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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4009/2010

ATA/530/2011 du 30.08.2011 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : ; MÉDECIN-CONSEIL ; PROMOTION ; POLICE ; APTITUDE AU SERVICE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; PROPORTIONNALITÉ ; ANTÉCÉDENT ; CONTRÔLE MÉDICAL
Normes : LPol.27 ; RPAC.5
Résumé : L'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant, sur la base notamment d'un rapport du médecin-conseil de l'Etat et des antécédents du recourant, que ce dernier ne possédait pas les aptitudes requises pour être promu au grade supérieur de sous-brigadier. Rappel du rôle du médecin-conseil, notamment en lien avec le principe de précaution. La décision entreprise est enfin proportionnée dès lors que la promotion du recourant reste possible à l'avenir, si celui-ci devait remplir les conditions d'aptitudes et qualifications requises.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4009/2010-FPUBL ATA/530/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 août 2011

 

dans la cause

 

Monsieur S______
représenté par Me Jamil Soussi, avocat

contre

CORPS DE POLICE

 



EN FAIT

1) Monsieur S______, né le ______ 1974, est entré dans la gendarmerie le 1er janvier 2000.

2) Il a été nommé appointé de gendarmerie le 1er janvier 2005.

3) Dans la nuit du 8 au 9 octobre 2007, dans le cadre de son activité d’opérateur auprès du centre d’information et de documentation (CID), un différend s’est produit entre M. S______ et Madame T______, sa collègue de travail.

Selon le procès-verbal d’entretien de service de cette dernière, M. S______ avait eu un comportement incontrôlé à son encontre, frappant violemment des poings et des paumes de la main sur les bureaux et la menaçant. L’intéressé avait pour sa part admis que le ton était monté mais contesté avoir proféré des insultes ou menaces et été violent. Egalement entendue dans le cadre de cet incident, Madame K______, collègue des susmentionnés, avait attesté que M. S______ avait des « séances de pétage de plomb » durant les services tout en relevant que Mme T______ avait une personnalité plus encline à entretenir un conflit qu’elle-même. Elle n’avait jamais ressenti l’intéressé comme une menace physique potentielle mais n’était pas étonnée que Mme T______ ait pu le ressentir comme tel.

4) Le 15 octobre 2007, faisant suite à cet incident, M. S______ s’est vu retirer son arme de service par la hiérarchie. Parallèlement, cette dernière a requis une expertise médicale de l’intéressé auprès du service de santé du personnel de l’Etat (ci-après : le service de santé).

5) A la demande du Docteur Danilo Janjic, conseil au service de santé, le centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a établi, le 11 décembre 2008, une expertise relative à M. S______.

Il ressort de cette dernière que l’intéressé ne présentait pas de trouble de la personnalité au sens pathologique mais des traits de personnalité du registre de la personnalité paranoïaque, donnant à sa manière d’être sa tonalité rigide, peu susceptible de remise en question. Il ne pouvait gérer ses tensions relationnelles que dans un contrôle sur lui-même de tous les instants qu’il intégrait dans la vision de sa fonction. Cette description de la personnalité n’autorisait pas cependant à le considérer comme présentant un trouble psychique mais devait conduire son employeur à s’interroger sur ce qu’il pouvait attendre de lui compte tenu de sa rigidité et de sa personnalité.

A la question de savoir si l’intéressé était apte à la fonction de gendarme, et en particulier, s’il présentait une dangerosité pour autrui et pour lui-même dans la mesure où l’exercice impliquait le port d’une arme, il était répondu comme suit : « D’un point de vue psychiatrique, nous ne relevons pas d’éléments plaidant formellement pour une inaptitude à une telle fonction. Cependant ( ), le cadre et les valeurs de son travail doivent lui être clairement reprécisés de même que l’attitude adoptée par sa hiérarchie devant un éventuel débordement même minime ( ) ».

6) Le 21 janvier 2009, le Dr Janjic a adressé un préavis médical au sujet de M. S______ à Madame Monica Bonfanti, cheffe de la police, duquel il ressortait que « même s’il n’est pas adéquat de le déclarer inapte à la fonction, il n’est toutefois pas possible d’exclure, pour la suite, l’éventualité de débordements, avec passage à l’acte, ceci dans le cas où ses capacités d’autocontrôle devaient être débordées lors d’un stress professionnel. Cette appréciation doit être mise en perspective avec une fonction qui implique le port d’une arme ».

7) Le 19 février 2009, Monsieur Laurent Moutinot, conseiller d’Etat alors en charge du département des institutions, devenu par la suite le département de justice, police et sécurité et devenu depuis lors, le département de la sécurité, de la police et de l’environnement (ci-après : le département) a interpellé Monsieur David Hiler, en sa qualité de président du Conseil d’Etat, au sujet du préavis du Dr Janjic, soit en particulier sur le fait que l’intéressé puisse ne pas être déclaré inapte alors même que des risques de passage à l’acte n’étaient pas exclus.

8) M. Hiler lui a indiqué, le 4 mars 2009, partager sa préoccupation quant au caractère contradictoire des avis exprimés au sujet de l’aptitude fonctionnelle de M. S______. Si l’expertise du CHUV ne pouvait pas être simplement écartée par le Dr Janjic, il fallait néanmoins prendre en compte le fait que ce dernier avait l’intime conviction que le maintien de M. S______ dans sa fonction actuelle constituerait un risque pour des tiers, dont ses collègues, et pour lui-même. Cette conclusion devait inciter la hiérarchie de ce collaborateur à l’affecter à un poste où ce risque était minimisé.

9) Le 11 avril 2009, Monsieur Oguey, commandant remplaçant de la gendarmerie, a adressé à M. Moutinot une demande de licenciement de l’intéressé. A l’appui de celle-ci, il relatait différents faits survenus entre le 2 mars 2001 et le 15 octobre 2007 relatifs à M. S______, à savoir :

- le 2 mars 2001 : à la suite d’un conflit de circulation, M. S______ avait poursuivi l’autre conducteur pour l’interpeller. Lors des faits, des échanges peu courtois avaient été échangés par les protagonistes. M. S______ avait fait état de sa profession de gendarme et il s’était légitimé au moyen de sa carte de police. Son comportement avait fait l’objet d’une dénonciation au département ;

- le 30 mars 2003 : constatant le comportement incorrect d’un automobiliste, M. S______ avait poursuivi ce conducteur pour le lui faire remarquer, se légitimant au moyen de sa carte de police. Dès sa reprise de service, il l’avait contacté pour lui signifier une dénonciation. A réception de l’amende d’ordre, l’automobiliste avait dénoncé la conduite et le comportement agressif de M. S______, par un courrier adressé au chef de la police ;

- le 29 avril 2004 : un rapport avait été établi par le maréchal du poste de Plainpalais à l’intention du commandant de la gendarmerie dénonçant le comportement inqualifiable du gendarme S______ en raison de son attitude tant envers le public qu’avec ses collègues et sa hiérarchie. Lors des discussions à ce sujet, l’intéressé était devenu d’une agressivité extrême lançant un dossier en direction de l’un de ses supérieurs, puis quittant la pièce, claquant la porte et donnant un violent coup de poing ou de pied contre un mur de l’avant-poste ;

- le 13 mai 2005 : suite à la dénonciation d’une dame venue déposer plainte au poste de la Servette, une enquête avait été entreprise laquelle avait permis de relever des manquements dans le cadre de la procédure menée par M. S______ ;

- le 14 avril 2006 : un avertissement avait été infligé à l’intéressé suite à un différend avec un automobiliste. Selon un témoin, M. S______ avait frappé violemment son interlocuteur qui se trouvait au sol, ceci pendant plusieurs minutes ;

- le 8 août 2006 : l’attitude de M. S______ avait été à l’origine d’un conflit avec une personne venue pour déposer plainte à la réception du poste de la Servette.

Pour le surplus, il rappelait que la fonction de gendarme impliquait le port d’arme et tout policier devait pouvoir être engagé à tout moment comme fonctionnaire armé et doté de l’ensemble de ses pouvoirs d’autorité. Or, la fragilité de caractère de l’intéressé et le risque de débordements avec passage à l’acte étaient incompatibles avec la fonction de policier armé qui devait pouvoir faire, en tout temps, usage de l’autorité et de la contrainte de manière contrôlée et proportionnée. Son reclassement dans la fonction de préposé à la centrale d’appel du CID, fonction qu’il occupait actuellement, ou dans celle de commis administratif, par exemple au service des contraventions, était proposé.

10) Le 23 juillet 2009, M. S______ a été convoqué à un entretien de service en présence de Madame Françoise Saillen Agad, responsable des ressources humaines de la police et de MM. Oguey et Walter Schlechten, président de l’Union du personnel du corps de police (UPCP). Cet entretien portait notamment sur le préavis médical du 21 janvier 2009 sur la base duquel la hiérarchie était d’avis qu’il ne pouvait plus exercer la fonction de gendarme dès lors qu’il n’était pas possible d’accepter le risque de lui restituer son arme de service. Celle-ci envisageait dès lors l’ouverture d’une procédure de licenciement pour motif fondé (disparition d’un motif d’engagement). A cette occasion, M. Schlechten a indiqué qu’il n’était pas envisageable que l’intéressé perde son statut de gendarme et que d’autres solutions que le licenciement devaient être envisagées. La hiérarchie devait également tenir compte de l’expertise médicale, plus nuancée.

11) M. S______, par la plume de son conseil, a fait part de ses observations suite à cet entretien le 31 août 2009.

Le préavis médical du Dr Janjic, dès lors qu’il s’écartait sans raison valable de l’expertise du CHUV, ne pouvait être pris en considération. Or, selon cette dernière, il n’était pas inapte à exercer sa fonction, bien qu’elle puisse impliquer le port d’arme. Il n’existait par conséquent aucun motif fondé justifiant son licenciement. M. Oguey était invité à renoncer à la procédure de licenciement à son encontre.

12) Il ressort d’une attestation médicale du 19 mars 2010 de la Doctoresse DUBERG, spécialiste FMH en psychiatrie, que M. S______ consultait cette praticienne depuis le 14 décembre 2009, de sa propre initiative, au rythme d’une séance tous les quinze jours. A son avis, l’intéressé ne présentait pas un plus grand risque de passage à l’acte qu’un autre homme de son âge.

13) Le 23 mars 2010, un entretien de service ayant pour objet le préavis du 21 janvier 2009 et l’avenir professionnel de M. S______ a eu lieu entre ce dernier, son mandataire, Mme Françoise Saillen Agad, M. Oguey et le Dr Janjic.

A cette occasion, ce praticien s’est prononcé en faveur de l’inaptitude de M. S______ à la fonction de gendarme, en application du principe de précaution et considérant que sa capacité d’autocontrôle était limitée aussi bien dans le milieu professionnel que non professionnel. M. S______ a pour sa part contesté cette appréciation considérant que l’incident avec sa collègue en automne 2007 avait été monté en épingle. Il suivait depuis quatre mois une thérapie et ses qualités professionnelles étaient reconnues puisque il avait été nommé responsable des véhicules volés. A cet égard, M. Oguey lui a précisé que le fait que des nouvelles tâches lui avaient été attribuées ne signifiait pas qu’il avait été nommé responsable. A l’heure actuelle, il n’occupait pas un poste de gendarme mais un poste de collaborateur administratif de la police. C’était une solution provisoire tenant compte du fait qu’il ne pouvait pas remplir concrètement la tâche de gendarme, poste impliquant le port d’arme.

A l’issue de l’entretien, il a été convenu qu’il serait formellement demandé au Dr Janjic de se prononcer sur l’aptitude ou l’inaptitude de M. S______ à la fonction de gendarme étant précisé que le constat d’inaptitude à un service de police serait de nature à envisager son transfert dans un autre service en application de l’art. 42 al. 2 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05).

14) Le 19 avril 2010, le Dr DANILO JANJIC a émis un nouveau préavis médical dans lequel il a considéré que l’intéressé était inapte à la fonction.

15) M. S______ a formulé ses observations relatives à l’entretien de service et au préavis susmentionnés le 15 juin 2010.

Il était difficile de comprendre pourquoi l’avis du Dr Janjic, spécialiste en endocrinologie et diabétologie, prévalait sur ceux des Dr Joliat Duberg et Bruno Gravier, spécialistes en psychiatrie. L’incident avec un automobiliste qui lui était reproché datait de plus de quatre ans et il s’était depuis livré à un travail important sur lui-même. Il devait dès lors être considéré comme apte à la fonction de gendarme et réservait ses droits d’agir en relation avec l’acharnement dont il faisait l’objet.

16) L’intéressé ayant atteint les douze années de service, la hiérarchie de la police a examiné la question de son passage au grade de sous-brigadier et décidé, le 20 octobre 2010, de ne pas le proposer au grade supérieur, vu l’évaluation médicale du 19 avril 2010, il ne remplissait pas les critères de l’art. 27 al. 1 LPol. Une promotion restait néanmoins envisageable à l’avenir, si les conditions de l’art. 27 al. 1 LPol étaient remplies.

17) Le 22 novembre 2010, M. S______ a recouru auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), à l’encontre de cette décision en concluant à son annulation.

Il n’était pas contesté qu’il remplissait la condition d’ancienneté nécessaire pour prétendre à la nomination au grade de sous-brigadier en application de l’art. 27 LPol. Quant aux aptitudes lui permettant d’accéder au grade supérieur, il ressortait de l’expertise médicale du CHUV qu’il n’était pas inapte. L’attitude de la hiérarchie à son encontre, suite à l’incident d’octobre 2007, s’apparentait à du harcèlement.

18) Le département a fait part de ses observations au recours le 14 janvier 2011.

Le recourant ne saurait prétendre à un poste de sous-brigadier en raison du préavis médical du 19 avril 2010 et son recours devait être rejeté. Son arme ne lui avait pas été rendue et il n’occupait toujours pas un poste de gendarme. Le poste qui était le sien actuellement ne permettait pas de prétendre qu’il possèderait les qualifications requises pour être promu à un grade de sous-brigadier. Enfin, il ressortait de sa dernière évaluation, datant du 10 décembre 2010, que ses prestations n’étaient pas pleinement satisfaisantes.

19) Le 27 juin 2011, les parties ainsi que le Dr Janjic ont été entendus dans le cadre d’une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

a. A cette occasion, le Dr Janjic, préalablement délié de son secret médical, a confirmé son préavis d’inaptitude à la fonction de gendarme du 19 avril 2010. Il avait eu connaissance de l’attestation médicale de la Dresse Duberg, laquelle ne se prononçait pas sur la question de l’aptitude ou l’inaptitude de M. S______. S’il pouvait se rallier à l’affirmation de cette praticienne, lorsqu’elle déclarait que l’intéressé ne présentait pas un plus grand risque de passage à l’acte qu’un autre homme de son âge, sur un plan général, son opinion était différente lorsqu’il s’agissait d’évaluer M. S______ au regard de la fonction de gendarme. Il ne considérait pas non plus être allé à l’encontre des conclusions du Dr Gravier qui n’avait pas répondu affirmativement à la question de l’aptitude du recourant à la profession de gendarme mais uniquement indiqué qu’il n’était pas inapte. Son évaluation n’était pas celle d’un psychiatre mais le préavis d’un médecin-conseil de l’Etat, abordant la question de l’aptitude au travail sous un angle plus large puisque non limité aux aspects psychiatriques. Pour formuler sa position, il avait également considéré l’historique de la carrière professionnelle de l’intéressé et appliqué le principe de précaution dans une démarche qu’il y avait lieu d’inscrire dans une fonction sociétale, dès lors que la fonction de policier n’était pas une fonction comme une autre. La situation de M. S______ avait été discutée avec ses collègues du service de santé, dont un médecin consultant FMH spécialiste en psychiatrie, qui avaient partagé son appréciation.

b. M. S______ a pour sa part déclaré qu’il travaillait toujours au CID. Il avait provisoirement arrêté de consulter la Dresse Duberg afin de s’occuper de sa famille. Il avait pris conscience de certains faits mais ne parvenait pas à tourner la page ayant le sentiment que la hiérarchie ne cessait de lancer des procédures contre lui. A l’heure actuelle, il n’y avait aucune procédure disciplinaire en cours contre lui.

c. Monsieur Sébastien Grosdemange, chef du service juridique, représentant le corps de police, a précisé que la hiérarchie venait d’être informée d’une nouvelle doléance concernant un incident impliquant M. S______ sans qu’il n’y ait, à l’heure actuelle, de procédure administrative ouverte à son encontre ce que l’intéressé a admis, expliquant qu’il avait montré sa carte de police et fait signe de se calmer à un automobiliste qui s’était approché dangereusement de son véhicule et lui avait coupé la route.

20) Sur quoi la cause a été gardée à juger.

21) Il ressort des pièces versées à la procédure que par décision du 28 novembre 2008 (ACOM/110/2008), la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison a annulé deux arrêtés du Conseil d’Etat des 25 juin et 5 novembre 2008 prononçant la dégradation de M. S______ et son retour au rang de gendarme en classe 14 annuité 1, en raison des faits survenus le 14 avril 2006 ainsi que des difficultés de l’intéressé à maintenir son calme dans des situations conflictuelles ayant eu lieu entre mars 2001 et mai 2005. Elle a considéré que les faits survenus entre 2001 et 2005 étaient prescrits et ne pouvaient plus être mentionnés à titre d’antécédents. Quant à ceux postérieurs au 3 octobre 2007, ils ne pouvaient être pris en compte, n’ayant pas fait l’objet d’une extension de l’enquête administrative et l’enquêteur n’ayant pas entendu l’intéressé à leur sujet. La cause était renvoyée au Conseil d’Etat pour nouvelle décision, non sans avoir préalablement déterminé, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui était le sien, s’il entendait prononcer lui-même une sanction de sa compétence ou renvoyer la cause au président du département ou encore à une autre autorité.

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A aLOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010, art. 27 al. 4 LPol).

3) En tant que fonctionnaire de police, le recourant est soumis à la LPol ainsi qu’à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05 ; art. 26 LPol).

4) La présente cause a uniquement trait au refus de nomination au grade de sous-brigadier du recourant.

5) a. A teneur de l’art. 27 LPol :

Les gendarmes qui possèdent les aptitudes et obtiennent les qualifications requises sont promus (al. 1) :

- dès la 6ème année : appointé ;

- dès la 12ème année : sous-brigadier ;

Jusqu’à sous-brigadier dans la gendarmerie, inspecteur principal dans la police judiciaire et caporal dans la police de la sécurité internationale, un refus de promotion peut faire l’objet d’un recours à la chambre administrative (al. 4) ;

Les collaborateurs de la police genevoise sont évalués sur leurs prestations, leurs compétences et leur comportement au plus tard deux ans après le changement de grade et dans l’année qui précède l’obtention d’un nouveau grade (al. 7) ;

La hiérarchie soumet les propositions de promotion au département (al. 8).

6) Il ressort des travaux préparatoires liés à cette disposition la volonté du législateur d’introduire, pour les fonctions de base, l’exigence des aptitudes et qualifications comme condition aux promotions (il n’existait jusqu’alors qu’un système d’évaluation interne). L’importance que revêtait cette exigence, étroitement liée à la formation qui doit être dispensée aux policiers, était soulignée tant par la présidente du département que par le chef de la police de l’époque qui relevait : « L’automatisme et la rigidité de l’avancement répondent mal à l’exigence indispensable de compétences dans les domaines de pointe, mais actuellement le personnel, tous services confondus, est clairement opposé à des changements dans ce domaine, l’automaticité de la promotion étant perçue comme une « garantie contre l’arbitraire des chefs ». Une marge de manœuvre existe heureusement dans le projet de loi, avec la promotion en fonction des aptitudes et des qualifications. Cette clause est essentielle et convergente avec le processus de modernisation de la fonction publique ( ). Il me semble donc important de vous entendre déclarer, Madame Spoerri, qu’avec cette loi - qui mettra en place un système de promotion en fonction des compétences et non seulement en fonction de l’ancienneté - vous vous engagez à établir une procédure de nomination transparente basée sur des critères objectifs et à présenter cette procédure aux syndicats de la police afin de les convaincre que les cadres ne seront pas nommés en fonction d’affinités politiques, mais bien de leurs compétences » (MGC 2003-2004/X A 4917 - 4919).

En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant disposait, à la date du prononcé de la décision litigieuse, de douze années de service. L’intimé fonde cependant son refus de promotion sur l’absence des aptitudes et qualifications requises de l’intéressé.

7) a. A teneur de l’art. 5 al. 1 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) :

Le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction (al. 1) ;

Il peut en tout temps être soumis à un examen médical pratiqué sous la responsabilité du service de santé du personnel de l’Etat (al. 2) ;

Suite à un examen médical, le médecin-conseil remet à l’intéressé, à l’office du personnel, au chef de service de l’intéressé ainsi qu’à la caisse de prévoyance, une attestation d’aptitude, d’aptitude sous conditions ou d’inaptitude à occuper la fonction. Il précise les contre-indications qui justifient son attestation (al. 3).

b. De manière générale, la jurisprudence reconnaît à l’administration une grande latitude pour s’organiser et un large pouvoir d’appréciation. Celle-ci dispose ainsi d’une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elle entretient avec ses agents (Arrêt du Tribunal fédéral 2P_46/2006 du 7 juin 2006 ; F. BELLANGER, Contentieux communal genevois in : L’avenir juridique des communes, Schultess 2007, p. 149). Ainsi, l’administration doit bénéficier de la plus grande liberté d’appréciation pour fixer son organisation et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires à son bon fonctionnement, questions relevant de l’opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre administrative. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire (B. KNAPP, Précis de droit administratif 1991, n. 161 ss, p. 35-36). L’exercice d’un contrôle judiciaire dans ce cadre-là garde tout son sens, même si le juge administratif doit alors observer une très grande retenue dans l’examen de la manière dont l’administration a exercé ses prérogatives. Le juge doit ainsi contrôler que les dispositions prises demeurent dans les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité et qu’elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que des circonstances personnelles et des exigences du service. Seules les mesures objectivement insoutenables et arbitraires doivent être annulées, la chambre administrative vérifiant que l’autorité n’outrepasse pas son pouvoir d’appréciation et respecte les conditions de fond et de forme dont les textes imposent la réalisation (voir ATF 108 I b 209 publié in : JT 1984 I 331, consid. 2 ; ATA/404/2009 du 25 août 2009).

c. Les expertises administratives ont une valeur probante et ne sont nullement assimilables à des expertises de parties, l’administration n’agissant alors pas en tant que partie, mais en tant qu’organe administratif chargé d’appliquer la loi. Il découle de la validité des expertises administratives, soit de la présomption d’objectivité qui leur est rattachée, que l’avis d’un spécialiste mandaté, que ce soit au cours de la procédure administrative ou judiciaire, doit en principe être préféré à celui du médecin traitant de l’assuré (A. GHELEW / O. RAMELET / J.-B. RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents (LAA) Lausanne 1992, p. 323).

En l’espèce, il ressort du rapport et des auditions du médecin-conseil de l’Etat que le recourant est inapte à la fonction de gendarme. Si les rapports de la Dresse DUBERG et du Dr GRAVIER sont plus nuancés à cet égard, le Dr DANILO JANJIC a cependant expliqué, de manière tout à fait convaincante, les raisons qui permettaient de s’en distancer. Il a ainsi précisé le rôle du médecin-conseil de l’Etat - par rapport à celui du psychiatre - qui consiste à aborder la question de l’aptitude au travail sous un angle plus large puisque non limité aux aspects psychiatriques et la nécessité de tenir compte du principe de précaution, s’agissant en particulier de la fonction de policier. De surcroît, ni la Dresse Duberg ni le Dr Gravier ne se sont prononcés affirmativement sur l’aptitude du recourant à la fonction de gendarme. Enfin, la situation de M. S______ a été discutée au sein du service de santé - qui dispose notamment d’un médecin consultant FMH spécialiste en psychiatrie - lequel partage, dans son ensemble, l’appréciation du Dr  Janjic. L’autorité intimée n’a dès lors pas abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant, sur la base des éléments en sa possession, que le recourant ne possédait pas les aptitudes requises pour être promu au grade supérieur de sous-brigadier. La décision entreprise est enfin proportionnée dès lors que la promotion du recourant reste possible à l’avenir, si celui-ci devait remplir les conditions d’aptitudes et qualifications requises.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2010 par Monsieur S______ contre la décision du corps de police du 20 octobre 2010 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Monsieur S______ ;

 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jamil Soussi, avocat du recourant, ainsi qu’au corps de police.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :