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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/676/2011

ATA/577/2011 du 06.09.2011 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/676/2011-FPUBL ATA/577/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2011

 

 

dans la cause

 

Madame X______
représentée par Me Yves Bonard, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

_________



EN FAIT

1. Madame X______ a été engagée comme employée à l'Etat de Genève le 1er juillet 1998, puis nommée fonctionnaire en qualité de commise administrative au département des finances dès le 1er février 1999.

2. Par décision du 29 novembre 2002, devenue définitive et exécutoire, la Conseillère d'Etat chargée du département des finances (ci-après : le département) a prononcé à l'encontre de Mme X______ une suspension d'augmentation de traitement d'une durée de deux ans, dès le 1er janvier 2003. L'intéressée avait commis des fraudes dans le cadre de l'enregistrement de son temps de travail, soit un manquement au devoir de service qui ne pouvait être qualifié de bénin.

3. Dès le mois de février 2003, Mme X______ a œuvré à la réception de l'hôtel des finances.

4. Par courrier électronique du 2 mai 2003, un responsable du département a demandé à Mme X______ de ne plus emprunter de l'argent dans la caisse en déposant en lieu et place une reconnaissance de dette.

5. Le 22 avril 2008, le directeur administratif et organisationnel du département a rappelé à Mme X______ qu'elle devait se conformer strictement aux règles de bonne conduite concernant l'usage de la messagerie à des fins non professionnelles. Il s'agissait d'un ultime rappel sans qu'une sanction disciplinaire ne soit prononcée. Des contrôles ponctuels seraient effectués dans les semaines ou mois à venir et des mesures plus sévères pourraient être ordonnées.

6. Par décision du 9 février 2009, le directeur général de l'administration fiscale cantonale a infligé un blâme à Mme X______. Il lui était reproché d'avoir eu une attitude inadéquate et déplacée vis-à-vis de l'un de ses collègues, impropre à permettre et à faciliter la collaboration et le respect au sein du service.

Non contestée, cette décision est devenue définitive et exécutoire.

7. Selon un relevé réalisé à une date inconnue par les services informatiques, Mme X______ apparaissait à la quatrième place du "top 50 par taille des messages envoyés et reçus - 2009" et à la dixième place pour le même classement en 2010. Un avertissement lui avait été notifié en 2008 ; suite au décès du père de l'intéressée, il avait été renoncé à cette mesure en 2009.

8. Le 18 février 2010, une note de service a été communiquée à Mme X______ et à ses collègues, émanant du service des ressources humaines. Dès le 1er mars 2010, les horaires (ouverture, fermeture, pause-café du matin et de l'après-midi et pause de midi) seraient fixés par la hiérarchie et un planning détaillé mensuel serait remis. En cas d'absence non planifiée de la personne de piquet, celle-ci devait immédiatement informer son supérieur hiérarchique et, dans un deuxième temps, sa remplaçante. Aucun collaborateur ne devait se trouver seul à l'accueil. En cas de force majeure, la personne devant s'absenter impérativement devait s'assurer que son collègue était prévenu et avait pris note de l'information.

9. Le 26 avril 2010, Mme X______ a été convoquée à un entretien de service. Selon le rapport rédigé à cette occasion, Mme X______ avait contrevenu aux règles fixées en cas d'absence et n'avait pas respecté la procédure qui exigeait que, lorsqu'elle était empêchée de se rendre à sa place de travail, elle avertisse son chef en premier et ensuite seulement un collègue. Elle était de plus arrivée en retard trois jours consécutivement, les 10, 11 et 12 mars 2010. Ces manquements faisaient suite à une longue liste de reproches.

Mme X______ avait indiqué qu'elle avait des problèmes tant de santé que d'ordre privé et des difficultés à dormir et à se réveiller. Elle traitait cela avec son médecin. Il était exact qu'elle avait prévenu en premier lieu ses collègues, et non pas son chef, lorsqu'il s'agissait de retard de l'ordre de cinq minutes. Il ne s'agissait pas de mauvaise volonté de sa part. Elle contestait avoir laissé un collègue seul à l'accueil, reconnaissant toutefois que cela avait pu arriver quelquefois lorsqu'elle devait se rendre aux toilettes ou pour répondre à un usager ou à un collègue.

Quant au volume de la messagerie, elle avait demandé à ses amis et collègues de ne plus lui envoyer de messages volumineux et elle avait fait extrêmement attention depuis une année. Elle s'engageait à n'utiliser la messagerie qu'à des fins professionnelles.

Elle admettait qu'à une reprise, alors que sa mère venait de lui téléphoner en lui indiquant qu'elle était tombée, elle avait sous le coup de la panique ouvert la fenêtre du vestiaire/local d'allaitement et avait allumé une cigarette. Il s'agissait d'un cas isolé dont elle s'excusait et qui ne se reproduirait plus.

Il était envisagé de demander l'ouverture d'une enquête administrative.

10. Le 13 mai 2010, agissant par la plume du syndicat interprofessionnel des travailleurs et travailleurs (ci-après : le SIT) - qui l'avait assistée lors de l'entretien de service du 26 avril - la recourante s'est déterminée, nuançant certains éléments.

L'ouverture d'une enquête administrative ne se justifiait pas car les arrivées tardives étaient avérées et l'intéressée ne contestait pas les autres éléments isolés qui lui étaient reprochés. Il était suggéré de fixer des objectifs clairs à l'intéressée et d'évaluer l'atteinte de ces derniers au bout de trois à six mois.

11. Le 3 juin 2010, le département a demandé à l'office du personnel de l'Etat qu'une enquête administrative soit ouverte à l'encontre de Mme X______.

12. Par courrier électronique du 16 juin 2010, le responsable de l'accueil du département a confirmé à Mme X______ un entretien du jour-même. La veille, elle ne s'était pas présentée à son poste de travail à 08h30, avait tenté de le contacter à 11h22 seulement et avait contacté ses collègues dans la foulée. Elle avait timbré à 12h40, puis avait tenté de recontacter son supérieur à 12h45, depuis son poste de travail de l'accueil. Mme X______ aurait dû tout mettre en œuvre pour être présente à 08h30, cas échéant pour aviser immédiatement son supérieur.

Le matin-même, l'auteur du message avait constaté, à 10h05, que l'intéressée n'était pas à son poste de travail, qu'à 10h15, elle était descendue de la cafétéria et elle était sortie du bâtiment et qu'à 10h23 elle était revenue à son poste de travail avec un gobelet en main.

13. Par arrêté du 23 juin 2010, le Conseil d'Etat a décidé d'ouvrir une enquête administrative contre Mme X______, qu'il a confiée à Monsieur Franco Rossoni.

14. a. Entendue le 9 juillet 2010 par l’enquêteur, l'intéressée a reconnu les reproches qui lui étaient faits.

En ce qui concernait ses arrivées tardives, le décès de son père, en novembre 2009, et la santé de sa mère entraînaient du stress et des troubles du sommeil. Parfois, elle n'entendait pas son réveil. Si elle n'avertissait pas son chef en premier lieu, c'était parce qu'il lui semblait préférable de venir le plus vite possible à son poste de travail.

Le 17 mars 2010, elle avait laissé un collègue seul à son poste de travail pendant la pause de midi car elle souffrait de problèmes intestinaux. Elle avait averti l'intéressé qui était de piquet avec elle. Ce dernier pouvait ne pas l'avoir entendue car il répondait à un contribuable.

Quant à la messagerie électronique, elle ne transmettait pas de messages rédigés. Elle ne passait pas du temps à écrire. Elle recevait des images de collègues, connaissances et amis qu'elle consultait rapidement et qu'elle faisait suivre parfois à un choix de personnes. Il y avait une vingtaine d'adresses dans son carnet d'adresses. Elle avait demandé aux personnes lui adressant des messages de cesser de le faire.

Il était nécessaire pour elle de fumer. Au mois de mars, dans les vestiaires, elle avait plutôt terminé une cigarette déjà entamée suite à un appel téléphonique de sa mère, cette dernière ayant fait une chute et lui ayant indiqué s'être blessée à la tête.

Le 17 mars 2010, elle n'avait pas été fumer mais s'était rendue aux toilettes.

b. Le 27 septembre 2010, l'enquêteur a entendu Madame A______, collègue de travail de Mme X______.

Elle était l'auteure d'une note adressée le 18 février 2010, mentionnant un nouvel incident relatif aux arrivées tardives de Mme X______. Elle avait personnellement constaté qu'à plusieurs reprises, un collègue s'était trouvé seul à l'accueil alors que les consignes prévoyaient que deux personnes devaient être présentes. A deux reprises, Mme X______ se trouvait au coin fumeur, laissant son collègue seul. Elle avait aussi constaté qu'une personne était seule à l'accueil le 17 mars 2010. Mme A______ n'avait pas le souvenir d'avoir vu Mme X______ seule à l'accueil.

c. Monsieur B______, supérieur direct de Mme X______ a aussi été entendu le 27 septembre 2010 et a décrit les tâches du service de l'accueil.

Le 5 février 2010, il avait constaté que Monsieur C______ se trouvait seul à l'accueil entre 13h00 et 13h12. Mme X______ aurait dû être là. Elle avait justifié cette absence à 15h55, par un mal de dos et le fait d'aller aux toilettes. Il recevait régulièrement des doléances de la part des trois autres collaborateurs, qui se plaignaient des absences de Mme X______, plusieurs fois par jour au delà de quelques minutes. Il avait entendu parler de longues pauses-café ou de pauses pour fumer une cigarette. Il avait personnellement constaté cette situation le 16 juin, le 25 juin, le 20 juillet, le 22 et le 27 juillet 2010.

d. Madame D______, téléphoniste à l'hôtel des finances, a été entendue le 28 septembre 2010.

Elle effectuait des remplacements au service de l'accueil. Elle avait dû s'y rendre plusieurs fois car Mme X______ était en retard. Cette dernière l'avait laissée, entre trois et cinq fois, seule pendant qu'elle se rendait aux toilettes ou pour aller au courrier. Elle avait aussi constaté que d'autres collègues s'absentaient. Les absences pour se rendre à la photocopieuse duraient deux ou trois minutes, pas plus. En règle générale, Mme X______ indiquait qu'elle se rendait aux toilettes. Il s'agissait de la personne qui était le plus fréquemment absente. Mme X______ ne prenait pas des pauses plus longues que ses collègues.

e. Madame E______, collègue de Mme X______ à l'accueil, a aussi été entendue le 28 septembre 2010.

Mme X______ s'absentait souvent, indiquant qu'elle se rendait aux toilettes, pour une durée de cinq à dix minutes. Il lui arrivait souvent aussi d'arriver en retard, ce retard étant d'une dizaine de minutes à parfois quelques heures. En moyenne, de telles situations arrivaient une fois par semaine. Mme X______ invoquait soit un retard de bus, soit un accident, soit une mauvaise nuit, une maladie ou le fait qu'elle ne s'était pas réveillée. Mme E______ avait personnellement constaté que Mme X______ fumait dans les locaux, mais elle avait cessé de le faire à la fin de l'année 2009 ou au début de l'année 2010 lorsqu'une collègue était venue allaiter dans le vestiaire. Elle n'avait pas de reproches à faire à l'intéressée sur la qualité de son travail. Mme E______ a admis qu'elle avait aussi fumé dans le vestiaire, mais avait aussi cessé.

f. Madame F______, travaillant aussi à l'accueil, a été entendue le 28 septembre 2010.

Il lui était arrivé de recevoir des messages de Mme X______ indiquant qu'elle serait en retard suite à une mauvaise nuit, deux ou trois fois par mois. L'intéressée se rendait souvent aux toilettes sans que Mme F______ ne puisse préciser la fréquence quotidienne. Il lui était arrivé de rester seule, comme de se rendre aux toilettes en laissant une autre personne seule. Mme X______ n'avait jamais fumé en sa présence. Il était arrivé à Mme F______ d'accompagner un contribuable à l'étage ou de s'absenter pour s'occuper de la photocopieuse mais cela durait deux à trois minutes.

g. Monsieur G______ a aussi été entendu le 29 septembre 2010.

Il était taxateur et connaissait Mme X______ depuis une douzaine d'années, étant précisé que depuis peu ils étaient intimes. Il n'avait pas constaté que l'intéressée avait laissé des collègues seuls à l'accueil, qu'elle fumait dans le vestiaire ou qu'elle envoyait et recevait trop de messages électroniques. Il lui arrivait de correspondre avec l'intéressée par messages électroniques. Il passait fréquemment devant l'accueil pour des raisons professionnelles et n'avait pas constaté que Mme X______ soit absente. Il avait vu certains de ses collègues, soit Mme E______ et M. C______ aller vers la machine à café ou parler avec un tiers vers les ascenseurs.

h. M. C______, collègue de Mme X______ à l'accueil, a aussi été entendu le 29 septembre 2010.

Mme X______ avait fréquemment entre dix minutes et trois quarts d'heure de retard. Elle l'avait laissé seul quelques dizaines de fois mais moins de cinquante, justifiant son absence par un besoin pressant d'aller aux toilettes. Ces absences duraient dix minutes ou un quart d'heure. Il n'avait rien constaté concernant la fumée. L'intéressée s'absentait trois fois plus que les autres collègues. Il lui était arrivé de laisser Mme X______ seule à l'accueil car son intervention était requise par la sécurité.

i. Monsieur H______ a aussi été entendu le 29 septembre 2010.

Il avait travaillé avec Mme X______ pendant une dizaine d'années avant qu'elle ne rejoigne l'équipe d'accueil. Il n'avait pas constaté de manquement de la part de l'intéressée. Il lui était arrivé de constater que Mme X______ n'était pas à l'accueil et qu'un collègue s'y trouvait seul, l'inverse étant aussi vrai. Il avait constaté que l'un ou l'autre des collègues de Mme X______ déambulait dans le hall à quelques reprises avec leur téléphone portable.

j. Monsieur I______, taxateur, a aussi été entendu le 29 septembre 2010.

Il n'avait pas constaté de manquement de la part de Mme X______. Il passait au minimum cinq fois par jour devant l'accueil et il ne lui était pas arrivé de constater que l'intéressée soit absente, et qu'une seule collègue s'y trouve.

15. Le 7 octobre 2010, Mme X______ a été réentendue par l'enquêteur, après que le département ait remis des données techniques sur le passage des portes sécurisées. Le relevé de ces passage au long d'une journée type démontrait qu'elle quittait fréquemment l'accueil sans raisons professionnelles.

L'intéressée a confirmé qu'en cas d'arrivée tardive, il lui semblait plus important d'avertir ses collègues que son chef, lorsque le retard n'était que de quelques minutes. Les listes produites démontraient que ses absences étaient fréquentes, ce dont elle ne s'était pas rendue compte. Elle n'avait laissé un collègue seul à l'accueil qu'en cas d'urgence, pour des besoins naturels, et admettait fumer dans le vestiaire, mais seulement le matin à l'arrivée. Elle faisait suivre les messages qu'elle recevait après les avoir consultés. Elle regrettait globalement les faits qui lui étaient reprochés mais avait le sentiment d'avoir agi comme ses collègues en ce qui concernait la messagerie, la fumée et les déplacements dans le bâtiment.

16. Le 13 octobre 2010, l'enquêteur a rendu son rapport. Les faits reprochés à Mme X______ étaient admis et confirmés par les témoignages. L'intéressée avait enfreint ses devoirs de service ainsi que les règles établies par la hiérarchie.

17. Par pli du 20 novembre 2010, Mme X______, par la plume du SIT, s'est déterminée. Elle ne contestait pas les arrivées tardives et, sans les excuser, les expliquait pour l'essentiel par des perturbations de son sommeil. Elle informait en priorité ses collègues afin d'assurer l'ouverture de l'accueil.

Elle admettait avoir utilisé la messagerie sans nécessité professionnelle et sans que cette utilisation ne porte atteinte aux prestations qu'elle devait aux usagers. Elle admettait avoir fumé dans les locaux tant que le vestiaire n'était pas utilisé comme salle d'allaitement. Depuis ce moment, elle n'avait fumé qu'une seule cigarette en fin de journée. Elle admettait des absences de quelques minutes de son poste de travail, qui pouvaient être fréquentes. Elle n'avait toutefois pas eu conscience du caractère exagéré de leur nombre jusqu'à l'examen de ce dernier dans le cadre de l'enquête administrative. Il s'agissait de fautes légères qui devaient être sanctionnées selon le principe de la proportionnalité.

18. Par messages électroniques des 3 novembre 2010, 23 décembre 2010, 11 janvier 2011, 27 janvier 2011, M. B______ a relevé des arrivées tardives de Mme X______. Le 12 janvier 2011, il a indiqué que l'intéressée jouait, à 10h10, au Solitaire sur son ordinateur, qu'elle portait un pull bariolé qui n'était pas conforme à la tenue de ville exigée et que sa place de travail n'était pas rangée. Son sous-main était défraichi et devait être enlevé. Il y avait une pile de vieux journaux qui devait être enlevée.

19. Par arrêté du 2 février 2011, le Conseil d'Etat a prononcé le retour au statut d'employée en période probatoire de Mme X______ pour une durée de trois ans. L'intéressée avait enfreint ses devoirs de service par ses nombreuses arrivées tardives et par le fait qu'elle n'avait pas avisé en priorité son supérieur, les absences de l'intéressée de sa place de travail en laissant un collègue seul, un usage excessif de la messagerie et le fait qu'elle ait fumé dans les locaux du département.

Mme X______ avait des antécédents qui devaient être pris en considération. La gravité des manquements résultait de la répétition de la transgression des devoirs de service, qui avait sérieusement ébranlé le rapport de confiance.

20. Le 4 mars 2011, Mme X______ a saisi la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre la sanction qui lui avait été infligée. Elle était sous antidépresseurs depuis la mort de son époux en 2003, et avait durement été touchée par le décès de son père et la maladie de sa mère. Elle avait eu des accidents de scooter en 2007, 2009 et 2011. Elle aurait pu être mise au bénéfice d'un arrêt de travail depuis longtemps, mais s'y était refusée. Malgré son état de santé, ses collègues ne l'avaient pas soutenue. Elle avait consulté un psychiatre le 25 février 2011, qui l'avait mise en arrêt de travail et un traitement visant à traiter sa dépression avait été mis sur pieds. C'était dans ces circonstances difficiles qu'elle avait connu des difficultés à se réveiller le matin et qu'elle avait dû s'absenter de son poste pour se rendre aux toilettes. Son travail était très apprécié des usagers. La sanction prononcée violait le principe de la proportionnalité et il y avait lieu de tenir compte du fait que les manquements qui lui avaient été reprochés n'avaient pas été faits par désinvolture ni par manque de respect pour ses collègues ou les usagers.

Quant à l'usage de la messagerie, elle ne l'avait pas utilisée plus que ses collègues et n'avait jamais pris du temps de travail pour écrire des messages. Elle ne savait pas si les autres gros utilisateurs avaient été sanctionnés.

Quant à la fumée, elle avait cessé cette pratique, sauf à une reprise alors qu'elle était en état de choc.

La sanction prononcée devait être annulée car elle n'était pas proportionnée.

21. Le 6 avril 2011, le Conseil d'Etat s'est opposé au recours.

Après la reddition du rapport d'enquête, Mme X______ était arrivée à neuf reprises en retard entre le 18 octobre 2010 et le 3 février 2011, et à cinq reprises, elle n'avait pas, ou tardivement, informé son supérieur de la situation. Elle avait été observée alors qu'elle jouait à un jeu sur l'ordinateur et alors qu'elle portait une tenue inadaptée à son travail.

Le 16 février 2011, après le prononcé de la sanction par le Conseil d'Etat, Mme X______ ne s'était pas présentée à son travail à 8h30 et n'avait informé son supérieur qu'à 11h40 en expliquant que ni son réveil, ni son téléphone n'avaient fonctionné suite à une panne d'électricité. Une situation similaire s'était déroulée le lendemain.

Elle était en incapacité de travail depuis le 23 février 2011, suite à un accident de scooter.

Les faits reprochés à la recourante étaient établis, et le principe de la proportionnalité respecté.

22. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 9 mai 2011. Mme X______ a souligné que, lorsqu'elle était en retard, elle s'était toujours assurée qu'il y ait quelqu'un à l'accueil pour l'ouverture. L'autorité intimée a contesté cela, indiquant qu'en juin 2010, l'accueil avait dû être réalisé par un agent Protectas. Sa mère avait eu une quatrième attaque cérébrale au mois de février 2011, ce qui expliquait la situation pendant le mois en question.

Mme X______ a encore précisé que, lorsqu'elle se rendait aux toilettes, il lui arrivait de profiter de sortir pour prendre l'air car elle ne se sentait pas bien.

Sur la messagerie, elle recevait des messages comportant des photos d'animaux et elle les transmettait.

Le département a précisé que lorsque les utilisateurs apparaissaient être des gros usagers, il recevait un avertissement préalable. Aucune sanction disciplinaire n'avait été prononcée, à sa connaissance.

Mme X______ a souligné que lesdits échanges n'avaient pas eu d'influence sur son travail et n'avaient pas été remarqués par ses collègues ou le public.

23. Le 27 mai 2011, Mme X______ a produit un certificat médical. La doctoresse Anca Paschoud, spécialiste en médecine interne, certifiait que l'intéressée souffrait d'un état dépressif chronique aggravé par des problèmes familiaux et par une ambiance difficile de travail. Elle aimait son travail et avait toujours eu de bonnes relations avec ses clients.

24. Se déterminant au sujet de ce document, le Conseil d'Etat a persisté dans les termes de sa décision, le 28 juin 2011.

25. Le 30 juin 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let . a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Toute sanction disciplinaire présuppose une faute de la part du fonctionnaire. Alors qu’en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d’une telle diversité qu’il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Volume III, 1992, p. 240, n° 5.3.5.1.). Tout agissement – manquement ou omission – dès lors qu’il se révèle incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction (ibid.). Contrairement au droit pénal, la négligence n’a pas à être prévue pour être punissable (V. MONTANI, C. BARDE, op. cit., p. 349 et les références doctrinales citées).

3. Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 ss du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01)

Les membres du personnel se doivent, par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 21 let. a RPAC).

L’art. 22 RPAC leur fait obligation de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence, de respecter leur horaire de travail et de s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail.

Lorsqu’ils sont empêchés de se présenter à leurs lieux de travail à l’heure prescrite, ils doivent en informer le plus tôt possible leurs supérieurs directs et justifier de leurs absences (art. 24 LPAC).

Les membres du personnel qui ont accès à un compte de messagerie doivent utiliser cette ressource à des fins professionnelles, étant précisé qu'une utilisation à titre privé n'est tolérée que si elle est minime en temps et en fréquence, si elle n'entraîne qu'une utilisation négligeable des ressources informatiques et si elle ne compromet ni n'entrave l'activité professionnelle ou celle du service (art. 23A al. 1 et 2 RPAC).

En l'espèce, la recourante ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés et admet être arrivée en retard de manière répétée et ne pas en avoir averti son supérieur en premier, avoir quitté son poste de travail en laissant un de ses collègues seuls à la réception, en contradiction avec les directives données par sa hiérarchie, avoir reçu et transmis un important volume de données informatiques sans lien avec son activité professionnelle et avoir fumé dans les locaux du département.

4. A teneur de l'art 16 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1°  le blâme ;

prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'Etat, d'entente avec l'office du personnel de l'Etat; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2°  la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée ;

3°  la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'Etat; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4°  le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans ;

5°  la révocation.

5. a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, RDAF 1996, p. 347). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. A cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/142/2011 du 8 mars 2011 et les références citées).

b. Dans ce domaine, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/665/2010 du 28 septembre 2010 et les références citées).

c. La gravité objective de la faute doit s’apprécier en fonction des conséquences qu’elle a eues pour le bon fonctionnement de l’institution à laquelle appartient le fautif. Subjectivement, la sanction doit être choisie en tenant compte de la personnalité du coupable, de la gravité de la faute, des mobiles, des antécédents, des responsabilités et de la position hiérarchique des fonctionnaires, afin qu’elle soit de nature à éviter une récidive et à amener le fautif à adopter à l’avenir un comportement conforme à ses devoirs professionnels (ATA/174/2009 du 7 avril 2009 ; G. BOINAY, op. cit., p. 55, § 115 et les références citées).

6. En l'espèce, si les fautes de Mme X______ n'apparaissent pas, prises individuellement, très importantes, leur cumul et leur réitération permettent d'admettre qu'elles sont, dans leur ensemble, objectivement graves, en particulier à cause des perturbations importantes ainsi créées dans la bonne marche du service.

D'un point de vue subjectif, les problèmes personnels et de santé exposés par la recourante, s’ils constituent un élément à décharge, ne permettent pas de l'exonérer de tout reproche.

De plus, l'intéressée a des antécédents importants puisqu'elle s'est déjà vue infliger une suspension d'augmentation de traitement d'une durée de deux ans ainsi qu'un blâme. Ses supérieurs ont, à plusieurs reprises, attiré son attention sur l'inadéquation de son comportement.

Dans ces circonstances, la chambre administrative constatera que l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation dans le choix de la sanction infligée à Mme X______, cette dernière respectant le principe de la proportionnalité. Le Conseil d'Etat a, en particulier, tenu compte des problèmes personnels et de santé de la recourante en lui accordant une dernière chance de rester membre de la fonction publique, et en lui permettant ainsi de prendre les mesures médicales et personnelles nécessaires à ce qu'elle honore ses devoirs de service sans faillir.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de procédure, de CHF 750.-, sera mis à la charge de Mme X______, qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2011 par Madame X______ contre la décision du Conseil d'Etat du 2 février 2011 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge de Mme X______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Bonard, avocat de la recourante ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Bellanger, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :