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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2437/2010

ATA/651/2010 du 21.09.2010 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2437/2010-FPUBL ATA/651/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 septembre 2010

 

dans la cause

 

 

Monsieur I______
représenté par Me Cyril Aellen, avocat

 

contre

 

CONSEIL D’état


EN FAIT

1. Monsieur I______ a été engagé le 1er avril 2002 par le département de justice, police et sécurité, devenu le département de la sécurité, de la police et de l’environnement (ci-après : le département), en qualité de chauffeur de véhicules légers au sein de l’office des faillites (ci-après : OF).

Par arrêté du Conseil d’Etat (ACE) du 25 mai 2005, M. I______ a été nommé fonctionnaire avec effet au 1er avril 2005.

Dès le 1er mai 2007, il a été promu, par ACE du 20 juin 2007, à la fonction de gestionnaire en logistique.

2. Le 19 juin 2008 a eu lieu l’entretien périodique et développement du personnel de M. I______. Son bilan général était excellent. La hiérarchie a noté que depuis plus d’une année M. I______ travaillait à 50 % en raison d’un sérieux problème médical. Malgré cela, l’évalué faisait preuve d’une grande conscience professionnelle ; néanmoins, il était judicieux de prolonger de douze mois sa période probatoire.

Par ACE du 27 août 2008, la période d’essai de promotion de M. I______ a été prolongée du 1er mai 2008 au 30 avril 2009.

3. L’entretien périodique et développement du personnel du 29 avril 2009 s’est conclu sur un bilan général qualifié de bon. La hiérarchie relevait que pendant plus d’une année, M. I______ avait travaillé à 50 % en raison d’un sérieux problème médical. Ce nonobstant, il faisait preuve d’une grande conscience professionnelle. Depuis janvier 2009, il travaillait à 100 % bien qu’il ne soit pas totalement remis de sa maladie.

4. Le 4 juin 2010, Monsieur C______, responsable du service des ventes OF et supérieur hiérarchique direct de M. I______, a adressé un courrier électronique à la commission de surveillance des offices des poursuites et faillites (ci-après : la commission de surveillance).

Il souhaitait porter à la connaissance de celle-ci les faits suivants :

Le 1er juin 2010 vers 17h20, il s’était rendu dans les sous-sols de la salle des ventes afin de présenter un solde de montres à un acquéreur potentiel, souhaitant formuler une offre de gré à gré. A cette occasion, il avait constaté avec surprise, que la lumière dans les locaux était allumée. Après une brève inspection des lieux, il s’était retrouvé face à M. I______, qui n’avait aucune raison d’être à cet endroit. En effet, il ne travaillait actuellement qu’à 50 % et uniquement le matin. Ne voulant pas entrer en discussion devant l’acquéreur potentiel, il avait invité M. I______ à lui donner toute explication le lendemain ainsi qu’à quitter les lieux immédiatement. Arrivé devant la porte du local contenant les montres, il s’était tout de suite aperçu que celle-ci était ouverte et que les montres avaient été complètement fouillées. Il avait jugé préférable de renoncer à la présentation des actifs à l’acheteur.

Alors qu’il prenait congé de ce dernier aux environs de 17h40, il s’était à nouveau retrouvé face à M. I______ qui n’avait pas encore quitté la salle des ventes. Au vu de cette situation, il avait décidé de l’entendre immédiatement.

Ce dernier lui avait indiqué qu’effectivement il avait fouillé les montres en vue, selon ses dires, de prélever une boucle pour équiper une montre que l’une de ses connaissances aurait acquise lors de la dernière vente de ces biens. Cette affirmation lui avait été confirmée par sms dans les termes suivants : « je te jure que je voulais prendre que la boucle du bracelet », « je ne veux pas perdre ta confiance juste pour une boucle ».

M. C______ avait maintenu la convocation du lendemain et entendu une nouvelle fois M. I______ lequel lui avait confirmé ses intentions citées ci-avant, en rappelant que selon lui, ses actes n’étaient pas graves.

M. C______ avait indiqué à M. I______ que, pour lui, le rapport de confiance était rompu. A l’issue de cette discussion, la question d’une résiliation des rapports de travail de la part de M. I______ avait été envisagée. Ce dernier avait indiqué vouloir y réfléchir, mais à ce jour il n’avait rien reçu.

Indépendamment de cette solution à laquelle M. I______ pourrait recourir, M. C______ considérait que le comportement de ce dernier l’obligeait à solliciter la commission de surveillance des offices des poursuites et faillites (ci-après : CSO). Un entretien de service devait être fixé au plus vite.

5. Le 10 juin 2010, M. I______ a participé à un entretien de service réunissant M. C______, la responsable des ressources humaines (RH) du département des finances (ci-après : DF), le responsable de secteur RH du DF et le préposé de l’OF. M. I______ était assisté de son conseil.

L’entretien a porté sur les faits du 1er juin 2010 tels que relatés ci-dessus. M. I______ a reconnu finalement que ce qu’il avait fait était grave. M. C______ a établi une corrélation entre ceux-ci et un précédent intervenu le 8 janvier 2009 concernant des articles de maroquinerie. Procédant à une vérification des lieux, il avait trouvé des objets dans un casier non-fermé et non-attribué. M. I______ était en arrêt maladie pour dépression. Il l’avait appelé et après hésitation, ce dernier avait confirmé que c’était bien lui qui avait mis les objets dans le casier. Les faits n’avaient alors pas été dénoncés mais admis par M. I______ et avaient donné lieu à des excuses de la part de ce dernier auprès de ses collègues.

Au vu des éléments connus par M. C______, les accès au dépôt de la salle des ventes ont été retirés à M. I______ le 2 juin 2010 et une dispense de l’obligation de travailler lui a été signifiée le 7 juin 2010. Ces mesures étaient à mettre en lien avec un profond doute quant à une probable rupture du lien de confiance.

Le département a envisagé d’ouvrir une enquête administrative pour décider de la sanction qui pourrait aboutir à la révocation de M. I______ qui restait en dispense de travailler jusqu’à la conclusion de l’enquête. L’intéressé a précisé qu’il souhaitait revenir travailler au plus vite et a évoqué la possibilité d’une autre affectation, ce qui a été immédiatement déclaré peu probable par le responsable de secteur RH du DF.

6. M. I______ a présenté ses observations suite à l’entretien de service précité le 21 juin 2010.

Il n’avait jamais pris - ni n’avait jamais eu l’intention de prendre quoique ce soit - dans la salle des ventes. Le 1er juin 2010, lorsqu’il avait croisé M. C______, il n’était nullement fébrile mais tout simplement surpris de rencontrer ce dernier sur son lieu de travail en compagnie d’une personne étrangère au service. M. C______ ne lui avait pas demandé de quitter les lieux sur le champ.

S’agissant des faits de 2009, il s’agissait d’agendas, objets sans valeur qu’il avait mis dans un casier qui n’était pas fermé à clé. Il avait même oublié que ceux-ci se trouvaient dans ledit casier pendant plus de six mois. S’il avait voulu les voler, il n’aurait pas agi de la sorte.

Lors de l’entretien de service du 10 juillet (sic !) 2010, il avait certes déclaré, sous la pression de la situation, qu’il avait commis une faute grave. Toutefois, avec le recul, il retirait cette phrase car il estimait, comme cela avait été démontré, qu’il n’avait pas commis de faute grave. Il n’avait commis aucun acte qui serait illégal ou qui aurait pour conséquence une rupture du lien de confiance. N’ayant rien à cacher, il ne s’opposait pas à ce qu’une enquête administrative soit ouverte. En revanche, il contestait la mesure de suspension provisoire au sens de l’art. 28 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Il offrait de reprendre son activité à 50 % immédiatement et à 100 % dès le 1er juillet 2010.

7. Le 24 juin 2010, le directeur RH du DF a adressé au directeur général de l’office du personnel une demande d’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. I______, en relation avec les faits du 1er juin 2010.

8. Par courrier recommandé du 29 juin 2010, la CSO a informé le préposé de l’OF que dans son plénum du 17 juin 2010, elle avait pris la décision d’ouvrir une enquête disciplinaire dirigée contre M. I______, ce dont ce dernier était informé par courrier recommandé du même jour.

9. Par ACE du 30 juin 2010, le Conseil d’Etat a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. I______ à raison des faits survenus le 1er juin 2010. Cette décision entraînait la suspension provisoire de M. I______, avec maintien des prestations à charge de l’Etat, le prononcé d’une décision de suppression de toutes prestations à charge de l’Etat demeurant réservé. Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours et précisait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

La conduite de l’enquête était confiée à Monsieur R______, ancien remplaçant du chef de la police de sûreté.

10. M. I______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre l’ACE du 30 juin 2010 en tant qu’il prononçait sa suspension provisoire par acte du 12 juillet 2010.

Concernant les faits du 1er juin 2010, il expliquait s’être rendu dans l’après-midi dans le sous-sol de la salle des ventes de l’OF, son lieu de travail, afin de vérifier si les montres de bas de gamme qui n’avaient pas pu être vendues avaient une certaine sorte de boucle que recherchait une de ses amies. S’il avait trouvé des montres avec de telles boucles, il aurait conseillé à celle-ci d’en acheter une pour quelques dizaines de francs. Un contrôle d’inventaire effectué le 2 juin 2010 avait clairement démontré qu’il ne manquait rien dans le sous-sol de la salle des ventes de l’OF. Il n’avait eu aucun comportement qui irait à l’encontre de l’intérêt de l’Etat ou qui affaiblirait la considération et la confiance dont la fonction publique était l’objet.

Il avait respecté les art. 22 al. 1 et 2 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) et toujours rempli tous ses devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence. Il avait été un collaborateur exemplaire. Le fait de se rendre sur son lieu de travail dans les circonstances susdécrites ne pouvait pas être considéré comme une violation des dispositions susmentionnées.

De même, le fait d’avoir rangé des objets sans valeur et probablement invendables dans une armoire non-fermée à clé ne pouvait être considéré comme une violation des dispositions susmentionnées.

Par conséquent, n’ayant pas violé ses devoirs, ni commis aucune faute, la décision de suspension provisoire devait être annulée et le tribunal de céans devait dire et constater qu’il pouvait reprendre le travail immédiatement.

La décision prise par le Conseil d’Etat était contraire au principe de proportionnalité.

Il conclut préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours et, sur le fond, à l’annulation de l’ACE du 30 juin 2010, en ce qu’il le suspendait provisoirement, avec suite de frais et dépens.

11. Invité à se déterminer sur la question de l’effet suspensif, le Conseil d’Etat s’est opposé dans ses observations du 30 juillet 2010.

12. Par décision du 6 août 2010, la présidente du Tribunal administratif a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours (ATA/525/2010).

Dite décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

13. Dans ses observations du 30 août 2010, le Conseil d’Etat s’est opposé au recours. En application de la jurisprudence du Tribunal administratif, la suspension provisoire pour enquête au sens de l’art. 28 LPAC ne se limitait pas au cas où un licenciement était envisagé, mais bien lorsqu’il était reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’impliquait l’exercice de la fonction. En l’occurrence, le recourant, dont la présence le 1er juin 2010 vers 17h20 dans les sous-sols sécurisés de la salle des ventes de l’OF était injustifiée, avait admis oralement et par sms avoir fouillé dans un solde de montres afin de chercher une boucle pour une de ses connaissances. Il avait également reconnu qu’en janvier 2009, il avait placé des articles de maroquinerie dans un casier des vestiaires et présenté des excuses à ses collègues à la suite de ces faits.

Il était indéniable que les faits reprochés au recourant étaient de nature à justifier la suspension provisoire des rapports de service. Au surplus, le recourant continuait à percevoir son traitement.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 8 septembre 2010.

 

 

 

EN DROIT

1. Le Tribunal administratif est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 56A al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05).

Dès lors, interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est recevable.

2. Fonctionnaire de l’Etat de Genève, M. I______ est soumis à la LPAC.

3. Le recourant conteste la mesure de suspension provisoire prise à raison de l’enquête administrative ouverte à son encontre par le Conseil d’Etat.

4. La suspension est une mesure instituée dans l’intérêt de la bonne marche de l’administration. Elle présente un caractère provisoire qui a pour vocation de supprimer les dysfonctionnements de l’administration lorsque la situation exige une solution immédiate (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_459/2008 du 13 janvier 2009 consid. 1.2).

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, la suspension provisoire pour enquête présente un caractère temporaire et ne préjuge nullement de la décision finale. Ainsi, la suspension apparaît comme une sorte de mesure provisionnelle, prise dans l’attente d’une décision finale relative à une sanction ou à un licenciement (ATA/305/2009 du 23 juin 2009 et les réf. cit.).

Dans la jurisprudence qu’il a rendue récemment au sujet de l’art. 93 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le Tribunal fédéral a relevé qu’il appartient au destinataire d’une mesure visée par cette disposition d’alléguer et d’établir, sous peine d’irrecevabilité, que celle-ci lui cause un préjudice irréparable (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_459/2008 du 13 janvier 2009 consid. 1.3, déclarant irrecevable le recours exercé contre l’ATA/421/2008 du 26 août 2008 ; ATF 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632).

En l’occurrence, la décision attaquée relève explicitement que le recourant percevra l’intégralité de son traitement pendant la durée de l’enquête.

Il n’est pas possible de distinguer, dans ces conditions, la nature du préjudice en cause, pas plus que son prétendu caractère irréparable, ce d’autant moins que la décision de rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif a expressément souligné l’absence de tout préjudice en l’espèce.

5. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable (ATA/305/2009 déjà cité).

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 13 juillet 2010 par Monsieur I______ contre l’arrêté du 30 juin 2010 du Conseil d’Etat ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

-  par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

-  par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

-  par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cyril Aellen, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d’Etat.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :