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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4012/2015

ATA/710/2016 du 23.08.2016 ( AIDSO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4012/2015-AIDSO ATA/710/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Olivier Peter, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, ressortissant tunisien né en 1966 a fait l’objet en 2011 d’une décision fédérale refusant d’entrer en matière sur sa demande d’asile et le renvoyant de Suisse.

En conséquence, il a sollicité et obtenu une aide d’urgence auprès de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) qui l’a logé au centre B______.

2. Par courrier remis en mains propres le 12 juin 2015, l’hospice a informé M. A______ que, dès le jour en question, il serait logé dans l’abri de protection civile de C______ à D______.

Le même jour, l’hospice a remis à M. A______ un document lui signifiant « une interdiction d’entrer dans tous les foyers d’asile et locaux du canton de Genève (à l’exception du lieu de résidence) dont la liste est imprimée au verso de la présente notification [validité cinq ans] ».

L’intéressé était informé qu’une plainte serait systématiquement déposée pour violation de domicile s’il pénétrait dans un foyer ou un local mentionné sur ladite liste.

3. Le 22 juin 2015, l’hospice a déposé plainte pénale pour violation de domicile contre M. A______, lequel était revenu à plusieurs reprises et avait pénétré au centre B______ depuis le 12 juin 2015.

4. Par ordonnance pénale du 30 juin 2015, le Ministère public a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de soixante jours-amende pour violation de domicile ainsi que pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

5. a. Le 9 juillet 2015, M. A______, agissant par la plume d’un avocat, a saisi le directeur général de l’hospice d’une opposition contre la décision d’interdiction d’accès au foyer du 12 juin 2015.

Cette dernière avait été prise en violation des règles régissant le droit d’être entendu. Elle n’avait pas de base légale. Elle contrevenait gravement au droit à la liberté personnelle et à la vie privée et familiale de l’intéressé, sans qu’aucun intérêt public ne le justifie.

b. Le même jour, M. A______ s’est opposé à l’ordonnance pénale du 30 juin 2015.

6. Le 30 octobre 2015, M. A______, par la plume de son conseil, a écrit au directeur général de l’hospice, l’invitant à rendre une décision suite à l’opposition formée contre l’interdiction de pénétrer dans les foyers de l’hospice, et ce avant le 6 novembre 2015.

7. Le 16 novembre 2015, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours pour violation de l’obligation de statuer : la direction générale de l’hospice n’avait pas tranché l’opposition dont elle avait été saisie alors qu’une telle décision devait être rendue dans un délai de soixante jours, soit en l’espèce, en tenant compte de la suspension estivale des délais, entre le 13 et le 20 octobre 2015.

8. Le 30 novembre 2015, l’hospice s’en est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu à son rejet.

M. A______ était sorti du dispositif de l’aide aux migrants depuis le 25 août 2015, date à laquelle il avait disparu et il semblait ne plus se trouver sur le territoire suisse. Il avait dû être convoqué par voie édictale à une audience du Ministère public.

L’interdiction de pénétrer dans les foyers de l’hospice ne constituait pas une décision sujette à recours et ne concernait ni le lieu d’hébergement, ni des prestations auxquelles l’intéressé avait droit. Il ne s’agissait que de communiquer expressément la volonté de l’institution de ne pas voir l’intéressé pénétrer dans les différents centres gérés par l’hospice, et cela sous la menace du dépôt d’une plainte pénale.

9. Le 18 janvier 2016, M. A______ a maintenu ses conclusions antérieures. L’interdiction qui lui avait été signifiée ne visait pas à sanctionner des comportements violents, mais à contraindre les personnes hébergées au foyer B______ à quitter ce lieu pour aller dans des abris de la protection civile.

Le fait que M. A______ ne soit probablement plus à Genève ne l’empêchait pas d’avoir un intérêt actuel, dès lors qu’une procédure pénale était en cours à son encontre suite à l’interdiction qui lui avait été signifiée.

En tout état, l’hospice avait l’obligation de répondre à l’opposition dont il avait été saisi.

Si une interdiction d’accès pouvait revêtir de nombreuses formes, celle qui avait été notifiée à M. A______ dépassait le simple avertissement : il avait dû signer ledit document, dont la durée de validité était fixée à cinq ans. On ne pouvait qualifier cela de simple information.

10. Le 12 février 2016, l’hospice a, à sa demande et après y avoir été autorisé, dupliqué.

L’interdiction d’entrer du 12 juin 2015 avait été signifiée à une époque où, en raison d’un afflux massif de requérants que l’hospice devait héberger, le logement d’un certain nombre de personnes avait dû être réorganisé, ce qui avait entraîné des mouvements au sein de la population et même des menaces envers les collaborateurs de l’hospice.

Le fait de communiquer à une personne la volonté de ne pas la voir pénétrer dans un lieu était une condition nécessaire à la commission d’une violation de domicile, sans que la communication de la volonté ne doive revêtir une forme particulière. Il ne s’agissait pas d’une sanction disciplinaire ni un acte nécessaire, sous cette forme, pour le dépôt d’une plainte pénale pour violation de domicile. L’issue de la procédure pénale ne dépendait pas de la validité de l’interdiction signifiée le 12 juin 2015.

Au surplus, l’intéressé, qui ne serait pas revenu en Suisse depuis le mois d’août 2015, n’avait plus d’intérêt à l’issue du litige.

11. Le 16 mars 2016, M. A______ a maintenu son recours et ses conclusions.

Il gardait un intérêt au recours, même dans l’éventualité où il ne se trouvait plus en Suisse. L’interdiction qui lui avait été signifiée constituait bien une décision sujette à opposition.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Aux termes de l’art. 132 de la LOJ, la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6, al. 1, let. a et e, et 57 LPA.

Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Quant aux décisions fondées sur l’art. 4A LPA, elles portent sur des actes illicites de l’autorité compétente, qui sont fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et qui touchent les droits ou obligations d’une personne ayant un intérêt digne de protection (art. 4A al. 1 LPA).

Il résulte des al. 2 et 3 de l’art. 132 LOJ que la compétence de la chambre administrative dépend de la qualification juridique de l’acte porté devant elle. Ce dernier doit notamment avoir son fondement en droit public, sous réserve du cas particulier de l’art. 4A LPA (ATA/225/2014 du 8 avril 2014 consid. 2).

3. En l’espèce, il ressort du dossier que l’interdiction d’entrer dans les foyers autres que celui où le recourant est hébergé n’est pas fondée sur le droit public. Il s’agit d’une mesure ressortant du droit privé et visant à protéger la propriété et la possession (art. 679 et 926 ss Code civil suisse - CCS - RS 210), comme le serait la pose d’un panneau « entrée interdite aux non-résidents » ou l’affichage à l’entrée du règlement des lieux d’hébergement collectif de l’hospice, qui prévoit que ces foyers sont exclusivement réservés aux personnes qui y logent et que les tiers ne peuvent y accéder.

Il ne s’agit dès lors pas d’un acte de puissance publique (ATA/1367/2015 du 21 décembre 2015), mais uniquement de l’expression de la volonté de l’ayant-droit de ces locaux.

4. Pour ces motifs, en l’absence d’une décision attaquable au sens de l’art. 4 LPA, le recours est irrecevable, faute de compétence de la chambre administrative, et cela sans qu’il ne soit nécessaire de trancher la question de l’intérêt de M. A______ au recours.

Au regard des circonstances particulières du présent cas, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue de la procédure, une indemnité ne saurait en tout état de cause être allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 novembre 2015 par Monsieur A______ contre l’Hospice général ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt (la présente décision) peut être porté(e) dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Peter, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :