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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2145/2015

ATA/501/2016 du 14.06.2016 ( MARPU ) , REJETE

Parties : TRACETEL SA / TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS, TPG VÉLO SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2145/2015-MARPU ATA/501/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juin 2016

 

dans la cause

 

TRACETEL SA
représentée par Me Marc Balavoine, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS
et
TPG VÉLO SA, appelée en cause
représentés tous deux par Me Bertrand Reich, avocat

 



 

EN FAIT

1. Le 6 mars 2012, les Transports publics genevois (ci-après : TPG), établissement de droit public, ont lancé un appel d’offres sur le marché d’achat des fournitures, en procédure ouverte et soumis aux accords internationaux. Le marché portait sur la mise en œuvre d’un système de location automatisée de vélos en libre-service dans le canton de Genève (ci-après : projet VLS). Les offres des soumissionnaires devaient respecter les différentes conditions de participation, ainsi que le cahier des charges et les documents complémentaires qui étaient à leur disposition.

2. Le cahier des charges donnait des informations au sujet du calendrier prévisionnel. Ainsi, la décision d’adjudication serait prise à la fin du mois de septembre 2012. Les soumissionnaires devaient être informés de certaines « notes importantes » au nombre desquelles :

« Le contrat ne sera signé que lorsque les TPG auraient reçu une garantie de financement de l’ensemble du projet VLS. Ainsi, notamment, le contrat ne sera signé qu’après :

-          l’acceptation du financement par les communes et l’État de Genève ;

-          l’expiration des délais référendaires des votations de crédits par les Conseillers municipaux des communes participant au projet VLS ;

-          la signature du contrat de prestations entre les TPG et l’État de Genève ;

-          la signature de la convention d’engagement entre les TPG et les communes participantes » ;

de même :

« Avant la conclusion du contrat, si le projet était abandonné, aucune indemnité ne serait versée pour le travail effectué dans le cadre du présent appel d’offres » ;

et encore :

« Si en cours de contrat, l’État de Genève et/ou les communes participant au projet VLS diminuaient leur participation financière ou prenaient toute autre mesure susceptible d’affecter de manière directe ou indirecte l’objet du présent contrat, les TPG pourraient mettre un terme à celui-ci, en tout ou partie, sans versement d’indemnité ».

3. Le 31 mai 2012, les TPG ont créé TPG Vélo SA (ci-après : TPG VÉLO), une société anonyme au capital social de CHF 500'000.-, dont le but est l’exploitation, la gestion et la maintenance d’un système de vélos en libre-service ; la vente de différents produits et services y relatifs.

4. TRACETEL SA, société anonyme de droit français (ci-après : TRACETEL ou la recourante) a présenté une offre aux TPG dans le délai imparti par l’appel d’offres du 6 mars 2012.

5. Le 7 juin 2012, le Conseil d’État a transmis au Grand Conseil un projet de loi PL 10’989 « accordant à TPG VÉLO une indemnité dans le cadre du contrat de prestations qui la liait à l’État de Genève portant sur la prestation de vélos en libre service pour les années 2013 et 2014 » (consultable avec l’entier des travaux préparatoires sur le site internet du Grand Conseil http://ge.ch/grandconseil/search?search=pl+10989).

Selon l’exposé des motifs, les initiateurs de celui-ci, soit des collectivités ou entités publiques avaient décidé de confier le pilotage du projet VLS aux TPG. Ceux-ci avaient proposé la création « d’une structure fille ad hoc », dénommée TPG VÉLO. Cette société anonyme avait pour but la mise en œuvre du projet VLS pour Genève. Elle était chargée de la commande des stations et des vélos auprès du fournisseur, de la mise en place des stations en partenariat avec les communes, ainsi que de l’exploitation et de la maintenance du système, en recourant pour cela à de la sous-traitance à forte composante sociale.

Le PL 10’989 ratifiait, à l’art. 1, un contrat de prestations conclu le 31 mai 2012 entre l’État de Genève et TPG VÉLO. Dans le cadre dudit contrat, cette dernière recevait une indemnité de fonctionnement qui devait lui permettre la mise en œuvre de la prestation de mise à disposition du public du projet VLS.

Le 28 juin 2012, le Grand Conseil l’a renvoyé pour examen à la commission des finances.

6. Le 25 septembre 2012, les TPG ont écrit à TRACETEL. Ils avaient adjugé le marché du projet VLS à la Société de Vélos en Libre-Service sise à Lachine au Canada (ci-après : l’adjudicataire), pour un montant hors TVA de CHF 6'182'713.-. TRACETEL avait été placée au 2ème rang sur 5 offres évaluées.

Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

7. Le 25 janvier 2013, le Grand Conseil a entamé le 1er débat sur le rapport de la commission des finances chargé d’étudier le PL 10’989 (Rapport PL 10’989-A). La majorité de la commission y critiquait le processus de soumission. La procédure avait été menée de telle sorte qu’une seule et unique technologie pouvait entrer en ligne de compte. Les études sur les aspects financiers n’avaient pas été menées de manière sérieuse. Les problèmes relatifs à la solidité financière de la société canadienne étaient mis en avant. Le projet était approximatif, de même que son financement. Après un débat animé, le Grand Conseil a renvoyé le rapport sur le PL 10’989 à la commission des finances.

8. Par décision du 6 février 2013, les TPG ont révoqué leur décision d’adjudication. L’adjudicataire ne répondait plus aux conditions pour être admis à soumissionner. Il n’offrait plus les garanties de bienfacture, de solvabilité et de correction en affaires, auxquelles ils pouvaient s’attendre.

9. Par décision du 18 mars 2013, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a refusé de restituer l’effet suspensif au recours interjeté par l’adjudicataire contre la décision précitée, requête traitée comme une demande de mesures provisionnelles (ATA/171/2013). Par la suite, la cause a été rayée du rôle vu le retrait du recours.

10. Le 26 juin 2014, le Conseiller d’État en charge du département de l’énergie, des transports et de l’agriculture (ci-après : le département) a écrit aux TPG. Les experts avaient identifié un certain nombre de manques dans le projet. Le financement de l’exploitation n’était assuré qu’à un tiers à ce stade. En attendant la décision du Grand Conseil au sujet du PL 10’989, aucun risque financier ne devait être pris, lié à l’adjudication du marché public en cours. La gestion du projet VLS devait être prise en charge par TPG VÉLO, en collaboration avec les services de l’État concernés et les communes participant au projet.

11. Le 9 octobre 2014, le Grand Conseil a examiné le nouveau rapport du 30 avril 2013 de la commission des finances chargé d’étudier le PL 10’989
(PL 10’989-B). À la suite d’un débat nourri, le PL 10’989 a été une nouvelle fois renvoyé, en 2ème débat, à la commission des finances pour étude complémentaire sur les différentes options qui se présentaient sur le plan technologique.

12. Le 8 juin 2015, les TPG ont écrit, par pli recommandé avec accusé de réception, à TRACETEL. Ils avaient décidé d’interrompre l’appel d’offres engagé le 6 mars 2012. Selon la lettre de mission du département du 26 juin 2014 et la décision de leur Conseil de l’administration du 26 mai 2015, le projet VLS était désormais porté par une entité tierce, formellement indépendante des TPG. Ils interrompaient donc le processus lié au marché public conformément à l’art. 47 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01). Ils ne renouvelleraient pas l’appel d’offres, n’étant plus en charge du projet précité. Cette décision ne préjugeait en rien d’un éventuel processus de mise en concurrence par l’entité qui portait désormais le projet.

La décision a également été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 9 juin 2015.

13. Par acte posté le 19 juin 2015 en Suisse, TRACETEL a formé un recours auprès de la chambre administrative contre la décision du 8 juin 2015 précitée, concluant sur le fond à son annulation et à ce que les TPG soient condamnés à lui adjuger le marché du projet VLS, subsidiairement, à ce que la cause, après annulation de la décision, soit retournée aux TPG pour nouvelle décision, plus subsidiairement que le caractère illicite de cette décision soit constaté.

Préalablement, elle concluait à la restitution de l’effet suspensif et à ce qu’il soit fait interdiction aux TPG et à TPG VÉLO dont elle demandait l’appel en cause, de lancer un nouvel appel d’offres ayant pour objet la mise en œuvre d’un système de location automatisé de vélos en libre-service à Genève, ceci sous la menace de poursuites pénales.

Lorsque la décision de révocation du 6 février 2013 était entrée en force, elle avait continué à manifester son intérêt à se voir adjuger le projet VLS. Elle avait été surprise de la décision d’interrompre l’appel d’offres, dont elle n’avait pas été prévenue. L’accès complet à la lettre de mission du département lui avait été refusé par les intimés. Les TPG avaient violé son droit d’être entendue, non seulement parce qu’elle n’avait pas été consultée, mais parce qu’on lui refusait l’accès à un document auquel la décision attaquée se référait. Il n’y avait aucun intérêt public prépondérant qui s’opposait à la communication de tout ou partie de la lettre de mission. Il ne suffisait pas de qualifier ce document de confidentiel pour faire échec à son droit d’accès.

Sur le fond, il n’existait pas de justes motifs ou de raisons importantes qui justifieraient, d’un point de vue légal, l’interruption de l’appel d’offres litigieux. TPG VÉLO était en effet en charge du projet depuis sa constitution, ce qui ressortait du PL 10'989 demandant la ratification du contrat de prestation à laquelle cette entité était déjà partie le 7 juin 2012, date de sa conclusion. L’argument selon lequel le projet de VLS était porté par une entité tierce désormais, formellement indépendante des TPG, ne tenait pas. Les conditions d’interruption de la procédure d’adjudication n’étaient pas réalisées. Une telle décision nécessitait l’existence de justes motifs ou de raisons importantes, qui n’existaient que lorsqu’un abandon ou une modification importante du projet était nécessaire. En rapport avec une procédure fédérale de marché public, le Tribunal fédéral avait précisé que les motifs fondés devaient se trouver en rapport avec un intérêt public. Il devait s’agir d’un motif objectif ne visant pas à discriminer délibérément un soumissionnaire.

En l’espèce, le motif évoqué par les TPG ne remplissait pas cette condition. Le changement de pouvoir adjudicateur en cours de marché, ne justifiait pas que celui-ci soit interrompu, ce d’autant plus que TPG VÉLO occupait déjà le rôle de nouvel opérateur depuis 2012. Dès lors que le marché ne pouvait être interrompu, il devait lui être adjugé puisqu’il était arrivé à la deuxième place.

14. Le 24 juin 2015, le juge délégué a appelé en cause TPG VÉLO.

15. Le 7 juillet 2015, les TPG ont conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles. Sur le fond, ils concluaient à l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité pour agir, subsidiairement à son rejet.

Le recours était irrecevable faute d’intérêt digne de protection de la recourante. En effet, l’interruption de la procédure ne conduisait pas à l’adjudication à une tierce entité. Il n’y avait aucun intérêt personnel à l’annulation de cette décision. Le recours n’était pas fondé. La décision d’interrompre le marché avait été dictée par le fait que ce n’était plus les TPG qui prenaient en charge la mise en place du projet VLS, ce qui leur était imposé par leur autorité de tutelle qui avait désigné TPG VÉLO comme porteur du projet. Cette dernière était certes une filiale des TPG, mais c’était une entité juridiquement distincte, au financement autonome. À plusieurs reprises, la chambre administrative avait déjà jugé que dans leurs rapports, une collectivité publique et l’entité de droit public qu’elle contrôle, coexistaient juridiquement de manière distincte et autonome. Si les TPG devaient attribuer un marché alors que le pouvoir adjudicateur était passé à une autre entité, cette décision serait au mieux sans effet, au pire nulle de plein droit. En tous les cas, elle ne serait pas suivie par la conclusion d’un marché.

Au demeurant, la technologie avait récemment fortement évolué, notamment en matière de géolocalisation, de sorte que la conception du marché mis en concurrence en 2012 devait être complètement revue, ce qui justifiait également une interruption du marché.

Aucune violation du droit d’être entendu de la recourante ne pouvait être constatée. Aucune disposition ne prévoyait que le pouvoir adjudicateur devrait interpeller un soumissionnaire préalablement lorsqu’il entendait prendre une telle décision. En outre, dans le cadre de la procédure de recours, la recourante avait eu accès aux extraits de la lettre de mission qui lui étaient utiles dans la présente cause.

À leurs écritures, les intimés ont joint un chargé de pièces accessible à la recourante, ainsi qu’une copie complète de la lettre de mission du 26 juin 2014 émanant du président du département en priant le juge délégué d’en garder le contenu confidentiel.

16. Le même jour, TPG VÉLO a conclu au rejet du recours et au refus de toute mesure provisionnelle. Elle n’avait jamais participé aux décisions de l’intimée, ni affirmé ou même laissé entendre à la recourante que celle-ci se verrait attribuer la mise en place effective d’un système de vélos en libre-service. Elle bénéficiait d’un financement cantonal, autonome, complètement indépendant de celui de l’intimée. Elle travaillait d’arrache-pied à la mise au point d’un projet novateur qui avait déjà été présenté le 2 juillet 2015 aux pouvoirs publics (cantonaux, Ville de Genève et Carouge, ainsi qu’à l’association des communes genevoises). Elle avait reçu un accueil très positif. Elle entendait engager une mise en concurrence par le biais d’une publication dans le courant de l’automne 2015. Elle n’avait pas encore été créée lorsque l’appel d’offres avait été lancé le 6 mars 2012.

Elle constatait la caducité technologique du projet mis en concurrence par les TPG en 2012. Treize villes suisses avaient opté pour un système technologiquement plus avancé. En outre, le financement du projet n’était pas assuré, puisque la commission des finances du Grand Conseil avait refusé une 3ème fois de financer le projet initial de vélos en libre-service.

Pour le surplus, représentée par le même avocat que les TPG, elle reprenait la même argumentation que cette dernière en l’adaptant à son point de vue. Son projet, développé en toute indépendance, ne se superposait pas à celui mis en concurrence par les TPG. Vu la volonté politique de l’autorité de tutelle de ceux-ci, ces derniers n’avaient pas eu d’autre choix que d’interrompre le processus d’adjudication du marché, ainsi qu’ils l’avaient fait.

17. Le 8 juillet 2015, le juge délégué a notifié aux parties une décision incidente restreignant l’accès aux éléments de la lettre de mission du 26 juin 2014 s’agissant des passages portant sur l’intention de l’autorité relative au futur du projet après la décision d’interrompre le projet. Les éléments qui intéressaient la présente contestation avaient été communiqués à la recourante (pièces 12 et 15 de son chargé). En outre, TPG VÉLO avait confirmé être l’entreprise qui reprenait la conduite du projet.

Cette décision, qui rappelait les voies de droit à utiliser pour la contester, n’a pas fait l’objet d’un recours.

18. Par décision présidentielle du 17 juillet 2015, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours, et de prononcer des mesures provisionnelles (ATA/742/2015). Un recours de TRACETEL contre cette décision a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt du Tribunal fédéral du 10 décembre 2015 (2D_43/2015).

19. Le 7 mars 2016, les TPG ont maintenu leurs conclusions.

La recourante, malgré ses doléances à propos des restrictions d’accès à la lettre de mission du 26 juin 2014, avait eu accès, depuis lors, à tous les éléments pertinents de celle-ci. Elle ne pouvait se plaindre d’une violation de son droit d’être entendue.

Les intimés sont revenus sur les développements du projet VLS. Ils n’étaient pas ou plus porteurs du projet qui avait été repris par l’appelée en cause et le département de l’environnement, du territoire et de l’aménagement (ci-après : le département) dans une nouvelle optique, soit celle d’une concession. Cette différence était significative puisque dans le cadre d’un marché public, le pouvoir adjudicateur rémunérait l’adjudicataire tandis que dans celui d’une concession, le concessionnaire versait une redevance au concédant. Un appel à candidature avait été lancé et publié le 3 novembre 2015 par TPG VÉLO. Eux-mêmes n’étaient plus impliqués dans cette procédure. La nouvelle démarche faisait déjà l’objet d’un recours devant la chambre administrative interjeté par une tierce entité, recours auquel ils n’étaient pas partie.

Le recours de TRACETEL était irrecevable pour défaut d’intérêt digne de protection. Sur ce point, la recourante n’avait aucun intérêt pratique à l’admission du recours puisqu’il n’adjugeait pas le marché concerné et ne permettait pas de conclure de contrat avec qui que ce soit. C’était par souci de respecter le droit et la clarté qu’ils avaient décidé d’interrompre la procédure plutôt que laisser le temps faire son œuvre.

À défaut d’être irrecevable, le recours était mal fondé dans la mesure où toutes les conditions d’une interruption du marché public étaient réalisées. La prestation mise en soumission n’était plus d’actualité du fait de l’évolution de la technologie. Les circonstances avaient changé car leur autorité de tutelle avait désigné une tierce entité en tant que porteur du projet. Même si celle-ci était une filiale, elle constituait une entité juridiquement distincte et financièrement autonome. Le projet qui avait fait l’objet de l’appel d’offres avait été modifié par l’autorité politique, qui lui préférait un système de concession. La décision d’interruption ne pouvait qu’être confirmée. Pour le surplus, en droit des marchés publics, la décision d’adjuger le marché se distinguait de la conclusion du contrat. La première ne créait aucune obligation d’exécution par la conclusion du contrat. Même si le marché venait à être adjugé à la recourante, les TPG n’auraient aucune obligation de conclure un contrat avec elle.

20. Le 7 mars 2016, TPG VÉLO a conclu à l’irrecevabilité du recours. Préalablement, le juge délégué devait ordonner l’apport d’une cause A/686/2013 qui, à l’époque, avait opposé l’entreprise canadienne aux TPG en rapport avec la décision de révocation de sa décision d’adjudication prise par cette dernière. Il devait également ordonner l’apport de la cause A/3984/2015 qui opposait une tierce entité à TPG VÉLO en rapport avec le lancement d’une concession pour la réalisation du projet VLS.

L’argumentation de l’appelée en cause, rédigée par le même conseil que celui de l’intimée, était similaire à celle développée par cette dernière.

21. Le 25 avril 2016, la recourante a renoncé à répliquer et la cause a été gardée à juger, ainsi que cela avait été indiqué le 14 mars 2016 aux parties par le juge délégué.

EN DROIT

1. La chambre administrative connaît des recours contre les décisions du pouvoir adjudicateur en matière de marchés publics (art. 3 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics - L-AIMP - L 6 05.0) ; 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ; art 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05), notamment contre les décisions d’interruption d’un tel marché (art. 15 al. 1 et al. 1bis let. e de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994
AIMP - L 6 05 et 55 let. d RMP).

En vertu des art. 62 al. 1 let. b loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), 15 al. 1 et 2 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 al. 1 RMP, le recours est adressé à la chambre administrative dans les dix jours suivant la notification de la décision.

Le recours est ouvert au destinataire de ladite décision (art. 60 al. 1 let. a et b LPA).

c. En l’espèce, interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente par un soumissionnaire auquel une décision d’interruption du marché a été notifiée, le recours est recevable.

2. Les intimés considèrent, alors même qu’ils ont notifié la décision querellée à la recourante, que le recours est irrecevable par défaut d’intérêt digne de protection. Leur raisonnement ne peut être suivi. Le fait que le projet VLS soit formellement repris par une tierce entité ne fait pas perdre tout intérêt au recours. Un tel transfert du marché public est en soi susceptible de constituer un moyen pour une entité étatique de se soustraire à ses obligations découlant du droit des marchés publics. Ainsi, les circonstances de ce transfert, loin d’entraîner automatiquement une perte d’intérêt à un éventuel recours d’un concurrent privé de l’accession à un marché, doivent être examinées dans le cadre du traitement du fond d’un recours que celui-ci interjetterait contre la décision d’interruption. En l’occurrence, un intérêt direct et personnel, digne de protection, doit être reconnu à TRACETEL, d’autant plus que cette société est arrivée au second rang de la procédure d’adjudication. Son recours remplit donc toutes les conditions de recevabilité.

3. Les intimés concluent à l’apport des causes A/686/2013 et A/3984/2015. La chambre administrative n’accèdera pas à cette requête, celles-ci concernant des faits soit non contestés soit postérieurs aux faits de la cause et non pertinents pour statuer sur celle-ci. Le fait que la décision d’adjuger le marché à une société canadienne en 2012 ait été révoquée est connu et ne nécessite pas d’être approfondi. Il en va de même du fait que TPG VÉLO a, suite à la décision d’interrompre le marché, opté pour un projet passant par l’octroi d’une concession, l’accès aux pièces de la procédure ouverte devant la chambre de céans concernant la contestation qui a surgi dans ce cadre n’étant d’aucune utilité pour la résolution du présent litige.

4. La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, soit de son droit à accéder au dossier garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), dans la mesure où elle n’a pas pu avoir accès, avant de recourir, à la teneur de la lettre de mission du 26 juin 2014 précitée. À ce stade de la procédure, il doit être constaté qu’elle a pu avoir accès aux éléments utiles à la résolution de la présente cause par les éléments extraits dudit courrier que les intimés lui ont transmis. C’est du reste ce que le juge délégué avait constaté dans sa décision incidente du 8 juillet 2015, qui n’a pas été contestée.

5. La recourante se plaint d’une seconde violation de son droit d’être entendue dans la mesure où elle n’aurait pas été consultée par les intimés avant que soit décidée l’interruption du marché. Ce grief n’est pas fondé, dans la mesure où, lorsque la décision litigieuse a été prise, les intimés, voire l’appelée en cause n’étaient liés par aucun rapport d’obligation vis-à-vis de la recourante. En outre, aucune disposition du droit des marchés publics n’oblige un pouvoir adjudicateur à interpeller préalablement les soumissionnaires lorsque surviennent des circonstances nécessitant une interruption de la procédure de passation d’un marché public qu’il conduit.

6. a. Selon l’art. XIII § 4 de l’accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422), un marché public ne peut être interrompu que pour des motifs d’intérêt public.

b. Dans la législation fédérale, le droit d’interrompre un marché public est réglé spécifiquement à l’art. 30 de l’ordonnance sur les marchés publics du 11 décembre 1995 (OMP – RS 172.056.11). Le pouvoir adjudicateur est autorisé à interrompre un marché public s’il n’entend pas réaliser le projet (art. 30 al. 1 OMP), s’il se trouve dans deux situations décrites à l’art. 30 al. 2 OMP, ou encore, s’il entend engager une nouvelle procédure d’adjudication lorsqu’il décide d’apporter une modification importante au projet (art. 30 al. 3 OMP).

c. Selon l’art. 13 let. i AIMP, les législations cantonales doivent prévoir des règles relatives à l’interruption de la procédure de passation en vertu de justes motifs uniquement. Le texte allemand de cette disposition parle de son côté de motifs importants (« wichtige Gründe ») et le texte italien de motifs sérieux (« gravi »). Dans le canton de Genève, cette question est réglée à l’art. 47 RMP, à teneur duquel ladite procédure peut être interrompue pour de justes motifs ou raisons importantes dont une liste exemplative est énoncée à l’al. 1 de cette disposition. Au nombre de celles-ci figure l’abandon du projet ou la modification importante de celui-ci lorsqu’ils sont devenus nécessaires (art. 47 al. 1 let. c RMP).

d. Quels que soient les termes utilisés, chacun des dispositifs légaux précités insiste sur le fait qu’une interruption de la procédure de passation du marché n’est possible qu’en vertu de motifs effectifs et particuliers (Stefan SUTER, Der Abbruch des Vergabeverfahrens, 2010, p. 42 n. 93, p. 44 n. 98, p. 46 n. 102 et 103), même si une liberté de manœuvre étendue doit lui être reconnue pour définir ses besoins, même après avoir adjugé le marché (Étienne POLTIER, droit des marchés publics, 2014, p. 225 n. 358). Il s’agit surtout de protéger les soumissionnaires, notamment étrangers, de toute discrimination cachée (Stefan SUTER, op. cit., p. 39 n. 83), d’empêcher toute violation du principe de la bonne foi garantie par l’art. 5 al. 3 Cst., voire d’empêcher tout abus de droit de la part de l’autorité, tout en laissant à celle-ci une marge de manœuvre dans la conduite des affaires étatiques.

7. L’interruption de la procédure de passation ne peut se concevoir qu’au cours de celle-ci. La doctrine, voire la jurisprudence, sont divisées sur la question de savoir à quel moment celle-ci prend fin, soit au moment de l’entrée en force de la décision d’adjudication ou au moment de la conclusion du contrat (Stefan SUTER, op. cit., p. 7 n. 13-15). Dans le cas d’espèce, cette question n’a pas à être traitée plus précisément, dans la mesure où l’entrée en force de la décision révoquant l’adjudication a ré-ouvert la procédure de passation et, partant, donné à nouveau la possibilité au pouvoir adjudicateur d’interrompre le marché public si les conditions légales étaient réunies.

8. En l’occurrence, la recourante, à laquelle les intimées emboîtent le pas dans leurs explications, se trompent lorsqu’elles placent la cause de l’interruption du marché sur la reprise du projet VLS par l’appelée en cause. Une telle opération ne justifierait pas à elle seule la décision attaquée, dans la mesure où cette entité est une création des intimés et lui appartient entièrement. Sur la base du dossier, la cause principale de la décision d’interrompre le marché est consécutive à l’échec du pouvoir adjudicateur à obtenir les crédits nécessaires à la réalisation du projet, en raison d’une part du refus du Grand Conseil, instance politique maîtresse du financement de l’opération, à adopter la L 10’989, qui lui permettrait de reprendre la procédure d’adjudication après la révocation de sa décision du 25 septembre 2012, mais d’autre part également de la demande de celui-ci de reprendre l’étude du projet réel en prenant en compte d’autres pistes technologiques que celles déjà explorées.

Les conditions générales de l’appel d’offres du 6 mars 2012 réservaient expressément cette hypothèse en prévoyant que la réalisation du marché, soit la conclusion du contrat, était subordonnée à l’obtention des crédits nécessaires. Ne les ayant pas obtenus en 2015, après trois renvois en commission des finances et des débats parlementaires négatifs à propos du marché public en cours de passation, les intimés, qui formellement se trouvaient encore investis du rôle de pouvoir adjudicateur dans le marché public objet du présent litige, étaient non seulement fondés à interrompre le marché en application de l’art. 47 al. 1 let. c RMP, mais n’avaient pas d’autre choix pour des motifs d’intérêt public liés au respect de la volonté du législateur cantonal, mais aussi d’économie des deniers publics.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux intimés ou à l’appelée en cause, celle-ci intervenant par le biais du même conseil et les intimés bénéficiant d’un service juridique à même de traiter la procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juin 2015 par TRACETEL SA contre la décision du 8 juin 2015 des Transports Publics Genevois ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de TRACETEL SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Balavoine, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Bertrand Reich, avocat des Transports Publics Genevois et de TPG Vélo SA.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :