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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1838/2007

ATA/610/2007 du 27.11.2007 ( HG ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; AM ; DETTE D'ARGENT
Normes : LAS.3 ; LAP.1 ; LAP.4 ; LAP.21.letb
Résumé : Refus donné par l'hospice général d'accorder à la recourante une aide financière au motif que l'intéressée disposait de ressources supérieures à son droit mensuel de base. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1838/2007-HG ATA/610/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 27 novembre 2007

dans la cause

 

Madame D______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


 


EN FAIT

1. Madame D______, née en 1967, vit à Genève avec ses sept enfants, dont les années de naissance s'échelonnent entre 1986 et 2006.

2. Par décision du 8 février 2007, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a refusé l'aide financière sollicitée par Mme D______, au motif que les ressources de celle-ci dépassaient les charges admises de CHF 22'448.-.

3. Mme D______ a élevé réclamation auprès de l'hospice par acte du 8 mars 2007.

Elle rencontrait une situation financière difficile depuis 2004, ce qui l'avait empêchée de régler de nombreuses factures, dont celles relatives aux primes d'assurance-maladie de toute la famille. L'arriéré des cotisations d'assurance-maladie s'élevait à environ CHF 25'000.-.

Lors de l'entretien du 8 février 2007 qu'elle avait eu avec une assistante sociale du centre d'action sociale et de la santé (ci-après : CASS) de la Servette, cette dernière lui avait affirmé que ses ressources, soit CHF 26'951,20, étaient suffisantes pour subvenir aux besoins d'une famille de huit personnes, ainsi que pour le remboursement dudit arriéré.

Durant son congé maternité, son employeur lui avait consenti des avances mensuelles de CHF 5'000.-, soit CHF 25'000.- au total, dans l'attente du paiement des indemnités maternité.

Elle a joint une attestation de remboursement de l'entier du montant desdites avances, signée par le directeur de M_____ S.A., le 2 mars 2007, ainsi que copie de nombreuses factures encore en suspens, dont un décompte de primes pour le mois de mars 2007. Celui-ci fait état d'un montant total de CHF 1'039,40 pour ses cotisations personnelles ainsi que celles de ses enfants, subsides non déduits.

Elle a conclu à ce que l'hospice lui accorde une aide financière, à défaut une aide pour rembourser l'arriéré de ses cotisations d'assurance-maladie ou, pour le moins, qu'il intervienne auprès de sa caisse maladie afin que celle-ci accepte des arrangements de paiement et rétablisse ses prestations.

4. Par courrier du 21 mars 2007, Mme D______ a fait parvenir à l'hospice sa fiche de salaire d'août 2006, faisant apparaître un salaire net de CHF 6'628,35, ainsi qu'une copie de la décision de la caisse de compensation du 1er février 2007 lui accordant une allocation journalière de CHF 221,60 du 17 septembre 2006 au 6 janvier 2007, au titre d'allocations cantonales de maternité.

Pour le surplus, Mme D______ a précisé qu'elle n'avait pas touché de salaire depuis la reprise de son activité professionnelle, début février 2007, son employeur ayant rencontré des problèmes de trésorerie. Elle était ainsi au chômage.

5. Par décision du 23 avril 2007, l'hospice a rejeté la réclamation et confirmé la décision du 8 février 2007.

S'agissant de l'arriéré des cotisations d'assurance-maladie, s'élevant à CHF 21'772,70, le paiement de celui-ci n'entrait pas dans les compétences de l'assistance publique. Aucune dette quelle qu'elle soit ne pouvait être prise en charge par cette dernière. L'hospice pouvait en revanche conseiller la personne débitrice et l'orienter vers un service pratiquant le désendettement, tel que Caritas. Ceci avait été suggéré à Mme D______ qui n'avait pas l'air de s'y intéresser.

Au moment du calcul du revenu déterminant, soit le 8 février 2007, Mme D______ ne remplissait pas les conditions d'octroi des prestations d'aide financière en raison du montant des allocations de maternité (CHF 24'819,20) et de son salaire, soit CHF 6'628,35 net par mois.

6. Mme D______ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée par acte du 7 mai 2007. Elle conclut à ce que l'hospice lui accorde une aide financière destinée au paiement des arriérés d'assurance-maladie de la famille, soit la somme de CHF 21'772,70.

7. Dans sa réponse du 15 juin 2007, l'hospice a persisté dans ses explications et conclusions développées dans sa décision sur réclamation, tout en ajoutant qu'en conformité avec les conditions prévues par la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), l'Etat, soit pour lui le service de l'assurance-maladie, était en mesure de verser à l'assureur des primes et prestations échues ainsi que les intérêts moratoires et les frais de poursuites.

Il conclut au rejet du recours.

8. Le 3 juillet 2007, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

La représentante de l'hospice a indiqué n'avoir pas eu connaissance, lors de l'entretien du 8 février 2007, de l'avance faite par l'employeur de Mme D______. Des démarches en vue de toucher les allocations d'assurance maternité avaient été entreprises par Mme D______ en date du 31 janvier 2007. Elle avait, en outre, encouragé la recourante à prendre contact avec Caritas afin de mettre en place un plan de désendettement. Dans la mesure où Mme D______ n'avait pas pris le document y relatif, elle en avait déduit que celle-ci n'était pas intéressée.

Si l'assistante sociale avait eu la preuve que Mme D______ avait une dette de CHF 25'000.- envers son employeur, elle n'aurait pas tenu compte de la somme relative aux indemnités journalières de l'assurance maternité dans les ressources de l'intéressée, et ce, dans la mesure où celles-ci étaient destinées au remboursement de l'avance.

Mme D______ a affirmé que lors dudit entretien, elle avait informé l'assistante sociale de l'avance octroyée par son employeur.

Elle a ajouté qu'elle avait reçu les salaires de février et mars 2007. Elle avait donné son congé fin mars, au motif que son employeur était dans l'impossibilité de la payer. Elle s'était inscrite au chômage et avait reçu des indemnités depuis le mois d'avril 2007.

Elle a contesté le budget établi par l'hospice dans sa réponse du 15 juin 2007, notamment, eu égard aux montants des primes d'assurance-maladie pour ses enfants.

Pour le surplus, elle s'était adressée à Caritas et était en attente d'un rendez-vous. Dans l'éventualité où Caritas serait en mesure de l'aider financièrement, elle retirerait son recours.

Mme D______ s'est engagée à produire divers justificatifs mettant en évidence sa situation financière.

Dans l'hypothèse où la procédure devait aller de l'avant, un délai au 15 août 2007 lui a été imparti, pour transmettre les documents susmentionnés au tribunal de céans.

S'agissant de ses dettes, Mme D______ a affirmé que l'assistante sociale n'avait pas cherché à se renseigner sur la nature et la véracité de celles-ci.

9. Le 15 septembre 2007, Mme D______ a adressé au tribunal de céans, une attestation établie le 13 septembre 2007 par Caritas. Les cotisations dues à sa caisse maladie avaient été payées par le service de l'assurance maladie, suite à la délivrance des actes de défaut de biens y relatifs. Pour le surplus, les cotisations courantes de Mme D______ étaient encore impayées.

10. Par courrier du 26 septembre 2007, Mme D______ a confirmé au Tribunal administratif son intention de maintenir son recours.

Elle n'a pas produit les justificatifs qui lui avaient été demandés lors de l'audience du 3 juillet 2007.

11. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Au vu de l'état de fait décrit ci-dessus, il convient de déterminer si Mme D______ peut prétendre à l'octroi de prestations d'aide financière permettant le remboursement de l'arriéré des cotisations d'assurance-maladie de sa famille.

3. La loi fédérale sur la compétence en matière d'assistance des personnes dans le besoin (LAS - RS 851.1) définit la notion de prestations d'assistance comme étant celles qu'une collectivité alloue en argent ou en nature aux personnes dans le besoin, conformément au droit cantonal et compte tenu de leurs besoins (art. 3 LAS).

Conformément à l'alinéa 2 de la disposition précitée, certaines prestations sociales, telles que les prestations complémentaires de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; les conditions minimales d'assurances obligatoires qu'une collectivité assume en lieu et place des assurés ; les contributions provenant de fonds de secours spéciaux de l'Etat et des communes ; les dépenses découlant de l'exécution de peines privatives de liberté et d'autres mesures pénales ; le règlement de dettes d'impôts par une collectivité ; les charges d'une collectivité en matière d'exemption de frais de justice et d'assistance judiciaire gratuite et le règlement des frais d'enterrement ne sont pas considérées comme étant des prestations d'assistance.

4. Le 19 juin 2007 est entrée en vigueur la nouvelle loi genevoise sur l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LASI - J 4 04) qui a abrogé la LAP.

En vertu du principe de la non-rétroactivité, le nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur (P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 1994, p. 170 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, p. 116). Le droit nouveau ne peut avoir un effet rétroactif que si la rétroactivité est prévue par la loi, est limitée dans le temps, ne conduit pas à des inégalités choquantes, est motivée par des intérêts publics pertinents et ne porte pas atteinte à des droits acquis (B. KNAPP, op. cit., p. 118).

En l'espèce, les nouvelles dispositions de la LASI ne prévoient pas un effet rétroactif.

L'application de la nouvelle loi ne serait pour le surplus pas susceptible d'améliorer la situation de Mme D______.

Le recours sera dès lors jugé selon le droit applicable à l'époque du dépôt de la demande de prestations d'aide financière soit, conformément aux dispositions prévues dans la LAP.

5. L'article 1er alinéas 2 et 3 LAP prévoit que l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables. Elle est toutefois subsidiaire aux autres prestations sociales, fédérales, cantonales ou communales et à celles des assurances sociales ; elle peut, le cas échéant, être accordée en complément.

L'aide fournie par l'hospice dans le cadre de l'assistance publique comprend notamment l'attribution d'une aide matérielle, en espèces ou en nature, lorsque l'intéressé ne peut subvenir d'une manière suffisante ou à temps, par ses propres moyens, à son entretien ou à celui des membres de sa famille qui partagent son domicile (art. 21 let. b LAP).

6. L'article 4 LAP définit la nature de l'aide. Celle-ci est accordée dans les limites des directives annuelles arrêtées par le département sur la base des barèmes intercantonaux. Adaptée périodiquement au changement de condition de l'intéressé, elle fait l'objet d'un nouvel examen chaque année (al. 2). Les directives annuelles et les barèmes appliqués sont publiés chaque année dans la Feuille d'Avis Officielle (al. 4).

7. L'aide sociale a pour tâche de couvrir les besoins présents, elle ne sert en principe pas à régler des dettes passées. Selon la doctrine, ce principe ne vaut toutefois pas dans l'absolu. En effet, la prise en charge des dettes est proposée en particulier, lorsque le non-paiement de celles-ci pourrait entraîner une nouvelle situation d'urgence, situation à laquelle seule l'aide sociale permettrait de remédier. Pour déterminer si elle doit ou non assumer les dettes, l'autorité sociale se fondera sur une appréciation des intérêts dans chaque cas d'espèce. Elle observera toujours que la reprise de dettes ne peut avoir lieu qu'en faveur de la personne bénéficiaire de l'aide sociale, mais pas dans l'intérêt des créanciers. Dans la pratique, l'aide sociale prend en charge notamment les primes d'assurance-maladie non payées afin d'éviter une exclusion de la caisse (F. Wolffers, Fondements du droit de l'aide sociale, Berne 1995, p. 170).

8. En l'espèce, les ressources de la recourante, à savoir son salaire, additionné du montant des allocations et rente (CHF 8'760,35), étaient, pendant la période déterminante, supérieures à son droit mensuel de base qui s'élevait à CHF 4'503,20.

9. Cela étant, l'hospice est légitimé à prendre en charge les dettes relatives aux cotisations d'assurance-maladie, et ce, dans la mesure où le non-paiement de celles-ci entraînerait une situation d'indigence pour la personne assistée.

Ce qui précède n'est pas applicable au cas d'espèce. En effet, l'hospice a refusé, à juste titre, toutes prestations d'assistance à la recourante, au motif que celle-ci ne remplissait pas les conditions d'octroi en raison de ses ressources qui se trouvaient être, à l'époque, supérieures au montant des charges admises. Il convient de préciser que cette solution ne préjuge en rien un changement de situation financière de l'intéressée.

11. Le recours sera donc rejeté et la décision sur réclamation confirmée.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA ; art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2007 par Madame D______ contre la décision sur réclamation de l'Hospice général du 23 avril 2007 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame D______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :