Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3438/2022

ATA/71/2023 du 24.01.2023 ( NAVIG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3438/2022-NAVIG ATA/71/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCEAU - CAPITAINERIE CANTONALE



EN FAIT

1) Le 20 mai 2021, le service du lac, de la renaturation des cours d’eau et de la pêche (OCEAU), soit pour lui la capitainerie cantonale (ci-après : la capitainerie), a autorisé la vente du bateau de Monsieur B______, immatriculé GE 1______, à Monsieur A______, emportant l’attribution de la place d’amarrage N° 2______, rade C______.

2) Par courrier du 22 juin 2021, la capitainerie a, après examen de sa demande, informé M. A______de la mise à disposition de ladite place d’amarrage, autorisation délivrée « à bien plaire », personnelle et non transmissible.

Afin d’assurer une occupation rationnelle des ports, notamment d’adapter les places d’amarrage aux dimensions des bateaux, l’autorité pouvait, en cas de nécessité et après avoir consulté les propriétaires de bateaux concernés, procéder ou faire procéder à des échanges de places.

3) Par courriel du 19 juillet 2022, M. A______ a informé la capitainerie de ce que son embarcation prenait l’eau. Le coût de réparation dépassait sa valeur. Il demandait en conséquence s’il était possible de déroger à la règle selon laquelle il n’avait pas le droit de changer de bateau pendant 2 ans, sinon, s’il pouvait laisser la place sans bateau jusqu’à l’année « prochaine » sans la perdre.

4) La capitainerie a reçu de sa part, le 5 septembre 2022, une demande (formulaire E), datée du 29 août 2022, de changement de place pour un bateau « souhaité » à moteur, aux dimensions de 10 m x 3.5 m et un tirant d’eau de 1.5 m.

Cette demande, telle que transmise par la capitainerie, comporte en pied la mention manuscrite « Non pas 2 ans et dim max sur cette place 500 x 180 cm inscrire en liste d’échange 6.9.22 ».

5) Par décision du 22 septembre 2022, la capitainerie a fait savoir à M. A______ qu’elle ne pouvait pas accéder à sa demande. Il n’était pas autorisé à changer de bateau avant le 15 juin 2023, dans la mesure où la place lui avait été attribuée moins de 2 ans auparavant. Les dimensions maximums pour un changement de bateau sur la place n° 2______ étaient de 5 m x 1.80 m.

Sa demande était portée sur la liste d’attente, étant rappelé qu’il devait la renouveler par écrit chaque année, de janvier à fin février, sans quoi elle serait rayée sans autre le 1er mars.

6) Par courrier expédié le 18 octobre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a fait « opposition » à ce courrier par lequel on lui « communiqu[ait] le refus de remplacer son bateau endommagé ». Il ne contestait pas cette « décision spécifique », mais le fait qu’il y était indiqué que la place attribuée le 15 juin 2021 était limitée à un bateau de 5 m x 1.80 m. Or, lors d’un entretien téléphonique en juillet 2022, la capitainerie lui avait dit que sa place pouvait accueillir un bateau de 7 m x 2.10 x 1.50 (tirant d’eau) « et que l’éventuel amarrage d’un bateau un peu plus grand aurait dû être examiné ». Ces dimensions étant déjà trop petites pour ses exigences, il avait « de suite » envoyé une demande d’échange de place pour pouvoir avoir un bateau avec une cabine et y faire dormir sa fille âgée de 3 ans.

En temps de pandémie, il avait « acheté » la place avec le bateau précipitamment et à un prix fort en faisant confiance au vendeur qui l’« a[vait] assuré une place de la même taille que les places à côté (qui amarraient de grands bateaux) et un bateau en bon état ». Il se retrouvait avec une embarcation qui coulait et une place si petite qu’il était difficile, voire impossible, de remplacer son bateau avec une bonne option. Il ignorait quand il disposerait d’une place plus grande et dans l’intervalle demandait que la taille maximale de sa place soit rectifiée « au moins à la taille originaire » de 7 m x 2.10 m x 1.5 m.

7) La capitainerie a conclu au rejet du recours.

M. A______ remettait en cause uniquement les dimensions maximales du bateau que la place d’amarrage n° 2______ pouvait accueillir. Elle ne pouvait exclure qu’il lui ait été répondu par téléphone les dimensions de 7 m x 2.10 m x 1.50 m précitées, soit des chiffres théoriques correspondant aux dimensions idéales de chaque place sur l’estacade en question. En pratique toutefois, ladite estacade comptait 26 places, y compris celle du recourant, pour une largeur totale de 62.30 m. La largeur totale des bateaux occupant ces places était en l’état de 57.16 m, à quoi il fallait ajouter un pare battage de 19.76 cm entre les bateaux, de sorte que les 62.30 m étaient atteints. En conséquence, elle avait correctement mentionné dans sa décision les dimensions maximales du bateau que la place d’amarrage du recourant pouvait effectivement contenir.

8) Dans une réplique, M. A______ a relevé que le décompte auquel s’était livrée la capitainerie « assumait » que la taille des places soit figée, alors qu’en pratique la place à gauche de son bateau était occupée par des bateaux de taille toujours différente, ce qui montrait qu’une certaine flexibilité pouvait être appliquée.

« Sur la base de ce qui procède, il [revenait] sur la demande initiale de [lui] octroyer, en cas de besoin, de remplacer [s]on bateau actuel, le droit d’exploiter la place 250025 au moins à la taille originaire de 7.00m x 2.10m x 1.5m jusqu’à obtention d’une place plus grande ».

9) En réponse à une demande de la juge déléguée, M. A______ a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de retirer son recours tant qu’il n’aurait pas la confirmation écrite « qu’en cas de besoin, [il] aurai[t] le droit d’exploiter, jusqu’à attribution d’une place plus grande, la place actuelle ou une autre place provisoire au moins » aux dimensions originaires précitées.

10) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours porte sur le rejet de l’autorité intimée d’accéder favorablement à la requête du recourant du 29 août 2022 d’obtenir une place d’amarrage plus spacieuse que celle qui lui a été accordée le 22 juin 2021, respectivement de pouvoir y amarrer un bateau aux dimensions supérieures à 5 m x 1.80 m.

Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

3) a. L’amarrage et le dépôt de bateaux dans les eaux genevoises et sur le domaine public, le long des rives, sont subordonnés à une autorisation « à bien plaire », personnelle et intransmissible (art. 10 al. 1 de la loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 17 mars 2006 (LNav - H 2 05). Afin d'assurer une occupation rationnelle des ports, et notamment d'adapter les places d'amarrage aux dimensions des bateaux, l'autorité compétente peut, en cas de nécessité et après avoir consulté les propriétaires des bateaux, procéder ou faire procéder à des échanges de places (art. 10 al. 3 LNav).

À teneur de l’art. 11 du règlement d’application de la loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 18 avril 2007 (RNav - H 2 05.01), le détenteur d'un bateau ne peut en aucun cas occuper une place d'amarrage ou une place à terre sans avoir obtenu une autorisation (al. 1). En principe, une seule place peut être attribuée par détenteur, sous réserve des places pour planches à voiles et annexes (al. 2). Les autorisations sont délivrées « à bien plaire » par le service ; les conditions d'usage sont définies dans des directives (al. 3). Les places d'amarrage et les places à terre sont attribuées en fonction des caractéristiques des bateaux (longueur, largeur, tirant d'eau, tirant d'air et poids), ainsi qu'en considération de la compatibilité des dimensions des bateaux avec les caractéristiques des ports genevois (al. 4). La procédure et les critères d'attribution sont précisés dans une directive édictée par le service et accessible au public (al. 5).

L’art. 13 RNav prévoit que lorsque le bénéficiaire d'une autorisation envisage de changer de bateau, il doit obtenir au préalable une nouvelle autorisation ; celle-ci peut être refusée notamment s'il s'est écoulé moins de 2 ans depuis la délivrance de la précédente autorisation (al. 1) En cas de changement de détenteur, le service dispose de l'emplacement et une nouvelle demande d'autorisation doit lui être présentée par l'acquéreur, si ce dernier désire occuper une place (al. 2). L'achat, la vente ou le changement de bateau n'implique pas l'octroi de la même place d'amarrage (art. 13 al. 3 RNav).

b. À teneur de la directive n° 2011-8 relative aux critères d’attribution des places d’amarrage du 22 février 2012 (ci-après : la directive), qui est accessible au public notamment via internet et se fonde sur les art. 11 et 12 RNav, l’attribution des places à l’eau est faite par un comité d’attribution, selon la procédure suivante :

-       les demandeurs s’inscrivent par écrit sur le formulaire adéquat ;

-       ils renouvellent leur demande chaque année, jusqu’à fin février, sous peine d’être retirés automatiquement de la liste d’attente ;

-       l’attribution se fait en principe par ordre d’ancienneté du demandeur dont le bateau correspond aux dimensions de la place ;

-       exceptionnellement, l’attribution peut se faire selon d’autres critères que l’ancienneté, notamment dans le but de soutenir les usages professionnels, les sociétés nautiques et les personnes à mobilité réduite.

4) En l’espèce, le recourant ne conteste pas que les places d'amarrage sont attribuées en fonction des caractéristiques des bateaux (longueur, largeur, tirant d'eau, tirant d'air et poids) ainsi qu'en considération de la compatibilité des dimensions des bateaux avec les caractéristiques des ports genevois, comme le dispose l’art. 11 al. 4 RNav. Il a obtenu précisément la place d’amarrage attribuée au bateau dont il a fait l’acquisition, soit en connaissance de cause de ses spécificités. Le fait que ce bateau n’aurait pas les qualités auxquelles il s’attendait et rencontrerait des problèmes d’étanchéité n’est pas l’objet du litige, ni de la compétence de la chambre de céans.

Le recourant n’a pas un droit automatique à l’octroi d’une place d’amarrage plus spacieuse pour un futur nouveau bateau (art. 13 al. 3 RNav). Aucune norme d’une loi, d’un règlement ou d’une directive ne prévoit dans un tel cas le droit à l’octroi d’une nouvelle place d’amarrage sans passer par une liste d’attente, laquelle découle de la directive, fondée sur l’art. 11 al. 4 et 5 RNav. Le recourant ne conteste pas en tant que tel le principe de l’attribution d’une nouvelle place selon l’ordre d’ancienneté de la demande et de l’inscription sur la liste d’attente. On ne voit au demeurant pas sur la base de quels motifs il pourrait avoir le droit de passer avant les autres détenteurs de bateau, dans la mesure notamment où il ne réalise pas l’un des critères dérogatoires à l’ancienneté mentionnés dans la directive, ni ne présente d’autres circonstances, particulières, qui seraient susceptibles de justifier une exception.

Il ne saurait de plus prétendre à ce que lui soit reconnu le droit d’exploiter la place attribuée le 22 juin 2021 avec le bateau acquis y amarré « au moins à la taille originaire de 7.00m x 2.10m x 1.5m jusqu’à obtention d’une place plus grande », pour lui permettre l’acquisition d’un bateau plus grand. Sans être contredit, la capitainerie explique en effet logiquement que l’usage de la place en question est limité aux dimensions du bateau actuel et non à sa dimension théorique maximale.

Vu ce qui précède, la décision étant en tous points conforme au droit, le recours sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), qui ne se verra allouer aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire - OCEau - capitainerie cantonale du 22 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt (la présente décision) peut être porté(e) dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département du territoire - OCEau - capitainerie cantonale.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :