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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1580/2015

ATA/42/2017 du 17.01.2017 sur JTAPI/1418/2015 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.02.2017, rendu le 17.11.2017, REJETE, 2C_227/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1580/2015-ICC ATA/42/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2017

4ème section

 

dans la cause

 

MM. A______ et B______C______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2015 (JTAPI/1418/2015)


EN FAIT

1. En décembre 1999, Mme C______ (ci-après : la défunte) a acquis la propriété d'un lot de 6/1000èmes dans l'immeuble sis au _______, rue D______ à Genève (ci-après : l'immeuble) pour le prix de CHF 230'000.-.

2. Suite au décès de leur tante par alliance – Mme C______ – en décembre 2013, MM. A______ et B______ C______ (ci-après : les contribuables) ont hérité de l'immeuble.

3. En août 2015 à tout le moins, les droits de succession afférents à ce bien immobilier n'avaient pas encore été fixés par le service des successions de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

4. Par acte authentique daté du 3 juillet 2014, les contribuables ont vendu l'immeuble à un tiers pour le prix de CHF 440'000.-, sous condition de la délivrance de l'autorisation de vente par le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE).

5. Le DALE ayant délivré cette autorisation, le transfert de propriété a été inscrit au registre foncier le 30 septembre 2014.

6. Le 12 février 2015, les contribuables ont remis chacun à l'AFC-GE leur déclaration pour l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) mentionnant une valeur d'aliénation de CHF 220'000.- (CHF 440'000.- : 2) et une valeur d'acquisition (valeur fiscale 10 ans avant l'aliénation majorée de 30 %) de CHF 149'500.- (CHF 230'000.- x 130 % = 299'000.- : 2). Ils ont notamment déclaré, à titre d'impenses, des droits de succession estimés pour chacun d'eux à CHF 52'000.-. Le gain immobilier imposable se montait finalement à CHF 2'208.- pour chaque frère.

7. Par deux bordereaux IBGI datés du 24 mars 2015, l'AFC-GE a fixé l'IBGI de chaque contribuable à CHF 5'520.80 sur la base d'un gain immobilier imposable de CHF 55'208.-. Ce faisant, elle a refusé de déduire les droits de succession déclarés.

8. Le 2 avril 2015, les contribuables ont formé réclamation à l'encontre de ces deux bordereaux, concluant à leur annulation et à ce que de nouveaux bordereaux IBGI prenant en compte les droits de succession soient émis.

9. Par décisions sur réclamation du 20 avril 2015, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le transfert successoral ne constituait pas une acquisition en matière d'IBGI lorsqu'un propriétaire était entré en possession de l'immeuble ensuite de succession après le 1er janvier 2001.

En effet, l'imposition était différée et seules les dispositions de l'art. 12 al. 3 let. a de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) étaient applicables.

Compte tenu de l'origine de la propriété prise en considération, soit un achat de la défunte le 20 décembre 1999, les droits de succession ne constituaient donc pas des impenses déductibles du gain immobilier.

10. Le 13 mai 2015, les contribuables ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en reprenant les conclusions et l'argumentation de leur réclamation.

11. Par jugement du 7 décembre 2015, le TAPI a rejeté le recours.

Le Tribunal fédéral avait jugé en 2008 que les droits de succession payés par l'héritier aliénateur n'étaient pas imputables sur le prix d'acquisition dans le cadre de la détermination du montant de l'IBGI. Les différences relevées dans le recours par rapport à cette cause lucernoise n'avaient pas d'incidence sur le litige.

Par ailleurs, du point de vue du respect de l'égalité de traitement, la distinction instaurée par le législateur genevois en matière de droits de succession était fondée sur un motif objectif de proximité de lien de parenté avec le défunt. Il n'y avait pas non plus de double imposition du fait de la taxation au titre des droits de succession et de l'IBGI, car les premiers étaient un impôt indirect sur les transactions juridiques et le second un impôt direct, à savoir un impôt spécial sur le revenu ; et ces deux impôts avaient également des objets différents.

12. Par acte posté le 28 décembre 2015, les contribuables ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à celle des décisions de taxation, et à ce que soit revu le calcul de l'IBGI en tenant compte de la déduction des droits de succession.

La LHID ne définissait pas précisément l'objet de l'IBGI, et les cantons disposaient d'une certaine marge de manœuvre dans la façon de calculer le bénéfice. Le principe de la déductibilité des droits de succession figurait à l'art. 82 al. 4 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05).

Le canton de Genève ayant eu huit ans pour modifier sa législation suite à l'entrée en vigueur de la LHID, et ne l'ayant pas fait, il y avait lieu d'appliquer la lettre de la loi et de déduire les frais de succession versés, soit CHF 231'000.-.

13. Le 8 janvier 2016, le TAPI a communiqué son dossier sans émettre d'observations.

14. Le 11 février 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

S'agissant des décès intervenus avant le 1er janvier 2001, l'art. 82 al. 4 LCP s'appliquait, les frais de succession étant déductibles. Pour ceux ayant eu lieu après cette date, l'art. 82 al. 4 LCP ne pouvait plus être appliqué, conformément à la LHID, et il avait été décidé de se conformer directement aux dispositions de cette dernière loi afin de respecter le droit fédéral. Le Tribunal fédéral avait confirmé la non-déductibilité des droits de succession dans l'arrêt de 2008 que le TAPI avait cité et à juste titre appliqué.

15. Le 12 février 2016, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 mars 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

16. Le 24 février 2016, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

L'art. 82 al. 4 LCP n'avait pas été modifié, de sorte qu'il s'appliquait pleinement, sans distinction aucune entre les décès s'étant produits avant ou après le 1er janvier 2001. Cette distinction selon la date de survenance du décès était une pratique qui contrevenait au principe de la légalité.

17. L'AFC-GE ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Concernant le droit applicable, il s'agit de la LHID et de la LCP, leur contenu applicable respectif relevant en l'espèce de l'examen du fond du litige.

3. Celui-ci consiste à savoir si les droits de succession acquittés par les contribuables doivent être pris en compte en tant qu'impenses lors de la détermination de l'IBGI.

4. a. Selon l’art. 12 al. 1 LHID, l’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable, à condition que le produit de l’aliénation soit supérieur aux dépenses d’investissement (prix d’acquisition ou autre valeur s’y substituant, impenses). Toute aliénation d’immeubles est imposable (art. 12 al. 2 phr. 1 LHID). Sont notamment assimilés à une aliénation, les actes juridiques qui ont les mêmes effets économiques qu’une aliénation sur le pouvoir de disposer d’un immeuble (art. 12 al. 2 phr. 2 let. a LHID).

L’art. 12 al. 3 let. a LHID prévoit que l’imposition est différée en cas de transfert de propriété par succession (dévolution d’hérédité, partage successoral, legs), avancement d’hoirie ou donation.

b. Si la perception d’un impôt sur les gains immobiliers est rendue obligatoire par l’art. 12 LHID, celui-ci demeure toutefois vague sur l’aménagement de cet impôt, ne donnant que peu de précisions aux cantons en particulier sur la durée de possession déterminante (ATF 134 II 124 consid. 3.2 = RDAF II 2008 p. 333 ; arrêt 2C_797/2009 du 20 juillet 2010 consid. 2.1). Les cantons restent compétents pour la fixation des barèmes, des taux et des montants exonérés d’impôt (art. 1 al. 3 LHID, art. 129 al. 2 phr. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), sous réserve de l’art. 12 al. 5 LHID. À teneur de cette disposition, les cantons veillent à ce que les bénéfices réalisés à court terme soient imposés plus lourdement.

c. Les cantons adaptent leur législation aux dispositions des titres 2 à 6 de la LHID, soit les art. 3 à 61 LHID, dans les huit ans qui suivent l'entrée en vigueur de celle-ci (art. 72 al. 1 LHID), soit jusqu'au 31 décembre 2000. À l'expiration de ce délai, le droit fédéral est directement applicable si les dispositions du droit fiscal cantonal s'en écartent (art. 72 al. 2 LHID).

5. a. En ce qui concerne le droit genevois, selon l’art. 82 al. 1 LCP, le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d’aliénation et la valeur d’acquisition. La durée de possession à prendre en compte correspond à la période entre l’acquisition et l’aliénation du bien. La valeur d’acquisition est, en général, égale au prix payé pour l’acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale (art. 82 al. 2 LCP).

b. Selon l'art. 82 al. 4 LCP, lorsque le bien a été acquis par dévolution pour cause de mort ou à la suite d’une déclaration d’absence, la valeur d’acquisition est égale à la valeur fixée par le département des finances pour la perception des droits de succession ou d’enregistrement, augmentée du montant desdits droits.

6. Dans un arrêt du 29 juillet 2008 concernant une cause lucernoise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_147/2008 = RDAF 2009 II 440), le Tribunal fédéral a jugé sur la base de l'art. 12 LHID qu'en cas d'aliénation d'un immeuble acquis par le biais d'un transfert justifiant une imposition différée, le prix d'acquisition est celui du dernier transfert imposable ; il s'ensuit que seuls peuvent être imputés du prix d'aliénation les frais étroitement liés à l'acquisition déterminante d'un point de vue fiscal. Cette règle ne vaut pas uniquement pour le prix d'acquisition en tant que tel, mais également pour toutes les dépenses qui y sont liées. Le fait que le transfert de propriété par succession constitue de par la loi un cas d'imposition différée oblige les cantons, lors d'une aliénation ultérieure, à ne pas le prendre en considération dans le calcul de l'impôt sur les gains immobiliers, la doctrine dominante considérant qu'en cas de dévolution de fortune privilégiée au point de vue de l'impôt sur les gains immobiliers (imposition différée), la déductibilité de l'impôt sur les successions ne saurait être admise (arrêt du Tribunal 2C_147/2008 précité consid. 2.3).

Cette solution ne trouve pas sa justification dans le seul fait que l'imposition de l'IBGI est différée en cas d'acquisition de l'immeuble par voie successorale, mais aussi en raison de leur nature et de leur objet différents, les droits de succession étant un impôt indirect sur des transactions, alors que l'IBGI constitue un impôt direct spécial sur le revenu (ibid., consid. 2.4).

7. Les recourants invoquent l’application de la lettre de l’art. 82 al. 4 LCP, la jurisprudence fédérale prise en compte par l’AFC-GE puis par le TAPI n’étant pas, d’après eux, déterminante et l'application directe de la LHID constituant une pratique fiscale qui irait à l'encontre du principe de la légalité.

Ce dernier argument tombe clairement à faux, car il méconnaît l'art. 72 al. 2 LHID précité et les principes constitutionnels de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.) et de l'application obligatoire des lois fédérales par toutes les autorités (art. 190 Cst.). S'il eût sans doute été plus adéquat, notamment pour la lisibilité et l'accessibilité de la législation, que le législateur genevois adapte la LCP à la LHID, la contrariété de la première à la seconde a persisté, si bien que le droit fédéral impose l'application directe de la LHID, et par conséquent la distinction entre les décès intervenus avant et après le 1er janvier 2001 – étant précisé qu'il découle également de la jurisprudence fédérale l'impossibilité de faire une application directe de la LHID pour les événements survenus avant le 1er janvier 2001 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_797/2009 précité consid. 4.2).

8. Le fait que les recourants ont dû payer lesdits droits de succession pour acquérir l’immeuble doit ainsi s’examiner à la lumière du droit applicable au moment de cette acquisition survenue à la suite du décès de Mme C______, à savoir à une période où la LHID était applicable directement de manière obligatoire.

Dans ce cadre, l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_147/2008 précité, tel qu'appliqué par les autorités précédentes, ne peut être écarté sous prétexte de viser une affaire lucernoise (ATA/19/2017 du 10 janvier 2017 consid. 5a). D’une part, cette jurisprudence se fonde sur l’art. 12 LHID. D’autre part, la question de la déduction des droits de succession touche l’objet de l’IBGI, qui est soumis au principe de l’harmonisation fiscale conformément à l’art. 129 al. 2 phr. 1 Cst. Ainsi, les droits de succession payés par les recourants suite au décès de feu Mme C______ en décembre 2013 ne peuvent pas être pris en compte dans le cadre de la fixation de l’IBGI au regard du cadre légal alors applicable, qui a été correctement exposé dans le jugement du TAPI.

Par conséquent, le grief des recourants doit être écarté.

9. Mal fondé, le recours sera rejeté.

10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 décembre 2015 par MM. A______ et B______ C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de MM. A______ et B______ C______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à MM. A______ et B______ C______, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :