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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3340/2014

ATA/676/2015 du 23.06.2015 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; DOMAINE PUBLIC ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; PATRIMOINE ADMINISTRATIF
Normes : LAIG.1; LAIG.2.al1; LAIG.4.al1; Cst.27
Résumé : Examen de la validité d'une décision d'interdiction d'accès au site aéroportuaire prononcée à l'encontre d'une entreprise proposant un service de voituriers. Cette activité, entrant en conflit avec l'usage ordinaire prioritaire des parkings du site, constitue un usage extraordinaire, non autorisée par l'Aéroport international de Genève. Les parkings faisant partie du patrimoine administratif affecté à une tâche publique et ne constituant pas des biens publics susceptibles d'un usage commun, les activités lucratives exercées en leur sein sont soustraites à la liberté économique et peuvent être l'objet d'un monopole de fait.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3340/2014-EXPLOI ATA/676/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2015

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SÀRL
représentée par Me Marco Crisante, avocat

contre

AéROPORT INTERNATIONAL DE GENèVE
représenté par Me Albert-Florian Kohler, avocat

 



EN FAIT

1) A______ Sàrl (ci-après : A______) est une société de siège à Dübendorf, inscrite depuis le 3 avril 2014 au registre du commerce du canton de Zürich, qui a pour but la location de places de parking aux aéroports.

2) Le 16 février 2013, A______ a demandé à l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) l’obtention d’une concession pour un service de valet de parking afin de pouvoir exercer ses activités depuis le site de l’aéroport.

3) Le 27 mars 2013, l’AIG a répondu à A______ que des travaux complexes et de grande ampleur étaient en cours rendant extrêmement difficile les accès routiers. Une extension des activités de valet parking sur le site et l’octroi de nouvelles concessions n’étaient pas prévus dans l’immédiat mais seraient réexaminés dès que l’infrastructure le permettrait et que les emplacements nécessaires pourraient être mis à disposition. Dans l’intervalle aucune forme d’exploitation sauvage ne serait tolérée.

4) Le 24 juin 2013, A______ a réitéré sa demande. La planification d’une éventuelle collaboration pouvait démarrer.

5) Le 16 juillet 2013, l’AIG a répondu à A______ que son intention d’octroyer en principe de nouvelles concessions à terme n’était pas remise en cause. Cas échéant, un appel d’offres serait lancé auquel elle aurait tout le loisir de participer.

6) Le 2 juin 2014, l’AIG a mis en demeure A______ de cesser toute activité avec effet immédiat et de modifier la teneur de son site internet en conséquence. La violation d’une interdiction d’accéder au site qui pourrait être prononcée serait susceptible de constituer une infraction pénale.

7) Le 25 juillet 2014, l’AIG a fait parvenir à A______ un projet de décision d’interdiction d’accès au site aéroportuaire dans le but d’y exercer des activités commerciales et/ou financières.

8) Le 25 août 2014, A______ a indiqué à l’AIG qu’elle contestait le projet de décision. Elle exerçait son activité exclusivement par le biais d’internet, sans comptoir ou guichet dans le périmètre aéroportuaire. De plus, toutes les transactions étaient uniquement conclues par voie électronique. La seule présence de ses collaborateurs sur le site se résumait à la montée et à la descente des voitures et à la remise des clés.

La décision n’était fondée sur aucune base légale et violait la liberté de commerce et d’industrie dont elle bénéficiait. En outre, elle pouvait s’analyser à la lumière de la loi sur les cartels.

Vu les différentes procédures en cours s’agissant d’autres entreprises offrant des services similaires, la prise d’une décision d’interdiction serait une perte de temps jusqu’à droit jugé dans ces procédures.

9) Par décision du 1er octobre 2014, l’AIG a fait interdiction à A______ d’accéder au site aéroportuaire dans le but d’y exercer des activités commerciales et/ou financières sous la menace des sanctions prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

10) Le 3 novembre 2014, A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de l’AIG en concluant à son annulation et subsidiairement à l’octroi d’une autorisation ou concession nécessaire à accéder aux infrastructures aéroportuaires dans le cadre de son activité de valet de parking.

Elle n’exerçait aucune activité au sein des parkings et si tel était le cas, ses activités ne nécessitaient aucune autorisation ou concession ou elle ne pouvait lui être refusée. En outre, son activité devait être distinguée de celle d’B______, au bénéfice d’une concession octroyée par l’AIG car elle parquait les véhicules en dehors du site de l’AIG.

Les arguments juridiques de A______ seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

11) Le 22 décembre 2014, l’AIG a produit des observations concluant au rejet du recours.

Les activités de A______, telles que visibles sur le site www.A______ impliquaient une présence sur le site aéroportuaire ainsi que la réception du véhicule, le contrôle de son état et différentes formalités accomplies sur les parkings.

A______ ne disposait d’aucun droit à une utilisation extraordinaire du patrimoine administratif de l’AIG. Bien qu’accessibles au public, le propriétaire n’y autorisait à y pénétrer que ceux qui voulaient y déposer contre argent leur voiture et la rechercher ainsi que leurs accompagnants. Ceci était l’usage conforme à la destination des parkings aéroportuaires. Tout autre usage qui s’en écartait était contraire à la volonté de l’ayant droit et devait être compris comme étant extraordinaires.

12) Le 22 janvier 2015, A______ a répliqué.

L’essence de son activité ne s’exerçait pas sur le site aéroportuaire lui-même car elle ne dépassait que très rarement dix minutes. Une autre mesure respectant le principe de la proportionnalité, soit le déplacement du lieu de la prise en charge des clients aurait permis d’atteindre le même but.

13) Suite à quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties avaient été informées le 22 décembre 2014, un délai au 23 janvier 2015 ayant été fixé pour formuler toute requête complémentaire et/ou exercer leur droit à la réplique.

14) Le 23 février 2015, une écriture spontanée de l’AIG, datée du 12 février 2015, lui a été retournée.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la validité de l’ordre d’interdiction d’accéder au site aéroportuaire, dans le but d’y exercer une quelconque activité commercial et/ou financière, faite à la recourante ainsi qu’à ses organes, collaborateurs et autres auxiliaires, par l’intimée. En d’autres termes, la question à résoudre est celle de savoir si la recourante a le droit d’exercer, de manière permanente et en-dehors de toute procédure d’autorisation ou de concession, des activités de voiturier sur le site de l’AIG.

3) Il convient en premier lieu de déterminer à quelles règles sont soumis les parkings de l’aéroport ainsi que les bases légales sur lesquelles se fonde la décision prise par l’AIG.

a. L’AIG est au bénéfice d’une concession fédérale l’autorisant à exploiter l’aéroport à titre commercial. Il a notamment l’obligation de mettre à la disposition des usagers une infrastructure répondant aux impératifs d’une exploitation sûre et rationnelle (art. 36a al. 2 de la loi fédérale sur l’aviation du 21 décembre 1948 - LA - RS 748.0).

b. La gestion et l’exploitation de l’aéroport sont confiées, dans les limites de la concession fédérale, à l’AIG, établissement de droit public doté de la personnalité juridique (art. 1 de la loi sur l'aéroport international de Genève du 10 juin 1993
- LAIG - H 3 25).

c. L’établissement a pour mission de gérer et d’exploiter l’aéroport et ses installations en offrant, au meilleur coût, les conditions optimales de sécurité, d’efficacité et de confort pour ses utilisateurs (art. 2 al. 1 LAIG).

d. L’AIG est propriétaire de l’ensemble des bâtiments, installations et aménagements extérieurs compris dans le périmètre aéroportuaire (art. 4
al. 1 LAIG). Les biens-fonds compris dans le périmètre demeurent la propriété de l’état de Genève qui a constitué un ou plusieurs droits de superficie distincts et permanents immatriculés au registre foncier en faveur de l’établissement (art. 4 al. 3 LAIG).

e. L’établissement prend, sous réserve des compétences réservées au Conseil d’État et au Grand Conseil par la LAIG ; toutes les mesures propres à remplir la mission qui lui est assignée et veille au respect de la législation fédérale relative à la navigation aérienne et à l’exploitation d’aéroports ouverts au public, ainsi qu’aux dispositions spécifiques de la concession fédérale (art. 30 LAIG).

f. L’AIG peut donner en location ou en concession les locaux techniques, administratifs et commerciaux dont il est propriétaire et dont il n’a pas lui-même l’usage (art. 31 LAIG).

g. Dans le cadre de la gestion de l’établissement, le conseil d’administration édicte notamment un règlement général sur l’organisation de l’aéroport (art. 3 let. b du règlement d'application de la loi sur l'aéroport international de Genève du 13 décembre 1993 - RAIG - H 3 25.01).

h. Aucune activité commerciale, financière, industrielle ou artisanale ne peut être exercée à l’aéroport sans l’accord d’une concession (art. 15 du règlement d’exploitation de l’aéroport du 31 mai 2001 ; ci-après : le règlement d’exploitation).

i. En sus des prescriptions d’utilisation de l’aéroport par les aéronefs, l’exploitant édicte et publie de sa propre compétence des prescriptions complémentaires d’utilisation de l’aéroport faisant règle pour l’ensemble des instances, personnels et usagers du site aéroportuaire (art. 12 du règlement d’exploitation).

j. Un règlement d’utilisation des parkings publics du site aéroportuaire déterminant les modalités d’utilisation des parkings publics de l’aéroport pour tout usager (conducteur de véhicule, détenteurs, passagers ou autres) a été adopté le 26 avril 2011 par le conseil d’administration de l’AIG, remplacé par un nouveau règlement le 21 mai 2013 (ci-après : règlement parking).

Dans sa version du 21 mai 2013, le règlement parking prévoit que les parkings et la zone de dépose-rapide étant des lieux privés ouverts au public, l’affichage, la distribution de tout document et les manifestations y sont interdits, sauf autorisation expresse et préalable. Les colporteurs, vendeurs, mendiants et clochards ne sont pas tolérés dans les parkings et dans la zone de dépose-rapide. Les transactions commerciales et/ou financières ne sont admises ni au sein des parkings et/ou de la zone de dépose-rapide ni à leur proximité immédiate, sauf autorisation préalable et écrite de l’aéroport (art. 12 règlement parking). L’art. 12, dans la version antérieure du règlement parking ne faisait pas mention des transactions commerciales et/ou financières.

En outre, le règlement parking prévoit l’interdiction, quelle que soient les circonstances et même si l’usager est en possession d’un ticket de sortie valable, de profiter de l’ouverture de la barrière par le véhicule précédent pour sortir du parking. En cas de non-respect de cette interdiction, l’AIG se réserve le droit de prendre toutes les mesures utiles, p. ex : interdiction d’utiliser les parkings et de dénoncer l’usager aux autorités compétentes (art. 7 al. 7 règlement parking). Ces précisions ne figuraient pas dans le règlement antérieur qui fixait uniquement les conditions de sortie des parcs de stationnement soit à l’aide d’un ticket horodaté préalablement réglé aux caisses, soit l’insertion ou l’application sur la borne de sortie d’un titre d’accès autorisé.

La gestion des divers parkings, propriétés de l’intimé, lui est confiée par la loi. La délégation contenue dans la LAIG vise notamment à ce que des règles soient établies pour les usagers du site aéroportuaire, dont les parkings font partie. Sur cette base, l’AIG a notamment édicté un règlement sur l’utilisation des parkings dont la finalité est d’assurer sa mission de gérer et d’exploiter ses installations dans des conditions optimales de sécurité, d’efficacité et de confort pour les utilisateurs (art. 2 al. 1 LAIG).

La décision interdisant l’accès aux parkings de l’aéroport à la recourante qui n’est pas au bénéfice d’une concession pour y exercer ses activités commerciales s’inscrit dans le cadre de la règlementation précitée.

4) La recourante estime que les parkings étant ouverts au public, l’AIG n’était pas fondé à lui en interdire l’accès, son activité sur le site étant conforme à la destination de celui-ci.

a. La doctrine et la jurisprudence distingue parmi les biens publics, le patrimoine financier, le domaine public (au sens étroit), soit les biens publics susceptibles d’un usage commun et le patrimoine administratif. Ces deux derniers sont composés des biens appartenant à l’État, affectés à l’accomplissement de tâches publiques. Les biens du patrimoine administratif se distinguent du domaine public, dans la mesure où ils ne peuvent être utilisés librement par tous les citoyens, car cela serait contraire à leur destination. Ils sont destinés à un cercle d’utilisateurs restreints. Les biens publics susceptibles d’un usage commun, sont quant à eux à disposition de tous (ATF 138 I 274 consid. 2.3.2  in JdT 2013 I p. 3 ; ATF 127 I 84 consid. 4b in JdT 2003 I p. 94 ; Thierry TANQUEREL, manuel de droit administratif, 2011, p. 64 n.  188 ; François BELLANGER, Commerce et domaine public in Le domaine public, François BELLANGER et Thierry TANQUEREL [éd.], 2004, p. 45 ; Michel HOTTELIER, Le domaine public en droit genevois, in SJ II 2002 p. 126 ss).

b. Sur le plan général, l’accès du public aux biens du patrimoine administratif est limité par l’usage auxquels ils sont affectés. On distingue toutefois les biens qui sont utilisés par les agents publics, destinés à l’usage administratif uniquement, de ceux destinés à un usage individuel ou privatif, tels les logements sociaux ou encore les locaux commerciaux dans les aéroports et les gares. Une autre catégorie est constituée par les biens du patrimoine administratif utilisés par les administrés ou certaines catégories d’entre eux, les usagers ou utilisateurs, comme les écoles, hôpitaux et installations sportives. Ces biens se définissent comme patrimoine administratif à l’usage de l’établissement (ATF 138 I 274 consid. 2.3.2 p. 284).

L’utilisation du patrimoine administratif par les usagers conformément à sa destination est réglée par la législation relative à la tâche en cause ainsi que par des règles d’organisation internes, des ordonnances législatives ou des prescriptions autonomes. Il ne nécessite en principe pas d’autorisation spéciale (Thierry TANQUEREL, op. cit. p. 65 n. 194 et 195). La distinction principale entre domaine public et patrimoine administratif réside ainsi dans la capacité limitée d’utilisation du patrimoine administratif et donc dans la limitation du nombre d’utilisateurs opposée aux possibilités d’utilisation du domaine public pratiquement illimitées (Blaise KNAPP, L’utilisation commerciale des bien de l’État par des tiers in Problèmes actuels de droit économique : Mélanges en l’honneur du Professeur Charles-André JUNOD, 1997, p. 235). L’usage privatif du patrimoine administratif, même confié à des tiers, reste conforme à l’usage prévu pour l’établissement en question. Ainsi, l’exploitation des magasins dans les gares, aéroports, etc., fait partie des services accessoires offerts aux voyageurs en mettant à disposition exclusive de privés une partie du patrimoine administratif (Markus HEER, op. cit., p. 12).

L’usage d’un bien du patrimoine administratif est prioritaire par rapport à tout autre usage, au sens où il ne saurait être ni totalement, ni même partiellement entravé par l’équivalent d’un usage privatif ou accru qui serait consenti à un administré (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 544 n. 1531)

c. Dans la mesure où cela n’entrave pas l’accomplissement de la tâche publique à laquelle un bien du patrimoine administratif est affecté, des utilisations particulières, sans rapport direct avec cette tâche, peuvent être admises mais tout usage extraordinaire du patrimoine administratif implique un acte spécial l’autorisant (ATF 127 I 84 consid. 4b in JdT 2003 I p. 94 ; Thierry TANQUEREL, op. cit. p. 65 n. 196 ; François BELLANGER, op. cit., p. 45). Même lorsque l’usage requis par un administré est compatible avec l’exécution de la tâche publique, cela ne lui permet pas de se prévaloir d’un droit subjectif conditionnel à se voir accorder une autorisation (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, ibidem).

Les utilisations extraordinaires des biens d’un établissement public ne peuvent pas, par définition, être prévues de manière expresse et détaillée dans une loi formelle. La règle étant qu’en toute hypothèse, la priorité doit être donnée à ceux qui veulent faire un usage ordinaire de l’établissement sur tous les demandeurs d’utilisation extraordinaire. Les modalités de l’accès et de l’utilisation de l’établissement public commercial seront précisées dans des règlements adoptés par les collectivités chargées de gérer ce patrimoine (Blaise KNAPP, op. cit., pp.  234-235).

d. Le Tribunal fédéral a été amené à examiner ces questions, dans plusieurs arrêts. S’agissant tout d’abord de l’utilisation de salles communales par des privés, le Tribunal fédéral a estimé sous l’angle de la liberté d’expression que la jurisprudence en matière d’utilisation accrue du domaine public était applicable par analogie si ces salles du patrimoine administratif étaient destinées habituellement (usage ordinaire) à des réunions. En revanche si cette utilisation n’était ni prévue ni habituelle, il n’existait pas de droit conditionnel à une utilisation extraordinaire (arrêt du Tribunal fédéral du 18 février 1991, in ZBl 1992 40 ss, Unité jurassienne Tavannes ; Markus HEER, Die ausserordentliche Nutzung des Verwaltungsvermögens durch Private, 2006, pp. 31 et 32). Sous l’angle de liberté économique, l’utilisation du patrimoine administratif a été refusée à une association, s’agissant de l’affichage par le biais de peinture intégrale des bus à Lucerne. Le Tribunal fédéral a relevé que l’utilisation recherchée ne correspondait pas à un usage ordinaire ou conforme à leur destination des bus, bien que cet usage ne soit pas entravé par l’application de peintures intégrales, il n’existait toutefois pas de droit fondamental a cet usage extraordinaire. En outre, des alternatives s’offraient aux intéressés (ATF 127 I 84 consid. 4b in JdT 2003 I p. 94). S’agissant des murs d’une gare, le Tribunal fédéral a jugé que même s’il s’agissait du patrimoine administratif, le site de la gare visait à satisfaire les mêmes besoins qu’une zone piétonne et était utilisée comme un bien du domaine public. Il a dès lors fait application des règles d’usage accru du domaine public (ATF 138 I 274 consid. 2.3.2. p. 284 ; René WIEDERKEHR et Paul RICHLI, Praxis des allgemeinen Verwaltungsrechts - Band II, 2014, p. 50 n. 132). Dans le cadre de l’application du droit des marchés public, s’agissant de la construction et de l’exploitation d’un parking sur le domaine public, le Tribunal fédéral a tranché qu’il ne s’agissait pas là de tâches publiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_198/2012 du 16 octobre 2012). En revanche le parking d’un hôpital, ouvert aux patients, aux visiteurs ainsi qu’au personnel a été considéré comme faisant partie du patrimoine administratif de l’établissement, selon un jugement obwaldien (RR OW du 2 décembre 2008, in : VVGE 2007/08 nr. 22 consid. 7).

En l’espèce, l’AIG est un établissement de droit public cantonal
(art. 1 LAIG), soit une organisation administrative disposant d’un ensemble de moyens en personnel et en matériel affectés durablement à l’exécution d’une tâche publique déterminée. Vu cette qualité, ses biens relèvent du patrimoine administratif (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, n. 7.2.1.1 p. 337). L’AIG est également un établissement public à destination commerciale, susceptible d’exploitations normales ordinaires simultanées et variées. Il est ainsi utilisé par les compagnies de navigation aérienne, par les transporteurs, les restaurateurs, les banquiers et les commerces les plus divers (Blaise KNAPP,
op. cit., pp. 233 à 236). Tous ces usages constituent l’usage ordinaire de l’établissement public et découlent du but principal assigné par le législateur, soit l’exploitation d’un aéroport avec ses installations, en offrant, au meilleur coût, les conditions optimales de sécurité, d’efficacité et de confort pour ses utilisateurs (art. 2 al. 1 LAIG).

Les parkings de l’aéroport permettent aux utilisateurs de l’aéroport de bénéficier d’une place de stationnement et d’un accès aisé et sûr aux services proposés. En application des définitions développées ci-dessus, il faut conclure qu’ils font partie du patrimoine administratif dont l’usage est défini par leur destination et non pas des biens publics susceptibles d’un usage commun. Leur usage extraordinaire est ainsi soumis à une autorisation spéciale.

5) La recourante n’étant pas au bénéfice d’une autorisation spéciale, il s’agit de vérifier si l’usage fait par la recourante des installations de l’intimé est ordinaire ou extraordinaire.

Des places de stationnement sont mises à disposition sur le site aéroportuaire, dans différents parkings, dans lesquels le stationnement payant est possible de courte, moyenne ou longue durée. Ces places de stationnement sont prévues pour les utilisateurs ou usagers de l’aéroport. Ceux-ci sont constitués de personnes ayant parqué leur véhicule, soit pour déposer un ou des voyageurs, pour utiliser les différentes facilités et commerces à disposition dans la zone publique de l’aéroport, ou parce qu’ils sont eux-mêmes des voyageurs.

Un voiturier se trouve sur le site de l’aéroport et plus particulièrement sur les parkings courte durée arrivée ou départ, les plus proches des terminaux, pour effectuer une prestation en faveur de son client, à savoir, prendre en charge son véhicule sur le parking courte durée départ, pour le stationner en dehors du site et le ramener sur le parking courte durée arrivée, à une date et heure convenues avec son client.

De prime abord, son activité paraît conforme à la destination des parkings, s’agissant du stationnement d’un véhicule, pour une courte durée dans un parking prévu à cet effet. Toutefois, cette activité de voiturier se distingue du service qui peut être rendu par des personnes accompagnants dans leur véhicule des usagers de l’aéroport, contrairement à ce que prétend la recourante. Ainsi, sur le site et plus précisément sur le parking courte durée (maximum 1h dont 10 min gratuites), l’activité des employés de la recourante consiste à prendre contact avec son client en s’identifiant au moyen d’une pancarte par exemple, à vérifier de l’état du véhicule, le kilométrage ainsi que les objets laissés par le client à l’intérieur, puis à consigner ces éléments sur une fiche ou au moyen d’une tablette électronique, à faire signer le contrat au client et à lui remettre un double de ces document. Ensuite, l’employé de la recourante réceptionne les clefs et sort du parking de l’aéroport à l’aide du ticket de parking remis par le client pour amener le véhicule sur un parking extérieur au site. À la restitution du véhicule, l’employé de la recourante effectue les formalités nécessaires, au moment convenu. Bien que ces activités ne prennent pas forcément beaucoup de temps, ce qui est déterminant c’est que le véhicule parqué, même pour une durée inférieure à la durée maximale autorisée, utilise une place dans un parking prévu pour que les accompagnants de voyageurs ou les usagers des services de l’aéroport, puissent y déposer leur véhicule. En procédant au stationnement temporaire de véhicules qui devront ensuite être parqués pour une certaine durée, largement supérieure à une heure, sur une autre place de stationnement hors de la zone aéroportuaire, la recourante fait un usage qui ne répond pas à leur destination des parkings courte durée. Compte tenu du fait que la recourante a plusieurs employés exerçant leur activité conjointement et que cette même activité est déployée par de nombreux concurrents, l’utilisation du parking courte durée par les personnes qui souhaitent en faire l’emploi prévu par sa destination est compromise. Il convient de prendre en compte également le fait que la recourante pourrait exercer son activité, selon des modalités différentes, sans utilisation des parkings de l’AIG, en accueillant ses clients et leur véhicule en dehors du site, en procédant aux différents contrôles, signature, encaissement, nécessaires et en acheminant les clients vers le terminal d’embarquement en navette ou même dans leur véhicule, en utilisant la zone de dépose rapide.

En l’état, l’utilisation des places de stationnement courte durée faite actuellement par la recourante ne correspond pas à celle prévue par la destination du parking de l’aéroport mais constitue un usage extraordinaire de celui-ci et fait, en outre, partie de l’activité commerciale de la recourante. Cette activité, non autorisée par l’AIG, entre en conflit avec l’utilisation ordinaire, appropriée et prioritaire des parkings. En conséquence, la décision litigieuse, conforme au règlement adopté par l’AIG pour la gestion de ses parkings ainsi qu’à la mission de l’établissement public, s’avère fondée dans son principe.

6) La recourante estime encore que l’accès au parking lui est refusé en violation de sa liberté économique.

Selon l'art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 131 I 333 et les références citées). Toute activité lucrative privée exercée à titre professionnel, qui vise à l’obtention d’un gain ou d’un revenu, bénéficie de la garantie de la liberté économique (ATF 117 Ia440 ; 116 Ia 118 ; ATA/500/2001 du 7 août 2001). La protection de l’art. 27 Cst. s’étend non seulement aux indépendants, mais encore aux employés salariés lorsqu’ils sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 112 Ia 318, 319).

L’art. 27 Cst implique que l’État ne prenne en main un secteur seulement si, et dans la mesure où, l’intérêt général l’exige, donc si ledit secteur est en étroit rapport avec les tâches d’intérêt général qui lui sont confiées. Cela a notamment pour conséquence, s’agissant de la possibilité de se prévaloir de la liberté économique pour exercer une activité en relation avec des biens de l’état, que lorsqu’un bien est affecté à l’accomplissement d’une tâche étatique, rattaché au patrimoine administratif, les justiciables ne sauraient revendiquer un usage qui n’est pas autorisé par les normes établies. Ainsi, les activités lucratives exercées au sein du patrimoine administratif sont soustraites à la liberté économique et peuvent être l’objet d’un monopole de fait. (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 66 n. 197 ; Etienne GRISEL, Liberté économique, 2006, pp 176, 177 n. 396 et 402, p. 444 n. 1046 ; François BELLANGER, op. cit., p. 45 f ; Blaise KNAPP, Les limites à l’intervention de l’État dans l’économie, in ZBl 91/1990 p. 260).

En l’espèce, les installations de stationnement de l’intimé sont destinées à permettre aux voyageurs d’accéder de façon sûre et confortable aux terminaux de l’aéroport ainsi qu’aux services à disposition des voyageurs et d’un public plus large. Ce but est inclus dans la mission prévue par la concession et la LAIG. Comme vu ci-dessus, les parkings font partie du patrimoine administratif affecté à une tâche publique et ne constituent pas des biens publics susceptibles d’un usage commun. En conséquence, c’est en vain que la recourante se prévaut de sa liberté économique et son grief sera rejeté.

7) Le fait qu’un service de voiturier soit offert aux usagers sur le site de l’AIG par B______ n’est pas contradictoire avec le raisonnement fait plus haut, quoiqu’en pense la recourante.

La mission de l’AIG contient notamment celle de mettre à disposition de ses utilisateurs des services ainsi que des commerces qui correspondent à leurs besoins. Certaines des activités liées à ces besoins et donc à la mission de l’établissement, sont confiées à des entreprises privées et les locaux et installations de l’AIG sont ainsi mis à leur disposition. Tant la tâche de service public que le patrimoine administratif sont ainsi confié, contre rémunération (Tobias JAAG, Gemeingebrauch und Sondernutzung öffentlicher Sachen, SZbl 1992 p. 150). Dans ce cas, l’établissement public a un monopole de fait s’agissant de ces activités qui peuvent être exploitée par concession à des tiers (Pierre MOOR, op. cit. p. 396).

En concédant à B______ la gestion d’un service de voiturier et en faisant bénéficier cette entreprise de l’utilisation exclusive de certaines places de stationnement ainsi que d’un espace, attribué dans l’un de ses parkings, contre rémunération, l’AIG a fait le choix d’un concessionnaire unique. Rien ne l’empêcherait d’attribuer d’autres concessions et il a admis étudier la question dans l’attente de la rénovation de ses installations de stationnement, mais rien ne l’y oblige, les différents acteurs présents sur le marché des voituriers n’ayant pas droit à l’obtention d’une telle concession (Thierry TANQUEREL, op. cit. n. 1055 p. 358 ; Etienne GRISEL, op. cit. p. 178 n. 406). En revanche, bien évidemment, lors du renouvellement de la concession, cas échéant, l’AIG devra procéder à l’attribution de la concession en appliquant les règles prévues en la matière de façon à respecter notamment le principes d’égalité de traitement dont se prévaut en vain la recourante, la concession n’étant pas l’objet du litige.

Ce grief est infondé.

8) La recourante dénonce une inégalité de traitement du fait de la tolérance alléguée de l’AIG, s’agissant d’activités de tiers à l’intérieur du site aéroportuaire.

Une décision viole la protection constitutionnelle de l’égalité de traitement lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 131 I 394). Le principe de la légalité ne l’emporte cependant pas toujours sur celui d’égalité. La règle qui veut qu’il n’y ait pas d’égalité dans l’illégalité subit une exception lorsque la pratique constante de l’autorité est contraire à la loi et que l’autorité refuse de revenir sur son ancienne pratique illégale (ATF 127 I 1).

En l’espèce, les règlements adoptés par l’intimé indiquent très clairement sa volonté d’exclure les activités commerciales non autorisées des parkings et des autres locaux du site. En outre, la mise à jour récente du règlement parking, contredit les allégations de la recourante sur le fait que l’AIG entendrait tolérer, ou continuer à tolérer, des activités non autorisées sur son site.

Le grief sera écarté.

9) a. Entièrement infondé, le recours doit être rejeté.

b. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de A______ Sàrl qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 1 LPA).

Conformément à la jurisprudence (ATA/581/2013 du 3 septembre 2013), aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’AIG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2014 par A______ Sàrl contre la décision de l’Aéroport international de Genève du 1er octobre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco Crisante, avocat de A______ Sàrl, ainsi qu'à Me Albert-Florian Kohler, avocat de l'Aéroport international de Genève.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :