Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/896/2012

ATA/426/2014 du 12.06.2014 sur JTAPI/532/2013 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.07.2014, rendu le 25.04.2015, ADMIS, 2C_662/2014, 2C_663/2014
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/896/2012-ICCIFD ATA/426/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 juin 2014

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Pierre Gillioz, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mai 2013 (JTAPI/532/2013)


EN FAIT

1) A______ SA (ci-après : la société) est une société anonyme dont le siège est à Genève, et qui est inscrite au registre du commerce de ce canton depuis le 29 septembre 2000. Son but statutaire est : opérations financières, commerciales et immobilières, ainsi que promotion, gestion et mise en valeur d'immeubles.

2) Le 3 décembre 2002, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a émis des bordereaux de taxation d’office 2001 de la société basés sur un capital et un bénéfice nuls.

3) Le 12 novembre 2003, la contribuable a déposé sa déclaration fiscale 2002. Les comptes de cet exercice joints à cette déclaration faisaient ressortir un bénéfice de l’exercice de CHF 14'520.- et des fonds propres de CHF 126'430.-. Il était mentionné dans le bilan des apports sans contre-prestation à hauteur de CHF 165'000.-.

4) Après avoir émis une taxation provisoire le 3 décembre 2003, et demandé divers renseignements à la contribuable, l’AFC-GE a, dans un premier temps, repris le montant précité de CHF 165'000.- et taxé la contribuable sur un bénéfice de CHF 179'520.- par des bordereaux du 2 avril 2004. Par la suite d’une réclamation, ceux-ci ont été remplacés par des bordereaux conformes à la déclaration déposée du 6 juillet 2004, retenant un bénéfice de CHF 14'520.- et un capital de CHF 126'429.-.

5) Parallèlement, et se fondant sur les chiffres de l’exercice 2001 ressortant des comptes déposés avec la déclaration fiscale 2002, l’AFC-GE a émis également le 2 avril 2004 des bordereaux rectificatifs de la taxation d’office 2001 basés sur un bénéfice de CHF 14'520.- et un capital de CHF 111'909.-. La lettre d’accompagnement mentionne que ces bordereaux sont consécutifs à une procédure de vérification ou de contrôle et que la contribuable a commis une soustraction d’impôts.

6) Les bordereaux 2003 de la contribuable du 9 novembre 2004 étaient basés sur un bénéfice de CHF 2'202.- et des fonds propres de CHF 913'158.-, ce dernier montant correspondant aux éléments déclarés, auxquels s’ajoutait une reprise pour capital propre dissimulé de CHF 784'527.-.

7) Dans sa taxation 2004 du 12 décembre 2005, l’AFC-GE a augmenté le bénéfice déclaré de CHF 2'470.- à CHF 2'970.- pour tenir compte des éléments reportés au bilan. Après reprise d’un capital propre dissimulé de CHF 849'032.-, le capital imposable s’élevait à CHF 980'634.-.

8) La taxation 2005 du 17 octobre 2006 de la société était basée sur les éléments déclarés, à savoir un bénéfice de CHF 1'876.- et un capital de CHF 1'009'485.-, après reprise d’un capital propre dissimulé de CHF 876'007.-.

9) Par des décisions du 8 octobre 2007, l’AFC-GE a annulé des bordereaux non versés à la procédure pour la période 2006 du 27 août 2007. Au regard de la déclaration réceptionnée par elle le 4 septembre 2007, était taxé un bénéfice de CHF 55'498.- appliquant une reprise pour prestation appréciable en argent de CHF 55'498.- au regard d’une perte déclarée de CHF 16'694.-. Le capital imposable était fixé à CHF 882'316.- après reprise d’un capital propre dissimulé de CHF 765'532.-.

10) Les bordereaux 2007 de la société du 23 décembre 2008 étaient basés sur un bénéfice nul (perte déclarée de CHF 42'730.-). Le capital imposable était fixé à CHF 769'470.-, après reprise d’un capital propre dissimulé de CHF 669'470.-.

11) Les comptes de l’exercice 2008 annexés à la déclaration réceptionnée par l’AFC-GE le 25 septembre 2009 faisaient ressortir une perte de CHF 310'425.- et des fonds propres négatifs de CHF -236'372.-.

12) Le 17 novembre 2009, l'avocat de la société a écrit au service du contrôle de l'AFC-GE. La « société X. », sa mandante, avait un certain nombre de créanciers à son bilan. L'origine des créances provenait de transactions faites entre ces personnes et la société par le passé, lorsque vivait encore le principal animateur de celle-ci. Suite au décès de ce dernier, des investigations avaient été menées sur l'identité de ces créanciers, qui paraissaient imaginaires.

Le conseil avait suggéré à la société de faire apparaître, dans ses comptes 2009, un abandon de créances de ces créanciers, qui générerait un bénéfice imposable égal à leur montant. Cette approche lui paraissait la seule possible du point de vue du droit commercial et protégeait les intérêts du fisc, puisqu'elle permettait une taxation corrigée et correcte des bénéfices de la société, ainsi que la création de bénéfices reportés qui, au jour de leur distribution, seraient imposés en mains de l'actionnaire. La double imposition traditionnelle serait ainsi respectée.

13) Par courriel du 20 novembre 2009, la division du contrôle fiscal a répondu à l'avocat qu'elle acceptait l'approche proposée dans le courrier précité, en précisant que les reprises seraient effectuées sur les années antérieures, ce qui générerait automatiquement des intérêts de retard.

14) Le 2 février 2010, l'avocat de la société a fait parvenir à l'AFC-GE un courrier précisant que la société était désormais détenue à 100 % par l'épouse de feu Monsieur B______, et décrivant le détail des opérations couvertes par la déclaration spontanée du 17 novembre 2009, notamment des ventes et achats d'actions et des opérations sur comptes courants impliquant trois personnes, qui, à fin 2008, auraient été créancières de la société pour un montant total de CHF 4'431'818,50.

L'administrateur de la société s'était préoccupé, suite au décès de M. B______, de retrouver la trace physique de ces trois personnes pour pouvoir, si elles en faisaient la demande, les rembourser. Les recherches effectuées avaient abouti au résultat que ces personnes n'existaient pas, notamment parce que personne portant leur nom ne se trouvait aux adresses indiquées dans les comptes de la société.

15) Le 28 janvier 2011, l'AFC-GE a ouvert une procédure en rappel d'impôts et une procédure pénale en soustraction pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2001 à 2007.

Une dénonciation spontanée avait été annoncée, mais le formulaire ad hoc n'avait pas été rempli. Si les conditions d'une telle autodénonciation étaient remplies, aucune amende ne serait prononcée. L'AFC-GE demandait également des détails au sujet de certains postes ou opérations comptables.

16) Le 24 février 2011, la société a retourné le formulaire rempli et a donné diverses précisions pour répondre aux demandes formulées par l'AFC-GE.

17) Le 20 mai 2011, l'AFC-GE a encore demandé divers documents à la société suite à sa dénonciation spontanée.

18) Par courriel du 30 août 2011, l'AFC-GE a indiqué à l'avocat de la société les montants de reprises qu'elle entendait faire sur les impôts de la société. Le montant des intérêts moratoires ne pouvait être communiqué car il était calculé automatiquement par le système informatique au moment de la notification.

19) Par courriel du 29 septembre 2011, l'AFC-GE a indiqué à l'avocat de la société qu'une taxation définitive allait très prochainement intervenir. Il n'était pas possible d'accéder à sa demande concernant les intérêts et la provision pour impôts de la société, pour des raisons déjà indiquées lors de précédents entretiens.

20) Par décisions du 2 décembre 2011, l'AFC-GE a procédé à la taxation définitive de la société pour l'IFD et l'ICC 2001 à 2008. Les reprises peuvent être résumées selon le tableau suivant :

Année

Supplément d'impôts IFD

Intérêts de retard

Supplément d'impôts ICC

Intérêts de retard

2001

79'322.-

28'357,60

222'979,20

58'940,85

2002

292'349.-

92'820,80

825'534,90

185'195.-

2003

3'944.-

1'098,90

26'994,70

4'976.-

2004

3'527,50

859,75

26'412,55

4'340,45

2005

3'927.-

819,65

27'703,30

3'721,50

2006

3'264.-

567,05

25'606,70

2'697,25

2007

484,50

66,55

17'724.-

1'344,05

Total

386'818.-

124'590,30

1'172'955,35

261'215,10

Par ailleurs, après examen du dossier, les conditions de la dénonciation spontanée non punissable étaient remplies. Il était dès lors renoncé à toute poursuite pénale, tant pour l'IFD que pour l'ICC.

Par décisions du même jour, l'AFC-GE a également communiqué à la société sa taxation pour les années 2008 et 2009.

21) Le 23 décembre 2011, la société a élevé réclamation contre les décisions de taxation 2001 à 2009 la concernant, concluant à leur annulation.

Les taxations antérieures à l'année 2009, en particulier 2001 et 2002, ne pouvaient être rouvertes pour donner lieu à un rappel d'impôts.

Même si tel ne devait pas être le cas, il fallait modifier les bordereaux pour tenir compte du nouveau montant d'impôts dans la provision pour impôts de chaque exercice. En cas de dénonciation spontanée, le fisc ne pouvait percevoir un montant supérieur au dommage subi, intérêts moratoires inclus. L'AFC-GE ne pouvait se limiter à calculer l'impôt au taux nominal sans procéder au calcul de « l'impôt dans l'impôt » ni ignorer les dettes fiscales de l'époque, car elle obtiendrait alors un montant supérieur aux avantages obtenus sans droit. Ce calcul restait à effectuer.

22) Par quatre décisions sur réclamation (ICC 2001 à 2007, ICC 2008 et 2009, IFD 2001 à 2007 et IFD 2008 et 2009) du 10 février 2012, l'AFC-GE a rejeté les réclamations et maintenu les reprises effectuées.

S'agissant de la provision pour impôts, les modifications de bilan étaient possibles jusqu'au moment où le bilan était porté à la connaissance des autorités fiscales. Le contribuable était lié par les comptes remis à l'administration, notamment ses provisions. En outre, il n'y avait pas lieu d'augmenter la provision pour impôts des années passées dans la mesure où le montant d'impôts non provisionné était déductible au moment de la comptabilisation de la charge et du paiement.

23) Le 8 mars 2012, la société a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation ainsi qu'à celle des décisions de taxation.

Ses griefs étaient les mêmes que ceux soulevés dans sa réclamation.

24) Par jugement du 6 mai 2013, le TAPI a rejeté le recours.

L'AFC-GE était fondée à rouvrir les taxations 2001 et 2002 par le biais d'un rappel d'impôts.

Un nouveau calcul de la provision pour impôts était possible dans le cadre de la contestation d'une taxation. Les dispositions relatives à la dénonciation spontanée avaient des conséquences en matière d'amende mais non de calcul à nouveau de la provision pour impôts. Il n'y avait à cet égard pas de raison de traiter différemment le rappel d'impôts trouvant son origine dans une dénonciation spontanée et celui ordonné sur la base d'éléments connus par un autre biais.

25) Par acte posté le 18 juin 2013, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité concluant à son annulation (recte : à son annulation partielle) et à celle des décisions sur réclamation du 10 février 2012.

Le recours ne portait que sur l'ajustement de la provision pour impôts.

La dénonciation spontanée non punissable avait pour effet que seuls devaient être remboursés les avantages obtenus sans droit par le contribuable, y compris les intérêts moratoires. Or, si les déclarations fiscales de la société avaient fait apparaître les bénéfices repris par la suite par le fisc, l'impôt aurait été calculé sous déduction de l'impôt lui-même comptabilisé comme provision et fiscalement déductible. En procédant au calcul de l'impôt sur la base de son taux nominal au lieu de son taux effectif, l'AFC-GE réclamait non seulement un montant supérieur à celui auquel elle aurait eu droit en 2001 et lors des années subséquentes, mais réclamait également des intérêts moratoires sur des sommes auxquelles elle n'aurait pas eu droit si des taxations conformes avaient été effectuées à l'époque.

La jurisprudence rendue par la chambre administrative concernait un cas de soustraction fiscale et non un cas de dénonciation spontanée.

26) Le 5 juillet 2013, le TAPI a remis son dossier sans formuler d'observations.

27) Le 24 juillet 2013, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait correctement appliqué la jurisprudence cantonale, laquelle était conforme à celle rendue par le Tribunal fédéral. Selon cette dernière, un ajustement de la provision pour impôts était d'emblée exclu lorsque la reprise était la conséquence d'une soustraction intentionnelle, car l'on n'était pas en présence d'une reprise imprévisible qui justifierait de s'écarter du bilan commercial. L'ouverture de la procédure sur la base d'une dénonciation spontanée ne changeait rien à cette approche, les redressements n'ayant en l'espèce pas été imprévisibles pour les organes de la société.

28) Le 13 août 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 septembre 2013 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

29) Ni la société ni l'AFC-GE ne se sont manifestées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte exclusivement sur l'ajustement de la provision pour impôts de la recourante pour les exercices 2001 à 2009, suite à des reprises d'impôts trouvant leur origine dans une autodénonciation spontanée.

3) a. S'agissant des règles de procédure, la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) s'applique dès son entrée en vigueur le 1er janvier 2002 aux causes encore pendantes (art. 86 LPFisc). Ces nouvelles dispositions sont applicables au cas d’espèce. La LPA est au surplus applicable dans la mesure où la LPFisc n'y déroge pas (art. 2 al. 2 LPFisc).

b. Les questions de droit matériel sont réglées par le droit en vigueur pendant la période fiscale en cause (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1 ; ATA/232/2014 du 8 avril 2014 ; ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/505/2008 du 30 septembre 2008 ; ATA/93/2005 du 1er mars 2005 ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004).

c. L'IFD est régi par la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

d. En matière d'ICC, la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) est entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Un délai au 1er janvier 2001 a été imparti aux cantons pour adapter leur législation. Depuis cette date, la LHID est directement applicable si les dispositions du droit fiscal cantonal s'en écartent (art. 72 al. 1 et 2 LHID). Le canton de Genève a adapté sa législation fiscale à la LHID par l'adoption de nouvelles normes, en particulier, pour l'impôt sur les personnes morales, la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), entrée en vigueur le 1er janvier 1995 et donc applicable au présent litige.

e. Dans la mesure où les normes cantonales et fédérales règlent la matière de manière similaire, il ne sera rendu qu'un arrêt concernant aussi bien l'IFD que l'ICC, ce qui est admissible (ATF 135 II 260).

4) a. À teneur des art. 181 al. 1 LIFD, 57 al. 1 LHID et 74 al. 1 LPFisc, lorsque des obligations de procédure ont été violées ou qu'une soustraction ou une tentative de soustraction d'impôts a été commise au profit d'une personne morale, celle-ci est punie d'une amende.

b. Lorsqu'une personne morale assujettie à l'impôt dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôts commise dans son exploitation commerciale, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition : a) qu’aucune autorité fiscale n’en ait connaissance ; b) que la personne concernée collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôts ; et c) qu'elle s'efforce d'acquitter le rappel d'impôts dû (art. 181a al. 1 LIFD ; art. 57b al. 1 LHID ; 74A LPFisc, étant précisé que la loi 10'657 instituant une amnistie fiscale partielle a quant à elle été rejetée en votation le 13 février 2011).

c. Ces normes sont contenues dans la sixième partie de la LIFD et dans le titre sixième de la LHID, qui concernent tous deux les dispositions pénales desdites lois.

d. Dans son Message relatif à la novelle ayant introduit la dénonciation non punissable, le Conseil fédéral a indiqué que « la dénonciation spontanée non punissable a pour effet que seuls doivent être remboursés les avantages obtenus sans droit, y compris les intérêts moratoires. Des poursuites pénales ou des sanctions pour la soustraction d’impôts ou pour tout autre acte punissable en relation avec celle-ci sont exclues » (FF 2006 8360). Il décrit cependant la nouvelle réglementation comme « la récompense du repentir actif » (FF 2006 8361) et comme ayant pour (seule) conséquence une exemption de peine (FF 2006 8361-8362).

e. Il n'est pas contesté en doctrine que la nouvelle réglementation n'instaure pas une amnistie, mais une exemption de peine (ou éventuellement de poursuite) au sens pénal (Peter LOCHER, Amnistia fiscale e Cantone Ticino, Novità fiscali 8/2013 3-8, pp. 4 s. ; Meinrad BETSCHART, Erstaunliches, Ungereimtes und gesetzgeberisches Versehen im neuen Bundesgesetz über die Einführung der straflosen Selbstanzeige, RF 2009 518-537, pp. 519 note 8), c'est-à-dire que bien qu'ayant agi de manière typique, illicite et coupable, l'auteur reste impuni sur le plan pénal (Tobias ROHNER, Selbstanzeige bei Steuerhinterziehung und Steuerbetrug, Jusletter 8 avril 2013, n. 5). Les auteurs mettent du reste en regard les dispositions de la novelle sur la dénonciation spontanée avec l'art. 52 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0), tout en précisant – à juste titre – que le repentir du contribuable n'est nullement une condition sine qua non du nouveau mécanisme légal (Andreas DONATSCH/Mirjam FREI, Allgemeine Strafmilderungs- und Strafbefreiungsgründe, RF 2010 12-21, pp. 14-17 ; sur le second point voir aussi Rolf BENZ, Die Gültigkeitsvoraussetzungen der erstmaligen Selbstanzeige im Recht der direkten Steuern, RF 2011 182-202, p. 195 s.).

5) a. L’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu’il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 57 et 58, al. 1 LIFD ; art. 24 LHID et 11 et 12 LIPM ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 224).

b. Tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial sont ajoutés au bénéfice imposable (art. 58 al. 1 let. b LIFD ; art. 24 al. 1 let. a LHID et 13 let. e a contrario LIPM), telle par exemple une provision non justifiée.

c. Une provision met à charge du compte de résultat de l'exercice commercial en cours un engagement qui deviendra une dépense commerciale, qui existe ou du moins est vraisemblable à la clôture du bilan, mais dont le montant exact ne sera connu que lors du ou des prochains exercices commerciaux ; les faits qui sont à l'origine de la perte effective ou vraisemblable doivent avoir lieu durant l'exercice commercial en cours (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2012 du 4 octobre 2012 consid. 6.1). La provision a un caractère provisoire et, pour être admise, elle doit être justifiée par l’usage commercial et, conformément au principe de périodicité porter sur des faits dont l’origine se déroule durant la période de calcul (art. 29 al. 1 let a LIFD ; RDAF 1975 p. 355). Ainsi, sont admissibles des provisions pour des engagements de l’exercice dont le montant est encore à déterminer (art. 29 al. 1 let. a LIFD), soit l’obligation de devoir verser des dommages-intérêts ou d’une obligation de garantie si l’engagement en question a pris naissance durant l’exercice en cause. Ne sont pas admissibles les provisions pour des charges futures (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2010 consid. 3.1).

Les provisions ne constituent pas un élément du bénéfice et ne sont, partant, pas imposables mais, à teneur des art. 29 al. 2 LIFD et 13 let. e a contrario LIPM, les provisions qui ne se justifient plus sont ajoutées au revenu commercial imposable.

d. À teneur de l'art. 59 al. 1 let. a LIFD comme de l’art. 13 let. a LIPM , les charges justifiées par l'usage commercial comprennent notamment les impôts fédéraux, cantonaux et communaux, mais non les amendes fiscales.

6) a. Dans un arrêt rendu en 2012, le Tribunal fédéral a estimé qu'un ajustement de la provision pour impôts était d'emblée exclu lorsque la reprise d'impôts était le résultat d'une soustraction fiscale intentionnelle. Il n'y avait alors aucune raison de modifier en faveur du contribuable la provision pour impôts figurant dans les comptes de la société, car l'on n'était pas en présence d'une reprise imprévisible qui justifierait de s'écarter du bilan commercial. En principe, un contribuable qui entend soustraire intentionnellement des montants au fisc n'attire pas l'attention des autorités fiscales en provisionnant au bilan l'équivalent des impôts objet de la soustraction. La provision pour impôts n'est alors pas évaluée de bonne foi en fonction des impôts prévisibles, mais est fixée à un niveau trop bas en connaissance de cause. En cas de redressement fiscal, le contribuable n'est pas confronté à une situation qu'il ne pouvait prévoir, de sorte que rien ne permet de déroger au principe de la déterminance du bilan commercial et de modifier le montant de la provision telle qu'évaluée par le contribuable dans sa comptabilité (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_651/2012 du 28 septembre 2012 consid. 4.2.3).

b. La chambre de céans est même allée plus loin en considérant que lorsque la procédure porte sur un rappel d’impôts et non sur une taxation, si des reprises sont effectuées en relation avec des distributions dissimulées de bénéfices, la déductibilité de l'impôt payé sera admise pour la période fiscale ultérieure mais ne peut plus conduire à une correction de la provision pour impôts figurant dans les comptes de l'année de l'exercice fiscal considéré (ATA/545/2012 du 21 août 2012 consid. 10, citant Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, 1/2 a, Vol. I, 2008, n. 9 ad art. 59 LIFD).

7) En l'espèce, une procédure de rappel d'impôts a été initiée par l'AFC-GE sur la base d'une dénonciation spontanée de la recourante. Cette dénonciation concernait des faits imputables à l'ancien actionnaire de la société, ce dernier ayant créé des créanciers fictifs et effectué ainsi des opérations comptables sans lien avec la réalité. Ces faits doivent s'analyser comme une soustraction fiscale intentionnelle et réalisée, si bien que, conformément à la jurisprudence citée au considérant précédent, tout ajustement ou nouveau calcul de la provision pour impôts des exercices concernés est exclu.

Le fait que la procédure trouve son origine dans une dénonciation spontanée ne change rien à la nature de l'infraction de base, la dénonciation spontanée n'ayant de conséquence que sur la peine, voire la poursuite pénale, mais n'en effaçant pas la typicité pénale. Au surplus, les considérations du Message du Conseil fédéral, dont la recourante fait grand cas, ne peuvent avoir la portée qu'elle leur attribue, dès lors que les effets de la dénonciation spontanée sont de nature purement pénale.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juin 2013 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mai 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gillioz, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance .

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :