'il était avéré que la mère de M. A______ éprouvait des problèmes de santé, il n'était pas démontré qu'il n'existait aucune solution alternative permettant à C______, âgée de 17 ans, de rester en Côte d'Ivoire, pays dans lequel elle avait toujours vécu.

21) En réponse aux observations de l'OCPM, par lettre du 20 janvier 2014,
M. A______ rappelait solliciter une comparution personnelle des parties, ainsi que l'audition de Mme D______.

22) Par jugement du 1er avril 2014, notifié le 7 avril 2014, le TAPI a rejeté le recours de M. A______ et mis à sa charge un émolument de CHF 500.-.

Tous les éléments nécessaires pour trancher étant réunis, l'audition de
Mme D______ à titre de témoin ne s'avérait pas être nécessaire.

Le recourant bénéficiait d'un titre de séjour en Suisse depuis 2001, soit avant l'entrée en vigueur de la LEtr. Le délai légal de douze mois pour déposer une demande de regroupement familial en faveur de C______ avait donc commencé à courir le 1er janvier 2008. Par conséquent, la demande déposée en janvier 2013 auprès de l'Ambassade de Suisse à Abidjan était hors délai.

Aucun élément au dossier ne prouvait une violation du principe de la bonne foi au travers de faux renseignements dispensés par l'OCPM au recourant. Ce dernier était par ailleurs représenté par un avocat dès 2006 dans le cadre du renouvellement de son autorisation de séjour. Il aurait donc pu se renseigner auprès de son représentant à propos de son projet de regroupement familial.

En outre, l'OCPM n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que les raisons alléguées par le recourant à l'appui de sa demande de regroupement familial ne constituaient pas des raisons familiales majeures. Il apparaissait que le recourant pouvait continuer d'assumer l'entretien économique de C______ depuis la Suisse et que, malgré les problèmes de santé rencontrés par sa grand-mère, C______ pouvait continuer à vivre auprès de sa famille dans son pays natal.

C______ avait toujours vécu en Côte d'Ivoire, pays dans lequel elle avait toute sa famille, à l'exception du recourant, ainsi que toutes ses attaches culturelles et sociales. Le recourant n'avait de plus jamais fait venir C______ en Suisse, pays dont cette dernière ignorait donc tout.

La demande de regroupement familial paraissait d'avantage motivée par des raisons économiques que par un réel désir de constituer une communauté familiale, ce qui ne répondait pas au sens et au but de l'institution du regroupement familial.

23) Le 22 mai 2014, M. A______ a interjeté recours contre le jugement du TAPI par devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu au fond à ce que Mme D______ soit auditionnée, à l'annulation du jugement rendu par le TAPI, à la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de C______, à la condamnation de l'OCPM en tous les dépens dont une participation équitable aux honoraires de son conseil et au déboutement de l'autorité intimée de toutes autres ou contraires conclusions.

L'état de fait du jugement querellé ne tenait absolument pas compte des grandes difficultés rencontrées par le recourant pour connaître sa situation au niveau du renouvellement de son autorisation de séjour. L'intimé n'avait d'ailleurs aucunement contesté ou expliqué les raisons de la lenteur extrême et du manque de clarté avec lequel avait été traité le dossier du recourant. L'OCPM n'avait pas non plus contesté les informations erronées que le recourant avait reçu à deux reprises au guichet. Malgré cela, l'audition de Mme D______, requise par
M. A______, n'avait pas été jugée nécessaire par le TAPI.

Le recourant s'était fié à deux reprises aux informations claires obtenues au guichet de l'OCPM et avait alors pensé ne pas pouvoir déposer de demande de regroupement familial en faveur de sa fille, tant qu'il n'avait pas de contrat de travail de durée indéterminée et une situation financière saine. Le recourant n'avait pas été simplement découragé de faire valoir ses droits ; il lui avait été dit qu'il n'en avait pas, pour l'heure, en raison de sa situation personnelle. Ces informations avaient eu des conséquences irrémédiables sur la situation du recourant puisque sa demande était à présent considérée comme hors délai. Par conséquent, le principe de bonne foi de l'administration avait été violé.

Subsidiairement, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la lenteur de l'OCPM devait être prise en compte lors de l'examen de raisons familiales majeures car cela expliquait la tardiveté avec laquelle les personnes concernées avaient exprimé leur volonté de constituer une communauté familiale.

Le TAPI avait largement sous-estimé l'importance des atteintes à la santé de la mère du recourant et l'intérêt supérieur de C______ commandait qu'elle vienne vivre en Suisse avec son père, seule solution conforme à cet intérêt, notamment du fait qu'aucun membre de la famille n'avait les moyens de l'accueillir. L'enfant n'avait en outre jamais été entendue alors que tous les développements jurisprudentiels découlant de la Convention internationale sur les droits de l'enfant indiquaient que plus l'enfant approchait de la majorité, plus il y avait lieu de prendre en compte son avis.

24) Le 18 juin 2014, l'OCPM a répondu à ce recours en reprenant l'argumentation développée dans le jugement du TAPI rendu le 1er avril 2014.

25) Lors de l'audience du 27 août 2014, devant le juge délégué, M. A______ a été entendu et Mme D______ a été auditionnée en qualité de témoin.

a. Ils ont tous deux affirmé être allés ensemble se renseigner auprès de l'OCPM au cours de l'été 2010 quant à la possibilité de faire venir C______ en Suisse. Mme D______ a affirmé que la personne au guichet avait dit qu'il n'était pas possible de demander un regroupement familial tant que la procédure visant à l'obtention d'un permis était en examen. M. A______ a quant à lui affirmé que c'était peu de temps après la réception de son permis de séjour délivré le 22 juin 2010 qu'il s'était rendu à l'OCPM. Cette personne lui avait clairement dit, sans qu'il se souvienne exactement des mots employés, qu'un travail fixe avec un contrat de durée indéterminée était requis pour pouvoir former la demande de regroupement familial en faveur de C______. Or le recourant travaillait alors en tant qu'intérimaire.

M. A______ et Mme D______ ont tous les deux affirmé être retournés au guichet de l'OCPM entre juillet et début septembre 2011 se renseigner pour faire venir C______ en Suisse. M. A______ a affirmé que la personne au guichet l'avait informé que l'OCPM ne savait pas s'il allait renouveler son permis et le cas échéant s'il allait lui donner un permis B ou C. De plus, elle avait dit qu'une demande de regroupement familial compliquerait les choses et qu'à sa place, elle attendrait d'avoir un permis et un travail fixe avant de demander à faire venir C______. Mme D______ a affirmé que cette personne avait déclaré que le retard dans la procédure était dû au fait que l'OCPM évaluait la possibilité de l'octroi d'un permis C. Il était préférable d'attendre le permis C et d'essayer entre-temps d'obtenir une situation stable sur le plan professionnel avant de déposer une demande de regroupement familial.

M. A______ a affirmé être retourné seul au guichet de l'OCPM au milieu du mois de juin 2012 car il venait d'être embauché par les TPG de manière fixe. La personne au guichet lui avait dit d'attendre au moins six mois de manière à ce que son emploi soit confirmé avant de déposer une demande de regroupement familial pour C______. Selon les déclarations de Mme D______, M. A______ s'était rendu à l'OCPM dans les semaines ou les mois qui avaient suivi les renseignements de l'été 2011 pour se renseigner sur son autorisation de séjour et pour trouver un emploi stable ainsi que pour le regroupement familial de C______. Il était important pour le couple que leur fille et sa soeur C______ puissent se rencontrer.

b. Selon ses déclarations, M. A______ s'était rendu seul à l'OCPM quatre ou cinq jours avant le dépôt par C______ de sa demande de visa de long séjour à Abidjan, déposée le 16 janvier 2013. L'homme rencontré à la réception lui avait dit qu'il remplissait les conditions pour obtenir un regroupement familial en faveur de C______ et lui a indiqué les démarches à entreprendre. C'était la dernière fois qu'il s'était rendu à l'OCPM.

En 2006, à l'époque où il était assisté par son précédant avocat, il ne savait même pas s'il avait droit à un permis de séjour. C'est d'ailleurs dans le but d'obtenir une autorisation de séjour qu'il avait mandaté ce conseil. Dans ces conditions, il ne pouvait penser à faire venir sa fille, sa priorité étant d'obtenir tout d'abord un permis de séjour.

Peu de temps après la naissance de E______, le couple avait quitté son appartement de 3,5 pièces pour habiter un 6,5 pièces à Genève.

c. Pour sa part, Mme D______ a affirmé être séparée de M. A______ depuis deux mois avant l'audience.

C'était depuis 2004 ou 2005 qu'ils avaient formulé leur souhait de faire venir C______ à Genève. Elle avait notamment demandé à l'inspectrice scolaire comment faire pour que C______ soit scolarisée dans l'école où elle enseignait. Par la suite, tout s'était compliqué car en perdant son permis, M. A______ avait également perdu son emploi au G______ qui était situé en Suisse et en France. Cela avait remis en question la possibilité de faire un regroupement familial. Elle pensait que sans papiers, on ne pouvait pas obtenir un regroupement familial. Mais le souhait de faire venir C______ avait toujours été présent et cela les avait même amenés à renoncer à certains projets personnels.

Durant la vie commune, ils essayaient de contacter C______ et sa grand-mère régulièrement, en tout cas une fois par semaine. C______, qui parlait parfaitement le français, avait besoin de son père afin qu'il lui donne des conseils pour ce qu'elle devait faire à l'école et dans telle ou telle situation de la vie. Il représentait pour elle l'autorité paternelle. C'est par contre Mme D______ qui parlait avec C______ sur les sujets qui concernaient sa vie intime. Celle-ci l'appelait « maman » depuis le début.

M. A______ n'avait pas fait venir C______ pendant ses vacances scolaires en Suisse car sa situation professionnelle était trop instable. En outre, entre l'été 2010 et l'automne 2011, lorsqu'elle n'était pas au travail, Mme D______ était constamment en train de s'occuper de sa mère, qui avait contracté un cancer du pancréas. Dans ces conditions, l'accueil de C______ aurait été problématique, d'autant plus que M. A______ travaillait dans le canton de Vaud. Au surplus, ce dernier ne souhaitait pas faire porter une charge supplémentaire à sa compagne en faisant venir C______ en vacances, alors qu'il dépendait déjà lui-même d'elle, financièrement parlant.

De son côté, C______ avait toujours souhaité rejoindre son père en Suisse mais avait néanmoins été préparée à l'idée que cela soit refusé par les autorités suisses.

26) Le 5 septembre 2014, l'OCPM a rendu ses observations après enquêtes.

Les moyens de preuve avancés par le recourant ne permettaient pas d'établir l'existence de ces entretiens aux guichets de l'OCPM.

Si par hypothèse ces événements étaient admis par la chambre, la demande de regroupement familial serait en tout état de cause hors délais, ce qui rendait les informations transmises par l'OCPM sans incidence quant à la procédure de regroupement familial engagée par M. A______.

Par surabondance, les collaborateurs du secteur accueil n'avaient pas la qualité d'examinateur et n'étaient donc pas habilités à se prononcer sur des cas particuliers, leurs principales fonctions étant de réceptionner des documents, d'établir des attestations, d'octroyer des visas de retour, ainsi que de délivrer des informations d'ordre général. Les demandes d'octroi et de renouvellement des titres de séjour étaient traitées par le secteur séjour de l'OCPM.

En 2011, M. A______ avait été informé que son dossier était « à l'examen » lors de son passage au guichet. La collaboratrice du secteur accueil ne pouvait dès lors pas le renseigner plus précisément, si ce n'était de le conseiller : « À votre place j'attendrais [...] ». Un simple conseil d'un collaborateur non compétent ne pouvait pas lier l'administration.

Par ailleurs, M. A______ disposait de différents moyens pour vérifier les informations qui lui avaient été dispensées par l'OCPM. Il aurait pu se renseigner auprès de son précédent avocat, au terme de la procédure de renouvellement de son permis de séjour ou encore vérifier au moyen d'internet, les informations obtenues au guichet de l'OCPM en tapant simplement les mots « regroupement familial » dans un moteur de recherche.

Les informations qui auraient été a priori données à M. A______ n'étaient pas inexactes. Il était d'usage de suspendre une demande de regroupement familial lorsque le titulaire du titre de séjour était en procédure de renouvellement. Par ailleurs, il était courant que la situation financière de la famille soit prise en considération dans le cadre du regroupement familial.

27) Par courrier du 8 septembre 2014, M. A______ a également émis ses observations après enquêtes et maintenu les conclusions de son recours.

En ce qui concernait les faits, les déclarations de Mme D______ et les siennes propres étaient particulièrement détaillées et concordantes.

Les réponses obtenues de l'administration sur les possibilités de déposer une demande de regroupement familial étaient claires. Une telle possibilité n'existait pas, dans leur situation, il n'y avait pas lieu de déposer une telle demande. Les informations erronées de l'OCPM en 2010 et en 2011 avaient eu un effet décisif sur ses droits et sur ceux de sa fille.

En outre, le recourant ne pouvait être en mesure de respecter les délais stricts prévus par la LEtr que s'il se savait en possession d'une autorisation de séjour valable, ce qui n'était manifestement pas le cas en l'espèce, entre 2006 et 2010. Par ailleurs, il n'aurait jamais été à même de déposer une demande de visa de longue durée auprès de l'ambassade de Suisse à Abidjan durant cette période, puisque préalablement, il lui aurait été demandé copie d'une autorisation de séjour valable.

Le permis B obtenu en mars 2009 n'était valable que pour une durée de trois mois. Il était mentionné sur cette autorisation de séjour : « valable jusqu'au x juillet 2009 ». À partir de juillet 2009, son autorisation de séjour ayant été réexaminé, il n'était plus en possession d'un titre de séjour valable. Ce n'était qu'en juillet 2010 qu'il avait enfin obtenu un titre de séjour valable une année. C'était à ce moment-là qu'il s'était rendu auprès de l'OCPM pour connaître ses droits en matière de regroupement familial.

Pour toutes ces raisons, le délai d'une année pour déposer la demande de regroupement familial de C______ n'avait commencé à courir qu'à partir du mois de juillet 2010. Par la suite, le recourant n'avait pas déposé de demande de regroupement familial, contrairement à ce qu'il envisageait, en raison des informations erronées qu'il avait obtenues de l'OCPM.

Subsidiairement, le retard qu'il avait mis à déposer sa demande de regroupement ne devait pas lui être imputé lors de l'examen de raisons familiales majeures. Les disfonctionnements de l'OCPM expliquaient la raison pour laquelle il n'avait pas déposé de demande plus tôt.

28) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant soutient tout d'abord que le délai de douze mois dans lequel il aurait dû déposer une demande de regroupement familial au bénéfice de sa fille a commencé à courir le 22 juin 2010.

3) La LEtr règle notamment l'entrée en Suisse et la sortie de Suisse, le séjour des étrangers et le regroupement familial (art. 1). Elle a été adoptée le
16 décembre 2005 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2008.

4) a. L'art. 43 LEtr dispose que le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui (al. 1). Après un séjour légal ininterrompu de cinq ans, le conjoint a droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement (al.2). Les enfants de moins de douze ans ont droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement (al. 3).

À teneur de l'art. 44 LEtr, l'autorité compétente peut octroyer une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour et à ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans aux conditions
suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c).

b. En vertu de l'art. 47 LEtr,le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de douze ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de 12 mois (al. 1). Pour les membres de la famille d'étrangers, les délais commencent à courir lors de l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement ou lors de l'établissement du lien familial (al. 3 let. b).Passé ce délai, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures. Si nécessaire, les enfants de plus de 14 ans sont entendus
(al. 4).

Selon l'art. 73 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA ; RS 142.201), entrée en vigueur le 1er janvier 2008, les demandes de regroupement familial pour les conjoints et les enfants des titulaires d'une autorisation de séjour doivent être déposées dans les cinq ans. Les demandes de regroupement familial pour les enfants de plus de douze ans doivent être déposées dans les douze mois (al. 1). Les délais prévus à l'al. 1 commencent à courir au moment de l'octroi de l'autorisation de séjour ou de l'établissement du lien familial (al. 2). Passé ce délai, le regroupement familial différé ne peut être autorisé que pour des raisons familiales majeures. Si nécessaire, les enfants de plus de quatorze ans sont entendus. En règle générale, l'audition se déroule dans les locaux de la représentation suisse du lieu de séjour (al. 3).

c. L'art. 126 al. 3 LEtr, disposition transitoire, précise que les délais prévus à l'art. 47 al. 1 LEtr commencent à courir à l'entrée en vigueur de la loi, dans la mesure où l'entrée en Suisse ou l'établissement du lien familial sont antérieurs à cette date.

5) Selon un arrêt du Tribunal fédéral du 10 octobre 2011, à teneur de sa lettre, l'art. 47 al. 3 let. b LEtr ne fait pas de distinction, s'agissant du commencement des délais pour déposer une demande, selon que l'étranger qui veut faire venir sa famille en Suisse bénéficie d'une simple autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement. Dans les deux cas, les délais commencent à courir dès l'octroi de l'autorisation visée. Pourtant, selon la loi, seuls les enfants (étrangers) du titulaire d'une autorisation d'établissement disposent d'un véritable droit au regroupement familial en vertu de l'art. 43 LEtr. Pour les enfants étrangers du titulaire d'une autorisation de séjour, l'art. 44 LEtr prévoit seulement, selon la volonté du législateur, que l'autorité compétente « peut » leur octroyer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à certaines conditions (énumérées aux let. a à c : vie en ménage commun ; logement approprié ; non-dépendance à l'aide sociale). Les Chambres fédérales n'ont en effet pas voulu, sous l'impulsion du Conseil des États, adhérer sur ce point à la proposition du Conseil fédéral qui prévoyait, à l'art. 43 du projet (FF 2002 3614 s.), que le conjoint et les enfants étrangers du titulaire d'une autorisation de séjour avaient, aux mêmes conditions que celles prévues sous les let. a à c de l'actuel art. 44 LEtr, un véritable droit à l'octroi d'une autorisation de séjour, à l'instar de ce que prévoit le droit actuel pour le conjoint et les enfants étrangers du titulaire d'une autorisation d'établissement (ATF 137 II 393 consid. 3.3 ; pour un aperçu de la procédure parlementaire, Martina CARONI, in CARONI/GÄCHTER/ THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, n. 1 ad art. 44 LEtr et les références citées aux Bulletins officiels du Conseil des États [BO CE] et du Conseil national [BO CN]).

Cette restriction du législateur n'est pas sans conséquence sur l'art. 47 LEtr. Si l'on se réfère aux textes allemand et italien de l'art. 47 al. 1 première phrase LEtr, les délais qui y sont prévus visent en effet les seules situations où il existe un « droit au regroupement familial » (« Anspruch auf Familiennachzug » ; « diritto al ricongiungimento familiare »). Dans la mesure où ils n'ont pas de droit à une autorisation de séjour selon le droit interne (les conventions internationales étant réservées), les membres de la famille du titulaire d'une simple autorisation de séjour ne sont donc, à rigueur du texte légal, pas soumis à des délais pour déposer une demande de regroupement familial. Une telle interprétation littérale se heurte toutefois à la volonté du législateur qui, en restreignant les possibilités de regroupement familial pour cette catégorie d'étrangers, n'entendait évidemment nullement les dispenser du respect des délais de l'art. 47 LEtr. Il serait en effet incompréhensible que de tels délais ne soient valables que pour les étrangers qui sont membres de la famille de ressortissants suisses (art. 47 al. 3 let. a LEtr; sous réserve des cas visés à l'art. 42 al. 2 LEtr) ou de ressortissants étrangers établis, mais non pour les membres de la famille étrangers de titulaires d'une autorisation de séjour. En réalité, il s'agit d'une inadvertance du législateur qui, en modifiant l'art. 44 LEtr, a omis d'adapter la rédaction de l'art. 47 al. 1 LEtr. Afin de corriger cet oubli, le Conseil fédéral a édicté l'art. 73 OASA, qui transpose les délais prévus à l'art. 47 LEtr aux membres de la famille étrangers du titulaire d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 393 consid. 3.3).

On peut se demander si le Conseil fédéral avait la compétence matérielle de décréter de tels délais qui, en raison de leur importance, nécessitaient certainement un ancrage dans une norme primaire ou, du moins, une claire délégation de compétence dans la loi. La question peut toutefois demeurer indécise dans la mesure où l'art. 73 OASA ne fait que corriger une incohérence de la loi qu'une interprétation historique et téléologique de celle-ci impose de toute façon. D'ailleurs, le texte français de l'art. 47 LEtr, qui parle des « délais pour le regroupement familial », va dans le sens d'une telle interprétation (ATF 137 II 393 consid. 3.3).

En raison de la nature potestative (« Kann-Vorschrift ») de l'art. 44 LEtr voulue par le législateur, le bénéficiaire d'une autorisation de séjour se trouve désormais dans une situation paradoxale et précaire, puisqu'il est tenu de respecter les délais stricts prévus à l'art. 47 LEtr (en lien avec l'art. 73 OASA) pour faire sa demande de regroupement familial, sans toutefois disposer de droit à cet égard ; en cas de refus de l'autorité, sa protection juridique est limitée - il lui est notamment impossible de faire un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (art. 83 let. c ch. 2 LTF a contrario; ATF 137 I 286 consid. 1.2) - et il court le risque d'être forclos pour déposer une nouvelle demande si par suite d'un changement dans sa situation personnelle, il bénéficie d'un véritable droit au regroupement familial. Afin de tempérer la rigueur de ce système, il y a dès lors lieu de prévoir que les étrangers ne disposant pas d'un droit au regroupement familial (p. ex. les titulaires d'une simple autorisation de séjour) qui ont sans succès sollicité une première autorisation de séjour en faveur des membres de leur famille peuvent, ultérieurement à la survenance d'une circonstance leur ouvrant un véritable droit au regroupement familial (p. ex. obtention d'un permis d'établissement, naturalisation, mariage avec un ressortissant suisse, etc.), former une nouvelle demande même après l'échéance des délais de l'art. 47 LEtr (art. 73 OASA) ; il faut toutefois que la première demande infructueuse ait été déposée dans ces délais (incombance) et que la seconde demande intervienne également dans ces délais (ATF 137 II 393 consid. 3.3 ; Niccolò RASELLI/Christina HAUSAMMANN/Urs Peter MÖCKLI/David URWYLER, in Ausländerrecht, UEBERSAX/RUDIN/HUGI YAR/GEISER [éd.], 2e éd., 2009, nos 16.11 et
16.21 ad § 16).

6) L'art. 33 LEtr dispose qu'une autorisation de séjour est octroyée pour un séjour de plus d'une année (al. 1).Elle est octroyée pour un séjour dont le but est déterminé et peut être assortie d'autres conditions (al. 2).Sa durée de validité est limitée, mais peut être prolongée s'il n'existe aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 (al. 3).

L'art. 58 OASA précise que l'autorisation de séjour initiale est valable une année; elle peut être prolongée de deux ans. Des exceptions sont possibles dans des cas dûment motivés (al. 1). La pièce de légitimation étrangère (art. 8) doit être encore valable pendant six mois après l'expiration de l'autorisation de séjour. Des exceptions sont possibles dans des cas dûment motivés (al. 2).

7) a. Le recourant est entré en Suisse en 1999, antérieurement à l'entrée en vigueur de la LEtr. Les délais de l'art. 47 al. 1 LEtr sont entrés en vigueur le
1er janvier 2008.

b. La fille du recourant a atteint l'âge de douze ans le ______ 2008.

c. Vu l'art. 47 al. 3 let b. LEtr, ce n'est qu'à partir du moment de l'obtention d'une autorisation de séjour par le recourant que le délai prévu à l'art. 47 al. 1 LEtr a en principe commencé à courir.

La question cardinale est donc de déterminer à quel moment le recourant a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour, faisant partir le délai dans lequel le recourant devait déposer une demande de regroupement familial.

d. Dans le cas d'espèce, du 1er janvier 2008 au 20 mars 2009, l'autorisation de séjour du recourant était en procédure de renouvellement (depuis le 24 août 2006). Le 20 mars 2009, le recourant à obtenu une autorisation de séjour, valable jusqu'au 6 juillet 2009. Depuis le 6 juillet 2009, une nouvelle procédure de renouvellement a débuté.

L'autorisation de séjour du 20 mars 2009 ne satisfaisait pas les exigences des art. 33 et 58 LEtr, qui prévoient une durée minimum d'une année de validité pour chaque autorisation de séjour.

Une durée de validité plus courte peut sans doute être justifiée par des raisons pratiques liées à l'administration. Il apparaît néanmoins, dans les circonstances toutes particulières du présent cas, que le recourant se trouvait dans une situation incertaine quant à son droit de séjourner en Suisse. D'une part, la très longue procédure de renouvellement de son permis de séjour, entre le 24 août 2006 et le 20 mars 2009, pouvait raisonnablement laisser penser au recourant qu'il n'était plus en possession d'un permis de séjour. D'autre part, son permis de séjour obtenu le 20 mars 2009, d'une durée de validité de seulement trois mois, directement suivi d'une nouvelle procédure de renouvellement, n'a pas pu lui faire apparaître qu'il avait véritablement un droit à séjourner en Suisse. L'incompréhension du recourant face aux procédures successives de renouvellement de son autorisation de séjour transparaît au travers des courriers électroniques échangés avec l'OCPM durant le mois d'août 2009.

Dans les circonstances très particulières du cas d'espèce, la situation instable et précaire dans laquelle cette brève autorisation de séjour a laissé le recourant n'a donc pas pu marquer le départ du délai pour déposer une demande de regroupement familial.

C'est l'autorisation de séjour du 22 juin 2010, d'une durée de validité de plus d'un an, qui marque le dies a quo du délai de douze mois dans lequel le recourant devait déposer une demande de regroupement familial au bénéfice de sa fille.

Au demeurant, même dans le cas où le délai aurait commencé à courir le
3 septembre 2009 pour échoir le 3 septembre 2010, la solution qui suivra n'aurait pas été différente.

8) Le recourant accuse l'OCPM d'avoir violé le principe de la bonne foi de l'administration en lui fournissant des renseignements erronés qui sont la cause de son retard ainsi que de la perte de son droit au regroupement familial.

9) Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées et sans réserve, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée. Enfin, f) l'intérêt à une application stricte du droit objectif ne doit pas l'emporter sur l'intérêt découlant de la protection de la bonne foi (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 ; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; ATF 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; ATF 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1; 2C_1023/2011du 10 mai 2012 consid. 5).

10) En l'espèce, lors de l'audience de comparution personnelle du 27 août 2014, les déclarations du recourant ainsi que le témoignage de sa compagne se sont révélés être concordants et convaincants sur les éléments essentiels de la cause, la question de la situation professionnelle et financière du recourant et celle de la mise en examen de l'octroi de l'autorisation de séjour étant en l'occurrence liées.

a. Le couple s'est rendu au guichet de l'OCPM, entre le mois de juillet et août 2010, pour se renseigner sur les démarches à suivre pour effectuer un regroupement familial en faveur de la fille du recourant. Ces démarches ont donc été effectuées dans le délai de douze mois prévu par la LEtr. Cette date de mise en oeuvre de ce projet de regroupement familial, qu'ils avaient en tête depuis une dizaine d'années, peut s'expliquer par l'obtention du premier permis de séjour d'une durée supérieure à un an en faveur du recourant, le 22 juin 2010.

La collaboratrice rencontrée au guichet n'a pas su renseigner le recourant sur le regroupement familial que ce dernier projetait. Au contraire, elle a fait clairement comprendre au recourant qu'une telle demande était impossible tant qu'il n'était pas en mesure de présenter un contrat de travail de durée indéterminée à l'appui. Ce faisant, elle a fourni sans réserve une information erronée portant sur le droit du regroupement familial, ce qui est à l'origine même du litige.

b. La personne rencontrée au guichet est une collaboratrice du secteur accueil de l'OCPM. Parmi les principales fonctions qu'elle doit assumer figure le devoir de donner des informations générales. Or en l'espèce, il s'agissait bien de renseigner le recourant sur les démarches à suivre pour effectuer une demande de regroupement familial, ce qui est un renseignement général, portant sur la situation concrète du recourant. Cette personne agissait donc dans le cadre de ses compétences. À tout le moins, le recourant et sa compagne pouvaient raisonnablement considérer que tel était le cas (ATF 137 III 182 consid. 3.6.2).

c. Les dispositions de la LEtr régissant le regroupement familial ne sont pas aisément compréhensibles. Comme exposé plus haut, la superposition de deux dies a quo pose inévitablement des difficultés de compréhension au lecteur profane. Par ailleurs, l'art. 47 al. 3 LEtr manque de clarté, raison pour laquelle le Tribunal fédéral a procédé à son interprétation, postérieurement à l'état de fait consacré par le présent recours, dans l'arrêt ATF 137 II 393 précité.

Étant donné le flou juridique dans lequel se trouvait le recourant à l'époque des faits, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas vérifié les informations dispensées par la collaboratrice du secteur accueil de l'OCPM. Par ailleurs, la clarification jurisprudentielle, intervenue postérieurement, a énoncé pour la première fois clairement l'incombance consistant à déposer une première demande de regroupement familial dans le délai légal, et cela même si le demandeur ne satisfait pas les conditions requises. C'est probablement pour cette raison que la collaboratrice de l'OCPM a informé de manière inexacte le recourant. À cet égard, objectivement, en 2010 et en 2011, sous l'empire de l'art. 44 LEtr, les chances du recourant d'obtenir le regroupement familial pour sa fille, vu notamment la précarité de sa situation professionnelle, n'étaient nullement avérées.

Ainsi, le recourant n'était pas en mesure de se rendre compte de l'inexactitude du renseignement fourni par la collaboratrice de l'OCPM.

d. En été 2010, sur la base des informations erronées obtenues, le recourant a renoncé à déposer une demande de regroupement familial, alors que le délai de douze mois courait encore.

En ne déposant pas la demande de regroupement familial dans les délais, le recourant a perdu l'opportunité de présenter sa demande de regroupement familial lorsqu'il était au bénéfice d'une autorisation de séjour et a perdu son droit futur au regroupement familial en faveur de sa fille, qui serait né lors de l'obtention de son permis d'établissement le 27 janvier 2012. Il est à cet égard précisé que la situation professionnelle et de logement du recourant s'est notablement améliorée, de manière durable, au printemps 2012, soit après l'obtention de ce permis.

e. Depuis l'entrée en vigueur de la LEtr le 1er janvier 2008, les dispositions pertinentes pour la présente cause n'ont pas été modifiées.

f. Enfin, aucun intérêt public n'impose en l'occurrence de ne pas protéger la bonne foi du recourant.

11) Les conditions posées par la jurisprudence étant toutes remplies, l'OCPM a violé le principe de la bonne foi en incitant, à trois reprises, de manière claire le recourant à attendre avant de déposer une demande de regroupement familial dans un premier temps, pour, finalement, lui annoncer que sa demande était hors délai et examiner sa demande de regroupement familial déposée le 16 janvier 2013 sous le seul angle des raisons familiales majeures.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du fait que, depuis l'été 2010, le recourant a sollicité chaque année de l'OCPM des renseignements concernant l'autorisation de séjour de sa fille en Suisse et obtenu les mêmes informations, le non-respect du délai ne saurait lui avoir fait perdre le droit au regroupement familial dont sa fille jouit depuis l'obtention, le 27 janvier 2012, d'une autorisation d'établissement.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, il faut cependant que le droit au regroupement familial soit exercé au travers d'une demande de regroupement familial déposée dans un délai de douze mois depuis l'obtention de l'autorisation d'établissement, c'est-à-dire jusqu'au 27 janvier 2013.

En l'espèce, la fille du recourant a déposé la demande de regroupement familial à l'ambassade de Suisse à Abidjan le 16 janvier 2013 en vue de rejoindre son père à Genève.

Par conséquent, cette demande doit être considérée comme ayant été déposée dans le respect des délais posés par l'art. 47 al. 1 LEtr et doit être examinée en application de l'art. 43 LEtr.

12) Comme vu précédemment, l'art. 43 LEtr prévoit un droit au regroupement familial notamment pour les enfants célibataires de moins de 18 ans du titulaire d'une autorisation d'établissement, sans conditions telles que celles de nature financière.

Selon l'art. 51 al. 2 let. a LEtr, le droit prévu à l'art. 43 s'éteint lorsqu'il est invoqué abusivement, notamment pour éluder les dispositions de la présente loi sur l'admission et le séjour ou ses dispositions d'exécution.

En l'espèce, la fille du recourant a 17 ans et est invitée par ce dernier à vivre en ménage commun avec lui à Genève. Ce regroupement familial est le fruit d'un projet datant d'une dizaine d'années et la tardiveté de la demande s'explique par les informations erronées dispensées par la collaboratrice du secteur accueil de l'OCPM ainsi que par la situation du recourant qui était auparavant précaire. Par ailleurs, la compagne du recourant ayant confirmé que C______ souhaite de longue date rejoindre son père à Genève, il n'est pas nécessaire d'entendre celle-ci à ce sujet.

Au vu de ce qui précède, la fille du recourant a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour.

13) Partant, le recours sera admis.

14) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, sera allouée au recourant, à charge de l'État de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mai 2014 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er avril 2014 ;

au fond :

admet le recours ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er avril 2014 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du
20 septembre 2013 ;

constate que Madame C______ A______ a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour à titre de regroupement familial ;

invite l'office cantonal de la population et des migrations à délivrer toutes les autorisations nécessaires à l'exercice de ce droit ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à charge de l'État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Maurice Utz, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.