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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4078/2009

ATA/652/2009 du 10.12.2009 sur DCCR/1153/2009 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4078/2009-MC ATA/652/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 10 décembre 2009

en section

dans la cause

 

Monsieur T______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 19 novembre 2009 (DCCR/1153/2009)


EN FAIT

1. Monsieur T______, né en 1987, indiquant être d’origine malienne, s’est vu notifier par l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM), le 13 juin 2005, une décision de non-entrée en matière et de renvoi de Suisse, suite à la demande d’asile qu’il avait déposée le 30 mai 2005. Cette décision est définitive et exécutoire.

2. Selon un entretien linguistique auquel l’intéressé a participé le 4 octobre 2005, ainsi que selon une expertise « lingua » du 6 avril 2006, M. T______ était, sans l’ombre d’un doute, ressortissant de Gambie.

3. a. Par ordonnance de condamnation du 2 août 2007, un juge d’instruction a condamné M. T______ à deux cents quarante heures de travail d’intérêt général, avec sursis de trois ans, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

b. La chambre pénale de la Cour de justice a condamné l’intéressé à une peine privative de liberté de treize mois, le 3 novembre 2008, pour infraction à la LStup ainsi qu’à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

4. Au terme de l’exécution de sa peine, soit le 14 janvier 2009, M. T______ a été remis à la police, pour que son renvoi de Suisse soit exécuté. L’ordre de mise en détention prononcé par l’officier de police, pour une durée de trois mois, a été confirmé par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) le 15 janvier 2009.

5. L’intéressé a été entendu par les représentants des autorités gambiennes, les 12 et 13 février 2009. Ces dernières ont réservé leur position et indiqué devoir effectuer des recherches complémentaires.

6. Le 9 avril 2009, à la demande de l’office cantonal de la population (ci-après : OCP), la CCRA a prolongé la détention administrative de M. T______ pour une durée de trois mois. Cette décision était devenue exécutive et exécutoire.

7. Toujours à la demande de l’OCP la CCRA a, à nouveau, prolongé la détention administrative de l’intéressé pour trois mois, par décision du 6 juillet 2009.

Saisi d’un recours, le Tribunal administratif a confirmé la décision précitée le 23 juillet 2009 (ATA/346/2009 du 23 juillet 2009).

8. Suite aux démarches que M. T______ a effectuées, il a été entendu par un représentant de la république du Mali, le 29 juillet 2009. Cette autorité ne l’a pas reconnu comme un de ses ressortissants, car il ne parlait aucune des langues usitées au Mali, sauf le peul, et qu’il n’avait aucune connaissance géographique ou historique du pays. Il n’avait également aucune attache familiale au Mali. Le recourant pouvait être originaire de la République de Guinée (ci-après : Guinée).

9. Le 25 août 2009, l’intéressé a été entendu par une délégation gambienne, qui a indiqué qu’il n’était pas gambien, mais pouvait être originaire de Guinée ou du Mali.

10. Le 23 septembre 2009, M. T______ a saisi la CCRA d’une demande de mise en liberté. Ni les autorités maliennes, ni celles de Gambie, ne l’avaient reconnu et son refoulement était impossible.

De son côté, le 29 septembre 2009, l’OCP a sollicité de la CCRA la prolongation de la détention administrative de M. T______ pour une durée de six mois. Une audition avec une délégation guinéenne devait avoir lieu au printemps 2010.

Le 1er octobre 2009, la CCRA a rejeté la demande de levée de la détention et prolongé cette dernière pour une durée de trois mois, jusqu’au 1er janvier 2010.

M. T______ faisait preuve d’une mauvaise volonté particulière pour éviter d’être identifié. L’exécution de son renvoi n’était pas impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Il devait encore être entendu par une délégation guinéenne, et les autorités devaient faire le nécessaire pour que cet acte d’instruction soit réalisé dans un délai raisonnable.

11. Saisi d’un recours, le Tribunal administratif a confirmé la décision litigieuse (ATA/522/2009 du 21 octobre 2009).

La durée de la détention administrative était proportionnée et les autorités avaient entrepris toutes les démarches nécessaires à l’obtention d’un laissez-passer. L’absence de collaboration de l’intéressé avait prolongé la procédure d’obtention d’un tel document. Il appartenait aux autorités d’organiser une rencontre avec les autorités guinéennes, si possible sans attendre la venue d’une délégation de ce pays, au premier trimestre 2010.

12. Le 11 novembre 2009, M. T______ a saisi la CCRA d’une demande de levée de la détention administrative. Aucune démarche n’avait été entreprise pour le présenter au consulat de Gambie à Zurich. Des faits nouveaux étaient survenus, soit des difficultés diplomatiques entre la Confédération helvétique et la Guinée, empêchant d’organiser des renvois sous la contrainte vers ce pays, qui se trouvait dans une situation tendue. Le chef de la junte semblait avoir une personnalité psychiquement perturbée.

L’exécution du renvoi était impossible puisque M. T______, originaire du Mali, refuserait de se rendre de son plein gré en Guinée.

13. La commission a entendu les parties le 19 novembre 2009.

Durant l’audience, le recourant a formé un incident : l’OCP était représenté par une fonctionnaire du commissariat de police. Cette dernière s’étant annoncée comme représentante de l’OCP, l’incident a été rejeté.

L’OCP a indiqué que M. T______ devait être à nouveau présenté à une délégation malienne, entre le 7 et le 11 décembre. Une audition avec les représentants de la Guinée devait avoir lieu durant le premier semestre 2010. Les vols « DEPU » et « DEPA » étaient toujours possibles vers ce pays, mais pas les vols spéciaux, ce qui empêchait actuellement un renvoi de l’intéressé dans ce pays contre son gré.

14. Par décision du 19 novembre 2009, la CCRA a rejeté la demande de levée de la détention. Les autorités n’étaient pas en possession des documents nécessaires pour un renvoi de l’intéressé en Guinée, et dès lors, la question de l’exécutabilité d’un tel renvoi vers ce pays n’était pas d’actualité. Par contre, dans la mesure où les autorités entreprenaient encore des démarches en vue d’établir l’identité de l’intéressé avec toute la diligence requise, l’exécution du renvoi ne pouvait être considérée comme impossible. Ce renvoi ne pouvait être considéré comme impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

15. M. T______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours, mis à la poste le 30 novembre 2009 et reçu le lendemain.

Préalablement, le Tribunal administratif devait constater que l’OCP n’était pas valablement représenté par une fonctionnaire du commissariat de police lors de l’audience du 19 novembre 2009. La cause devait être renvoyée à la CCRA pour instruction sur cette question.

La détention de M. T______ devait être levée car son renvoi vers la Guinée était impossible pour des raisons matérielles. Bien qu’il soit malien, les autorités maliennes refusaient de le reconnaître, tout comme les autorités gambiennes. Qu’un laissez-passer soit délivré ou non, un renvoi forcé vers la Guinée était impossible.

16. Le 4 décembre 2009, l’OCP s’est opposé au recours.

Lors de l’audience devant la CCRA, la personne qui représentait l’OCP oeuvrait au sein du service juridique de la police. Cette représentation était voulue par l’OCP, au vu des forts liens liant les deux entités dans le cadre de l’exécution des renvois ; tant l’OCP que la police agissaient sur mandat du département des institutions.

L’administration mettait tout en œuvre pour obtenir le départ de M. T______. Une nouvelle rencontre avec les autorités maliennes était agencée, l’intéressé se disant ressortissant de ce pays. En revanche, une présentation à l’ambassade de Guinée à Genève n’était pas possible, cette dernière étant disposée à établir des laissez-passers en faveur de ses ressortissants que si ces derniers se rendaient individuellement, et sans accompagnement policier, dans les locaux de l’ambassade.

Dans l’hypothèse où les autorités guinéennes reconnaîtraient M. T______ comme étant l’un de leurs ressortissants et que les vols spéciaux vers ce pays étaient toujours suspendus, la question de l’exécutabilité du renvoi se poserait. Une détention pour insoumission, au sens de l’article 78 LEtr, serait alors envisageable.

EN DROIT

1. Mis à la poste le 30 novembre 2009 et reçu le lendemain par le Tribunal administratif, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l’article 10 alinéa 2 LaLEtr, le Tribunal administratif statue dans les 10 jours qui suivent sa saisie. Statuant ce jour, il respecte ce délai.

3. Le recourant conclut, en premier lieu, à ce que la procédure soit retournée à la CCRA, afin de déterminer si l'OCP pouvait être représenté devant la commission par une juriste du service juridique de la police.

Selon l'art. 5 LPA, les départements et services de l'administration cantonale sont réputés être des autorités administratives. L'art. 7 de la même loi précise que les autorités qui disposent d'un moyen de droit contre une décision à rendre ont la qualité de partie. De plus, l'art. 9 al. 1 et al. 3 LPA autorise les autorités à se faire représenter par un membre de leur personnel, ou, comme n'importe quel autre partie, par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s'agit.

En l'espèce, l'OCP était représenté devant la CCRA par une juriste du service juridique de la police, qui est une mandataire professionnellement qualifiée.

Partant, ce grief sera rejeté.

4. M. T______ soutient que son renvoi serait devenu impossible depuis l’arrêt du Tribunal administratif du 21 octobre 2009, les autorités guinéennes refusant les renvois forcés dans ce pays.

Selon l’art. 80 ch. 6 let. a LEtr, la détention est levée lorsque l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

Tel n’est pas le cas en l’espèce. Une audition est encore prévue, dans le courant du mois de décembre 2009, par les autorités maliennes, l’intéressé soutenant être originaire de ce pays. D’autre part, une audition centralisée est prévue avec les autorités guinéennes au cours de la première moitié de l’année 2010. Ce n’est que lorsque ces dernières se seront déterminées sur l’octroi, ou non, d’un laissez-passer à l’intéressé que le refus de ce dernier de se rendre volontairement dans ce pays pourrait rendre le renvoi impossible. Toutefois, la situation politique évoluant rapidement en Guinée : on ne peut exclure que les départs contraints soient alors possibles. Il est aussi envisageable que d’ici là, M. T______ soit revenu à de meilleurs sentiments et accepte de partir volontairement vers ce pays.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera perçu (art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et aucune indemnité ne sera allouée au recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2009 par Monsieur T______ contre la décision de la commission de cantonale de recours en matière administrative du 19 novembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’aucune indemnité ne sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à l'office cantonal de la population, à l’officier de police, à l’office fédéral des migrations et au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod et M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :