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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1627/2012

ATA/511/2014 du 01.07.2014 sur JTAPI/338/2013 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.09.2014, rendu le 15.09.2014, REJETE, 2C_754/2014
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1627/2012-PE ATA/511/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er juillet 2014

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me François Chanson, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
19 mars 2013 (JTAPI/338/2013)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1966, est ressortissant de la République démocratique du Congo (ci-après : RDC). Il est père de deux enfants, B______, née le ______ 1989, et C______, né le ______ 1991, qui sont restés vivre auprès de leur grand-mère paternelle en RDC.

2) Il est arrivé en France le 24 février 2000 et y a déposé une demande d'asile le 31 mars de la même année.

3) Le 21 décembre 2000, il a épousé, à Paris, Mme D______, ressortissante suisse, née le ______ 1949.

4) M. A______ est arrivé en Suisse le 26 février 2001. Dès le 9 mars 2001, il a obtenu une autorisation de séjour afin de vivre avec son épouse.

5) Par jugement du Tribunal de police du 27 novembre 2002, il a été condamné à une amende de CHF 500.- pour opposition aux actes de l'autorité.

6) Le 24 juin 2003, l'office cantonal de la population (ci-après : l'OCP) a refusé la demande de regroupement familial déposée en faveur de ses enfants. Les actes de naissance fournis étaient des faux et l'attestation de garde n'avait pas de valeur juridique. M. A______ n'avait pas de relation prépondérante avec les enfants et sa démarche visait à leur obtenir une autorisation de séjour afin d'assurer leur future vie d'adultes.

7) Le 18 juillet 2003, il a recouru contre cette décision auprès de la Commission cantonale de recours en matière de police des étrangers (ci-après : la CCRPE). Le recours a été enregistré sous la cause A/1______/2003.

8) Le 10 mars 2004, la CCRPE a suspendu l'instruction de la cause au vu des doutes sur les nouvelles pièces apportées par M. A______ et a renvoyé le dossier à l'OCP pour instruction complémentaire.

9) Par ordonnance du 25 avril 2005, M. A______ a été condamné à 10 jours d'arrêt et à une amende de CHF 500.-, avec sursis d'un an, pour conduite sous retrait de permis.

10) Le 23 mars 2006, il a été mis au bénéficie d'une autorisation d'établissement (permis C). Le délai de contrôle était le 25 février 2009.

11) Le 4 septembre 2006, Mme D______ a informé l'OCP que son époux, M. A______, avait quitté le domicile conjugal sans laisser d'adresse. Elle avait adressé le même jour une demande de séparation officielle auprès du Tribunal de première instance (ci-après : TPI).

12) Le lundi 19 mars 2007, le TPI a prononcé la séparation officielle des époux.

13) Le 2 juillet 2008, la Cour correctionnelle sans jury a condamné
M. A______ à une peine privative de liberté de quatre ans pour infractions à l'art. 19 ch. 1 et 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup -RS 812.121).

Ce dernier avait revêtu un rôle important dans le trafic international de cocaïne, se chargeant de recueillir le prix de la livraison de la drogue et de le faire parvenir à la tête du trafic. Son implication dans ce trafic portait sur au moins
2,5 kilos de drogue et la contre-valeur d'un kilo supplémentaire.

Sa collaboration avec les autorités avait été légèrement meilleure que ses co-accusés dans la mesure où il avait reconnu certains faits. Il n’était pas toxicomane. Il avait agi par appât du gain exclusivement. Il avait le projet de se réinsérer grâce à une association.

14) Le 16 décembre 2008, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par
M. A______ contre l'arrêt précité.

15) Le 6 mars 2009, M. A______, détenu à l'établissement pénitencier de Witzwil dans le canton de Berne, a sollicité le renouvellement de son permis C.

16) Le 20 juillet 2009, la Commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), succédant à la CCRPE, a déclaré le recours de M. A______ dans la cause A/1______ sans objet et l'a rayé du rôle. M. A______ n'avait plus d'intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision de refus de l'OCP, dans la mesure où il n'avait plus contacté ni l'OCP ni la commission depuis 2005.

17) Le 28 octobre 2009, l'OCP a communiqué à M. A______ son intention de révoquer son autorisation d'établissement du fait de sa condamnation à quatre ans de peine privative de liberté. Il avait un délai pour faire valoir son droit d'être entendu.

18) Le 1er février 2010, par l'intermédiaire de son conseil, M. A______ s'est opposé à la révocation de son autorisation d'établissement, mesure disproportionnée.

Il avait construit sa vie en Suisse. Il bénéficiait d'un régime de semi-liberté et était employé, depuis le 15 octobre 2009, par la Fondation H______ pour différentes tâches de nettoyage.

Il était toujours marié à Mme D______, même s'il vivait évidemment séparé. Pendant leur vie commune, l'union avait été sincère aux dires de son épouse.

Sa condamnation était due à une participation récente à un trafic de stupéfiants conséquence de circonstances exceptionnelles.

19) Le 4 avril 2010, Mme E______ a donné naissance, à Lausanne, à une fille, F______, née de sa relation avec M. A______.

20) Le 18 juin 2010, ce dernier a bénéficié d'une libération conditionnelle.

21) Le 26 octobre 2010, la Fondation H______ a déposé une demande d'autorisation de séjour comme stagiaire pour M. A______ qui travaillait dans la fondation depuis le 18 août 2010.

22) Le 25 janvier 2011, M. A______ a reconnu son enfant F______.

23) Le 18 mars 2011, par le biais de son conseil, il a indiqué vivre à Lausanne avec Mme E______ et leur enfant. Il pourvoyait, par son travail, à l'entretien de son enfant.

24) Le 24 mai 2011, H______ ont mis fin aux rapports de service avec M. A______.

25) Le 14 juin 2011, ce dernier a fourni des justificatifs démontrant qu'il vivait à Genève chez M. G______ tout en assumant ses responsabilités de père auprès de sa fille.

26) Par jugement du 3 février 2012, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a condamné M. A______ à six ans de privation de liberté pour agression, contrainte, séquestration, enlèvement et infraction grave à la LStup. Sa liberté conditionnelle a été révoquée.

27) Le 27 avril 2012, le département de la sécurité, de la police et de l'environnement, désormais le département de la sécurité et de l'économie
(ci-après : le département), a révoqué l'autorisation d’établissement de
M. A______.

La peine pénale prononcée était bien au-delà des deux ans à partir desquels il y avait en principe lieu de prononcer une mesure d'éloignement. Vu la gravité et le type d'infraction commise, l'intérêt public à son éloignement pour la sécurité publique de la Suisse l'emportait sur l'intérêt privé de M. A______ à demeurer dans le pays auprès de sa fille.

28) Le 24 mai 2012, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il entretenait des relations étroites et effectives avec Mme E______ et sa fille. Son renvoi du territoire suisse entraînerait de lourdes conséquences pour sa compagne et pour son enfant. L'intérêt privé des trois personnes précitées l'emportait sur l'intérêt public lié à l'éloignement. La menace pour la sécurité publique devait être concrète et non abstraite.

29) Le 8 juin 2013, la Cour d'appel pénale du Canton de Vaud, sur appel du Ministère public, a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de sept ans.

Il avait une position élevée dans le trafic de drogue au vu de la quantité de cocaïne vendue dans le courant de l’hiver 2010-2011. Il avait lui-même organisé une expédition de représailles et de justice privée dans le cadre de laquelle des coups avaient été portés contre la victime et M. A______ avait utilisé un spray au poivre. Il n'avait tiré aucune leçon de ses précédentes condamnations. Il avait menti de façon répétée durant la procédure. Il avait cependant exprimé des regrets.

30) Le 26 juillet 2012, le département a conclu au rejet du recours. Il limitait ses observations complémentaires à l'analyse du principe de la proportionnalité.

M. A______ avait été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans pour son rôle dans un trafic international de cocaïne. Au regard de la quotité de la peine et du bien juridique protégé (la santé d'un grand nombre de personnes), la sécurité et l'ordre public avaient été gravement menacés. En outre, compte tenu de ses antécédents pénaux, il n'était pas possible d'écarter tout risque de récidive

Il ne semblait pas avoir de relation particulièrement étroite avec sa fille. Même si cela devait être le cas, l'ingérence dans sa vie privée et familiale était nécessaire à la défense de l'ordre public et à la prévention d'infractions pénales.

Il était séparé de Mme D______ et ne pouvait donc pas se prévaloir de cette relation.

L'intérêt public à l'éloignement l'emportait sur l'intérêt public de
M. A______ à rester en Suisse.

31) Le 19 mars 2013, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Avec ses deux condamnations, M. A______ remplissait les conditions de révocation de son autorisation d’établissement.

Il avait purgé deux peines privatives de liberté pour un total de onze ans. Il avait gravement violé l'ordre juridique ainsi que sa liberté conditionnelle. Il était séparé de son épouse. Il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration socioprofessionnelle particulièrement réussie. Il ne faisait plus ménage commun avec sa compagne et sa fille. Même s'il devait être admis qu'il avait des relations étroites et effectives avec sa fille, l'intérêt public à son éloignement l'emportait sur son intérêt privé à rester en Suisse.

Il ne pouvait pas arguer de sa relation avec sa fille. Cette dernière ne disposait pas d'un droit de présence durable en Suisse. Dès lors, il n'y avait pas de violation de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

32) Par acte du 23 avril 2013 et expédié le 25 avril 2013, M. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation du jugement et à l'octroi d'un temps pour qu'il pût se défendre efficacement.

Son intérêt privé à demeurer en Suisse auprès de sa fille prévalait sur l'intérêt public à son éloignement.

Le TAPI avait additionné deux peines distinctes pour arriver à onze ans de peine privative de liberté, ce qui était arbitraire.

Il avait repris sa relation avec son épouse. Sa fille avait la nationalité suisse.

33) Le 12 juin 2013, le département a conclu au rejet du recours du 23 avril 2013.

M. A______ remplissait les conditions de révocation de son autorisation d’établissement. Les deux peines privatives de liberté de, respectivement, quatre et sept ans dépassaient la limite fixée par le Tribunal fédéral. Il existait un risque de récidive car M. A______ avait commis son deuxième crime alors qu'il était en libération conditionnelle. Il ne pouvait pas se conformer à l'ordre établi malgré la naissance de sa fille en 2010.

Du fait, notamment, du temps passé en prison, il n'avait pas entretenu de relation étroite avec sa compagne et sa fille. Il n'avait pas fait preuve d'un comportement irréprochable dans sa relation avec la seconde. En tout état de cause, la mesure d'éloignement était nécessaire à la défense de l'ordre public et à la prévention des infractions pénales.

34) Le 1er octobre 2013, par l'intermédiaire de son conseil, M. A______ a répliqué.

Un motif de révocation de l'autorisation d’établissement existait mais ne respectait pas le principe de proportionnalité.

Les autorités précédentes n'avaient pris en compte que la lourdeur de la peine sans faire une pesée des intérêts. S'il devait retourner en RDC,
M. A______ aurait des difficultés de réintégration. Cette menace et celle de la peine beaucoup plus lourde en cas de récidive avaient un effet dissuasif. La première condamnation avait été prise en compte dans la détermination de la deuxième ; il fallait désormais évaluer quels étaient les risques pour l'avenir et non procéder à un jugement moral sur des faits du passé.

M. A______ avait passé plus de dix années en Suisse, près de 15 ans au moment de sa libération. Il avait épousé une Suissesse en 2000. Il avait démontré sa capacité d'intégration à un réseau social et familial. Il avait régulièrement travaillé en Suisse. Il parlait parfaitement français.

Il avait des liens solides avec sa fille de trois ans. Il recevait deux visites familiales par mois à la prison. Son enfant en bas âge avait un besoin accru de son père. Il n'était pas possible d'aménager un droit de visite fréquent si
M. A______ retournait en RDC. Un retour dans son pays d'origine l'exposait à des difficultés de réintégration importantes après quinze ans passés en Suisse. Son environnement familial proche se trouvait en Suisse.

L'intérêt privé de M. A______ l'emportait sur l'intérêt public à l'éloignement au vu de l'absence de risque de récidive concret.

35) Le 6 mars 2014, sur requête du juge délégué, M. A______ a fait parvenir des documents démontrant que Mme E______ et sa fille F______ étaient de nationalité suisse.

Il a aussi produit une lettre du 3 février 2014 de Mme E______ confirmant qu'ils étaient « fiancés » depuis 2006 et projetaient de vivre ensemble sous le même toit, pour assurer l’éducation de leur fille et que le recourant avait toujours été un grand soutien pour la communauté familiale. La mère de Mme E______ le confirmait

Mme D______, dans une lettre du 14 février 2014, confirmait que F______ amenait beaucoup de joie dans la vie de M. A______.

Entre le 10 avril 2013 et le 12 février 2014, Mme E______, accompagnée à plusieurs reprises de F______, avait rendu visite sept fois à M. A______.

M. A______ a requis l'audition de témoins si les pièces produites ne suffisaient pas à démontrer son attachement familial.

36) Dans un courrier reçu par la chambre administrative le 7 mai 2014, le département a indiqué que ces nouvelles pièces amenées au dossier ne modifiaient pas sa position.

37) Le 15 mai 2014, M. A______ a relevé que le département demeurait sur une position rigide, sans nuance, malgré les nouvelles pièces versées au dossier.

38) Le 16 mai 2014, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le conjoint d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de celle-ci, à condition de vivre en ménage avec lui (art. 42 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20). Après un séjour légal ininterrompu de cinq ans, le conjoint a droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement (art. 42 al. 3 LEtr). Ce droit s'éteint s'il est invoqué abusivement ou s'il existe des motifs de révocation prévus par l'art. 63 LEtr (art. 51 al. 1 LEtr).

L’art. 63 LEtr prévoit, directement ou par renvoi, quatre hypothèses de révocation de l’autorisation d’établissement :

- l’étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation (art. 63 al. 1 let. a cum 62 let. a LEtr) ;

- l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l’objet d’une mesure pénale prévue aux art. 61 ou 64 du Code pénal suisse du
21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; art. 63 al. 1 let. a cum 62 let. b LEtr) ;

- l’étranger attente de manière très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 63 al. 1 let. b LEtr) ;

- lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l’aide sociale (art. 63 al. 1 let. c LEtr).

Il y a notamment atteinte à la sécurité et à l'ordre publics en cas de violation de prescriptions légales ou de décisions de l'autorité (art. 80 al. 1 let. a de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

3) Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, une peine privative de liberté de plus d’une année est une peine de longue durée et constitue un motif de révocation de l’autorisation au sens de l’art. 62 al. 1 let. b in initio LEtr (ATF 135 II 377 consid. 4.2), pourvu qu’il s’agisse d’une seule peine (ATF 137 II 297 consid. 2.3.4). Le Tribunal fédéral, qui a appliqué cette jurisprudence à la révocation d’un permis d’établissement, s’en tient par ailleurs en principe à sa pratique antérieure voulant que, dans le cadre de l’examen des intérêts en présence, un étranger qui n’a séjourné en Suisse que peu de temps et qui a été condamné à une peine privative de liberté de deux ans ou plus ne peut plus bénéficier d’un titre de séjour en Suisse, même lorsqu’on ne peut pas - ou difficilement - exiger de l’épouse suisse qu’elle quitte son pays (ATF 135 II 377 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2010 du 19 avril 2011 consid. 2.3).

4) En l'espèce, le recourant a été condamné à des peines privatives de liberté de, respectivement, quatre et sept ans pour, notamment, des infractions graves à la LStup. Non contestées par le recourant, elles constituent un motif de révocation de l'autorisation d’établissement.

5) Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité tant sous l'angle de la LEtr que celui de la CEDH.

6) Pour être valable, le refus d'autorisation ou la révocation de celle-ci ne se justifie que si elle constitue une mesure proportionnée aux circonstances du cas d'espèce, au sens des art. 96 LEtr et 8 par. 2 CEDH à l'issue d'une pesée des divers intérêts en jeu (ATF 135 II 377 consid. 4.3). La pesée des intérêts accomplie sous l'angle de la LEtr se confond largement avec celle que le juge doit effectuer lors de la mise en œuvre de l'art. 8 par. 2 CEDH (ATF 135 II 377 consid. 4.3 et Arrêt du Tribunal fédéral 2C_139/2013 du 11 juin 2013 consid. 7.1).

7) a. Dans le cadre du refus d'octroi ou de renouvellement d'une autorisation de séjour, de même que la révocation d’une autorisation d’établissement, il convient ainsi de prendre en considération dans la pesée des intérêts publics et privés en présence, la gravité de la faute commise par l'étranger, le degré d'intégration de celui-ci, respectivement la durée de son séjour en Suisse et le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir en raison de la mesure envisagée (art. 96 al. 1 LEtr ; ATF 135 II 377 consid. 4.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_418/2009 du 30 novembre 2009 consid. 4.1).

b. Quand le refus d'octroyer une autorisation de séjour ainsi que la révocation d’une autorisation d’établissement se fondent sur la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à prendre en considération la pesée des intérêts en présence (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2010 du 11 octobre 2010 consid. 4.1 ; 2C_418/2009 précité ; 2C_464/2009 du 21 octobre 2009 consid. 5).

c. Le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux, suivant en cela la pratique de la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH), lorsque les actes lèsent ou compromettent des biens juridiques particulièrement importants, comme l'intégrité corporelle, physique ou sexuelle (ATF 137 II 297 consid. 3 ; ATF 136 II 5 consid. 4.2 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3, ATF 130 II 176 consid. 3.4.1, 4.2 et 4.3.1 et les références citées), étant précisé que l'évaluation du risque de récidive sera d'autant plus rigoureuse que le bien juridique menacé est important (ATF 136 II 5 consid. 4.2 ; 130 II 493 consid. 3.3).

d. Les infractions à la LStup constituent une atteinte grave à l'ordre et à la sécurité publics, au vu des ravages de la drogue dans la population, spécialement auprès des jeunes et des personnes socialement fragilisées. C'est pourquoi il se justifie de se montrer particulièrement rigoureux à l'égard des personnes ayant commis des crimes ou des délits graves en matière de trafic de drogue (ATF 137 II 297 consid. 3.3 ; ATF 125 II 521 consid. 4a ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_516/2012 du 17 octobre 2012 consid. 2.2 ; 2C_655/2011 du 7 février 2012 consid. 9.2), surtout s’ils ne sont pas eux-mêmes consommateurs mais agissent par pur appât du gain (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_139/2013 du 11 juin 2013 consid. 7.2). Il existe donc un intérêt public et prépondérant à renvoyer de Suisse les étrangers qui ont commis des infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants d'une certaine gravité (ATF 125 II 521 consid. 4a ; 122 II 433 consid. 2c). Aussi, seules des circonstances tout à fait exceptionnelles pourraient conduire les autorités de police des étrangers à renoncer à une mesure de renvoi (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.267/2005 du 14 juin 2005 consid. 2.2), de sorte que les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet d'une mesures d'éloignement (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.7/2004 du 2 août 2004 consid. 5.1 ; 2A.615/2002 du 21 avril 2004 consid. 4.4).

e. Le risque de récidive est également un facteur important qui doit s'apprécier d'autant plus rigoureusement que les faits reprochés sont graves (ATF 120 Ib 6 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2010 précité). Les autorités compétentes en matière d'étrangers ne sont ainsi pas tenues de délivrer une autorisation de séjour à l'étranger en raison du bon comportement de celui-ci en prison, ni en raison d'une libération conditionnelle anticipée (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.296/2002 du 18 juin 2002).

8) a. Pour ce qui est de l'intérêt privé, selon les circonstances, un étranger peut se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale garantie par l'art. 8 CEDH pour s'opposer à une séparation d’avec sa famille. L'étranger doit pouvoir se prévaloir d'une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse pour pouvoir invoquer cette disposition (ATF 129 II 193). Les relations familiales que protège l'art. 8 CEDH sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 120 Ib 257). Le droit au respect de la vie privée et familiale découlant de cette disposition n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, à condition que cette ingérence soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, soit nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La question de savoir si, dans un cas particulier, les autorités de police des étrangers sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts privés et publics en présence (ATF 125 II 633).

b. Un droit de visite sur un enfant habilité à résider en Suisse peut en principe être exercé même en vivant à l'étranger, en aménageant les modalités de ce droit quant à la fréquence et la durée. Dans certaines circonstances, un droit plus étendu peut exister, en présence de liens familiaux particulièrement forts dans les domaines affectif et économique et lorsque, en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent, cette relation ne pourrait pas être maintenue sur le plan pratique. Pour s'en prévaloir, le parent doit avoir fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable. Cette condition est réalisée lorsqu'il n'existe aucun motif d'éloigner ce parent ou de l'empêcher de venir en Suisse, soit, en d'autres termes, s'il ne s'est rendu coupable d'aucun comportement réprimé par le droit des étrangers ou le droit pénal (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2009 du 23 mars 2009).

c. La Suisse mène une politique restrictive en matière de séjour des étrangers, de façon à assurer un rapport équilibré entre la population suisse et la population étrangère résidente, ainsi que pour favoriser la situation du marché du travail et assurer un équilibre en matière d'emploi. Ces buts sont considérés comme légitimes au regard de l'art. 8 § 2 CEDH (ATF 127 II 60 ; 122 II 289). Ainsi, l'intérêt public à l'éloignement de l'étranger l'emporte normalement, en cas de peine d'au moins deux ans de détention, sur l'intérêt privé de l'étranger. Cette limite de deux ans doit être appréciée au regard de toutes les circonstances du cas, et en particulier, de la durée du séjour en Suisse de l'étranger. La nature du délit ou du crime commis doit également être prise en compte. Un bon pronostic de réintégration sociale n'exclut pas une expulsion (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_739/2009 du 8 juin 2010 consid. 4.3).

9) En l’espèce, en étant condamné à deux reprises pour des affaires liées au trafic de drogue, le recourant a porté atteinte à la santé de nombreuses personnes, notamment des jeunes et des personnes socialement fragilisées. Après sa première condamnation, le recourant a récidivé de manière encore plus grave, il a commis, notamment, des infractions d’agressions, de séquestration et d'enlèvement alors qu'il était en liberté conditionnelle et venait d'avoir une fille. Ces actions ont en outre été motivées par l'appât du gain.

Au vu des faits reprochés et de la répétition des infractions, il n'est pas possible d'écarter une nouvelle récidive. Il existe donc un intérêt public fort à prendre une mesure d'éloignement à l'encontre du recourant.

Le recourant a passé une grande partie de ces dernières années en détention. Même s'il a occupé des postes de travail par le passé et a tenté de se réinsérer par des stages, il ne peut pas se prévaloir d'une insertion socioprofessionnelle particulièrement réussie. Il est marié avec une Suissesse mais ne vit plus en ménage commun depuis 2006. Il a une fille en bas âge qu'il allègue voir régulièrement, tout comme sa compagne, mère de l'enfant, même s'ils ne font pas ménage commun. Le recourant a quitté à l'âge de 34 ans la RDC, où il avait vécu jusque-là. Il a donc des racines dans son pays d'origine. La RDC est éloignée de la Suisse. Le droit de visite du recourant à l'égard de sa fille serait rendu difficile par une révocation de son autorisation d’établissement, mais pas impossible. Le recourant n'a pas eu un comportement irréprochable au sens de la jurisprudence précitée. Ainsi, même si les liens avec son enfant devaient être considérés comme effectifs et étroits, comme indiqué dans les pièces produites le 6 mars 2014, et sa réintégration en RDC comme difficile, l'intérêt public à son éloignement au vu des infractions commises par le recourant et du risque de récidive prévaut sur son intérêt privé à rester en Suisse, ladite mesure étant nécessaire à la défense de la sûreté publique.

10) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera mis à sa charge malgré l’issue du litige (art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2013 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mars 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Chanson, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, au département de la sécurité et de l'économie, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site : http ://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.