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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3824/2007

ATA/37/2011 du 25.01.2011 sur DCCR/1068/2009 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.03.2011, rendu le 14.11.2011, REJETE, 2C_200/2011
Descripteurs : ; OBLIGATION D'ENTRETIEN ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.209 ; LIFD.212 ; LIFD.213 ; LIFD.33.al1.letc ; aLIPP-V.5 ; aLIPP-V.14
Résumé : Les contributions d'entretien versées par le recourant à son épouse dont il s'était séparé en cours d'année, doivent être prises en compte pro rata temporis, soit depuis la date de la séparation. Une telle solution ne viole ni le principe de la capacité contributive, ni celui de l'égalité de traitement. De même, les charges de famille ne peuvent être admises que pour l'enfant devenu majeur au cours de l'année en cause.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3824/2007-ICCIFD ATA/37/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 25 janvier 2011

1ère section

dans la cause


Monsieur M______

représenté par Me Michel Lambelet, avocat

contre


ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 26 octobre 2009 (DCCR/1068/2009)


EN FAIT

1. Le litige concerne l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2003.

2. Monsieur M______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) est séparé de son épouse depuis le 1er septembre 2003 et est père de deux enfants, nés respectivement le 18 février 1983 et le 27 février 1986.

3. En date du 22 juin 2004, le contribuable a informé l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) qu’il s’était séparé de son épouse en 2003 et qu’il s’était constitué un domicile séparé dans le courant du deuxième semestre de l’année. Depuis le mois de septembre 2003, le couple ne mettait plus en commun les moyens nécessaires ni à leur logement ni à leur entretien et devait en conséquence faire l’objet d’une taxation séparée pour toute l’année 2003.

4. Le 30 juin 2004, le contribuable a retourné sa déclaration fiscale 2003, dans laquelle il a notamment déduit un montant de CHF 200'004.- au titre de contributions d’entretien. A sa déclaration, il a annexé copie d’une convention sous seing privé datée du 24 octobre 2003 conclue avec son épouse, par laquelle il s’engageait à lui verser chaque mois, dès le mois de septembre 2003, un montant total de CHF 16'667.- à titre de contribution à son entretien et à celui de leurs enfants.

5. Par courrier du 17 janvier 2005, en réponse à une demande de l’AFC-GE du 15 décembre 2004, le contribuable a précisé que la séparation était intervenue sur la base de la convention sous seing privé et qu’il ne disposait pour l’heure d’aucun document de séparation judiciaire. La contribution d’entretien était versée depuis le mois de septembre 2003, mais dès lors que la situation des époux se déterminait au 31 décembre 2003, il avait porté en déduction dans sa déclaration le montant de la pension annualisée. La somme mensuelle de CHF 16'667.- se décomposait à hauteur de CHF 12'667.- en faveur de son épouse et de CHF 2'000.- pour chaque enfant.

6. Le 28 juin 2005, l’AFC-GE a notifié au contribuable un bordereau de taxation IFD 2003 d’un montant de CHF 64'487,70, fondé sur un revenu imposable de CHF 574'100.- en application du barème personne seule.

Le même jour, elle a notifié un bordereau ICC 2003 d’un montant de CHF 170'757,85, fondé sur un revenu imposable de CHF 574'883.- et d’une fortune imposable de CHF 69'981.- en application du barème A.

Dans les deux cas, l’AFC-GE a retenu un montant de CHF 58'667.- au titre de contributions d’entretien en lieu et place des CHF 200'004.- déclarés.

7. Le 8 juillet 2007, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre des deux bordereaux précités. En particulier, il devait être tenu compte du système d’imposition post numerando qui le conditionnait à être considéré comme un contribuable séparé pour toute l’année 2003, nonobstant la séparation intervenue au cours de cette année-là. Il n’était pas acceptable de ne tenir compte de la pension versée à son épouse et à ses enfants que prorata temporis, dès lors que pour la première partie de l’année, il les avait entretenus également, mais pas sur la base d’une convention de séparation. Si l’on souhaitait tenir compte des pensions au prorata, il convenait de faire une taxation « marié » jusqu’à la date de la séparation et une taxation « séparé » depuis la date de celle-ci, ce qui n’était pas possible au regard de la loi.

8. Par décisions du 5 septembre 2007, l’AFC-GE a rejeté la réclamation précitée en tant qu’elle portait sur ce point. La convention sous seing privé du 24 octobre 2003 prévoyait à son art. 1 que la pension alimentaire était versée à compter de septembre 2003. Selon la jurisprudence cantonale, la prise en charge de l’entretien du couple par le contribuable avant la séparation ne pouvait être considérée comme faisant partie de la pension alimentaire.

9. Par plis du 8 octobre 2007, le contribuable a interjeté recours contre ces décisions auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts et de la commission cantonale de recours de l’impôt fédéral direct, remplacées par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) et devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

En substance, du 1er janvier au 31 août 2003, il avait supporté l’intégralité des frais afférents à son ménage composé de son épouse et de ses deux enfants, alors que depuis le mois de juillet, il avait un domicile distinct. Par convention datée du 24 octobre 2003, il s’était engagé à verser des contributions d’entretien de CHF 16'667.- par mois, à compter du 1er septembre 2003. Le montant des contributions avait été fixé compte tenu des dépenses de la famille, estimées à CHF 206'800.- par an. Il devait donc pouvoir déduire les pensions versées du 1er septembre au 31 décembre 2003, ainsi que le montant qu’il avait consacré à l’entretien de sa famille du 1er janvier au 31 août 2003, montant identique à celui de la pension fixée. En conséquence, une déduction de CHF 152'004.- (douze fois CHF 12'667.-) pour les pensions versées en faveur de son épouse et de CHF 24'000.- (douze fois CHF 2'000.-) pour les contributions d’entretien versées à son enfant mineur, soit au total CHF 176'004.- pour l’année 2003, devait être retenue.

Par ailleurs, si l’on ne devait garder que le montant des pensions fixées par la convention, le principe de la capacité contributive était violé dès lors qu’il n’était pas admissible qu’un contribuable soit taxé différemment selon la date de signature d’une convention, entérinant une pension alimentaire fixée sur le budget annuel habituel de la famille.

Le principe de l’égalité de traitement était également bafoué car rien ne permettait de justifier une différence importante d’impôts entre deux contribuables qui entretenaient durant toute l’année leur famille mais dont l’un aurait signé une convention sous seing privé entré en vigueur en début d’année et l’autre en fin d’année.

Au niveau cantonal, il devait être également mis au bénéfice d’un montant additionnel pour charge de famille de CHF 13'000.-(deux fois CHF 6'500.-) divisé par deux, soit CHF 6'500.-. Pour l’IFD, il avait droit à une déduction au titre de charge de famille de CHF 11'200.- (deux fois CHF 5'600.-).

Une déduction pour primes d’assurance vie et intérêts d’épargne de CHF 3'500.- devait être retenue au lieu des CHF 2'000.- admis par l’AFC-GE pour la taxation ICC et une déduction de CHF 2'900.- devait être acceptée en lieu et place des CHF 1'500.- admis pour la taxation IFD.

Il a conclu à la nullité des bordereaux de taxation 2003 et à ce que l’AFC-GE émette de nouveaux bordereaux ICC et IFD tenant compte des CHF 176'004.- versés au titre de pensions et contributions d’entretien, d’un montant additionnel pour charge de famille de CHF 6'500.- pour l’ICC et de CHF 11'200.- pour l’IFD, ainsi que des primes d’assurance vie et d’intérêts d’épargne de CHF 3'500.- pour l’ICC et de CHF 2'900.- pour l’IFD.

10. Dans ses réponses du 9 avril 2008, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Il ressortait de la jurisprudence cantonale que les déductions sociales et les barèmes étaient déterminés d’après la situation du contribuable tel qu’elle existait à la fin de la période fiscale. En l’occurrence, à la date déterminante du 31 décembre 2003, le contribuable était séparé de son épouse, de sorte que c’était à juste titre qu’il avait été imposé séparément pour l’ensemble de la période fiscale, sur la totalité de ses revenus.

Par ailleurs, toujours selon la jurisprudence cantonale, le principe de la capacité contributive ne permettait pas de déroger à celui de la date déterminante ni au système des déductions sociales. Ainsi, en l’espèce, seules devaient être portées en déduction les contributions d’entretien versées de septembre à décembre 2003 en faveur de l’épouse (quatre fois CHF 12'667.-) et de l’enfant mineur (quatre fois CHF 2'000.-) soit le montant de CHF 58'667.-.

L’autre enfant du contribuable étant devenu majeur en février 2003, la contribution versée en sa faveur n’était plus déductible. L’AFC-GE avait toutefois admis en déduction une demi-charge de famille pour l’ICC et une charge de famille pour l’IFD.

11. Par décision du 26 octobre 2009, la commission a partiellement admis les recours après les avoir joints.

Le contribuable devait être soumis au barème de l’art. 214 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), respectivement au barème A (art. 11 al. 1 aLIPP-V).

S’agissant des pensions alimentaires et des contributions d’entretien, le Tribunal administratif avait jugé dans un arrêt du 30 novembre 2004, qu’un contribuable séparé de fait de son épouse depuis le 1er décembre 2001 ne pouvait pas déduire les subsides d’entretien pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2001, alors qu’il avait assumé l’entretien de sa famille durant ladite période, mais seulement ceux du mois de décembre 2001 car le législateur fédéral avait choisi le système de la date déterminante et le principe de la capacité contributive ne trouvait pas d’assise en droit fédéral pour déroger audit système.

Au vu de cette jurisprudence, c’était à juste titre que l’AFC-GE avait retenu en déduction les pensions alimentaires versées en faveur de l’épouse du contribuable et les contributions d’entretien versées en faveur de son enfant mineur du 1er septembre au 31 décembre 2003.

Pour ce qui concernait la charge de famille, tant au niveau fédéral que cantonal, le contribuable ne pouvait pas s’en prévaloir pour son enfant mineur dont il n’avait pas la garde. En revanche, pour l'IFD, il devait être mis au bénéfice d’une déduction de CHF 5'600.- pour son enfant majeur à l’entretien duquel il pourvoyait. De même avait-il droit en ICC à une demi-charge de famille de CHF 3'250.-. Les décisions de l’AFC-GE concernant ce poste étaient donc conformes à la législation tant fédérale que cantonale.

Enfin, le recours du contribuable devait être admis sur la question des déductions des primes d’assurance en application des art. 212 al. 1 et 213 al.1 let. b LIFD et 14 aLIPP-V.

12. Le contribuable a interjeté recours à l’encontre de cette décision par acte du 1er décembre 2009 en développant son argumentation exposée en première instance. Seules les déductions sociales et les barèmes étaient déterminés d’après la situation existante à la fin de la période fiscale, alors que les déductions générales n’étaient pas concernées par ce « diktat ». C’était d’ailleurs pour cette raison que les pensions versées à un enfant mineur, devenu majeur avant le 31 décembre de l’année fiscale, étaient déductibles dans le chef du contribuable qui versait les pensions et restaient imposables dans le chef du contribuable et recevant.

Pour ce qui concernait l’égalité de traitement, deux hypothèses étaient envisageables. Soit l’on considérait qu’il n’était plus marié à la date déterminante et cette constatation l’emportait pour toute l’année comme pour un homme séparé depuis le 1er janvier 2003. Les pensions alimentaires devaient alors être déduites sur une base annuelle. Soit la séparation n’était pas valable pour les douze mois de l’année fiscale, auquel cas sa situation devait être la même que celle d’un contribuable ayant vu son assujettissement se terminer à la date de la séparation « (taxation sur la base d’une situation mariée avec charge de famille et barème ad hoc) ». Il fallait alors cumuler cette taxation avec celle que connaîtrait un nouveau contribuable dont l’assujettissement débuterait à la date de la séparation. Ce problème ne pouvait rester sans solution, la doctrine ayant expressément examiné la question de la surtaxation des contribuables se séparant en cours d’année. A défaut de solutions expressément décrites dans les législations idoines, il y avait lieu d’appliquer les principes généraux, tels que ceux de la capacité contributive et de l’égalité de traitement.

S’agissant des charges de famille, il devait non seulement être mis au bénéfice d’une déduction pour enfant majeur mais également d’une même déduction pour son enfant mineur dont il assurait l’entretien également. Du point de vue fédéral, il fallait se baser sur la situation que connaissaient les enfants devenus majeurs en cours d’année fiscale. Au niveau cantonal, l’art. 14 al. 5 let. c aLIPP-V devait lui être appliqué et celui-ci ne faisait aucune distinction entre les enfants mineurs et majeurs.

Le contribuable reprend ses conclusions de première instance et sollicite de surcroît une indemnité de procédure.

13. Dans sa réponse du 19 janvier 2010, l’AFC-GE a développé les arguments précédemment exposés par devant la commission et conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la commission.

14. Par courrier du 5 février 2010, la commission a transmis son dossier et a indiqué persister dans les considérants et le dispositif de sa décision.

15. En date du 9 février 2010, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a renoncé à déposer des observations et conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la commission.

16. A la demande du contribuable, une comparution personnelle et d’enquêtes a eu lieu le 3 mai 2010. Madame M______, épouse du contribuable, a confirmé que le chiffre qui figurait sur le budget annuel de la famille avant la séparation était correct. C’était sur cette base que la convention du 24 octobre 2003 avait été établie pour fixer la contribution d’entretien que lui versait son époux. Les montants apparaissant dans le budget correspondaient à des sommes qui avaient été effectivement versées pour les différents postes y figurant. Cet argent provenait du revenu du contribuable.

Lors de cette audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 - aLOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010).

2.. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la Chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la Chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

3. Le litige porte sur la question de la déductibilité des pensions alimentaires que le contribuable a versées à son conjoint et à ses enfants, ainsi que des charges de famille. Le contribuable conteste le principe de la date déterminante en arguant d'une part que les déductions générales ne seraient pas concernées par ce "diktat". D'autre part, les principes de la capacité contributive et de l'égalité de traitement seraient violés en raison d'un traitement différencié des contribuables selon la date à laquelle ils signeraient une convention de séparation.

4. La nouvelle loi sur l’imposition des personnes physiques adoptée le 12 juin 2009 par le Grand Conseil a été acceptée en votation populaire le 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Elle unifie les cinq lois issues de l’adaptation de la législation fiscale genevoise sur l’imposition des personnes physiques aux exigences de la LHID. Elle s'applique pour la première fois aux impôts de la période fiscale 2010 (art. 72 al. 1 LIPP). Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Le litige concernant la période fiscale 2003 doit ainsi être examiné, pour ce qui est de l'ICC, au regard de l’aLIPP-II et l'aLIPP-V.

5. En vertu des art. 5 de l'ordonnance sur le calcul dans le temps de l'impôt fédéral direct dû par les personne physiques (OCF - RS 642.117.1) et 5 al. 3 aLIPP-II, lorsque cesse la vie commune, chaque conjoint est taxé séparément pour l'ensemble de la période fiscale.

En l'espèce, le contribuable s'étant séparé de sa femme le 1er septembre 2003, il doit être taxé séparément pour la période fiscale 2003.

6. Les arts. 209 al. 2 LIFD et 1 al. 2 aLIPP-II disposent que la période fiscale correspond à l'année civile.

7. L'art. 212 LIFD a pour objet les déductions générales. En son alinéa 3, il précise que pour les autres déductions, c'est l'art. 33 LIFD qui fait règle.

8. Selon l'art. 33 al. 1 let. c LIFD, sont déduits du revenu la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfant sur lesquels il a l'autorité parentale.

Pour ce qui concerne le droit genevois, l'art. 5 aLIPP-V a la même teneur.

9. L'art. 213 LIFD traite quant à lui des déductions sociales. Selon son al. 1 (dans sa teneur en vigueur pour la période fiscale 2003, selon l'art. 7 de l'ordonnance du 4 mars 1996 sur la compensation des effets de la progression à froid pour les personnes physiques en matière d'impôt fédéral direct (OPFr - RS 642.119.2)) "sont déduits du revenu net : (a) pour chaque enfant mineur, ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l'entretien, CHF 5'600.- ; (b) pour chaque personne totalement ou partiellement incapable d'exercer une activité lucrative, à l'entretien de laquelle le contribuable pourvoit, à condition que son aide atteigne au moins le montant de la déduction, CHF 5'600.-, cette déduction n'est pas accordée pour l'épouse, ni pour les enfants pour lesquels la déduction selon la let. a est accordée".

L'al. 2 ajoute que "les déductions sociales sont fixées d'après la situation existant à la fin de la période fiscale (art. 209) ou de l'assujettissement".

10. Selon l'art. 14 aLIPP-V, "le rabais d'impôt, au sens de l'art. 10 al. 1, se calcule par application des barèmes des art. 11 ou 12 aux montants déterminants suivants, au taux applicable à ses seuls montants : (…) en ce qui concerne les charges de famille, les montants déterminants, au sens de l'al. 1, sont les suivants : a) CHF 3'250.- pour chaque demi-charge de famille ; b) CHF 6'500 pour chaque charge de famille" (al. 3).

"Lorsqu'une personne est à charge de plusieurs contribuables, les montants déterminants sont répartis entre ceux-ci" (al. 3 in fine).

Aux termes de l'art. 14 al. 5 let. a aLIPP-V constitue une charge de famille, chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas CHF 6'800.- (charge entière) ou CHF 10'200.- (demi-charge) pour celui de parents qui en a la garde ; dès l'années fiscale 2002, chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas CHF 13'600.- (charge entière ) ou CHF 20'400.- (demi-charge), pour celui des parents qui en a la garde.

Constitue également une charge de famille, chaque enfant majeur, jusqu'à l'âge de 25 révolus, qui est apprenti au bénéfice d'un contrat d'apprentissage ou étudiant régulièrement inscrit dans un établissement d'enseignement secondaire ou supérieur, et dont la fortune ne dépasse par CHF 50'000.- lorsqu'il n'a pas un revenu supérieur à CHF 13'600.- (charge entière) ou CHF 20'400.- (demi-charge), pour celui des parents qui pourvoit à son entretien (art. 14 al. 5 let. b aLIPP-V).

11. La doctrine distingue classiquement les déductions organiques de celles dites "anorganiques". Les premières sont liées à l'acquisition du revenu imposable, alors que les secondes n'y sont pas directement liées. Elles concernent la détermination de la capacité contributive subjective, qui est encore en droit suisse largement laissée à l'appréciation du législateur (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2010 du 21 juillet 2010, consid. 6.3 et les nombreuses références).

12. La déduction pour pension alimentaire et contribution d'entretien constitue une déduction anorganique (art. 33 al. 1 let c LIFD par renvoi de l'art. 212 al. 3 LIFD ; art. 9 al. 2 let. c LHID ; art. 5 aLIPP-V).

13. La question du montant et de la répartition de la charge fiscale de l'année de la séparation s'agissant de ce type de déduction a été tranchée par le Tribunal administratif dans des arrêts du 30 novembre 2004 (ATA/932/2004) et du 13 juin 2006 (ATA/321/2006), concernant respectivement l'IFD et l'CC. Il a ainsi été jugé que le législateur avait choisi le système de la date déterminante (art. 35 al. 2 et 213 al. 2 LIFD), et qu'en conséquence seule la pension alimentaire versée par le contribuable en l'occurrence pour le mois de décembre, mois de sa séparation, pouvait être retenue.

Le contribuable remet toutefois en cause la prise en compte de ce système s'agissant des pensions alimentaires.

14. Certes, une partie de la doctrine, en particulier Daniel de Vries Rellingh, estime que le système de la date déterminante ou "Stichtagprinzip" concernerait les "déductions générales" (déductions pour assurances) et sociales (déduction pour enfant à charge et, le cas échéant, pour personnes nécessiteuses), alors que le "système effectif" devrait être privilégié s'agissant des pensions alimentaires (Les conséquences fiscales en cas de séparation et de divorce : mode d'emploi pour le praticien, AJP/PJA 2010 p. 267-288, 284).

Il conclut toutefois qu'en appliquant le "système effectif", dans le cas d'un contribuable issu d'une famille "classique" (répartition traditionnelle des tâches entre les conjoints ayant des enfants), plus la séparation a lieu tard dans l'année, plus la charge fiscale du mari sera élevée et celle de l'épouse basse. Le premier ne pourra alors déduire qu'un montant faible à titre de pension alimentaire, ce qui aura pour conséquence un revenu imposable et un taux d'imposition élevé alors que l'épouse, de son côté, n'aura qu'un revenu bas (les contributions d'entretien perçues durant le ou les dernier(s) mois de l'année) (Les conséquences fiscales en cas de séparation et de divorce : mode d'emploi pour le praticien, AJP/PJA 2010 p. 267-288, 284).

15. Aussi, quelque soit le système choisi, tant la jurisprudence que la doctrine aboutissent à une prise en considération pro rata temporis des pensions versées au cours de l'année de séparation.

16. Reste alors à déterminer s'il y a violation des principes de l'égalité de traitement et de la capacité contributive.

17. Comme les déductions sociales, les déductions anorganiques ont pour but d'adapter de manière schématique la charge d'impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l'imposition selon la capacité contributive de l'art. 127 al. 2 Cst. (LOCHER, Kommentar zum DBG, Ire partie, Therwil/Bâle 2001, n. 1 et 2 ad art. 35 LIFD; LOCHER, Steuerrechtliche Qualifikation von Kinderbetreuungskosten, Archives 68 p. 375, 380; F. RICHNER/W. FREI/S. KAUFMANN, Handkommentar zum DBG, Zurich 2003, n. 6 et 7 ad art. 213 LIFD; E. BOSSHARD/H.-R. BOSSHARD/W. LÜDIN, Sozialabzüge und Steuertarife im schweizerischen Steuerrecht, Zurich 2000, p. 63; IVO BAUMGARTNER, in Zweifel/Athanas [éd.], Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, vol. I/2a, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG], Bâle/Genève/Munich 2000, n. 3 ad art. 35 LIFD).

Ces déductions sont toutefois accordées en général pour des motifs extra-fiscaux. Aussi, le fait qu'elles ne doivent pas nécessairement être prises en compte pour la détermination du revenu net ne viole pas l'art. 127 al. 2 Cst (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2010 du 21 juillet 2010, consid. 6.3 et les nombreuses références).

De surcroît, la réglementation légale en la matière est nécessairement schématique en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est néanmoins compatible avec les principes ancrés à l'art. 127 Cst. S'agissant du droit cantonal, le Tribunal fédéral a en effet reconnu à plusieurs reprises qu'il n'est pas réalisable, pour des raisons pratiques, de traiter chaque contribuable de façon exactement identique d'un point de vue mathématique et que, de ce fait, le législateur est autorisé à choisir des solutions schématiques. S'il n'est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n'aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l'égard de certaines catégories de contribuables (cf. ATF 128 I 240 consid. 2.3 p. 243 et la jurisprudence citée). A cela s'ajoute que les possibilités de comparer les différentes situations restent limitées (ATF 132 I 157 consid. 4.2 p. 163; ATF 120 Ia 329 consid. 4c-4e p. 336-338; ATF 118 Ia 1 consid. 3c p. 4/5) et qu'il existe un risque de créer de nouvelles inégalités (ATF 132 I 157 consid. 4.2 p. 163; ATF 126 I 76 consid. 2a p. 78; ATF 123 I 1 consid. 6b p. 8; ATF 120 Ia 329 consid. 3 p. 333).

Les déductions et barèmes différenciés des art. 23 let. f, 24 let. e, 33 al. 1 let. c, 212, 213 et 214 LIFD sont autant d'ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur fédéral a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et sous cet angle restreint une certaine égalité de traitement (Message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral direct [Message sur l'harmonisation fiscale], FF 1983 III 1, p. 30, 34, spéc. 36 ss).

18. En conséquence, le contribuable ne saurait faire valoir une violation des principes précités, dès lors qu'ils ont été pris en considération par le législateur dans la mesure décrite ci-dessus. Certes, sa charge fiscale est plus lourde que celle d'un contribuable qui aurait par hypothèse conclu une convention de séparation le 1er janvier 2003, elle repose en revanche sur les mêmes fondements que pour celle de tout autre contribuable qui se serait séparé au même moment que lui.

Aussi, les décisions de l'AFC-GE sont conformes à la loi et à la volonté recherchée par le législateur. Le recours est mal fondé sur ce point.

19. S'agissant des charges de familles, la fille du contribuable étant devenue majeure en 2003, l'AFC-GE a admis en déduction une demi-charge de famille en ICC (14 al. 3 aLIPP-V in fine), respectivement une charge de famille en IFD, pour compenser la non-déductibilité du montant de la contribution d'entretien (art. 33 al. 1 let. c LIFD a contrario).

Ces déductions sont conformes à la loi et en particulier à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral relative à l'IFD, lequel a jugé que le parent qui ne peut plus déduire les contributions d'entretien versées en faveur de son enfant majeur, doit être mis au bénéfice de la déduction pour personne nécessiteuse (art. 213 al. 1 let. b LIFD), dès lors que l'enfant en formation n'est pas capable, en raison de la charge temporelle que représente sa formation, de gagner sa vie ou ne l'est tout au plus que de manière restreinte (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.406/2001 du 23 janvier 2002 consid. 2 publié in RDAF 2002 448ss).

Pour ce qui concerne son enfant mineur, le contribuable n'a pas droit à une déduction pour charge de famille dès lors que les art. 213 al. 1 let. a LIFD et 14 al. 5 let. a aLIPP-V accordent cette déduction uniquement au parent qui a l'autorité parentale sur l'enfant (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_436/2010 du 19 septembre 2010 consid. 5.2).

20. En tout point mal fondé, le recours sera rejeté et la décision de la commission confirmée.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2009 par Monsieur M______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 26 octobre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Lambelet, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thelin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :