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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4359/2008

ATA/512/2009 du 13.10.2009 sur DCCR/649/2009 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.11.2009, rendu le 01.02.2010, REJETE, 2C_771/09
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4359/2008-PE ATA/512/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 octobre 2009

 

dans la cause

 

 

 

Monsieur R______
représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 juin 2009 (DCCR/649/2009)


EN FAIT

1. Monsieur R______, né en 1978, est ressortissant du C______.

2. Muni d'un visa valable, il est entré en Suisse le 11 mars 2002 pour étudier, durant deux ans, la gestion d'entreprise auprès de GBI - Geneva Business Institute. L’office cantonal de la population (ci-après : OCP), lui a délivré un permis de séjour temporaire pour études, renouvelé jusqu’au 10 mars 2004.

3. Le 11 décembre 2003, l'intéressé a épousé à V______ Madame I______, née S______ en 1955, de nationalité suisse, divorcée.

A la suite du mariage, M. R______ a élu domicile chez son épouse au 37, av. M______ à V______.

En date du 18 février 2004, l'OCP lui a octroyé une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, régulièrement renouvelée jusqu'au 10 décembre 2007.

4. Le 1er juin 2004, M. R______ a été engagé en qualité de nettoyeur auprès de l'entreprise S______ Sàrl, à raison de trente heures hebdomadaires et pour un salaire horaire de CHF 17,35.

5. Début 2005, l'OCP a diligenté une enquête sur les époux R______. Le nom des conjoints, ainsi que celui de la fille de Mme I______, P______, figuraient sur la boîte aux lettres et sur la porte palière du 37, av. M______. Le voisinage, qui n'avait pas reconnu la photo de M. R______, affirmait ne plus avoir vu Mme I______ depuis plusieurs semaines. Cette dernière, quant à elle, précisait faire ménage commun avec sa fille et son mari, lequel travaillait tous les soirs au T______ de la gare. Vérification faite, M. R______ ne faisait pas partie du personnel de la société T______, mais était employé comme nettoyeur par l'entreprise S______ Sàrl. Mme I______ était connue par la brigade des mœurs depuis 1999, car elle se livrait à la prostitution dans un studio sis 15, rue W______.

Suite à cette enquête, Mme I______ a été entendue dans les locaux de l'OCP. C'était son mari qui lui avait indiqué qu'il travaillait la nuit au T______ et elle ne lui avait jamais rendu visite sur son lieu de travail. Son époux savait qu'elle se livrait à la prostitution.

6. Le 2 décembre 2005, M. R______ a annoncé à l'OCP qu'il déménageait avec son épouse à l'adresse 19, rue X______, G______.

7. En date du 15 février 2006, M. R______ a été entendu par l'OCP au sujet du résultat de l'enquête menée en 2005. Il s'étonnait de ne pas avoir été reconnu par le voisinage. A l'époque de l'enquête, il travaillait de nuit et allait dormir chez sa sœur et son beau-frère, domiciliés 57, rue D______. Il y avait eu un malentendu avec son épouse, laquelle pensait qu'il travaillait au T______ alors qu'il était employé par S______ Sàrl pour effectuer l'entretien d'un restaurant de la chaîne sis à la rue de Lausanne. Il était au courant que son épouse se livrait à la prostitution.

8. Le 24 février 2006, M. R______ a annoncé à l'OCP qu'il déménageait avec son épouse au 15, rue W______.

9. Par un courrier du 23 mars 2006, Mme P______ a indiqué à l'OCP que sa mère n'avait jamais quitté son logement et qu'elles vivaient ensemble à l'adresse 19, rue X______. M. R______ avait, quant a lui, quitté le domicile conjugal. Elle sollicitait la rectification idoine des registres de l'OCP.

10. Par plis séparés, datés du 13 décembre 2006, l'OCP a demandé aux deux conjoints de fournir des précisions au sujet de leur séparation intervenue en février 2006.

11. Dans sa réponse du 20 décembre 2006, M. R______ a indiqué que les époux utilisaient deux adresses, mais qu'ils vivaient en réalité ensemble dans le studio sis 15, rue W______. Son épouse se trouvait en U______ depuis le 11 décembre 2006 ; elle s'y était rendue pour voir sa mère malade. Aucune procédure de divorce n'était engagée et il espérait "pouvoir prochainement reprendre la vie commune".

12. Sans réponse de Mme I______, l'OCP lui a derechef adressé sa requête par envoi recommandé du 5 mars 2007.

Le 15 mai 2007, Mme I______ a indiqué qu'aucune procédure de divorce n'était engagée et qu'elle espérait "pouvoir prochainement reprendre la vie commune".

13. Dans le formulaire de demande de renouvellement de l'autorisation de séjour, déposé par M. R______ le 22 octobre 2007, les époux figuraient à la même adresse, soit 15, rue W______. Compte tenu des indications contenues dans ce document, le 9 janvier 2008 l'OCP a invité Mme I______ à lui communiquer un avis officiel de changement d'adresse.

14. En réponse à la demande de l'OCP, M. R______ a expliqué que son épouse continuait à utiliser les deux adresses. Elle vivait principalement avec lui à la rue W______ et parfois avec sa fille, dans l'appartement de la rue X______.

15. Le 28 janvier 2008, l'OCP a invité M. R______ à produire une confirmation écrite et signée de son épouse.

Par lettre du 4 février 2008, l'intéressé a répondu qu'il n'était pas en mesure de donner suite à la demande, car sa femme était partie en U______ le 1er février 2008 pour de longues vacances.

16. Par pli recommandé du 15 février 2008, l'OCP a fait part à M. R______ de son intention de ne pas renouveler son autorisation de séjour au motif qu'il invoquait de manière abusive un mariage qui n'existait plus que formellement.

17. Invité à se prononcer, M. R______ a fait valoir qu'il ne vivait pas séparé de son épouse, même s'il était vrai que cette dernière était partie en U______ pour quelques mois. Il a produit un écrit daté du 3 mars 2008, signé par Mme I______, par lequel cette dernière déclarait qu'elle séjournait depuis plusieurs mois en U______ pour des questions religieuses et pour voir sa mère malade. Elle pensait rentrer en Suisse en mai 2008 et vivre avec son conjoint. Elle affirmait n'avoir jamais été séparée de celui-ci.

18. Le 4 avril 2008, l'OCP lui a répondu que le couple était à son sens séparé, puisque les conjoints conservaient des adresses différentes. Il a invité M. R______ à clarifier cette situation et Mme I______ à annoncer son changement d'adresse.

19. En date du 2 mai 2008, l'OCP a reçu un formulaire d'annonce de changement d'adresse, signalant que Mme I______ quittait le 19, rue X______, pour s'établir, dès le 1er juin 2008, à l'adresse 15, rue W______.

20. Dans une lettre manuscrite et cosignée du 10 juin 2008, les époux R______ ont informé l'OCP qu'ils vivaient ensemble depuis le 1er juin 2008.

21. En juillet 2008, l'OCP a procédé à une nouvelle enquête, afin de déterminer si les époux R______ avaient véritablement repris la vie commune. Seul le nom de M. R______ figurait sur la boîte aux lettres de l'immeuble 15 rue W______, alors que les initiales de Mme I______ apparaissaient sur la porte palière. Un voisin, qui n'avait pas reconnu la photo de M. R______, affirmait que dans l'allée il n'y avait que des femmes exerçant la prostitution, que Mme I______ était absente depuis le mois de janvier 2008, qu'elle avait rejoint une communauté bouddhiste en U______ pour dix mois et ne devait revenir en Suisse qu'à la fin de l'année.

L'enquêteur de l'OCP a pu constater que le logement était effectivement occupé, mais la personne qui s'y trouvait était avec "un client" et n'avait pas pu dévoiler son identité.

Interrogée par l'enquêteur de l'OCP, la responsable des ressources humaines du T______, a déclaré que M. R______ travaillait dans ce restaurant à 50 %, rarement après 18h00-18h30. Il touchait une indemnité du chômage depuis mars 2008 et avait communiqué à son employeur l'adresse 15, rue W______.

L'enquêteur de l'OCP s'est entretenu avec M. R______ et la responsable des ressources humaines du T______. Après son mariage en décembre 2003, l'intéressé avait résidé à V______ en compagnie de sa femme et de la fille de cette dernière. Suite à des problèmes d'entente avec Mme P______, le couple avait décidé de déménager à la rue W______. Pendant qu'il travaillait, son épouse occupait le studio et se prostituait. Celle-ci l'autorisait à rentrer à partir de 23h00. Mme I______ rejoignait sa fille dans l'appartement de la rue X______ deux à trois fois par semaine. L'intéressé avouait ne pas comprendre le comportement de son épouse. Souvent, cette dernière lui affirmait "qu'il ne risquait absolument rien puisqu'elle (avait) la nationalité suisse".

Enfin, dans son rapport du 17 juillet 2008, l'enquêteur de l'OCP a indiqué que M. R______ ne parlait pas couramment le français, que celui-ci voyait son épouse de manière sporadique et que le couple ne faisait pas ménage commun. Il supposait qu'après ses heures de travail au T______, l'intéressé exerçait une activité lucrative non déclarée.

22. Par décision du 3 novembre 2008, l'OCP a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de M. R______. Les époux étaient séparés depuis le 25 février 2006 et leur union conjugale vidée de sa substance. Pour obtenir le renouvellement de son permis, l'intéressé ne pouvait plus se prévaloir de son mariage - qui n'existait plus que formellement - sous peine de commettre un abus de droit. La poursuite du séjour ne se justifiait pas non plus pour des motifs d'opportunité. M. R______ n'avait pas d'attaches étroites avec la Suisse, son intégration n'était pas particulièrement remarquable et il ne parlait pas bien français. Un retour dans son pays d'origine ne le placerait pas dans une situation d'extrême rigueur.

23. Par acte du 3 décembre 2008, M. R______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours de police des étrangers, devenue depuis le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA). Il avait vécu avec son épouse à V______, puis à G______. La cohabitation avec Mme P______ étant devenue difficile, il s'était domicilié à la rue W______. Son épouse se rendait à cette adresse quasiment tous les jours, y compris pour y dormir et ils se voyaient donc quotidiennement. Mme I______ avait gardé son adresse officielle chez sa fille, notamment pour le courrier. En effet, compte tenu de sa méconnaissance du français écrit, elle trouvait plus prudent que le courrier officiel soit reçu par sa fille, qui maîtrisait la langue. Le couple n'avait jamais envisagé de séparation, ni de divorce ; les époux n'avaient jamais vécu séparément, même s'ils menaient une existence indépendante et ne se voyaient, parfois, que peu de temps chaque jour. Sa femme se trouvait en U______ depuis février 2008. Elle s'y était rendue en raison de la maladie de sa mère et pour des questions religieuses. Elle aurait dû revenir en Suisse au début du mois de décembre 2008, mais son séjour se prolongeait. Leur mariage n'était nullement vidé de sa substance. Il s'était par ailleurs toujours comporté de manière correcte: il travaillait et faisait face à ses engagements. Il concluait à l'annulation de la décision rendue par l'OCP et au renouvellement de son titre de séjour.

24. Le 11 décembre 2008, Mme I______ est décédée en U______.

25. Le 4 février 2009, l’OCP a déposé ses observations devant la CCRA. Le décès de Mme I______ ne modifiait pas son appréciation du dossier. Les époux ne faisaient plus ménage commun depuis février 2006 et menaient chacun leur existence. Les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction de l'affaire, ainsi que le comportement des époux, portaient à croire que ceux-ci ne formaient plus une véritable communauté conjugale. M. R______ ne pouvait se prévaloir du mariage et du droit au renouvellement de son autorisation de séjour sans commettre un abus de droit. Son intégration ne pouvait pas être qualifiée d'exceptionnelle.

26. En mars 2009, M. R______ a sollicité l'octroi d'un visa de retour d'une durée de trois mois, afin de se rendre au C______.

27. Le 13 mai 2009, la société T______ a indiqué à l'OCP que le contrat de travail de M. R______ était résilié au 30 juin 2009.

28. Le 9 juin 2009, la CCRA a entendu les parties en audience de comparution personnelle. M. R______ a produit un document attestant que son épouse était en possession d'un billet aller et retour pour U______ (retour le 14 mai 2008) ; en réalité, elle n'était jamais revenue en Suisse. A son départ, Mme I______ lui avait indiqué qu'elle pensait s'absenter au maximum cinq mois. La lettre du 10 juin 2008, établie à la demande de l'OCP, avait été signée par sa femme lorsqu'elle se trouvait à l'étranger. Elle était décédée d'une crise cardiaque et avait été enterrée en U______ ; il n'avait pas pu s'y rendre faute de permis.

Ils partageaient les frais de loyer, de téléphone et de nourriture. Ils étaient taxés ensemble. M. R______ avait trouvé un emploi temporaire auprès de N______ ; il espérait obtenir un contrat fixe. En avril 2009, il n'avait rencontré aucune difficulté pour se rendre au C______ afin de voir ses parents et sa famille.

29. Par décision du 9 juin 2009, expédiée aux parties le 2 juillet 2009, la CCRA a rejeté le recours. Compte tenu du décès de son épouse, M. R______ ne pouvait plus se prévaloir d'un droit au séjour. Sous l'angle de l'opportunité, l'OCP avait considéré que la poursuite de son séjour en Suisse ne se justifiait pas et aucun élément objectif ne permettait à la CCRA de retenir que l'autorité intimée avait excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

30. M. R______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, par acte du 30 juillet 2009, en concluant à la restitution de l'effet suspensif et au renouvellement de son autorisation de séjour ou, mieux encore, à l'octroi d'une autorisation d'établissement. Il n'avait jamais été séparé de son épouse et aucune procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ou de divorce n'avait été entamée. Il ne commettait pas un abus de droit en invoquant l'existence de son mariage pour obtenir la prolongation du titre de séjour ; l'abus de droit n'avait du reste pas été retenu par la CCRA. Son mariage ayant duré exactement cinq ans, il avait droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement ou, pour le moins, selon le principe de la proportionnalité, au renouvellement de son autorisation de séjour. De plus, sous l'angle de l'opportunité, il se justifiait de l'autoriser à demeurer en Suisse puisqu'il pouvait se prévaloir d'une bonne intégration socio-professionnelle. Il avait toujours travaillé et, à aucun moment, il n'avait émargé à l'aide sociale ou commis d'actes répréhensibles.

31. Dans sa détermination du 10 août 2009, l'OCP ne s'est pas opposé à la restitution de l'effet suspensif, M. R______ n'émargeant pas à l'assistance publique et ne présentant pas de danger pour l'ordre et la sécurité publics.

32. Par décision du 17 août 2009, la présidente du Tribunal administratif a restitué l'effet suspensif au recours.

33. Le 1er septembre 2009, l'OCP a conclu au rejet du recours. Les époux ne faisaient plus ménage commun depuis le 25 février 2006. Au vu de l'ensemble des circonstances, le lien conjugal était vidé de sa substance et leur union n'existait plus que formellement. Aussi, avant même le décès de sa femme, M. R______ ne pouvait plus se prévaloir de son mariage pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour, sous peine de commettre un abus de droit. A teneur de la jurisprudence, le droit à l'autorisation d'établissement ne pouvait pas être invoqué si l'abus de droit existait déjà avant l'écoulement du délai de cinq ans. Enfin, l'intégration socioprofessionnelle de M. R______ n'était pas exceptionnelle, ses attaches avec la Suisse n'étaient pas si profondes et la durée de son séjour à Genève devait être relativisée compte tenu du nombre d'années passées dans son pays d'origine.

34. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

EN DROIT

1. a. Depuis le 1er janvier 2009, le Tribunal administratif connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre des décisions de la CCRA en matière de police des étrangers (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 25 avril 2008 - LaLEtr - F 2 10).

b. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le recours est recevable (art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. La loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) a été abrogée par l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la nouvelle loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20 ; cf. ch. I de l’annexe à l’art. 125 LEtr). Selon l’art. 126 al. 1 LEtr, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sont régies par l’ancien droit, à savoir la LSEE, ainsi que les divers règlements et ordonnances y relatifs, notamment le règlement de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 1er mars 1949 (RSEE) et l'ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (OLE).

b. Le présent litige porte sur une demande de prolongation d’autorisation de séjour qui, datant du 22 octobre 2007, est soumise à l’ancien droit. Le recourant sollicite, en outre, l'octroi d'une autorisation d’établissement. Cette requête, qui a été présentée le 30 juillet 2009, soit après l’entrée en vigueur de la LEtr, a été formulée dans le cadre de la procédure de recours introduite auprès du tribunal de céans, relative à la prolongation de son autorisation de séjour régie, quant au fond, par la LSEE.

En conséquence, il y a lieu d’appliquer l’ancien droit tant à la demande de prolongation de l'autorisation de séjour qu'à la demande d’autorisation d’établissement, d’autant que les éléments déterminants pour statuer se sont déroulés, pour l'essentiel, avant l’entrée en vigueur de la LEtr (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_142/2009 du 20 juillet 2009 consid. 1 ; 2C_371/2008 du 9 février 2009 consid. 2.2 ; 2C_492/2008 du 26 janvier 2009 consid. 3.4 ; 2C_716/2008 du 25 novembre 2008 consid. 2.4).

3. Le recourant estime que, dans la mesure où son mariage a duré exactement cinq ans et qu'il n'a pas commis d'abus de droit, il est en droit d'obtenir une autorisation d'établissement ou, pour le moins, le renouvellement de son titre de séjour.

Dans sa décision du 9 juin 2009, la CCRA a quant à elle considéré que, compte tenu du décès de son épouse, l'intéressé ne pouvait plus faire valoir un droit à séjourner en Suisse.

4. a. D'après l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour (1ère phrase). Après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à une autorisation d'établissement (2ème phrase), sous réserve notamment d'un abus de droit.

b. Le décès du conjoint suisse d'un étranger entraîne pour ce dernier l'extinction du droit à une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse personnellement revendiquer un droit à une autorisation d'établissement sur la base de l'art. 7 al. 1, 2ème phrase LSEE (ATF 120 Ib 16 consid. 2c et 2d p. 19-21 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.401/2002 du 31 octobre 2002 consid. 1.2).

c. Pour le calcul du délai de cinq ans prévu à l'art. 7 al. 1, 2ème phrase LSEE, seule est déterminante la durée du séjour en Suisse de l'étranger pendant son mariage avec un ressortissant suisse (Arrêts non publiés du Tribunal fédéral du 27 août 1993 dans la cause K., reproduit in RDAT 1994 I 55 consid. 4b/c p. 13 ; du 10 novembre 1993 dans la cause Y., consid. 4c et du 17 janvier 1995 dans la cause D., consid. 1c). Il découle de cette jurisprudence que le délai de cinq ans court dès la conclusion du mariage et non à partir du jour où l'étranger fixe sa résidence en Suisse et que c'est au terme du délai quinquennal que l'étranger pourra, en principe, obtenir l'autorisation d'établissement, sous réserve de l'existence d'un motif d'expulsion (art. 7 al. 1 3ème phrase LSEE), d'un mariage fictif (art. 7 al. 2 LSEE) ou d'un abus de droit (ATF 122 II 145 consid. 3b p.147).

d. A l'échéance dudit délai quinquennal, le conjoint étranger dispose d'un droit propre et indépendant à une autorisation d'établissement et n'a plus besoin de se référer au mariage. Il est donc déterminant de savoir si l'abus de droit existait déjà avant l'écoulement de ce délai (ATF 121 II 97 consid. 4c p. 104/105).

En l'occurrence, le recourant a épousé une ressortissante suisse en date du 11 décembre 2003. Cette union a formellement pris fin par le 11 décembre 2008, par le décès de sa femme. Il en résulte que le recourant a officiellement été marié durant cinq ans, soit une durée suffisante pour disposer - sous réserve d'une situation d'abus de droit - d'un droit propre et indépendant à une autorisation d'établissement.

5. Reste à examiner si, à l'échéance du délai de cinq ans donnant droit à une autorisation d'établissement, soit le 11 décembre 2008, le lien conjugal entre le recourant et son épouse avait encore une réalité ou si, au contraire, il était vidé de toute substance au point qu'il apparaissait purement formel

6. a. Il y a abus de droit notamment lorsqu’une institution juridique est utilisée à l’encontre de son but pour réaliser des intérêts que cette institution juridique ne veut pas protéger (ATF 130 II 113 consid. 10.2 p. 135 ; 128 II 145 consid. 2.2 p. 151). L’existence d’un éventuel abus de droit doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul l’abus de droit manifeste pouvant être pris en considération (ATF 121 II 97 consid. 4a p.103).

b. L'abus de droit découlant du fait de se prévaloir de l’art. 7 al. 1 LSEE ne peut pas être simplement déduit de ce que les époux ne vivent plus ensemble, puisque le législateur a volontairement renoncé à faire dépendre le droit à une autorisation de séjour de la vie commune (ATF 118 Ib 145). Il ne suffit pas non plus qu’une procédure de divorce soit entamée ou que les époux vivent séparés et n’envisagent pas le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger invoque un mariage n’existant plus que formellement dans le seul but d’obtenir une autorisation de séjour, car ce but n’est pas protégé par l’art. 7 al. 1 LSEE (ATF 131 II 265 consid. 4.2 p. 267 ; 128 II 145 consid. 2.1 p. 151 ; 121 II 97 consid. 4a p. 103 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_374/2008 du 8 juillet 2008).

c. Le mariage n’existe plus que formellement lorsque l’union conjugale est rompue définitivement, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus d’espoir de réconciliation ; les causes et les motifs de la rupture ne jouent pas de rôle (ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117 ; 128 II 145 consid. 2 p. 151/152 ; 127 II 49 consid. 5a p. 56/57 ; 121 II 97 consid. 4a p. 103/104 ; 119 Ib 417 consid. 2d p. 419 ; 118 Ib 145 consid. 3c/d p. 150/151). L’abus de droit ne peut être retenu que si des éléments concrets indiquent que les époux ne veulent pas ou ne veulent plus mener une véritable vie conjugale et que le mariage n’est maintenu que pour des motifs de police des étrangers. L’intention réelle des époux ne pourra généralement pas être établie par une preuve directe mais seulement grâce à des indices, à l’instar de ce qui prévaut pour démontrer l’existence d’un mariage fictif (ATF 127 II 49 consid. 5a p. 57 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A_562/2004 du 14 octobre 2004 consid. 5.2).

En l'occurrence, différents indices permettent de douter que le recourant ait véritablement eu l'intention de fonder une communauté conjugale avec son épouse. Il avait environ vingt-trois ans de moins que sa femme. Celle-ci se livrait à la prostitution depuis longue date et il en était parfaitement conscient. Leur mariage a été célébré peu avant l'échéance de son permis de séjour temporaire pour études et du délai qui lui avait été accordé pour achever celles-ci en Suisse. La question de savoir si le recourant cherchait, par son mariage avec une ressortissante suisse, à éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers souffre néanmoins de rester ouverte.

En effet, il ne fait aucun doute, au vu de l'ensemble des circonstances, que le lien conjugal était vidé de sa substance depuis février 2006 au moins - soit bien avant le délai de cinq ans - et que, depuis lors, l'intéressé a commis un abus de droit en invoquant son mariage pour obtenir une autorisation de police des étrangers.

Selon les faits constatés, durant l'année 2005 l'intéressé travaillait la nuit près de la gare et dormait chez sa sœur et son beau-frère, 57, rue D______. A cette époque, les conjoints menaient déjà une existence indépendante, l'épouse du recourant ne connaissant que de manière imprécise l'emploi du temps et l'activité professionnelle de son conjoint.

Dès février 2006, l'intéressé a formellement et définitivement quitté le foyer conjugal pour prendre domicile 15, rue W______, soit dans le studio où sa femme se livrait à la prostitution. A partir de cette date, les époux ne se sont vus que de manière sporadique et chacun a mené sa propre vie. La femme du recourant ayant même séjourné à deux reprises en U______, la dernière fois durant près de onze mois. Le recourant ne lui a jamais rendu visite dans ce pays et n'a pas assisté à ses obsèques.

Par ailleurs, et malgré les multiples courriers de l'OCP les invitant à régler leur situation, les époux n'ont à aucun moment repris le vie commune ou entrepris de démarche concrète et sérieuse en ce sens. De même, les écritures du recourant ne contiennent aucun élément concret et vraisemblable permettant d'admettre qu'il existait, avant le 11 décembre 2008, une véritable volonté de reprendre à court terme la vie commune.

Dans ces circonstances, au vu des faits, indices et témoignages recueillis dans le cadre des enquêtes, ainsi qu'au regard du comportement des époux R______, l'OCP pouvait considérer, sans tomber dans l'arbitraire, qu'à partir de février 2006 le mariage du recourant était purement formel et que, depuis lors, l'intéressé commettait un abus de droit en invoquant cette union pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour.

Partant, et comme l'abus de droit existait bien avant l'écoulement du délai de cinq ans, le recourant ne saurait prétendre au renouvellement de son titre de séjour, ni à l'octroi d'une autorisation d'établissement, et ce bien que son mariage ait formellement duré cinq ans.

7. Constatant que l'intéressé a commis un abus de droit manifeste en se prévalant de l'art. 7 al. 1 LSEE pour obtenir un titre de séjour, l'OCP a encore examiné et considéré que la poursuite de son séjour en Suisse n'était pas justifiée au regard des art. 4 et 16 LSEE. Dans sa décision du 9 juin 2009, la CCRA a estimé que l'OCP n'avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

8. a. D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou d'établissement. Il leur faut tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, du degré de surpopulation étrangère et de la situation du marché du travail (art. 16 al. 1 LSEE; art 8. al. 1 RSEE). Elles doivent également respecter les principes de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire, de l'intérêt public, de la proportionnalité et de la bonne foi. Les autorités disposent en la matière d'un très large pouvoir d'appréciation, dont elles sont tenues de faire le meilleur exercice en respectant par ailleurs les droits procéduraux des parties à l'égard desquelles elles engagent une procédure.

b. Le tribunal de céans ne peut pas revoir l'opportunité d'une décision, l'art. 61 al. 2 LPA le lui interdisant. Il peut toutefois constater une violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 LPA).

En l'espèce, aucun élément objectif ne permet au tribunal de céans de retenir que l'autorité intimée a excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen du cas d'espèce.

En effet, le recourant ne peut se prévaloir d'une intégration particulièrement avancée, ni de raisons personnelles majeures justifiant la prolongation du séjour en Suisse. Par ailleurs, sa réinsertion familiale et sociale dans son pays d’origine ne s’avère pas particulièrement difficile, l'intéressé s'étant encore dernièrement rendu dans son pays afin d'y voir sa famille. Enfin, ses attaches avec la Suisse ne sont pas si profondes et la durée de son séjour à Genève devait être relativisée si l'on considère qu'il a passé pratiquement toute son existence au C______.

9. Rien ne justifie donc de s'écarter de la décision prise par l'OCP, en tous points conforme au droit, comme la commission l'a constaté à juste titre dans sa décision, objet du recours.

10. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, la décision du 24 mars 2009 de la commission étant confirmée par substitution de motifs. Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique. Il ne lui sera pas alloué d’indemnité (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juillet 2009 par Monsieur R______ contre la décision du 9 juin 2009 de la commission de cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Bernard Petitat, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l’office cantonal de la population ainsi qu’à l’office fédéral des migrations à Berne, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.