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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1059/2013

ATA/482/2014 du 24.06.2014 sur JTAPI/1194/2013 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1059/2013-ICC ATA/482/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2014

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA

représentée par Berney & Associés SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 octobre 2013 (JTAPI/1194/2013)


EN FAIT

1) La A______ SA (ci-après : la société) a son siège social à Genève. Elle est propriétaire d’un immeuble administratif à l’adresse ______, rue B______, soit en deuxième zone de construction.

2) Le 23 septembre 2012, la société a transmis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) sa déclaration concernant l’année fiscale 2011.

La valeur locative de l’immeuble était de CHF 609'970.- ; le taux de capitalisation de 5,90 % et la valeur fiscale de CHF 10'338'475.-.

3) L’AFC a remis à la société son bordereau d’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2011 le 13 décembre 2012.

L’impôt immobilier complémentaire (IIC) était fixé à CHF 27'414,40, fondé sur une valeur locative de CHF 609'970.- et un taux de capitalisation de 4,45 % donnant une valeur fiscale de CHF 13'707'191.-.

4) Le 18 décembre 2012, la société a réclamé du bordereau IIC précité. Le taux de capitalisation devait être de 5,90 % et non de 4,45 %. La société C______ avait effectué une expertise le 15 février 2012, dont il ressortait que l’immeuble avait une valeur vénale de CHF 10'900'000.-. Le taux de capitalisation, au vu de la situation de l’immeuble, ne pouvait être identique à celui utilisé pour un bâtiment situé à la rue du Rhône ou dans les Rues-Basses.

Selon l’expertise, qui était annexée, l’immeuble, édifié en 1971, disposait de huit niveaux hors sol et de deux niveaux de sous-sols. Le rez-de-chaussée était occupé par des commerces et les étages par des bureaux. Les sous-sols comportaient des dépôts et différents locaux techniques.

L’expertise concluait que : « Compte tenu des avantages et des inconvénients précités, et au vu des conditions actuelles du marché, le taux d’actualisation est fixé à 4,4 % en terme réel. Par conséquent, la valeur de marché de cet immeuble est estimée au 30 décembre 2011 à CHF 10'900'000.-, ce qui correspond à un taux de rendement brut sur l’annuité de 6,9 % et un taux de rendement brut par rapport au revenu locatif actuel de 5,6 %.

5) Le 28 février 2013, l’AFC a rejeté la réclamation. La valeur fiscale des immeubles locatifs était calculée en tenant compte des taux fixés chaque année par le Conseil d’Etat soit, pour les immeubles situés en première et en deuxième zone, à 4,45 % en 2011.

6) Par acte du 27 mars 2013, la société a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre la décision sur réclamation précitée.

Les taux fixés par le Conseil d’Etat étaient influencés par des transactions particulièrement spéculatives en plein centre-ville et influençaient négativement la situation des biens immobiliers en périphérie du centre. La jurisprudence indiquait que la détermination de la valeur fiscale ne pouvait se faire à la seule aune du critère de rendement mais devait aussi tenir compte de la valeur vénale du bien considéré.

7) Le 12 juillet 2013, l’AFC a conclu au rejet du recours. La méthode utilisée à Genève avait été confirmée par les autorités judiciaires et il n’y avait pas lieu de s’en écarter.

8) Le 15 août 2013, la société a exercé son droit à la réplique. Elle ne contestait pas le système, mais bien le taux appliqué, inadéquat au vu de l’expertise produite.

9) Par jugement du 28 octobre 2013, le TAPI a rejeté le recours. L’AFC avait appliqué la législation en vigueur. La société ne démontrait pas en quoi la valeur vénale retenue conduisait à une situation intolérable. Le caractère schématique de la méthode utilisée était admissible selon la jurisprudence. Pour fixer les taux de capitalisation, le Conseil d’Etat se fondait sur les travaux d’un groupe d’experts. L’immeuble de la société était bien situé en deuxième zone de construction et au centre-ville.

10) Par acte mis à la poste le 25 novembre 2013, la société a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité.

Le système utilisé pour fixer la valeur fiscale de l’immeuble n’assurait pas l’égalité de traitement. Le droit fédéral prévoyait que la valeur de rendement devait être prise en considération de façon appropriée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce dès lors que le résultat obtenu était de plus de 25 % supérieur aux conclusions de l’expert, lequel était sérieux, neutre et désintéressé. Le taux de capitalisation devait pouvoir être infirmé par une expertise produite par le contribuable.

11) Le 15 janvier 2014, l’AFC a conclu au rejet du recours. La jurisprudence excluait que l’estimation fiscale obtenue en application des dispositions législatives pertinentes puisse être remise en cause par une simple expertise effectuée à la seule initiative du contribuable. La fixation schématique de la valeur vénale ne pouvait être remise en question que dans la situation très particulière où cette valeur pouvait être établie de manière incontestable en raison d’une transaction effectuée durant l’année sur le marché libre.

De plus, la méthode utilisée par l’expertise prenait en compte un nombre important de variables, ce qui ne lui permettait pas d’établir le caractère arbitraire de la valeur fiscale retenue par l’administration.

12) Dans le délai qui lui avait été accordé pour exercer son droit à la réplique, la société a maintenu ses conclusions. L’AFC rejetait systématiquement tout calcul autre que le sien. Ni cette administration, ni le TAPI, ne se prononçaient sur le fond du problème.

13) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige ne concerne que l'IIC, lequel constitue un élément de l’ICC.

a. L’art. 76 al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP -D 3 05) prévoit la perception d’un impôt annuel de 1 ‰ sur la valeur de tous les immeubles situés dans le canton, sous réserve d’exception non réalisée en l’espèce. Ce taux est toutefois porté à 2 ‰ pour les sociétés exclusivement immobilières (ar. 77 al. 1 let b LCP).

La valeur des immeubles est celle qui résulte des estimations faites conformément à l'art. 50 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), sans la diminution fixée à la let. e de cette disposition et sans défalcation d'aucune dette (art. 76 al. 2 LCP).

b. L’art. 50 al. 1 LIPP détermine les principes applicables à l’évaluation de la valeur des immeubles. Celle des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel, soit la somme des loyers obtenus des locaux loués et des loyers qui pourraient être obtenus de ceux susceptibles d'être loués, y compris ceux occupés par le propriétaire et sa famille aux taux fixés chaque année par le Conseil d'Etat, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département.

c. En application de ces dispositions, le Conseil d’Etat fixe chaque année, à l’art. 25 du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 13 janvier 2010 (RIPP -  D 3 08.1), le taux de capitalisation applicable sur la base des transactions constatées sur le marché immobilier entre le 1er janvier de l’année précédant l’année fiscale et le 30 juin de l’année fiscale. En 2011, le taux de capitalisation des immeubles locatifs situés dans les zones d’affectation du sol une et deux était de 4.45 % (art. 25 al. 1 et al. 3 RIPP dans sa teneur adoptée le 2 novembre 2011).

3) a. L’IIC est admissible du point de vue constitutionnel (Arrêt du Tribunal fédéral du 4 novembre 1995, in StE 1997 n. 1, A 24.44.4, consid. 1) et échappe à l'harmonisation des impôts directs car la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID -RS 642.14) ne donne aucune indication quant aux impôts fonciers au sens strict. Il est donc réglé uniquement par le droit cantonal (Markus REICH, Steuerrecht, 2ème éd., 2012, § 7 n. 80 p. 175), ce que le Tribunal fédéral a expressément reconnu (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2008 du 29 janvier 2009 consid. 1. ; ATA/87/2014 du 12 février 2014).

b. Dans le cadre de la procédure fondée directement sur la LIPP et donc soumise à la LHID, le Tribunal fédéral a indiqué que le système mis sur pied par les autorités genevoises, affiné depuis 2010 par la prise en compte pour la fixation du taux de capitalisation de la zone de construction où était situé l’immeuble, respectait les exigences d’harmonisation fédérale, mais ne pouvait être appliqué que pour fixer la valeur vénale d'un immeuble qui n'avait pas fait l'objet d'une vente récente (ATF 134 II 207 consid. 3.8 in fine p. 215 s.; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_442/2012 du 14 décembre 2012, 2C_316/2010 du 29 juillet 2010 et 2C_820/2008 du 23 avril 2009).

Ce n’est que lorsque la valeur vénale d'un élément de fortune était donnée par le résultat d'une transaction ayant eu lieu sur le marché libre que le prix de vente constituait la valeur vénale au sens de l’art. 14 LHID. En revanche, une expertise - même effectuée par un cabinet de conseils immobiliers renommé - ne peut aboutir qu'à une estimation. Or, une estimation comporte inévitablement des éléments d'appréciation de sorte que, lorsque le prix établi par l’expertise diverge de la valeur fiscale, on ne saurait en déduire d'emblée que cette dernière est arbitraire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_442/2012 précité c 4.4).

4) En l’espèce, les dispositions précitées ont été appliquées à la lettre et les calculs effectués ne sont, à juste titre, pas critiqués en eux-mêmes par la recourante.

Les immeubles de cette dernière n’ayant pas fait l’objet d’une vente récente, elle ne se trouve pas dans la situation où, selon la LHID, le montant de la transaction devrait directement constituer la valeur vénale prise en compte pour la fixation de l’IIC.

L’expertise produite, dont la qualité et le sérieux ne sont pas mis en question, n’est pas apte à modifier les règles fixées par le législateur et le taux décidé par le conseil d’Etat. Elle se fonde en effet sur des éléments d’appréciation multiples tels que, par exemple, la prise en compte d’importants frais futurs d’entretien ou l’évolution des flux financiers au cours des années, qui ne rendent toutefois pas arbitraire le résultat de l’évaluation faite selon le procédé légal. La prise en compte de ces éléments dans le cas d’espèce mettrait en danger le principe de l’égalité de traitement, car le schématisme auquel l’AFC doit se soumettre lui interdirait d’évaluer ces éléments pour l’ensemble des immeubles concernés par l’IIC.

Le fait que le Conseil d’Etat ait, pour l’année 2011, fixé le même taux de capitalisation pour les immeubles situés en première zone et en deuxième zone de construction ne prête pas le flanc à la critique. Le Tribunal fédéral avait à cet égard estimé que la fixation d’un taux unique pour l’ensemble des zones de construction n’était pas arbitraire, alors même que le législateur avait introduit, entre la date de la décision litigieuse et le prononcé du jugement fédéral, une différenciation des taux entre certaines zones ou groupe de zones (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_442/2012 précité c. 5.1).

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Vu l’issue du litige aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 novembre 2013 par la A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 octobre 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne lui est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Berney & Associés SA, mandataire de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Verniory et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :