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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2500/2008

ATA/456/2008 du 02.09.2008 ( DES ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2500/2008-DES ATA/456/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 2 septembre 2008

 

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par CAP Compagnie de Protection Juridique S.A., soit pour elle Madame Camille Berger, mandataire

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES


 


EN FAIT

1. Le 23 septembre 2003, Monsieur M______, alors domicilié en France voisine (X______) a acquis le chien « D______ », né le ______, femelle de race Rottweiler, de couleur noire, n° d’identification dermographique (RID) V______.

M. M______ s’est établi à Genève le 28 septembre 2005.

2. Le 18 mars 2008, la sécurité municipale de W______ a informé le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV ou le service) qu’un Rottweiler était promené sans muselière, ni laisse.

Il s’est avéré qu’il s’agissait de « D______ », lequel n’était pas enregistré auprès d’« Animal Identify Service S.A. » banque de données nationale des animaux de compagnie marqués (ANIS).

3. Entendu par le service, M. M______ a déclaré avoir acquis « D______ » auprès d’un particulier à Ambilly courant 2003, pour le prix de € 800.-. La chienne était alors âgée de trois mois. Sur les papiers elle était inscrite sous Rottweiler, mais en fait il s’agissait d’un croisé.

Il avait pris contact avec ANIS afin d’enregistrer « D______ » mais on lui avait indiqué que cela n’était pas possible car elle avait la queue coupée. En revanche, il avait acquis la médaille 2007 auprès de la caisse de l’Etat.

M. M______ a été informé que son chien était illégal sur le territoire genevois, les deux seules alternatives étant l’expulsion de l’animal en France ou alors le séquestre définitif par le service. Ce dernier lui proposait de faire enregistrer le chien au nom de sa mère vivant en France.

Il s’est engagé à exporter le chien immédiatement en France, tout en précisant qu’il ferait recours contre la décision d’expulsion.

4. Par décision du 26 juin 2008, déclarée exécutoire nonobstant recours, le service a ordonné à M. M______ de faire quitter immédiatement le territoire genevois à « D______ », interdit à celui-là de réimporter l’animal sur le territoire genevois et mis à la charge de M. M______ les frais d’intervention du service ascendant à CHF 300.-.

5. M. M______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 7 juillet 2008.

a. Il a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif, ce à quoi le service s’est opposé dans ses écritures du 25 juillet 2008.

Par décision du 29 juillet 2008, la présidente du Tribunal administratif a refusé de restituer l’effet suspensif au recours (ATA/400/2008).

b. Sur le fond, M. M______ a expliqué qu’il avait grandi avec des chiens, toujours travaillé l’obéissance et suivi des cours de dressage.

En septembre 2005, il avait fait la connaissance de sa future épouse et s’était installé dans l’appartement de cette dernière à Genève. Celui-là étant trop petit pour accueillir « D______ », il avait décidé de placer temporairement la chienne auprès de sa mère domiciliée à C______ (Haute-Savoie). En mars 2007, les époux M______ avaient déménagé à W______ dans un appartement de quatre pièces avec deux balcons et ils avaient décidé de reprendre « D______ » auprès d’eux. Informé des démarches qu’il devait entreprendre, il avait téléphoné à la banque de données ANIS qui lui avait indiqué qu’elle ne pouvait pas enregistrer sa chienne dès lors que celle-ci était caudectomisée. Il avait néanmoins acheté la médaille pour l’année 2008. Pour ce faire, il avait dû produire la vignette prouvant l’inscription de la puce électronique. S’étant vu délivrer la médaille pour sa chienne, il avait pensé qu’il avait l’autorisation de la détenir sur le territoire genevois.

Il s’était ensuite enquis auprès du service sur les éventuelles démarches à entreprendre et il avait alors rempli une autorisation de détention.

Il avait encore pris rendez-vous avec son vétérinaire pour faire stériliser sa chienne, intervention prévue pour le 10 août 2008.

Enfin, il avait fait des recherches afin de trouver une école d’éducation canine, pour finalement trouver un cours d’éducation privé.

Toutes les conditions d’octroi de l’autorisation pour la détention d’un chien potentiellement dangereux prévues par la loi sur les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens du 1er octobre 2003 (LChiens - M 3 45) étaient rigoureusement remplies, de sorte que pour ce premier motif, la décision querellée devait être annulée.

Au moment de l’entrée en vigueur du règlement d’exécution sur l’interdiction des chiens dangereux du 23 avril 2008 (RIChD - M 3 45.05), il remplissait toutes les conditions d’octroi de l’autorisation pour la détention d’un chien potentiellement dangereux prévues par la LChiens. L’autorisation devait lui être délivrée et la décision querellée annulée.

La décision attaquée avait été rendue le jour même de son audition par le service. Dans ces conditions, il apparaissait improbable que le service ait examiné de la façon qui s’imposait la réalisation des conditions pertinentes pour octroyer ou non une autorisation pour la détention d’un chien potentiellement dangereux. Pour ce motif encore, la décision devait être annulée.

Il conclut principalement à l’annulation de la décision querellée, à l’octroi de l’autorisation pour la détention d’un chien potentiellement dangereux ainsi qu’à l’octroi d’un délai au 31 décembre 2008 pour obtenir une carte d’autorisation de détention et faire stériliser « D______ ».

6. Dans sa réponse du 15 août 2008, le service s’est opposé au recours, avec suite de frais et dépens.

L’importation de « D______ » était illégale au regard des articles 66 alinéa 1 lettre i et 66b alinéa 1 de l’ordonnance fédérale sur la protection des animaux du 27 mai 1981 (OPAn - RS 455.1) interdisant la vente et l’importation de chiens ayant les oreilles ou la queue coupée.

De plus, bien qu’ayant vraisemblablement acquis son chien en France, la provenance originaire de « D______ » n’avait jamais été clairement établie. Aussi, le risque que cet animal provienne d’un pays où la rage urbaine existait ne pouvait être écarté. Dès lors, son importation aurait d’abord nécessité une autorisation de l’office fédéral compétent.

« D______ » n’avait jamais été identifiée, ni enregistrée dans une banque de données et cela en violation de l’article 30 alinéa 1 de la loi sur les épizooties du 1er juillet 1966 (LFE - RS 916.40) et l’article 17 alinéa 1bis de l’ordonnance sur les épizooties du 27 juin 1995 (OFE - RS 916.401).

L’importation de « D______ » sur territoire suisse devait respecter la loi fédérale sur les douanes du 18 mars 2005 (LD - RS 631.0) ainsi que la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée du 2 septembre 1999 (LTVA - RS 641.20).

M. M______ avait parfaitement conscience de l’illégalité de la présence de « D______ » sur territoire suisse, la banque de données ANIS ayant refusé d’homologuer le chien en raison de sa caudectomie.

L’article 3A alinéa 3 LChiens applicable en l’espèce, soumettait l’acquisition d’un tel chien à une autorisation du département. Quant à l’article 4 RIChD, il précisait que l’importation, la détention, la reproduction et l’élevage des chiens appartenant à des races dites d’attaque étaient interdits sur le territoire genevois.

« D______ » ne satisfaisait aucune des conditions prévues par la législation genevoise.

Enfin, selon les informations en possession du service, il était établi que M. M______ détenait, en plus de son Rottweiler, un chien de race Am’staff, race considérée comme potentiellement dangereuse, confiée par la Société genevoise pour la protection des animaux le 29 janvier 2005, alors même qu’il n’était au bénéfice d’aucune autorisation délivrée par le service.

Le maintien de « D______ » sur le territoire de la Confédération helvétique était illégal, aussi bien eu égard au droit fédéral qu’au droit cantonal. En conséquence, le service n’avait pas eu d’autre choix que d’ordonner l’expulsion immédiate de l’animal hors du territoire genevois.

7. Le 19 août 2008, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Il est établi que « D______ » a la queue coupée et qu’elle n’est pas enregistrée dans une banque de données.

3. Selon la législation fédérale, l’importation et la détention en Suisse de chiens ayant subi une caudectomie sont interdits (art. 78 al. 3 de l’ordonnance fédérale concernant l’importation, le transit et l’exportation d’animaux et de produits animaux du 20 avril 1988 en vigueur à l’époque de l’acquisition du chien - OIT - RS 916.443.11 ; art. 66 al. 1 lettre i et 66b al. 1 OPAn).

4. Aux termes de l’article 30 alinéa 1 LFE et de l’ordonnance d’exécution y relative, les chiens doivent être identifiés et enregistrés dans une banque de données et tout changement d’adresse ou de détenteur doit être annoncé dans les dix jours.

5. Il résulte de ce qui précède que l’importation et la détention de « D______ » ne sont pas conformes au droit fédéral.

6. « D______ » est de race Rottweiler : c’est donc un chien potentiellement dangereux au sens de la législation cantonale (art. 2A al. 1 LChiens ; art. 27 al. 2 lettre k du règlement d’application de la loi sur les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens du 17 décembre 2007 - Rchiens - M 3 45.01).

L’importation, la détention, la reproduction et l’élevage de chiens potentiellement dangereux sont régis par le RIChD, notamment par l’article 4.

En l’espèce, aucune autorisation d’importation et de détention de « D______ » n’a été délivrée par le service compétent au recourant. Certes, le recourant produit sous pièce n° 12 de son chargé le formulaire d’autorisation d’acquisition et de détention d’un chien potentiellement dangereux mais force est de constater que ce document n’est nullement rempli. Manquent notamment la date de la stérilisation, du cabinet vétérinaire, les coordonnées de l’éducateur choisi, la date du premier cours et le Tribunal administratif ne peut que constater que ce formulaire n’est pas signé par le vétérinaire cantonal. La seule conclusion que l’on peut inférer de ce document est que le recourant avait peut-être dans l’esprit d’effectuer les démarches nécessaires mais rien n’indique qu’il y ait réellement procédé.

Dans son argumentation, le recourant feint d’ignorer que « D______ » ne remplit pas la condition préalable à toute autorisation d’importation, et donc de détention sur le territoire suisse, puisque cet animal a la queue coupée.

Pour ce seul motif, il ne saurait exister une autorisation cantonale qui serait en tout état contraire au droit fédéral.

A cet égard, c’est en vain que le recourant assimile l’acquisition de la médaille pour chien délivrée par les autorités fiscales en paiement d’un impôt à la délivrance d’une autorisation de détenir un animal, qui ne peut être le fait que des autorités compétentes en application de la législation y relative.

7. Selon l’article 36 alinéa 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé. Le principe de la proportionnalité exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire des résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATA/287/2007 du 5 juin 2007 et les références citées). En l’espèce, aucune autre mesure ne permet de respecter la législation fédérale de sorte que le principe de la proportionnalité est pleinement respecté.

8. En tout point infondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juillet 2008 par Monsieur M______ contre la décision du 26 juin 2008 du service de la consommation et des affaires vétérinaires ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’un émolument de CHF 1'000.- est mis à la charge du recourant ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur M______, représenté par CAP Compagnie de Protection Juridique S.A., soit pour elle Madame Camille Berger, mandataire, au service de la consommation et des affaires vétérinaires, ainsi qu’à l’office vétérinaire fédéral.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :