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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/5384/2007

ATA/415/2011 du 28.06.2011 sur DCCR/72/2011 ( LCI ) , REJETE

Parties : PHARMACIE DU ROND-POINT S.A. / VILLE DE GENEVE, SERVICE DE LA SECURITE ET DE L'ESPACE PUBLICS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/5384/2007-LCI ATA/415/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2011

2ème section

 

dans la cause

 

PHARMACIE DU ROND-POINT S.A.
représentée par Me Jean-Marie Crettaz, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - SERVICE DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ESPACE PUBLICS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2011 (JTAPI/72/2011)


EN FAIT

1. Pharmacie du Rond-Point S.A., de siège à Genève (ci-après : la pharmacie), est propriétaire d’une officine située 6, Rond-Point de Plainpalais en Ville de Genève (ci-après : la ville). Cet immeuble est situé dans le périmètre protégé du plan de site du Rond-Point de Plainpalais.

La pharmacie fait partie de la chaîne « Pharmacie plus ».

2. Le 3 septembre 2007, le service de la sécurité et de l’espace publics (ci après : le service) de la ville a dressé un constat duquel il résultait que des enseignes et un panneau mobile étaient installés sans autorisation à l’adresse du commerce susmentionné.

3. Le 5 septembre 2007, le service a informé la pharmacie que lors d’un contrôle, il avait constaté que diverses enseignes et un panneau mobile avaient été installés sans autorisation à l’adresse précitée. La pharmacie était priée de déposer une demande en bonne et due forme, dans un délai venant à échéance le 19 octobre 2007.

4. Par décision du 23 novembre 2007, la ville a refusé l’autorisation sollicitée, la régularisation des enseignes existantes ayant été soumise à la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS) qui avait déposé le 6 novembre 2007 un préavis négatif.

La CMNS demandait que les procédés de réclame respectent mieux le caractère architectural du bâtiment en supprimant les enseignes sur les jambages des arcades en pierre, en diminuant les dimensions (largeur et hauteur) de l’enseigne en imposte et en supprimant l’enseigne perpendiculaire inférieure.

S’agissant de l’enseigne perpendiculaire « croix de pharmacie », ce procédé n’était pas conforme au règlement d’application de la loi sur les procédés de réclame du 11 octobre 2000 (RPR - F 3 20.01) qui limitait la surface d’une telle enseigne à 0,50 m2 par face. Un délai au 7 janvier 2008 était imparti à la pharmacie pour retirer ses procédés de réclame non conformes.

5. Le 17 décembre 2007, la pharmacie a recouru contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, remplacée depuis le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue elle-même le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) depuis le 1er janvier 2011.

Elle s’est plainte notamment d’une violation du principe de proportionnalité eu égard à l’enseigne en imposte (croix verte). Celle-ci dépassait de 0,061 m2 la dimension de 0,50 m2 prescrite par le RPR, laquelle n’était d’ailleurs pas absolue. L’intérêt public au respect de la loi ne l’emportait nullement sur celui de l’intérêt privé de la pharmacie. Cette dernière faisait partie d’un groupe pharmaceutique et devait se plier aux exigences d’uniformisation en matière d’enseigne. En outre, elle avait un intérêt à se préserver des déprédations dues à l’affichage sauvage et à ce que ses enseignes soient bien visibles.

6. D’entente entre les parties, l’instruction de la cause a été suspendue le 1er février 2008.

Le 2 novembre 2010, la ville a informé la commission que la situation avait évolué de sorte que les exigences de la CMNS pouvaient désormais être considérées comme satisfaites. Seule subsistait la non-conformité de l’enseigne perpendiculaire « croix de pharmacie », compte tenu de sa surface excédant 0,50 m2.

7. Par jugement du 27 janvier 2011, le TAPI a rejeté le recours de la pharmacie.

L’enseigne « croix de pharmacie » correspondait à un procédé perpendiculaire d’une surface supérieure à 0,50 m2 des deux côtés. Par conséquent, cette installation était contraire aux dispositions réglementaires pertinentes et ne pouvait être autorisée. Dans l’examen du principe de la proportionnalité auquel il a procédé, le TAPI a retenu que certes, l’intérêt public au démontage de l’enseigne litigieuse apparaissait mince compte tenu d’un dépassement de la dimension réglementaire de 61 cm2, mais il a pris en considération le fait que la pharmacie avait mis l’autorité devant le fait accompli.

Dit jugement a été communiqué aux parties le 8 février 2011.

8. Le 10 mars 2011, la pharmacie a recouru auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné.

Le raisonnement de l’autorité intimée était entaché d’une contradiction qui consacrait une violation du droit à une décision motivée garanti par l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et qui révélait une logique arbitraire : un juge ne pouvait à la fois dire que la loi n’était pas violée puisque l’enseigne litigieuse ne nuisait pas à l’esthétique et en ordonner le retrait parce qu’elle serait illégale.

La décision devait être annulée pour violation du principe de proportionnalité si tant est qu’il apparaissait totalement disproportionné d’imposer à la pharmacie le retrait de l’ancienne « croix de pharmacie » en place depuis mai 2005 au vu du dépassement de 0.061 m2. Le remplacement par une nouvelle enseigne d’une surface réduite de cette dimension ne modifierait nullement la perception que le public passant pourrait avoir du site.

Elle conclut à l’annulation du jugement attaqué et subsidiairement, à la tenue d’un transport sur place.

9. Dans sa réponse du 30 avril 2011, la ville s’est opposée au recours avec suite de frais et dépens.

Il ressortait des pièces produites par la pharmacie elle-même que le diamètre du cercle de la « croix de pharmacie » était de 935 millimètres. Dès lors, la surface du procédé perpendiculaire litigieux était de 0,687 m2, soit supérieure de 0,187 m2 de la limite autorisée et non pas de 0,061 m2. La surface réglementaire maximale admise était donc dépassée de plus de 35 %, ce qui ne constituait pas un « modeste dépassement » comme voulait le faire croire la pharmacie. Cela étant, on ne saurait prétendre que l’enseigne litigieuse ne nuisait pas à l’esthétique alors que sa taille était très largement exorbitante par rapport à la norme.

Régulariser une telle enseigne consacrerait une considérable inégalité de traitement vis-à-vis de tous les autres commerces soumis aux prescriptions légales et réglementaires. Le grief de violation du principe de la proportionnalité n’était pas fondé.

Aussi bien le jugement entrepris que la décision du 23 novembre 2007 du service devaient être confirmés.

10. La pharmacie a été autorisée à répliquer, ce qu’elle a fait le 30 mai 2011.

Le dépassement en cause qui était limité à 0,187 m2 ne nuisait pas à l’esthétique de sorte que la décision prononcée par la commission le 7 septembre 2007 portant sur un dépassement excédant la limite légale de 100 % n’était pas pertinente.

11. La ville a dupliqué le 15 juin 2011 en persistant dans ses conclusions. Le dépassement de la limite autorisée de 0,187 m2 était admis par la pharmacie. Même s’il n’atteignait pas le double de la cote maximale réglementaire, il dépassait allègrement cette dernière de plus d’un tiers. La ville était attentive à éviter tout formalisme excessif, en tolérant parfois des dépassements de l’ordre de plus ou moins 5 %, mais elle ne saurait en l’espèce fermer les yeux devant un dépassement aussi considérable. La substitution de l’enseigne actuelle par un modèle respectant la surface maximale réglementaire était d’autant plus aisée que la chaîne « Pharmacie plus » disposait de procédés adéquats, soit d’un modèle d’un diamètre de 0,80 mètre, équivalant à 0,50 m2, ainsi qu’en témoignait une permission délivrée le 10 décembre 2008 à une exploitante d’une pharmacie à l’enseigne similaire.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 17 juin 2011.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige ne porte plus que sur les dimensions de l’enseigne « croix de pharmacie » apposée devant le commerce de la recourante.

3. a. Sous réserve des exceptions prévues par la loi, tous les procédés de réclame, perceptibles depuis le domaine public, sont soumis à la loi sur les procédés de réclame du 9 juin 2000 (LPR - F 3 20), qu’ils soient situés sur le domaine public ou privé (art. 3 LPR).

b. A teneur de l’art. 12 al. 2 RPR, le procédé de réclame placé sous une marquise ou un balcon doit se situer à 2,70 mètres au minimum au-dessus du sol, sa surface ne peut excéder 0,50 m2.

En l’espèce, seule cette dimension prête à discussion.

4. Dans sa réplique du 30 mai 2011, la recourante admet que l’enseigne litigieuse dépasse de 0,187 m2 la surface réglementaire.

Il s’ensuit que l’ordre de suppression de ce procédé de réclame, manifestement contraire à la législation en vigueur, est fondé dans son principe.

5. Reste à examiner si l’enlèvement du procédé de réclame litigieux ordonné par la ville respecte le principe de proportionnalité qui gouverne toute action étatique.

a. Le principe de la proportionnalité exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).

b. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001, consid. 2c).

En l’espèce, la recourante ne soutient pas que l’exécution de la mesure litigieuse occasionnerait un coût important ou entraînerait une diminution sensible de son chiffre d’affaires. De plus, faisant partie d’une chaîne de pharmacies, celle-ci dispose de procédés adéquats, acceptés par le service ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats.

Aucune autre mesure moins incisive ne permettrait de rétablir une situation conforme au droit. La décision querellée respecte ainsi le principe de la proportionnalité.

En conséquence, le recours sera rejeté.

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA).

Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, aucune indemnité ne sera allouée à la ville (ATA/301/2011 du 17 mai 2011 ; ATA/185/2011 du 22 mars 2011 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2011 par la Pharmacie du Rond-Point S.A. contre le jugement du 27 janvier 2011 du Tribunal administratif de première instance ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marie Crettaz, avocat de la recourante, à la Ville de Genève - service de la sécurité et de l'espace publics ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :