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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2073/2012

ATA/739/2012 du 30.10.2012 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2073/2012-TAXIS ATA/739/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur D______
représenté par Me Yves Nidegger, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1. Monsieur D______, domicilié à Genève, exerce la profession de chauffeur de taxi.

2. Le 6 janvier 2005, l’autorité administrative l’a informé qu’il était inscrit sur la liste d’attente pour l'obtention d'un permis de stationnement prévu par l'ancienne loi sur les services de taxis du 26 mars 1999. Après l'entrée en vigueur de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30) le 15 mai 2005, l'inscription a visé l'octroi d'une autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant.

3. Par courrier du 18 juin 2009, le service du commerce (ci-après : Scom) a informé M. D______ qu’il était en mesure de lui proposer d’acquérir le permis de service public sollicité pour autant qu’il accepte formellement dite proposition. La taxe unique à régler était fixée à CHF 60'000.-.

4. Le 12 juillet 2009, l'intéressé a formellement refusé la proposition d’acquérir le permis de service public car il ne pouvait se permettre de payer le montant demandé.

5. Le 21 juillet 2009, le Scom a pris acte de ce refus et informé M. D______ qu'il était biffé de la liste d'attente conformément aux dispositions légales. Cette décision, dûment notifiée, n'a pas fait l'objet de recours.

6. Le 10 février 2011, le Scom a transmis à l'intéressé un formulaire à remplir et à retourner dans les trente jours accompagné de divers documents requis pour compléter son dossier, dont la preuve du paiement de la taxe unique.

7. Par arrêté du 19 mai 2010, le Conseil d'Etat a fixé la taxe unique à CHF 82'500.-.

8. Statuant sur recours de l’association de défense des intérêts des chauffeurs de taxi et de plusieurs chauffeurs de taxi agissant individuellement, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 18 juin 2011, annulé l’arrêté précité du Conseil d’Etat pour défaut de base légale (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010). Les considérants de l’arrêt seront détaillés ci-après en tant que de besoin.

9. Le 22 novembre 2011, M. D______ a déposé auprès du Scom une nouvelle demande d’autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant.

10. Le 23 novembre 2011, l’autorité administrative l’a informé qu’il était inscrit sur la liste d’attente « dans laquelle son rang était déterminé en fonction de l'inscription » et qu’un courrier lui serait adressé en temps utile pour l’informer de la disponibilité du permis sollicité.

11. Se fondant sur l'arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, M. D______ a demandé au Scom, les 26 janvier et 9 février 2012, de lui délivrer un permis de service public un montant de CHF 40'000.- . L'offre qui lui avait été faite en juin 2009 n'était pas conforme au droit puisque la taxe unique ne pouvait dépasser CHF 40'000.-, montant qu'il aurait été prêt à payer à l'époque. L'autorisation devait dès lors lui être délivrée en priorité absolue puisqu'il avait déjà subi un dommage découlant du fait qu'il n'avait pu en bénéficier durant deux ans. Il devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si l'arrêté n'avait pas été adopté d'une manière fautive.

12. Par décision du 8 juin 2012, le Scom a refusé de donner une suite favorable à la demande de M. D______. Vu la période durant laquelle la proposition du permis de service public et son refus étaient intervenus, le montant de CHF 60'000.- pour la taxe unique était conforme au droit. L’Arrêt du Tribunal fédéral annulant l’arrêté ne saurait remettre en cause cet état de fait.

13. Le 5 juillet 2012, M. D______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 8 juin 2012, concluant à son annulation et à ce que l’Etat de Genève soit condamné à lui délivrer sans délai un permis de service public « pour le prix conforme à la loi » de CHF 40'000.-. Il découlait de l'Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 que le montant de la taxe unique ne pouvait être supérieur à CHF 40'000.-. Le montant de CHF 60'000.- qui avait été exigé par le Scom en juin 2009 était dès lors arbitraire. Sa radiation de la liste d'attente au motif qu'il ne pouvait s'acquitter de ce montant était donc intervenue à tort.

14. Le 31 août 2012, le Scom a conclu au rejet du recours. L’autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant avait été proposée à M. D______ et refusée par ce dernier sous l'empire du régime de l'art. 58 al. 5 LTaxis, fixant la taxe unique à CHF 60'000.-. Cette disposition n'avait pas été remise en cause par le Tribunal fédéral.

15. Le 4 septembre 2012, le juge délégué a transmis la détermination du Scom à M. D______, en lui impartissant un délai au 28 septembre 2012 pour formuler toute requête complémentaire. Passé cette date, la cause serait gardée à juger.

16. M. D______ n'a pas formulé de requête complémentaire.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Aux termes de l'art. 11 LTaxis, l’autorisation d’exploiter un taxi de service public est strictement personnelle et intransmissible ; elle est délivrée par le département à une personne physique lorsqu’elle :

a. est au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ;

b. se voit délivrer un permis de service public ;

c.  dispose d’une adresse professionnelle fixe dans le canton de Genève à laquelle elle peut être atteinte, notamment par téléphone ou par le biais de la centrale à laquelle elle est affiliée ;

d.  justifie de sa solvabilité et de son affiliation à une caisse de compensation ;

e. est propriétaire ou preneur de leasing d’un véhicule répondant aux exigences du droit fédéral et de la présente loi, immatriculé à son nom dans le canton de Genève.

3. Le nombre de permis de service public est limité en vue d’assurer une utilisation optimale du domaine public, notamment des stations de taxis et des voies réservées aux transports en commun et un bon fonctionnement des services de taxis. Ce nombre maximal est déterminé et adapté par le département, sur préavis des milieux professionnels concernés, sur la base de critères objectifs, liés, notamment, aux conditions d’utilisation du domaine public et aux besoins des usagers (art. 20 LTaxis).

L'art. 21 al. 3 LTaxis dispose que si le nombre de requérants est supérieur au nombre de permis disponibles, l’octroi des permis est effectué sur la base d’une liste d’attente établie selon la date à laquelle l’inscription sur la liste est validée. Chaque requérant n’est habilité à se voir délivrer qu’un seul permis. Il ne peut se réinscrire qu’après l’obtention d’un permis.

Selon l'art. 21 al. 4 LTaxis, l'autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant au sens de l'art. 11 LTaxis est délivrée contre le paiement d'une taxe unique affectée à un fonds constitué aux fins d'améliorer les conditions sociales de la profession de chauffeur de taxi et de réguler le nombre de permis. Ce fonds est géré par le département ou par les milieux professionnels dans le cadre d'un contrat de prestations. Le requérant qui ne paie pas la taxe dans le délai imparti par le département est biffé de la liste d’attente, mais peut se réinscrire (art. 21 al. 5 LTaxis).

Le Conseil d’Etat détermine les modalités de gestion du fonds et fixe le montant de la taxe de manière à ce que, en fonction de la rotation des permis, les détenteurs qui cessent leur activité perçoivent un montant compensatoire au moins égal à CHF 40'000. La taxe est égale ou supérieure au montant compensatoire et son montant maximum fixé par le Conseil d’Etat (art. 21 al. 6 LTaxis).

Selon l'art. 58 al. 5 LTaxis, le montant de la taxe unique est fixé à CHF 60'000.- tant que le nombre de permis de service public déterminé dès la deuxième année après l'entrée en vigueur de la loi n'est pas atteint (art. 58 al. 5 LTaxis). Dès que le Scom considère que le nombre de permis de service public adéquat est atteint et reste stable, le Conseil d’Etat fixe le montant de la taxe et du montant compensatoire selon les principes de l’art. 21 al. 6 LTaxis (art. 58 al. 6 LTaxis).

L'art. 21 al. 6 du règlement d’exécution de la LTaxis (RTaxis – H 1 30.01) prévoit que la taxe pour la délivrance d’un permis de service public peut être fixée à un montant maximum de CHF 200'000.-.

4. Le 19 mai 2010, se fondant notamment sur l'art. 21 al. 6 LTaxis, le Conseil d'Etat a adopté l'arrêté fixant la taxe unique à CHF 82'500.-.

Cet arrêté a été annulé par le Tribunal fédéral. Il ressort de son arrêt que la taxe unique ne vise pas à compenser l'avantage octroyé par l'Etat en termes d'usage commun accru du domaine public, comme cela était le cas avant l'entrée en vigueur de la LTaxis. Elle n'est pas une taxe causale, mais pourrait être une taxe d'orientation, voire un impôt - question laissée ouverte par la Haute Cour, dès lors que dans ces deux hypothèses, le principe de la légalité s'appliquerait strictement. Or, la LTaxis et en particulier l'art. 21 al. 6 LTaxis ne fixent pas une assiette précise de la taxe. Les critères de fixation - notamment la fourchette du montant de la taxe - et les modalités de perception ne figurent pas dans la loi. Il s'ensuit que l'arrêté ne reposait pas sur une base légale formelle. La perception de la taxe unique ne pouvait dès lors se fonder que sur l'art. 21 al. 6 LTaxis, qui fixe son montant à CHF 40'000.-.

5. Le recourant tire de l'Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 que le montant de la taxe unique qui lui avait été annoncé en juin 2009, soit CHF 60'000.-, aurait été dépourvu de base légale, de sorte qu'ayant dû refuser un permis de service public parce qu'il ne pouvait s'en acquitter, il aurait droit à la délivrance immédiate d'une autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant pour une taxe unique de CHF 40'000.-.

Tel n'est pas le cas. Le Conseil d'Etat a pris l'arrêté du 19 mai 2010 après que l'autorité compétente a estimé que le nombre de permis de service public adéquat était considéré comme atteint et restant stable. Cette appréciation préalable et nécessaire à l'édiction de l'arrêté annulé n'a pas été remise en cause. Elle a eu comme conséquence de mettre fin au régime transitoire instauré par l'art. 58 al. 5 LTaxis, fixant à CHF 60'000.- la taxe unique tant que le nombre de permis de service public déterminé selon la loi n'était pas atteint. Le recourant s'est vu proposer une autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant le 18 juin 2009 et il l'a refusée le 12 juillet 2009. C'était alors la l'art. 58 al. 5 LTaxis qui s'appliquait. La taxe unique réclamée au recourant à ce moment-là figurait dans la loi. Contrairement à ce qu'il allègue, elle n'était donc pas dépourvue de base légale formelle. Il s'agit ainsi d'une situation différente de celle tranchée dans l'Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010, sur lequel le recourant ne peut donc s'appuyer. Son argumentation ne peut qu'être écartée.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2012 par Monsieur D______ contre la décision du service du commerce du 8 juin 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur D______ ;

dit qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Nidegger, avocat du recourant, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :