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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/841/2007

ATA/531/2007 du 16.10.2007 ( FIN ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/841/2007-FIN ATA/531/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 octobre 2007

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

et

Madame et Monsieur S______

représentés par MB Fiduciaire S.A., soit pour elle, M. Marc Baly, mandataire


 


EN FAIT

1. Madame et Monsieur S______ sont domiciliés à Genève. M. S______ (ci-après : le contribuable) exerce une activité dépendante et parallèlement, une activité indépendante d’architecte.

2. Dans sa déclaration fiscale ICC 2001, M. S______ a déclaré un revenu brut de l’activité dépendante de CHF 286'700.- et de l’activité indépendante de CHF 65'371.-.

Au titre de l’activité indépendante, il a mentionné une déduction portant sur les cotisations AVS/AI, APG et chômage s’élevant à CHF 38'857.-.

Selon le compte de pertes et profits joint à la déclaration fiscale 2001, les charges relatives aux cotisations précitées s’élevaient à CHF 37'148,10.

3. Selon le bordereau de taxation ICC 2001 du 2 juin 2003, le revenu imposable s’élevait à CHF 442'701.- et la fortune à CHF 1'845'490.-. L’impôt dû s’élevait à CHF 135'283,55.

Le même jour, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’administration) a notifié au contribuable un bordereau IFD 2001 basé sur un revenu imposable de CHF 413'900.-, l’impôt dû s’élevait à CHF 41'981.-.

4. M. S______, représenté par son mandataire, Monsieur Marc Baly, MB Fiduciaire S.A. (ci-après : le mandataire), a élevé réclamation contre les bordereaux précités.

Les charges sociales indiquées dans la déclaration fiscale 2001 concernaient d’une part l’année 2001 et d’autre part des rectificatifs d’années antérieures. Pour l’administration, seules les charges sociales 2001 avaient été considérées comme charges déductibles.

Par ailleurs, l’administration n’avait pas admis des frais concernant l’immeuble locatif, sis à Bellevue.

5. Par décision sur réclamation du 7 mars 2005 concernant l’ICC 2001, l’administration a admis la déduction des frais d’entretien pour l’immeuble. En revanche, elle a maintenu la taxation concernant les cotisations sociales, se réclamant des principes de prudence comptable d’une part, et de l’étanchéité des exercices fiscaux, d’autre part. Elle ne pouvait pas admettre en déduction la somme de CHF 33'243.- représentant des cotisations 2000 et antérieures.

6. M. S______, toujours représenté par son mandataire, a saisi la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : la commission) d’un recours contre la décision précitée par acte du 11 mars 2005.

Il établissait son bilan d’activité indépendante sur la base des encaissements. La charge privée AVS de l’indépendant ne faisait pas partie des charges de son activité indépendante et ne saurait de ce fait être comptabilisée sous forme de provision.

Il se réclamait du principe de l’égalité de traitement avec un autre contribuable, pour lequel, compte tenu du fait que les comptes avaient été établis sur la base des encaissements et non de la facturation, la charge avait été déduite lors du paiement.

7. Le 19 octobre 2005, l’administration s’est opposée au recours. Le contribuable n’avait pas produit de justificatifs des paiements à concurrence de CHF 38'857.- effectués pour l’année 2001. Si le montant de la déduction admise par elle-même, soit CHF 5'614.- n’était pas prouvé, il devrait être rajouté au revenu imposable.

8. Par courrier du 11 août 2006, la commission a demandé au contribuable de lui communiquer toutes pièces utiles prouvant la réalité et la date du paiement de la somme de CHF 38'857.-. Elle l’a par ailleurs informé qu’elle envisageait de procéder à une reformatio in pejus, dans la mesure où l’administration avait admis en déduction, à tort, la somme de CHF 5'614.- au titre de « cotisations AVS/AI, APG, chômage », pour l’activité indépendante.

9. Par courrier du 24 août 2006, le mandataire a transmis à la commission un certain nombre de documents établissant les paiements des charges sociales figurant dans les comptes 2001, cela à concurrence de CHF 37'148,10.

Il résulte de ces documents qu’au cours de l’année 2001, le contribuable a payé des cotisations sociales, pour la période janvier à décembre 2001, d’un montant total de CHF 3'128,25.

Le 13 janvier 2002, il a payé un montant de CHF 776,25 correspondant au solde des cotisations sociales octobre à décembre 2001.

Le même jour, il a payé la somme de CHF 33'243,60 correspondant au solde des cotisations personnelles dues au 31 décembre 2000.

10. Par décision du 22 janvier 2007, la commission a admis partiellement le recours.

Dans le cadre de son activité indépendante, le contribuable tenait une comptabilité selon le principe de l’encaissement. La date des paiements des cotisations sociales était dans ce cas déterminante pour l’admission des déductions y relatives.

En application stricte des principes susmentionnés, seule la somme de CHF 3'128,25 était déductible, dans la mesure où elle avait été versée au cours de l’année de taxation considérée (2001). Cela étant, la commission estimait qu’il y avait également lieu d’admettre en déduction le montant de CHF 776,25, car ce paiement, bien qu’effectué en 2002, était intervenu aussi tôt que possible au cours du mois de janvier suivant l’année de taxation en cause.

En conséquence, les cotisations versées pour l’année d’assurance 2001 à hauteur de CHF 3'904,50 devaient être déduites du revenu considéré. La déduction de CHF 5'614.- appliquée à ce titre par l’administration était infondée. Se posait donc la question d’une reformatio in pejus. Les conditions de celle-ci étant remplies, la commission y a procédé.

Concernant les années d’assurance antérieures à 2001, le contribuable s’était acquitté le 16 janvier 2002 d’un montant de CHF 33'243,60. A titre tout à fait exceptionnel, la commission estimait que ledit montant devait être déduit du revenu brut 2001, le paiement étant intervenu aussi tôt que possible au cours du mois de janvier 2002.

En conclusion, la commission a annulé la décision sur réclamation, de même que le bordereau rectificatif de taxation du 7 mars 2005, et renvoyé le dossier à l’administration pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

11. L’administration a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 2 mars 2007.

Le contribuable avait choisi le système comptable de l’encaissement - décaissement effectif et non celui de la facturation. Il ne saurait donc parallèlement déduire au titre de charges un montant qu’il n’avait pas effectivement versé lors de la période déterminante.

Le système préconisé par la commission aboutissait à un panachage des deux systèmes de comptabilité, ce qui était bien évidemment proscrit.

Le contribuable n’avait pas prouvé ne pas avoir été en mesure d’effectuer le paiement de ses cotisations AVS/AI avant le 31 décembre 2001, de sorte que selon le système de l’encaissement choisi, la commission n’était pas légitimée à admettre que le paiement desdites cotisations, opéré en 2002, pouvait être admis en déduction sur l’année fiscale 2001.

L’administration conclut à l’annulation de la décision attaquée et à la déduction du seul montant des cotisations AVS/AI versé en 2001 à concurrence de CHF 3'128,25.

12. Invité à se déterminer, le contribuable a persisté dans ses conclusions présentées à la commission. A titre complémentaire, il soutenait l’approche pragmatique de la commission, qui par sa décision, évitait la réouverture des taxations 2002 déjà entrées en force.

Il conclut au rejet du recours de l’administration et, subsidiairement, à la réouverture de la taxation 2002 afin de permettre les déductions litigieuses de CHF 33'243,60 sur les taxations 2002.

13. Par courrier du 31 mai 2007, le Tribunal administratif a sollicité du contribuable des informations et documents complémentaires.

Deux rappels, respectivement le 4 juillet et le 25 juillet 2007 (pli recommandé) ont été envoyés sans succès au contribuable.

14. Le Tribunal administratif a convoqué une audience de comparution personnelle le 20 septembre 2007.

Le contribuable était représenté par son mandataire.

Celui-ci a confirmé que le montant des déductions de l’activité indépendante 2001 de son client devait être arrêté à la somme de CHF 37'148,10 et non pas CHF 38'857.-.

Le contribuable tenait une comptabilité sur la base du principe de l’encaissement. Ainsi, les paiements intervenus le 13 janvier 2002 devaient figurer dans les charges de 2002. Il était d’accord avec le recours de l’administration. Il demandait la réouverture de la taxation 2002, ce qui n’avait pas encore été fait à ce jour, étant donné que la commission avait donné raison à son mandant.

Il a également admis que l’admission du recours de l’administration impliquait la confirmation de la reformatio in pejus prononcée par la commission.

L’administration a déclaré qu’elle ne pouvait pas expliquer la différence entre le montant admis de la déduction de CHF 5'614.- et les déductions reprises du compte de charges et profits.

Le mandataire du contribuable a relevé que cette différence de CHF 1'708,90, correspondait sans doute à des cotisations sur des honoraires d’administrateur. Cela étant, il admettait la reformatio in pejus pratiquée par la commission.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 53 al. 1 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 –LPFisc – D 3 17 ; art. 57 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, applicables par renvoi de l’art. 53 al. 4 LPFisc).

2. En l’espèce, la question litigieuse est de savoir si, à l’instar de la commission, les paiements des cotisations sociales concernant les années antérieures à 2000 ainsi que le solde des cotisations sociales 2001, intervenus le 13 janvier 2002 doivent être déduits du revenu d’indépendant 2001.

3. La doctrine admet que le revenu d'une activité indépendante est acquis au moment déterminé par le mode de comptabilisation. Les règles de la comptabilité commerciale veulent que la réalisation intervienne à la date de la facture indépendamment de la période pendant laquelle l'activité a été exercée; dès le moment où la facture a été établie, le contribuable a acquis un droit ferme à la contre-prestation. Lorsque le contribuable tient un état de ses recettes et de ses dépenses, le revenu est réalisé au moment de l'encaissement de la contre-prestation et non au moment de la présentation de la facture. Le choix de l'une ou de l'autre méthode n'a qu'une importance relative dans la mesure où le contribuable s'en tient à son choix avec toutes les conséquences qu'il implique et en accepte les effets (J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, l’imposition du revenu et de la fortune, Lausanne, 1998).

4. En l’espèce, il n’est pas contesté que le contribuable tient une comptabilité selon le principe de l’encaissement. En conséquence, seules peuvent être déduites les charges effectivement payées lors de la période déterminante, en l’espèce 2001.

Il est établi par pièces, et au demeurant admis par le contribuable, que le solde des cotisations sociales antérieures à 2000 ainsi que le solde des cotisations sociales 2001 n’ont été payés que le 13 janvier 2002.

En admettant de considérer les paiements susmentionnés au titre de charges 2001, la commission a consacré un système hybride qui mêle facturation et encaissement et qui est en contradiction avec la tenue de la comptabilité du contribuable (ATA/463/2007 du 18 septembre 2007).

Un tel raisonnement est contraire aux principes doctrinaux et jurisprudentiels rappelés ci-dessus et ne peut être que rejeté.

Il s’ensuit que le recours sera admis.

5. Concernant la reformatio in pejus pratiquée par la commission, celle-ci est également admise par le contribuable, lequel au demeurant n’a pas établi que le montant des charges sociales 2001 serait supérieur à CHF 3'128,25.

Le recours sera donc également admis sur ce point.

6. Il résulte de ce qui précède que la décision de la commission sera annulée.

7. En application de l’article 87 LPA, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des époux S______ qui succombent. Il ne sera pas alloué d’indemnité.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mars 2007 par l’administration fiscale cantonale contre la décision du 22 janvier 2007 de la commission cantonale de recours en matière d'impôts ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du 22 janvier 2007 de la commission cantonale de recours en matière d’impôts ;

retourne le dossier à l’administration fiscale cantonale pour établissement d’un nouveau bordereau de taxation ICC 2001 dans le sens des considérants ;

met à la charge de Madame et Monsieur S______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à administration fiscale cantonale, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu’à Madame et Monsieur S______, représentés par MB Fiduciaire S.A., soit pour elle, M. Marc Baly, mandataire.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Paychère et Thélin, Mme Junod, juges, M. Grodecki, juge suppléant

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

E. Boillat

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :