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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/625/2002

ATA/440/2006 du 31.08.2006 ( TPE ) , ADMIS

Parties : ROCH Joseph, ROCH Etienne, CONSORTS ROCH, ROCH Jacqueline, ROCH Jacques, ROCH Christiane / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONTRUCTIONS ET TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ACTION PATRIMOINE VIVANT
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/625/2002-TPE ATA/440/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2006

dans la cause

Madame Christiane ROCH
Madame Jacqueline ROCH
Monsieur Etienne ROCH
Monsieur Jacques ROCH
Monsieur
Joseph ROCH
représentés par Me Bruno Mégevand, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTION ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


et

ACTION PATRIMOINE VIVANT

représentée par Me Karin Grobet Thorens


1. Mesdames et Messieurs Christiane Roch, Jacqueline Roch, Etienne Roch, Jacques Roch et Joseph Roch (ci-après : les consorts Roch) sont propriétaires en communauté héréditaire de la parcelle 2247, plan 30 de la commune de Lancy, à l'adresse 59 route du Grand-Lancy.

Cette parcelle, située en zone 4b protégée au sens de l'article 19 alinéa 2 lettre b de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), d'une surface de 600 m2, abrite une maison d'habitation-commerce (D128), deux dépendances (D129 et D130) et une place-jardin.

2. L'Etat de Genève est propriétaire de la parcelle 1030 d'une surface de 576 m2, affectée à une place-jardin.

3. Les deux parcelles précitées forment ensemble l'angle de la route du Grand-Lancy et de l'avenue des Communes-Réunies.

4. Le 24 janvier 2000, les consorts Roch ont déposé auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le département) une demande préalable d'autorisation de construire portant sur les parcelles 2247 et 1030 précitées, ayant pour objet la construction d'un immeuble de commerces et logements ainsi qu'un garage souterrain (DP 17415).

5. Le même jour, les consorts Roch ont déposé auprès du département une demande définitive d'autorisation de démolir le bâtiment d'habitation-commerce, le hangar et le mur se trouvant sur la parcelle 2247 (M 4816).

6. Les préavis recueillis par le département dans le cadre de l'instruction de la demande de démolition ont été favorables à l'exception de celui de la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS), sous-commission architecture (SCA). Dans son préavis du 23 mars 2000, la SCA s'est déclarée défavorable au projet, retenant que la qualité principale de ce bâtiment résidait dans son appartenance à l'un des derniers groupes de bâtiments constituant l'ancien village du Grand-Lancy. Il marquait actuellement la fin de l'alignement qui constituait la trace de la rue principale. Sa suppression entraînerait à terme la disparition de tout le mas. Par son gabarit, ses matériaux, sa fonction et sa modestie, il constituait un des derniers exemples d'architecture villageoise.

7. Action Patrimoine Vivant (ci-après : APV) a présenté ses observations le 20 avril 2000. Le bâtiment objet de la requête en autorisation de démolir faisait partie d'un ensemble de bâtiments homogènes remontant au siècle dernier qui constituait l'une des parties importantes du vieux bourg du Grand-Lancy. Il était inconcevable d'imaginer la démolition d'un de ces bâtiments. APV s'opposait à cette démolition et demandait que la rangée de bâtiments en cause soit inscrite à l'inventaire ou fasse l'objet d'un plan de site.

8. Dans le cadre de l'instruction de la DP 17415 et de l'autorisation de démolir, la direction des patrimoines et des sites (DPS) a émis un préavis le 1er novembre 2000. Selon la fiche de recensement architectural établie le 4 mai 1976, la valeur 4 (soit bien intégré en volume) était attribuée au bâtiment concerné. La date de construction de cet immeuble se situait entre 1800 et 1850. C'était à tort que la CMNS avait évoqué que la suppression de cet édifice entraînerait à terme la disparition de tout le mas. En retenant que le bâtiment concerné ne possédait plus de substance notable et que seule la qualité de son volume avait été retenue comme significative et qu'il y avait des bâtiments villageois encore conservés dans le secteur du Grand-Lancy, la DPS ne formulait plus d'opposition à cette démolition.

9. Par décision du 13 octobre 2000, le département a délivré l'autorisation préalable sollicitée. Le chiffre 4 de ladite autorisation précise que la délivrance de l'autorisation de démolir M 4816 est en l'état reportée et ne pourrait avoir lieu que simultanément à l'autorisation définitive de construire.

10. Par décision du 1er février 2001, le département a accordé l'autorisation de démolir (M 4816-5). Le chiffre 3 de l'autorisation précise que les travaux de démolition ne pourront débuter que lorsque l'autorisation de construire définitive nécessaire à la mise en œuvre du projet autorisé en l'état sous dossier DP 17415-5 sera entré en force et exécutoire.

11. ASLOCA et APV ont saisi la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) d'un recours contre la décision précitée par acte du 9 mars 2001.

L'immeuble comportait semblait-il deux logements et devait donc être soumis aux dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Or, la procédure prévue par cette loi n'avait pas été respectée, de sorte que l'autorisation de démolir devait être annulée.

La démolition de l'immeuble, situé en tête d'îlot, aurait un effet d'entraînement pour le reste de celui-ci, lequel constituait avec l'ensemble d'immeubles situés vis-à-vis tout ce qui subsistait de l'ancien hameau du Grand-Lancy. Cet ancien bourg devait à tout prix être maintenu et la démolition de l'immeuble 59 route du Grand-Lancy était en contradiction totale avec les principes de protection du patrimoine.

ASLOCA et APV ont conclu à l'annulation de la décision querellée.

12. La commission a recueilli les observations des consorts Roch et du département, a tenu une audience de comparution personnelle et a procédé à un transport sur place.

A la demande de la commission, le département a précisé qu'il avait considéré que la procédure de mise à l'inventaire sollicitée par APV n'était pas une action adéquate mais qu'il envisageait d'engager une étude de plan de site.

Suite au transport sur place, l'ASLOCA a retiré son recours dès lors qu'il était établi que l'immeuble ne comportait qu'un seul logement.

13. Par décision du 2 juin 2002, notifié le 12 du même mois, la commission a admis le recours et annulé l'autorisation de démolir M 4816-5.

Le bâtiment dont la démolition était projetée formait un ensemble avec le bâtiment du même alignement. A teneur de l'article 90 alinéa 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), l'ensemble dont faisait partie le bâtiment litigieux devait être maintenu. Cette obligation était d'autant plus fondée que le département envisageait d'ouvrir une procédure d'adoption d'un plan de site en lieu et place d'une mise à l'inventaire. Le département avait écarté sans motif pertinent le préavis du 23 mars 2000 de la CMNS, violant ainsi l'article 15 alinéa 1 LCI.

Enfin, la procédure suivie par le département était contraire à l'article 92 alinéa 2 LCI. En effet, le dossier de l'autorisation préalable DP 17417 ne contenait pas les plans permettant d'examiner la nouvelle construction et en particulier de vérifier que les conditions d'application de l'article 92 alinéa 1 LCI étaient réunies.

14. Les consorts Roch ont saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée par acte du 5 juillet 2002.

L'autorisation DP 17415 était en force et la commission ne saurait donc remettre indirectement en cause une décision passée en force de chose jugée par le biais de l'annulation d'une décision qui aurait dû être rendue, selon elle, simultanément.

En tout état, les droits des tiers étaient intégralement préservés par le chiffre 3 de l'autorisation de démolir.

Aucune des deux conditions de l'article 90 LCI n'étaient remplies en l'espèce. D'une part le bâtiment litigieux, qui datait de la première partie du XIXème siècle, était entouré par des bâtiments dont le plus ancien datait de la fin de l'année 1930. Il n'y avait donc pas un groupe de bâtiments dont l'unité architecturale et urbanistique était complète, au sens de l'article 90 alinéa 1 LCI.

D'autre part, le bâtiment n'avait pas de valeur intrinsèque, notamment en raison des transformations qu'il avait subies. Seule la volumétrie avait une valeur intéressante. La seule conséquence de cette appréciation était que la nouvelle construction devait respecter l'échelle de cette volumétrie. C'était donc manifestement à tort que la commission faisait grief au département de s'être écarté sans motif du préavis de la CMNS.

Ils ont conclu à l'annulation de la décision querellée et à la confirmation de l'autorisation délivrée par le département.

15. Par courrier du 30 août 2002, le département a sollicité la suspension de l'instruction de la cause, informant le Tribunal administratif qu'il avait engagé une étude de plan de site dans le périmètre concerné.

16. Toutes les parties ayant donné leur accord, l'instruction de la cause a été suspendue dès le 23 octobre 2002.

17. Le 12 décembre 2005, les consorts Roch ont informé le Tribunal administratif que le projet de plan de site du Grand-Lancy élaboré par le département avait subi un échec devant le conseil municipal de la ville de Lancy lequel, dans sa séance du 26 mai 2005, avait pris, à l'unanimité, un arrêté prononçant un préavis défavorable au projet de plan de site.

Par courrier du 2 novembre 2005, le chef du département avait confirmé aux consorts Roch qu'il ne renonçait pas à poursuivre la procédure d'élaboration d'un plan de site, mais qu'il attendait de connaître le sort du recours pendant devant le Tribunal administratif avant de réévaluer la situation.

Il y avait donc lieu de reprendre la procédure.

18. Par décision du 16 décembre 2005, le Tribunal administratif a repris l'instruction de la cause.

19. Un transport sur place a eu lieu le 25 avril 2006 auquel, outre les parties, participait un représentant de la CMNS

a. La juge déléguée a pu constater que l'arrière de la bâtisse a subi des travaux de transformation et que seule la façade sur rue est d'origine. Le bâtiment est actuellement utilisé pour le chantier du tram. Selon les recourants, l'immeuble a été construit dans les années 1940 et leur famille en est propriétaire depuis cette époque.

Les bâtiments alentours sont contemporains.

Une impasse privée rejoint le domaine de l’église de Notre-Dame-des-Grâces. Elle est délimitée sur la gauche par un mur de propriété, lequel prolonge le bâtiment litigieux. Le représentant d'APV a précisé que ce passage était une trace de l'ancien village et qu'il méritait d'être pris en considération

b. Les parties se sont exprimées sur la question du plan de site.

Le représentant d'APV a relevé que la délimitation du plan de site ne lui avait pas été communiquée. Il ne savait pas que le plan excluait l'immeuble en question. Le bâtiment litigieux, soumis à la loi Blondel, devait être protégé. APV n'avait pas pris connaissance du préavis du 1er novembre 2000 signé par le directeur de la DPS. APV maintenait son opposition à la démolition

La représentante de la CMNS a indiqué qu'elle n'avait pas tenu compte de la loi Blondel pour se déterminer sur le maintien du bâtiment. En l'absence du plan de site, la CMNS maintenait son préavis défavorable malgré le préavis contraire du 25 novembre 2003.

Le département a persisté dans ses conclusions

20. Les parties ont présenté leurs dernières observations, chacune persistant dans ses conclusions initiales.

21. L'on retiendra du dossier les éléments suivants :

- Le 25 novembre 2003, la CMNS, réunie en séance plénière dans le cadre de l'étude du plan de site, s'est déclarée favorable à l'adoption d'un tel plan. Après avoir examiné la situation de l'immeuble 59 route du Grand-Lancy, la CMNS a estimé qu'un projet de substitution pouvait être envisagé à certaines conditions.

- En l'état actuel du dossier, le périmètre concerné ne fait pas l'objet d'un plan de site en force.

- Sur les photographies se trouvant dans le dossier du département, on constate que la façade sud de l'immeuble 59 route du Grand-Lancy est borgne, que les immeubles bordant la route du Grand-Lancy sont tous d'architecture et de style différents : ce sont des constructions modestes, accolées les unes aux autres, à l'exception précisément du 59, séparé de l'immeuble voisin par une impasse.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A LOJ de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En vertu de l'article 15 alinéa 1 LCI, le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou d'un point de vue accessible au public.

Quant à l'article 89 alinéa 1 LCI, il prévoit que l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du 19ème siècle et du début du 20ème siècle situés en dehors du périmètre de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, ainsi que du vieux Carouge, doit être préservée.

Sont considérés comme ensembles les groupes de 2 immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition s'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

Les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus (art. 90 al. 1 première phrase LCI).

Le département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'article 90 alinéa 1 LCI (art. 90 al. 3 LCI).

Les demandes d'autorisation, ainsi que les travaux de réfection de façades et de toitures concernant des immeubles visés à l'article 89 sont soumis aux préavis de la commission d'architecture et de la commission des monuments, de la nature et des sites (art. 93 al. 1 LCI).

3. Dans son préavis du 23 mars 2000, la CMNS-SCA n'a pas abordé la question sous l'angle expres de la protection du bâtiment litigieux en application des articles 89 et suivants LCI. Elle a néanmoins relevé que la qualité principale de cette bâtisse résidait dans son appartenance à l'un des derniers groupes d'immeubles de l'ancien village du Grand-Lancy et, subsidiairement, dans le fait qu'elle était l'un des derniers exemples d'architecture villageoise.

Les transports sur place effectués tant par la commission que par le tribunal de céans ont permis de constater que la route du Grand-Lancy ne présente aucune unité architecturale, hormis dans les dizaines de mètres qui précèdent le carrefour route du Grand-Lancy/avenue des Communes-Réunies, concernant le gabarit des immeubles : ceux-ci sont pratiquement tous de dimensions et de hauteurs modestes (un, voire deux, étages sur rez). Cet élément à lui seul ne saurait emporter la protection de l'article 89 et suivants LCI. Comme l'a jugé le Tribunal administratif, pour que des immeubles séparés puissent bénéficier d'une telle protection, il ne suffit pas qu’une certaine correspondance stylistique existe entre eux. Encore faut-il que leur remplacement, leur gabarit et leur style ait été conçu dans le cadre d'une composition d'ensemble (ATA/360/1994 du 9 août 1994). Or, en l'espèce, l'immeuble à démolir n'a pas été conçu comme tel. La CMNS-SCA ne le prétend d'ailleurs pas, se contentant d'insister sur la valeur des témoignages d'architecture villageoise du bâtiment, sans mentionner d'ailleurs les profondes modifications architecturales apportées au bâtiment au milieu du 20ème siècle.

Il en résulte qu'il n'y pas lieu de suivre la commission dans son application des articles 89 suivants LCI.

4. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA/586/1996 du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

a. Lorsque la commission s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA 360/1994 du 9 août 1994 ; ATA/51/1998 du 3 février 1998).

b. Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, car les lieux concernés se trouvent dans une zone protégée (art. 15 al. 2 et 106 al. 1 LCI), cette circonstance confère un poids certain à son préavis dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/360/1994 précité). En revanche, le Tribunal administratif ne s'impose pas de réserves face à un préavis négatif de la CMNS lorsque ce dernier a été requis sans nécessité et que l'objet architectural litigieux n'est pas complexe (SJ 1995 p. 596).

c. Enfin, et toujours selon une jurisprudence constante, le Tribunal administratif, lorsqu'il est confronté à des préavis divergents, a d'autant moins de raisons de s'imposer une certaine restriction de son propre pouvoir d'examen qu'il a procédé, comme en l'espèce, à un transport sur place (ATA/594/1999 du 12 octobre 1999 et les références citées).

En l'espèce, l'objet architectural litigieux n'est pas complexe et la question à résoudre ne présente pas de caractère technique : il s'agit de se prononcer sur le maintien ou la démolition de l'immeuble 59 route du Grand-Lancy au regard des dispositions de la LCI.

Dans le cas de cet examen, la consultation de la CMNS n'était pas obligatoire, de sorte que son préavis du 23 mars 2000 ne revêt pas de valeur contraignante. C'est donc à tort que la commission a reproché au département de s'en être écarté. Cette constatation s'impose d'autant plus que la DPS a levé, le 1er novembre 2000, son opposition à la démolition discutée. Or, comme l'ont relevé fort opportunément les recourants lors du transport sur place le 25 avril 2006, le signataire du préavis du 1er novembre 2000 de la DPS, soit le directeur dudit service, est membre de droit de la CMNS. En d'autres termes, non seulement le préavis du 23 mars 2000 n'a pas de valeur contraignante mais de surcroît, sa crédibilité est fortement entachée.

5. Reste à examiner si en octroyant l'autorisation de démolir malgré un préavis défavorable, le département a fait un juste usage de sa liberté d'appréciation, eu égard notamment à l'intérêt public (ATA/594/1999 précité et les références citées).

L'immeuble actuel abrite un logement et sa démolition doit permettre la construction d'un immeuble qui en abritera plusieurs. Ce premier élément n'est pas négligeable vu la situation actuelle du marché du logement à Genève.

A cela s'ajoute qu'au vu des constatations auxquelles il a lui-même procédé, le Tribunal administratif considère que l'immeuble querellé présente peu, voire aucune, qualité intrinsèque qui justifierait son maintien. Sur la fiche de recensement architectural du 4 mai 1976, la date de construction de cette maison se situe entre 1800 et 1850 alors que pour les recourants elle date des années 1940. Une chose est certaine, c'est qu'elle a été profondément remaniée par d'importants travaux effectués dans les années 1940 précisément et de surcroît amputée de la maison mitoyenne qui la jouxtait au sud, démolie lors de l'élargissement du carrefour route du Grand-Lancy/avenue des Communes-Réunies. Seule subsiste d'origine la façade côté rue et la volumétrie. Ces deux éléments ne justifient pas eux seuls le maintien à tout prix de ce bâtiment. Il faut encore ajouter que l'immeuble est séparé du suivant par une impasse, dans ce sens il n'est pas du tout établi - contrairement à ce que soutient la CMNS-SCA - que sa démolition entraînera par la force des choses celle des immeubles formant l'îlot suivant.

Au vu de ce qui précède, le département n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en écartant le préavis de la CMNS-SCA de sorte que l'autorisation de démolir qu'il a délivrée doit être confirmée.

6. S'agissant des griefs élevés par la commission sur la procédure suivie par le département, ils appellent les remarques suivantes.

L'autorisation préalable en force du 13 décembre 2000 précise, en sa condition 4, que la délivrance de l'autorisation de démolir M 4816-5 est en l'état reportée et ne pourra avoir lieu que simultanément à l'autorisation définitive de construire.

Certes, le département a délivré ladite autorisation de démolir sans attendre l'autorisation définitive de construire mais le chiffre 3 de ladite autorisation stipule que les travaux de démolition ne pourront débuter que lorsque l'autorisation de construire définitive nécessaire à la mise en œuvre du projet autorisé en l'état sous dossier DP 17415-5 sera entrée en force et exécutoire.

La contradiction n'est qu'apparente. En effet, en l’espèce, il est judicieux de trancher la question de la démolition avant celle de l’autorisation de construire.

Enfin, c'est à tort que la commission fait référence à l'article 92 alinéa 1 LCI dès lors que le litige qui lui était soumis ne concernait pas l'autorisation préalable - encore une fois définitive - mais uniquement l'autorisation de démolir.

7. Le recours sera donc admis, la décision attaquée annulée et l'autorisation de démolir M 4816-5 délivrée le 1er février 2001 rétablie.

Vu l'issue de ce litige un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge d'APV (art. 87 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée aux recourants à charge conjointe et solidaire de l'Etat de Genève et d'APV

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2002 par Mesdames Christiane Roch, Jacqueline Roch, Messieurs Etienne Roch, Jacques Roch, Joseph Roch contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 2 juin 2002 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du 2 juin 2002 de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

rétablit l'autorisation de démolir M 4816-5 du 1er février 2001;

met à la charge d'Action Patrimoine Vivant un émolument de CHF 500.- ;

alloue aux consorts Roch une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à charge conjointe et solidaire de l'Etat de Genève et d’Action Patrimoine Vivant.

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département des constructions et des technologies de l'information ainsi qu'à Action Patrimoine Vivant.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :