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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2846/2008

ATA/408/2008 du 12.08.2008 ( DETEN ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2846/2008-DETEN ATA/408/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 août 2008

en section

dans la cause

 

Monsieur K______

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE POLICE DES ÉTRANGERS

et

OFFICIER DE POLICE


 


EN FAIT

1. Monsieur K______, ressortissant tunisien né en 1962, sans domicile fixe et sans titre de séjour en Suisse, a été interpellé par la police le 7 juillet 2008, alors qu'il venait de vendre 1,8 gramme de haschisch pour la somme de CHF 20.-. Il était porteur d'un morceau de haschisch de 19,5 grammes.

Entendu par la police, il a expliqué qu'il allait bientôt se marier avec la mère de sa fille, née en août 2007. Il travaillait au noir comme videur sur le site A______, ou dans d'autres discothèques de la ville, et percevait ainsi entre CHF 1'500.- et CHF 1'800.- par mois. Il admettait les faits qui lui étaient reprochés.

2. Le 8 juillet 2008, l'officier de police a décidé d'interdire à M. K______ de pénétrer sur une partie du territoire du canton de Genève pour une durée de six mois.

3. La commission de recours de police des étrangers (ci-après : la commission) a confirmé cette décision, lors d'une audience qui s'est tenue le 28 juillet 2008. En application du principe de la proportionnalité, elle a consenti au recourant l’autorisation d’emprunter les lignes des transports publics genevois (ci-après : TPG) nos16, des arrêts Rive à Cornavin, puis 13 ou 15 de Cornavin à l'arrêt avenue de France, afin de permettre à l'intéressé d'accompagner et de rechercher sa fille à la crèche L______, située à la rue Y______.

A cette occasion, M. K______ a précisé qu'il avait été condamné à une peine de trente jours d'emprisonnement par un juge d'instruction.

4. Par courrier mis à la poste le 4 août 2008, M. K______ a recouru auprès du Tribunal administratif. Il ne contestait pas les faits qui lui étaient reprochés, mais avait déjà subi une peine de prison de trente jours ; la mesure litigieuse constituait une double sanction. Il devait conduire sa fille, âgée d’un an, à la crèche L______ et la reprendre en fin de journée. Il effectuait des petits travaux pour nourrir sa famille, étant précisé que sa future épouse avait déjà un enfant âgé de cinq ans. Pendant son incarcération, il avait souffert d'une dépression et avait été hospitalisé pendant huit jours.

5. Le 5 août 2008, la commission a transmis son dossier au tribunal de céans, sans formuler d'autres observations.

6. Le 7 août 2008, le commissaire de police s'est opposé au recours. M. K______ était connu des services de police pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, menaces, recel, vol et infractions à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20). La mesure litigieuse visait à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. Dès lors que la commission avait autorisé M. K______ à utiliser les TPG pour amener et rechercher sa fille à la crèche, cette décision respectait le principe de la proportionnalité.

7. Les condamnations suivantes ressortent des antécédents pénaux de M. K______, transmis par le Parquet de Monsieur le Procureur général à la demande du juge délégué :

huit ans de réclusion, pour vols par métier, tentatives de vols par métier, dommages à la propriété et rupture de ban, mesure prononcée par la Cour d'assises du canton de Genève le 9 février 1990 ;

CHF 150.- d'amende pour infraction à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) et violation des devoirs en cas d'accident, mesure prononcée par le Tribunal de Police le 10 décembre 1996 ;

CHF 700.- d'amende pour conduite en état d'ivresse, mesure prononcée par le Tribunal de police le 7 mars 2001 ;

deux mois d'emprisonnement pour tentative de vol, recel, infraction à la LFSEE et rupture de ban, mesure prononcée par un juge d'instruction le 3 janvier 2002 ;

vingt jours d'emprisonnement pour dommages à la propriété, tentative de violation de domicile et menace, mesure prononcée par un juge d'instruction le 24 août 2004 ;

deux mois d'emprisonnement pour vol, dommage à la propriété et violation de domicile, mesure prononcée par un juge d'instruction le 31 mars 2005 ;

dix jours d'emprisonnement pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), mesure prononcée par un juge d'instruction le 10 octobre 2005 ;

vingt et un jours d'arrêts pour vol et infraction à la LFSEE, mesure prononcée par le Tribunal de police le 13 février 2006 ;

amende de CHF 1000.- et peine pécuniaire de vingt jours pour infraction à la LCR, mesure prononcée par le Procureur général le 20 novembre 2007 ;

amende de CHF 1000.- et peine pécuniaire de vingt jours pour infraction à la LCR, mesure prononcée par le Procureur général le 24 avril 2008 (peine complémentaire à la condamnation du 20 novembre 2007 ;

trente jours de peine privative de liberté, mesure prononcée par un juge d'instruction le 14 juillet 2008 pour infraction à la LStup, suite à l'arrestation du 7 juillet 2008, à l'origine de la présente procédure.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A al. 2 lettre d de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. l lettre b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il l'est également au regard des articles 13 alinéa 3 et 10 alinéa l de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 16 juin 1988 (LaLSEE - F 2 10), et les modifications de celle-ci du 25 avril 2008, entrées en vigueur le 24 juin 2008.

2. A teneur de l’article 74 alinéa 1 lettre a de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), l’autorité cantonale peut enjoindre un étranger, qui n’est pas titulaire d’une autorisation de séjour et d’établissement et qui trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics, de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée, notamment en vue de lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. Les conditions d’application de cette disposition sont cumulatives.

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d’autorisation de séjour et d’établissement n’ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S’agissant d’une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l’étranger concerné « le seuil, pour l’ordonner, n’a pas été placé très haut ». Selon le Conseil fédéral, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l’ordre public (eodem loco). Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/338/2007 du 29 juin 2007).

3. En l’espèce, si le recourant admet être consommateur de haschisch, ses antécédents - certes lourds - n'indiquent qu'une seule condamnation à dix jours d'emprisonnement pour infraction à la LStup, en 2005.

De plus, les fait pour lesquels il a été condamné en juillet 2008, en particulier au vu de la quantité vendue, ne revêtent pas un caractère de gravité. La mesure prononcée n'a d'autre part aucun effet pour protéger la société d'une éventuelle récidive s'agissant des autres infractions apparaissant dans les antécédents du recourant, la commission de ces dernières n'étant absolument par liée à une portion précise du territoire du canton de Genève, contrairement au trafic de stupéfiants qui lui est reproché, mais qui est insuffisant, sous l'angle de la proportionnalité, à justifier la mesure à lui seul.

4. Dans ces circonstances, le recours sera admis, et la décision litigieuse annulée.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à M. K______, qui a agi en personne. Un émolument de CHF 400.-, sera mis à la charge de l'officier de police, qui succombe.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2008 par Monsieur K______ contre la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers du 28 juillet 2008 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers du 28 juillet 2008 ainsi que celle prononcée par l'officier de police le 8 juillet 2008 interdisant à Monsieur K______ de pénétrer sur une portion du territoire du canton de Genève ;

met à la charge de l'officier de police un émolument de CHF 400.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur K______ ainsi qu'à la commission cantonale de recours de police des étrangers, à l’officier de police, à la prison de Champ-Dollon, à l’office cantonal de la population et à l’office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, juges.


Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :