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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2385/2014

ATA/711/2014 du 04.09.2014 sur JTAPI/873/2014 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2385/2014-MC ATA/711/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 septembre 2014

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Philippe Currat, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

 


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 août 2014 (JTAPI/873/2014)


EN FAIT

1) Le 10 janvier 2003, Monsieur A______, né le ______ 1984, originaire d’Algérie, est arrivé à Genève, où résidait déjà sa mère. Il a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour le 6 février 2004, dans le cadre d’un regroupement familial.

2) Depuis 2003, il a occupé très fréquemment les autorités pénales. Il a, en particulier, été condamné pour dommages à la propriété, vols d’usage, vols par métier en bande, conduite en état d’ébriété alors qu’il faisait l’objet d’un retrait de permis, vols, tentative de vol, violations de domicile, lésions corporelles simples, menaces, voies de fait, injures, incendie intentionnel, incendie par négligence, recel, violation de la LCR. Il a plusieurs fois été détenu à la prison de Champ-Dollon.

Le 15 janvier 2009, son placement dans un établissement pour jeunes adultes a été ordonné. Cette mesure a été levée le 7 octobre 2009 par le Tribunal d’application des peines et mesures (ci-après : TAPEM), l’exécution de cette mesure étant vouée à l’échec.

3) Par décision du 18 janvier 2010, l’office cantonal de la population (devenu depuis l’office cantonal de la population et des migrations, ci-après : OCPM) a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de l’intéressé et prononcé son renvoi de Suisse en application de l’art. 66 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), dès qu’il aurait satisfait à ses obligations pénitentiaires.

Le 2 juin 2010, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), a déclaré irrecevable le recours qu’avait interjeté M. A______ contre cette décision de l’OCPM.

4) À sa sortie de prison le 19 juin 2010, M. A______ s’est opposé à son renvoi à destination d’Alger.

5) Le 24 mars 2011, M. A______ s’est opposé à son renvoi à destination d’Alger par un vol de ligne.

6) Le 4 février 2012, à sa sortie de prison, M. A______ aurait dû être refoulé à destination d’Alger par un vol de ligne à 16h00 au départ de Genève, mais il s’est opposé à son renvoi.

7) Le 5 novembre 2012, les autorités judiciaires ont libéré M. A______, qui a été remis entre les mains des services de police. Un vol, avec escorte policière, pour son refoulement à destination d’Alger avait été réservé pour le jour même à 16h au départ de Genève, mais celui-ci n’a pas pu se concrétiser, l’intéressé s’étant opposé à son renvoi.

8) À compter du 5 novembre 2012, M. A______ a été en détention administrative pour insoumission. Le TAPI ainsi que la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) ont confirmé, tout au long de la détention, que les conditions de celle-ci étaient remplies.

9) Le 31 janvier 2013, M. A______ a refusé d’embarquer sur le vol à destination d’Alger où une place lui était réservée.

10) La détention administrative pour insoumission a pris fin le 28 avril 2014.

11) Le même jour, à 18h50, l’officier de police a notifié à M. A______, une interdiction de pénétrer dans la zone du Centre-Ville de Genève pour une durée de douze mois.

12) Le 14 juillet 2014, à 02h40, la police de l’aéroport international de Genève, (ci-après AIG) a signifié à M. A______ une interdiction d’accès au site aéroportuaire pour une durée d’une année. Sur présentation d’un billet d’avion valable pour le jour même, les infrastructures aéroportuaires pouvaient toutefois être utilisées.

13) Le 14 août 2014, M. A______ a été interpellé par la police bernoise pour vol à l’étalage.

14) Le 15 août 2014, M. A______ a été transféré de Berne à Genève.

À 18h35, l’officier de police lui a notifié une interdiction de quitter le territoire genevois pour une durée de douze mois, sans préjudice de l’interdiction de pénétrer dans une région déterminée (centre-ville) qui lui avait été notifiée le 28 avril 2014, et sous réserve de l’exécution de la décision de renvoi du 18 janvier 2010.

Malgré la décision de renvoi de Suisse, M. A______ n’avait pas quitté le territoire. Il avait d’ores et déjà été condamné à de nombreuses reprises à Genève pour vols, continuait à commettre des infractions au code pénal dans d’autres cantons, de sorte qu’il avait démontré, par son comportement, qu’il troublait et menaçait la sécurité et l’ordre publics. Il convenait de lui interdire de quitter le territoire du canton de Genève.

15) M. A______ a fait opposition le jour même à la décision d’assignation au territoire cantonal.

16) Lors de l’audience du TAPI du 18 août 2014, M. A______ a motivé son opposition par des problèmes personnels. Il devait pouvoir se rendre à Berne pour rencontrer les autorités de son pays. Il s’était rendu dans la capitale helvétique la semaine précédente précisément pour cette raison. Il ne se souvenait pas de ce qui s’était passé à Berne le 14 août dernier. Il rencontrait des problèmes psychologiques et avait des tensions avec sa famille en Suisse et en Algérie. Il était prêt à quitter la Suisse mais devait, au préalable, trouver des solutions avec sa famille. Il n’avait entrepris aucune démarche en vue de quitter la Suisse. « Il y a bien un consulat algérien à Genève mais ils ne veulent rien savoir ». L’ambassadeur algérien à Berne étant en vacances, il devait essayer de le recontacter ultérieurement. Il se rendait auprès d’associations à Lausanne, et chez des amis, à Fribourg et à Berne. Il avait déposé une nouvelle demande de permis B le 28 avril 2014, une demande de permis de travail provisoire le 8 juillet 2014 et une demande d’aide à l’Hospice général. Il n’avait obtenu aucune réponse à ces différentes démarches. Il n’avait fait l’objet ni de condamnation ni de poursuite pénale pour le vol à l’étalage commis à Berne.

L’OCPM a indiqué que l’intéressé pouvait obtenir un sauf-conduit afin de se rendre auprès de l’ambassade algérienne à Berne, d’associations caritatives de Lausanne ou de Genève ou en l’étude de son avocat. L’Hospice général n’était pas disposé à ce qu’une place dans un foyer d’accueil soit offerte à l’intéressé.

M. A______ a conclu à l’annulation de la décision litigieuse alors que l’OCPM a conclu à sa confirmation.

17) Par jugement du 18 août 2014, le TAPI a confirmé la décision « d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée » prise par l’officier de police le 15 août 2014 à l’encontre de M. A______ pour une durée de douze mois.

La décision querellée tendait à empêcher son destinataire de se rendre dans d’autres cantons pour commettre des infractions, le centre-ville de Genève lui étant déjà interdit. Les condamnations et cette interdiction n’avaient pas suffi à lui faire prendre conscience de l’illégalité de son comportement et à l’en détourner. Le risque de récidive ne pouvait raisonnablement pas être écarté, de sorte que l’intéressé présentait toujours un danger pour la sécurité et l’ordre publics, ce d’autant plus qu’il n’avait aucune source de revenu ni aucun lieu pour dormir.

La mesure était propre à prévenir la commission de nouvelles infractions pénales. L’organisation du départ de l’intéressé pour l’Algérie devait constituer son seul objectif et son unique activité. Le territoire assigné était proportionné, l’intéressé pouvant obtenir des saufs-conduits.

Même si la durée de l’assignation pouvait paraître élevée, tant que l’intéressé n’aurait pas compris qu’il devait collaborer avec les autorités pour organiser son départ, les autorités ne pouvaient rien entreprendre. Le processus de renvoi était bloqué. Les risques de récidive d’infraction et le risque de disparition dans la clandestinité perdureraient tant que M. A______ s’obstinait à ne pas vouloir quitter la Suisse. La durée d’un an était proportionnée.

18) Le 19 août 2014, l’avocat de M. A______ s’est plaint de l’attitude de la présidente du TAPI lors de l’audience du 18 août 2014. À l’issue des plaidoiries, pendant le délibéré et alors que les parties patientaient en attente du verdict, elle avait convoqué en aparté le représentant de l’officier de police dans la salle d’audience. L’avocat du recourant n’avait pas eu le droit d’entrer dans la salle d’audience. Il s’agissait d’une violation grave du procès équitable qui devait frapper de nullité la décision prise. Dès la reprise de l’audience, l’avocat avait fait valoir son étonnement quant à la manière de procéder et avait requis qu’il soit fait mention de l’incident au procès-verbal, ce que la présidente avait refusé, violant ainsi une seconde fois le droit du recourant à un procès équitable. Le refus de faire protocoler l’incident avait aussi impliqué que les deux conclusions additionnelles que souhaitait prendre l’avocat pour le compte de son client n’avaient pas pu être mises au procès-verbal, à savoir l’annulation de la décision attaquée pour violation grave d’une règle de procédure et la récusation de la magistrate dont les circonstances laissaient apparaître une prévention envers l’une des parties. Plusieurs membres de la ligue suisse des droits de l’homme avaient assisté à l’audience et étaient témoins des faits. Copie de la correspondance était adressée au conseil supérieur de la magistrature.

19) Par courrier du 22 août 2014 à l’avocat du recourant, la juge concernée a accusé réception de sa correspondance. Elle l’informait que copie dudit courrier ainsi que de la présente étaient versés au dossier de M. A______.

20) Le 28 août 2014, M. A______ a interjeté recours contre le jugement du TAPI du 18 août 2014. Le jugement querellé mentionnait à réitérées reprises que la décision portait sur une interdiction de pénétrer dans une région déterminée du canton de Genève alors qu’il s’agissait en vérité d’une assignation au territoire cantonal.

La décision violait l’art. 74 LEtr. L’arrestation du 14 août 2014 n’avait pas engendré l’ouverture d’une procédure pénale, a fortiori encore moins une condamnation. En l’absence de tels éléments, il n’existait pas de risque de récidive faisant de l’intéressé un danger pour la sécurité et l’ordre publics. Au contraire, le recourant avait déposé une demande de permis B en vue de légaliser sa situation ainsi qu’une demande d’autorisation temporaire de travail, ce qui lui permettrait de ne pas dépendre de l’aide sociale. Ces démarches démontraient sa volonté de subvenir à ses propres besoins pour la durée de son séjour en Suisse compte tenu du fait que son renvoi vers l’Algérie n’était ni matériellement ni légalement envisageable. L’OCPM n’avait pas encore statué sur les demandes formulées.

Contrairement à ce que retenait le jugement querellé, l’indigence n’était pas un indice de récidive. Au contraire, l’absence de délivrance d’une autorisation d’exercer une activité l’y maintenait. La situation administrative « sans nom » qu’il subissait s’inscrivait dans un comportement plus général visant à faire pression sur lui pour qu’il accepte de quitter volontairement la Suisse. Les dix-huit mois de détention pour insoumission n’avaient pas permis d’obtenir un départ de sa part. Il avait affirmé ne pas vouloir quitter la Suisse volontairement. Le prononcé d’une interdiction de quitter le territoire du canton de Genève, laquelle s’ajoutait à une interdiction de pénétrer sur le territoire de la Ville de Genève, étaient utilisés comme moyens de contrainte supplémentaires dans le but de le faire quitter la Suisse. L’objectif poursuivi n’était donc pas conforme à celui recherché par la loi, à savoir la protection de l’ordre et de la sécurité publics. Détournée de son but légal, la mesure contestée ne respectait ni le principe de la base légale, prévue à l’art. 36 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ni celui de la protection de l’intérêt public prévu à l’al. 2. Le jugement querellé restreignait le droit à la liberté de mouvements de M. A______ au-delà de ce qui était nécessaire. Disproportionnée, la mesure était contraire à l’art. 36 al. 3 Cst. et constituait une restriction du droit fondamental prévu à l’art. 19 al. 2 Cst. Enfin, en détournant la mesure prévue à l’art. 74 LEtr de son but légal, le jugement querellé contrevenait au principe de l’État de droit (art. 5 al. 1 Cst) et de la bonne foi des autorités (art. 5 al. 2 Cst).

La magistrate du TAPI avait violé l’art. 29 Cst. garantissant le droit du justiciable à un procès équitable et son droit d’être entendu. Son refus de protocoler l’incident, avec pour seule motivation qu’il était envisageable de faire usage des voies de droit contre le jugement, violait l’art. 29 de la Cst. Vu la gravité de la violation du droit d’être entendu et des principes consacrés à l’art. 5 Cst., l’annulation de la décision litigieuse s’imposait.

21) Par courrier du 29 août 2014, le TAPI a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler dans le cadre du recours de M. A______.

22) Par réponse du 3 septembre 2014, l’officier de police a conclu au rejet du recours.

Des faits nouveaux s’étaient déroulés depuis le prononcé du jugement du TAPI. M. A______ s’était rendu, à réitérées reprises dans le canton de Berne, postérieurement à la notification de la décision litigieuse. Il y avait été interpellé les 19 et 31 août 2014, sa deuxième arrestation reposant, une nouvelle fois, sur la commission d’un vol à l’étalage.

Il avait par ailleurs été arrêté pour violation de domicile, le 27 août 2014, à l’AIG et condamné, par ordonnance pénale du Ministère public du 28 août 2014 à une peine privative de liberté ferme de soixante jours pour violation de domicile et infraction à l’art. 115 al. 1 let.b LEtr.

Par ailleurs, le Ministère public du canton de Berne (région Bern Mitteland) avait confirmé que l’interpellation de M. A______ le 14 août 2014 pour vol à l’étalage et consommation de stupéfiants avait bien mené à l’ouverture et la conduite d’une procédure pénale au terme de laquelle l’intéressé allait être condamné par une amende pour les faits reprochés. Un courriel du Ministère public du canton de Berne du 2 septembre 2014 et un extrait du journal de la police cantonale bernoise le confirmaient.

Enfin, au sujet de l’incident de procédure invoqué par le recourant, l’intimé produisait copie d’un courriel du lundi 18 août 2014, à 16h13, par lequel une secrétaire du service des officiers de police de service transmettait à la magistrate, conformément à la demande du représentant de l’officier de police à l’audience, le scan de la carte utilisée de manière générale dans le cadre des décisions d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Par ailleurs, le représentant des officiers de police avait dûment informé le mandataire du recourant de la teneur de l'échange auquel il n’avait pas été admis à participer.

Toutes les conditions étaient remplies pour qu’une assignation à résidence soit prononcée à l’égard du recourant. Le comportement qu’il avait adopté depuis le prononcé de la décision du TAPI confortait l’officier de police dans sa conviction du bien-fondé de la décision.

Il n’y avait pas eu de violation des règles de procédures lors de l’audience devant le TAPI. La chambre administrative disposait d’un plein pouvoir de cognition et d’examen, de sorte que, même si elle devait retenir un incident de procédure, elle était parfaitement en mesure d’y pallier, substituant alors son propre jugement à celui de la juridiction inférieure.

23) La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté le 28 août 2014 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 18 août 2014, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 29 août 2014 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) À teneur de l’art. 74 al. 1 let. a LEtr, l’autorité cantonale peut enjoindre à un étranger, qui n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour et d’établissement et qui trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics, de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée, notamment en vue de lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. Les conditions d’application de cette disposition sont cumulatives.

L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l’étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné aux conditions prévues à l’art. 74 LEtr. Tel est notamment le cas suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

5) Quiconque enfreint une assignation à un lieu de résidence est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art 119 al. 1 LEtr).

6) Dans un premier grief, le recourant relève l’illégalité de la mesure prononcée en application de l’art. 74 LEtr.

7) Les conditions posées par l’art. 74 LEtr sont cumulatives.

En l’espèce, le recourant n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement.

La condition du trouble ou de la menace à l’ordre public est indiscutablement remplie au vu du nombre de condamnations de l’intéressé, pour des infractions variées tels les dommages à la propriété, les vols par métier en bande, la conduite en état d’ébriété sous retrait de permis, l’incendie intentionnel notamment. De surcroît, les récentes infractions commises depuis la fin de la détention administrative pour insoumission en avril 2014, confirment que le recourant menace et trouble la sécurité et l’ordre publics.

Le recourant peut se voir imposer une assignation dans un territoire donné au sens de l’art. 74 LEtr.

Le dépôt d’une demande d’autorisation de séjour, d’autorisation temporaire de travail et de prestations de l’Hospice général est sans incidence sur l’analyse de l’art. 74 LEtr.

8) Le recourant reproche à l’intimé d’utiliser la LEtr à des fins contraires à sa finalité et de faire pression sur le recourant.

9) Le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325) à l'appui d'une loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, indique que « partant du principe que les étrangers ne possédant pas d'autorisation de séjour ou d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement, les cantons auront désormais licence de prendre des mesures pour protéger la sécurité et l'ordre publics, et ce spécialement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal; ils pourront donc discipliner les personnes concernées et empêcher d'éventuels délits. Comme il ne s'agit en l'occurrence que d'une restriction de liberté, donc d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger, le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut. On se fondera sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics. Ainsi, cette notion ne recouvre pas seulement un comportement délictueux, comme par exemple des menaces envers le directeur du foyer ou d'autres requérants d'asile. Il y a aussi trouble ou menace de la sécurité et de l'ordre publics si des indices concrets font soupçonner que des délits sont commis, par exemple dans le milieu de la drogue, s'il existe des contacts avec des extrémistes ou que, de manière générale, l'étranger enfreint grossièrement les règles tacites de la cohabitation sociale. Dès lors, il est aussi possible de sanctionner (p. ex. en transférant l'intéressé dans un endroit isolé) un comportement rétif ou asocial, mais sans pour autant s'attacher à des vétilles. Toutefois, la liberté individuelle, notamment la liberté de mouvement, ne peut être restreinte à un point tel que la mesure équivaudrait à une privation de liberté déguisée.

Jusqu'au moment du renvoi, le canton peut faire usage de la possibilité d'assigner à l'étranger un lieu de séjour ou de lui interdire de pénétrer dans une région déterminée. Par ailleurs, cette mesure est appliquée subsidiairement lorsque l'étranger ne peut être renvoyé, mais qu'il existe malgré tout la nécessité de l'éloigner de certains endroits ou de le surveiller. Etant donné que l'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peuvent être ordonnées pour une durée indéterminée, ces mesures répondent largement aux besoins publics de sécurité, notamment dans les cas où le renvoi ne peut pas être exécuté. »

10) En l’espèce, le message du Conseil fédéral pose comme prémisse que les étrangers qui n’ont pas d’autorisation de séjour n’ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. La LEtr sert en l’occurrence à empêcher d’éventuels délits et à surveiller le recourant. En l’espèce, vu le nombre de condamnations déjà subies par le recourant, il existe un risque élevé de récidive. Le seul délai de recours l’a prouvé puisque l’intéressé est poursuivi pour deux nouvelles infractions et condamné pour une troisième, et qu’il n’a pas respecté la décision d’assignation pourtant exécutoire malgré la procédure de recours.

La mesure n’est pas détournée de sa finalité et respecte le principe de la base légale prévu à l’art. 36 al. 1 Cst. Elle est dans l’intérêt public et ne viole pas l’art. 36 al. 2 Cst.

11) Le recourant reproche à la décision d’être disproportionnée et de violer l’art. 36 al. 3 Cst.

La délimitation au territoire genevois est conforme à la loi. La combinaison de l’assignation à un territoire avec l’interdiction de pénétrer dans le centre-ville restreint la liberté de mouvement de l’intéressé tout en lui laissant un espace suffisamment vaste pour qu’il ne s’agisse pas, au sens du message, d’une privation de liberté déguisée.

La LEtr n’impose pas qu’une assignation à un territoire soit limitée dans le temps. En l’espèce, d’une durée d’une année, la mesure est proportionnée, une demande de levée ou de reconsidération pouvant être déposée en tout temps.

Le grief de violation du principe de la proportionnalité est infondé.

12) Compte tenu du message du Conseil fédéral et de la finalité poursuivie par la LEtr en matière d’assignation à un territoire, le grief de violation de l’État de droit et de la bonne foi des organes de l’État au sens de l’art. 5 Cst. sera rejeté.

13) Dans un second grief, le recourant invoque des violations de garanties procédurales.

La chambre de céans n’a pas vocation à se substituer au Conseil supérieur de la magistrature et limitera son examen à l’analyse d’une éventuelle violation des droits du recourant.

La chambre administrative ayant plein pouvoir d’examen, les vices de procédure peuvent être réparés dans le cadre de la procédure de recours (art. 61 al. 2 LPA et 10 al. 2 LaLEtr). En l’espèce, même à considérer que le jugement serait entaché de vices graves, ceux-ci ne sont pas propres à entraîner la nullité du jugement. La décision litigieuse prise par l’officier de police étant conforme au droit, elle doit être confirmée, sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer précisément les faits qui se sont déroulés le 18 août 2014.

14) Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

15) Le dispositif du jugement querellé confirme « la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée du 15 août 2013 ». Dans son recours, l’intéressé a relevé qu’il s’agissait d’une erreur puisque la décision porte sur en réalité sur une interdiction de quitter le territoire du canton de Genève. Afin d’éviter toute ambiguïté, le dispositif sera reformulé.

16) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 août 2014 ;

 

au fond :

le rejette ;

confirme la décision d’interdiction de quitter le territoire assigné prise par l’officier de police le 15 août 2014 à 18h35 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Currat, avocat du recourant, à l'officier de police, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office cantonal de la population et des migrations et à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :