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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3594/2009

ATA/590/2009 du 11.11.2009 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : CHILLEMI & CIE SA / FONDATION DE LA VILLE DE GENEVE POUR LE LOGEMENT SOCIAL FVGLS, SOCIETE LIROM CHAPES SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3594/2009-MARPU ATA/590/2009

DÉCISION

DE LA

PRÉSIDENTE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 11 novembre 2009

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

CHILLEMI & CIE S.A.
représentée par Me Pascal Petroz, avocat

contre

FONDATION DE LA VILLE DE GENÈVE POUR LE LOGEMENT SOCIAL
représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

et

SOCIÉTÉ LIROM CHAPES S.A., appelée en cause
représentée par Me Damien Blanc, avocat


EN FAIT

1. Le 27 avril 2009, la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social (ci-après : FVGLS) a publié dans le Feuille d’Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) un appel d’offres en procédure ouverte, soumis à l’accord OMC, pour l’adjudication d’un marché de construction portant sur nonante et un logements HBM à réaliser en Ville de Genève, dit « Foyer Sécheron ». Le marché faisait l’objet de plusieurs lots. Le délai pour la remise des offres était fixé au 22 juin 2009 à 18h00.

La publication dans la FAO indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

2. L’autorité adjudicatrice a établi un dossier d’appel d’offres concernant le lot 205 relatif aux travaux de couches de support composées et chapes estimés à CHF 400'000.-. Ce document détaillait entre autres les conditions générales, particulières et spéciales du projet, les précisions d’exécution, la procédure d’examen/critères d’adjudication ainsi que le planning des travaux.

3. Le 18 juin 2009, Chillemi & Cie S.A. (ci-après : Chillemi), de siège à Genève, a déposé une offre portant sur les travaux de couches de support composées et chapes s’élevant à CHF 339'632,35 TTC ainsi qu’une variante s’élevant à CHF 356'304,60 TTC.

4. Selon le procès-verbal d’ouverture des offres du 22 juin 2009, trois autres entreprises ont également soumissionné, au nombre desquelles la société Lirom Chapes S.A. (ci-après : Lirom) de siège à Bienne. L’offre de cette dernière, reçue le 4 juin 2009, s’élevait à CHF 506'659,95 TTC.

5. Il résulte du rapport d’évaluation du 29 juin 2009 que Chillemi a obtenu 357.20 points sur 500 points et Lirom 392.06 points sur 500 points. L’entreprise proposée à l’adjudication du marché pour le lot 205 était Lirom.

6. Par courrier du 3 août 2009, le bureau d’architecture MPH Architectes, mandataire de la FVGLS, a convoqué les soumissionnaires pour une audition fixée le 1er septembre 2009.

7. Les auditions précitées ont fait l’objet de procès-verbaux.

8. Par décision du 14 septembre 2009, la FVGLS a attribué le marché à Lirom et informé les autres soumissionnaires que leur offre était écartée. L’offre de Lirom avait été jugée économiquement la plus avantageuse conformément aux grilles d’évaluation annexées à la décision d’adjudication. Dite décision indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

9. Par acte posté le 5 octobre 2009, Chillemi a interjeté recours contre la décision précitée qu’elle avait reçue le 24 septembre 2009. Elle sollicite préalablement la restitution de l’effet suspensif au recours et principalement, dans l’hypothèse où l’effet suspensif est attribué au recours, elle conclut à l’annulation de la décision litigieuse et à ce que le marché concerné lui soit attribué. Dans l’hypothèse où l’effet suspensif n’est pas restitué au recours et que le contrat avec Lirom soit conclu avant l’issue de la procédure, elle conclut à ce que le tribunal de céans constate que la décision d’adjudication est illégale et à la condamnation de la FVGLS à la somme de CHF 17’343.- + intérêts à 5 % l’an à compter du 14 septembre 2009, avec suite de frais et dépens.

S’agissant de l’effet suspensif, elle invoque des griefs liés à une appréciation non objective et arbitraire des critères d’adjudication et le fait que la date d’établissement du tableau d’évaluation est antérieure à l’audition du 1er septembre 2009.

Il existe un intérêt public évident à ce que les décisions prononcées soient conformes au droit applicable. Quant à l’intérêt privé de la recourante, il est évident si tant est qu’une appréciation objective et non arbitraire des critères d’adjudication lui aurait permis d’obtenir l’adjudication.

10. La FVGLS s’est déterminée le 6 novembre 2009 à la fois sur le fond et sur effet suspensif. S’agissant de celui-ci, elle a relevé qu’aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu’il y ait eu abus ou excès du pouvoir d’appréciation dans la notation des critères d’adjudication. La recourante se fondait uniquement sur une auto-évaluation de son offre, l’essentiel de son argumentation consistant à substituer son évaluation à celle de la FVGLS. L’évaluation faite le 22 juin 2009 avait été validée par la décision d’adjudication, l’audition des soumissionnaires ayant essentiellement pour but de vérifier que les meilleurs d’entre eux avaient compris les données de l’appel d’offres et d’examiner les échantillons présentés. L’audition n’avait en aucune manière modifié les notes attribuées.

Aucun des griefs soulevés par la recourante ne permettait de retenir que le recours avait une chance de succès et permettrait donc d’octroyer la mesure exceptionnelle qui était l’octroi de l’effet suspensif. Au contraire, un tel effet aurait des conséquences graves sur le projet et son déroulement, la construction de nonante et un logements sociaux relevant à Genève d’un intérêt public prépondérant.

11. Lirom a déposé sa détermination sur effet suspensif le 10 novembre 2009. Le recours avait peu de chance de succès. L’octroi de l’effet suspensif contreviendrait à l’intérêt public que représentait l’avancement des travaux, s’agissant en particulier de la construction de nonante et un logements sociaux à Genève. Un des arguments principaux de la recourante était que son offre était objectivement meilleur marché que celle déposée par Lirom, ce qui représentait une économie de CHF 22'942.-. Ainsi, lui adjuger le marché public permettrait à la collectivité publique d’économiser un important montant. Or, si l’effet suspensif était accordé, la construction des logements prendrait du retard et du coup, le retard de l’encaissement des loyers pouvait être estimé à CHF 91'000.- par mois (CHF 1'000.- de loyer mensuel par appartement). Dès lors, le recours, loin de permettre d’économiser de l’argent à la collectivité allait au contraire péjorer la situation financière de cette dernière. La recourante se plaignait encore que son offre qui était de peu la meilleure marché, n’avait pas été retenue du fait qu’elle avait obtenu des notes inférieures à celles de Lirom dans le domaine de l’organisation de son entreprise. A l’appui de sa thèse, elle soutenait que vu son âge, sa réputation et les nombreux chantiers réalisés à Genève, la note accordée pour son organisation ne pouvait à l’évidence qu’être fausse. Or, il convenait de constater que Chillemi avait omis de remettre certains documents (curriculum vitae, organigramme et autres) avec son offre. Elle ne pouvait en même temps proclamer qu’elle était une grande professionnelle dotée d’une grande organisation et de grande réputation et se plaindre d’être mal notée du fait qu’elle n’avait pas rempli professionnellement les exigences requises. Enfin, la recourante semblait se plaindre que les critères utilisés n’étaient pas pertinents. Or, ce grief n’avait pas été élevé avant la procédure de recours. En particulier, lors de son audition du 1er septembre 2009 par-devant la commission d’évaluation, la recourante n’avait pas remis en doute les critères utilisés.

Elle conclut au déboutement de Chillemi avec suite de frais et dépens.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente. En effet, le délai de recours venait à expiration le dimanche 4 octobre 2009 à minuit. En application de l’art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), il a été reporté au lundi 5 octobre 2009 et il l’a été en temps utile (art. 56A loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; 63 al. 1 let. b LPA ; art. K al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 et 2 let. a de la loi autorisant le Conseil d’Etat a adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - LAIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2. En tant que personne exclue d'un marché public, la recourante a, prima facie, qualité pour recourir contre la décision d'adjudication (art. 15 al. 1bis let. d AIMP ; art. 55 al. 1 let. c RMP ; art. 60 let. b LPA).

3. Le recours n’a pas effet suspensif ex lege (art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP). Toutefois, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, accorder l’effet suspensif, pour autant que celui-ci paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 17 al. 2 AIMP ; 58 al. 2 RMP). Cette formulation s’inspire de l’art. 66 al. 2 LPA (ATA/520/2009 du 20 octobre 2009 et les réf. citées).

En matière de marchés publics, la restitution de l’effet suspensif en cas de recours constitue cependant une exception (ATA/519/2009 du 16 octobre 2009 et les réf. citées) et représente par conséquent une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restrictions.

4. Si l’effet suspensif n’est pas restitué, le contrat peut être conclu dès l’expiration du délai de recours (art. 14 AIMP).

5. Selon la jurisprudence, il y a lieu d’effectuer une pesée entre les intérêts public et privé en jeu. Doivent en outre être prises en considération les chances de succès du recours. Cet examen a pour but de refuser l’effet suspensif aux recours manifestement dépourvus de chance de succès (F. GYGI, l’effet suspensif et les mesures provisionnelles en procédure administrative, in RDAF 1976 p. 274 ; RDAF 1998 I p. 41 ; ATA/519/2009 déjà cité).

6. En l’espèce, l’intérêt public à la construction de logements sociaux en Ville de Genève, dont la pénurie est notoire, revêt un caractère manifestement prépondérant.

Quant à l’intérêt privé de la recourante, il consiste dans le fait qu’elle souhaiterait se voir attribuer le marché. Or, l’admission du recours n’aurait pas nécessairement pour effet de le lui attribuer, le tribunal de céans ne pouvant pas statuer en opportunité (art. 16 al. 1 et 2 AIMP ; art. 61 LPA).

7. Concernant les chances de succès du recours, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité compétente jouit d'une certaine liberté d'appréciation, conformément à l'art. 17 al. 2 AIMP. Les prévisions qu'elle est amenée à faire - prima facie - sur le sort du procès au fond n'entrent en considération que si elles ne font pas de doute (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_130/2007 du 26 février 2008 et les arrêts cités consid. 2.2, soit notamment ATF 117 V 185 consid. 2b p. 191), ce qui n'est guère le cas en l'espèce.

En l’espèce, la critique de la recourante relève d’une auto-évaluation de son offre, dans laquelle elle ne se contente pas de s’accorder davantage de points qu’elle n’en a obtenu mais elle met en doute le sérieux de l’entreprise à laquelle les travaux ont été adjugés, sans fournir aucun critère, ni méthode. L’essentiel de son argumentation consiste à vouloir substituer son évaluation à celle de la FVGLS, sans étayer ses allégations. Il convient donc de procéder à une instruction. En effet, la question de l’adjudication d’un marché public ne se résume pas à une simple comparaison des prix offerts puis à l’octroi du marché au soumissionnaire ayant présenté l’offre la moins disante, mais implique une comparaison qualitative des offres soumises selon les critères de l’appel d’offres dont le prix est l’un des composants. Prima facie, il apparaît que les règles d’évaluation et les critères énoncés dans l’appel d’offres ont été respectés. A cet égard, les chances de succès du recours sont ténues.

8. Au vu des éléments qui précèdent, la demande d’octroi de l’effet suspensif sera rejetée. Le sort des frais de la présente décision sera tranchée dans l’arrêt à rendre au fond.

PAR CES MOTIFS
LA PRÉSIDENTE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Pascal Petroz, avocat de la recourante, à Me Michel D'Alessandri, avocat de la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social, ainsi qu’à Me Damien Blanc, avocat de la société Lirom Chapes S.A., appelée en cause.

 

 

La présidente du Tribunal administratif :

 

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :