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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3072/2014

ATA/367/2015 du 21.04.2015 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3072/2014-FPUBL ATA/367/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 avril 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pietro Rigamonti, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Le 7 octobre 2011, Monsieur A______ a été nommé par l’Université de Genève (ci-après : l’université) en qualité de maître d’enseignement et de recherches suppléant (ci-après : MER suppléant) à 100 % au département des hautes études commerciales (ci-après : les HEC), alors rattaché à la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : SES), du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012.

Son contrat a été prolongé le 26 octobre 2012 pour un an, soit du
1er novembre 2012 au 31 octobre 2013.

2) Avant le terme de son contrat, le 18 avril 2013, le directeur des HEC a déposé auprès du décanat des SES une demande de prolongation en faveur de
M. A______.

Titulaire d’un doctorat délivré par l’université en 2004, il avait travaillé en qualité de maître assistant de 2005 à 2011 dans cet établissement. Dans sa fonction de MER suppléant, il avait créé les cours de « Sécurité des systèmes d’information » (ci-après : SI) et de « Mashup des services » en 2011, cours indispensables dans le monde contemporain. Il avait amélioré le contenu du cours « Bases d’information ». Il avait exercé une importante activité de recherches et développé un système original à la frontière de plusieurs technologies, qui avait notamment servi à la rédaction collaborative du rapport d’auto-évaluation des HEC en 2012. Il avait constitué un premier laboratoire d’entreprise « servitisé » (sic) et développé une intense activité de dépôt de projets européens. Il allait finaliser une synthèse de ses travaux de recherches réalisés autour du thème des techniques d’analyses et conscience informationnelles et de celui du « Big Data ». Une réforme de la faculté SES était en cours. Il était indispensable, dans ce contexte, que M. A______, qui donnait entière satisfaction, soit reconduit dans ses fonctions.

3) La réforme en question a en effet consisté dans la division, ratifiée par le Conseil d’État, de la faculté des SES en deux nouvelles unités principales d’enseignement et de recherches (ci-après : UPER), dédiées respectivement à l’économie et au management, d’une part, et aux sciences politiques et sociales, d’autre part (faculté d’Economie et de Management, respectivement faculté des Sciences de la société regroupant le domaine des sciences politiques, de la sociologie, de la géographie et de l’économie politique). Le principe même de ces changements et leurs conséquences organisationnelles ont créé en 2012 de graves tensions au sein de la faculté des SES, qui ont opposé notamment les membres du corps professoral et les collaborateurs de l’unité dénommée « systèmes d’informations et sciences des services » (ci-après : SI) - dont faisait partie M. A______ ainsi que son épouse Madame B______ et son supérieur hiérarchique direct, le Professeur C______ – à un autre groupe conduit par la Professeure D______, soutenu par le rectorat.

4) Le 20 juin 2013 à 02h13, Mme D______ a envoyé à treize de ses collègues un courriel ayant la teneur suivante :

a. « Maintenant [la] bataille se situe au niveau de négociations de postes mais nous avons un levier très important, les SI. On va voir comme (recte : comment) la suite de la procédure va se passer… Mon impression : on donne trois ou quatre postes de SI. On récupère les autres pour les réorienter, et comme nous serons sous-dotés, nous aurons des postes supplémentaires. Vu le support de notre recteur, et de probablement le suivant, je suis confiante… ».

b. Le même jour, en fin de matinée, Mme D______ a adressé un autre courriel aux mêmes destinataires ayant la teneur suivante :

« J’étais très emballée hier soir, et donc pas trop lucide. Je vous demande de ne pas diffuser l’information sur la possibilité de brader les postes des SI, sinon ils ne [partiront] pas. Donc détruisez mon e-mail svp ».

5) Le 20 juin 2013, en début d’après-midi, le Professeur E______, destinataire de ces courriels, a contacté Mme B______, assistante et correspondante informatique au sein des SI, pour qu’elle intervienne sur son ordinateur, car il rencontrait des difficultés avec son « back-up ».

À l’occasion de cette intervention, Mme B______ a pris connaissance des courriels précités, qui se trouvaient dans la boîte de réception du Prof. E______. Elle se les est aussitôt envoyés à elle-même, avant d’en communiquer la teneur à son époux dans la soirée à leur domicile et de les lui transférer, après avoir anonymisé leur provenance et leurs destinataires. Dès réception desdits courriels, M. A______ les a retransférés à son supérieur hiérarchique, le Prof. C______, après avoir supprimé les indications relatives à leur provenance.

6) Le lendemain matin, le Prof. C______ a transféré ces messages à vingt-huit collaborateurs des HEC, avec un message personnel.

7) Mis au courant de ces faits, le rectorat, soit pour lui le vice-recteur et la responsable du service juridique, ont procédé à l’audition de Mme B______, de M. A______ et du Prof. C______. Les dires de ces derniers étant contradictoires et ne permettant pas d’établir les faits de manière claire, le recteur a décidé, le 30 septembre 2013, l’ouverture d’une enquête administrative au sens de l’art. 81 al. 2 du règlement sur le personnel de l’Université (RPers), ayant pour but « d’établir les faits s’agissant de la divulgation, y compris, notamment, l’obtention, l’appropriation, la transmission et la diffusion des messages de la Professeure D______ des 20 et 21 juin 2013, d’établir les responsabilités des différents intervenants dans le processus de divulgation et de déterminer s’ils ont, par leur attitude dans ce processus, violé les devoirs de service attachés à l’exercice de leur fonction ». Cette enquête a été confiée à Monsieur F______, professeur ordinaire à la faculté de droit de
l’université.

8) Par courriel du 17 septembre 2013, la responsable de l’administration des HEC a écrit au Prof. C______.

Il découlait de ses vérifications que le dossier de prolongation du contrat de M. A______ serait traité prochainement par le décanat.

9) Par lettre recommandée du 30 septembre 2013, le recteur de l’université, a informé M. A______ de l’ouverture de l’enquête précitée et de sa décision de suspendre la procédure de prolongation de son mandat de MER suppléant jusqu’à l’issue de l’enquête administrative.

10) Le 1er janvier 2014, la réforme de la faculté des SES est entrée en vigueur. La Prof. D______ a été nommée doyenne de la nouvelle faculté d’Economie et de Management, à laquelle a été rattaché le poste occupé par M. A______.

11) Le 14 février 2014, le Prof. F______ a rendu son rapport d’enquête d’où sont tirés les faits, non contestés, exposés ci-dessus.

12) Le 15 avril 2014, le rectorat a écrit à M. A______. L’enquête avait établi qu’il avait transféré au Prof. C______ les courriels litigieux, dont il connaissait la provenance ou aurait dû s’assurer qu’ils ne provenaient pas d’un acte illicite, vu notamment l’anonymisation dont ils avaient fait précédemment l’objet. Si le rectorat pouvait comprendre les raisons qui l’avaient amené à transférer le contenu de ces courriels à son supérieur hiérarchique, il lui reprochait son attitude peut transparente lors des interrogatoires qui avaient suivi. La question de savoir si cette attitude était constitutive d’une violation des devoirs de service pouvait rester ouverte en l’espèce, dès lors qu’il n’était plus collaborateur de l’université depuis le 31 octobre 2013, son mandat de MER suppléant étant arrivé à échéance à cette date.

Il incombait désormais à la faculté d’Economie et de Management, dirigée par la Prof. D______, de se déterminer au sujet de son réengagement en son sein, étant précisé que le rectorat ne s’opposerait pas à une proposition de nouvel engagement.

13) Le 1er mai 2014, M. A______ a été engagé par l’université au sein du Centre universitaire informatique en qualité de concepteur informatique à 100 % jusqu’au 30 avril 2015 sous la supervision du Prof. C______ à la même classe de traitement que précédemment et avec reprise de ses annuités, son salaire étant cependant couvert par un fonds de recherches très important obtenu par
M. A______ auprès d’instances européennes en faveur de l’université alors qu’il était MER.

14) Par lettre de son conseil du 9 mai 2014, M. A______ a sollicité une décision formelle, avec indication des voies de recours, qui statue sur les conséquences disciplinaires (sanctions ou absence de sanction) de l’enquête administrative. L’absence de toute décision à cet égard le privait de toute possibilité de contester le non-renouvellement de son contrat, qui apparaissait comme une conséquence directe des faits établis par l’enquête.

15) Par décision du 27 mai 2014, le recteur a informé M. A______ qu’il avait, par son attitude, violé l’art. 20 RPers en ayant, notamment, fait preuve de légèreté s’agissant de la provenance des messages litigieux, en passant sous silence, lors de sa première audition, des éléments d’informations importants pour la compréhension des faits et en formulant des affirmations par la suite contredites, qui avaient contribué à alimenter les interrogations du rectorat et rendu nécessaire l’ouverture d’une enquête administrative pour clarifier la situation.

Le prononcé d’un blâme aurait été justifié si toutefois il n’avait pas cessé ses activités à l’université le 31 octobre 2013, date à laquelle son engagement prenait fin. Il était renoncé, pour ce motif, au prononcé d’une sanction administrative.

16) Le 3 juillet 2014, M. A______ a formé opposition contre cette décision en concluant :

-                à son annulation,

-                au classement de la procédure disciplinaire,

-                à la reprise de la procédure visant au renouvellement de son contrat de MER suppléant,

-                à ce qu’il soit autorisé, pendant cette procédure de renouvellement, à reprendre ses fonctions de MER suppléant,

-                à ce que l’université soit condamnée à lui payer des indemnités depuis le 1er novembre 2013, jusqu’à ce qu’une décision formelle sur le renouvellement de son mandat soit rendue,

-                au prononcé de la levée du secret de l’enquête administrative afin de lui permettre de s’adresser aux juridictions compétentes pour statuer sur son droit à un dédommagement, au vu de l’atteinte à la personnalité qu’il avait subie,

-                à ce que la communication de la décision consacrant l’absence de toute sanction prise à son égard à l’issue de l’enquête administrative à l’ensemble des membres du corps enseignant de la faculté des SES soit ordonnée,

-                à ce que les éventuels frais de l’enquête administrative soient mis à la charge de l’université et enfin,

-                à l’octroi d’une équitable indemnité de procédure.

17) Le 2 septembre 2014, le recteur a rejeté l’opposition formée par M. A______ le 3 juillet 2014.

Il confirmait la violation par M. A______ de ses devoirs de fonction (art. 20 RPers).

Les art. 157 ss RPers régissant le renouvellement des mandats de membres du corps enseignant n’étaient pas applicables aux suppléants, dont les contrats étaient « prolongeables » et non « renouvelables », conformément à l’art. 155 al. 4 RPers. Cela avait pour conséquence qu’en l’absence d’une proposition de prolongation, le mandant d’un MER suppléant prenait fin à son échéance sans qu’aucune notification ne soit nécessaire.

En l’espèce, aucune proposition de prolongation de contrat n’ayant été formulée par la faculté d’Economie et de Management à l’issue de l’enquête administrative, l’engagement avait pris fin au 31 octobre 2013.

Aucune indemnité liée à la fonction ne pouvait par conséquent entrer en ligne de compte.

S’agissant de l’atteinte à sa personnalité qu’auraient causé les ragots ayant entouré l’enquête et, en particulier, les propos du Prof. E______ dans ce cadre, aucune violation n’avait été commise à cet égard. Son engagement en qualité de concepteur informatique au sein du Centre universitaire informatique démontrait d’ailleurs qu’aucun soupçon de nature à l’empêcher de retrouver un emploi n’avait pesé sur lui.

Enfin, aucune levée du secret n’était nécessaire pour saisir les tribunaux compétents d’un éventuel recours.

18) Par acte du 6 octobre 2014, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, au classement de la procédure disciplinaire, à ce qu’il soit dit qu’il était resté membre du personnel de l’université après le 31 octobre 2013 et qu’il avait droit à la prolongation de son contrat.

L’enquête avait permis d’établir que le seul acte qui pouvait lui être reproché était d’avoir transmis à son supérieur hiérarchique des courriels précédemment anonymisés, contenant des informations relatives à la scission de la faculté des SES, dont il était membre. Il n’avait touché ni le contenu ni ajouté un quelconque commentaire. Ce faisant, il n’avait pas cherché à obtenir un avantage personnel, mais avait pensé agir dans l’intérêt collectif de la section dont il faisait partie (les SI) dont la suppression était programmée, ainsi que le révélaient les messages en question.

Ce comportement n’était pas constitutif d’une violation de l’art. 20 RPers, car il n’avait pas porté atteinte aux intérêts de l’université.

S’agissant de ses déclarations contradictoires et de sa prétendue légèreté concernant la provenance, qui aurait dû lui apparaître douteuse, des courriels litigieux, il fallait les analyser dans le contexte du conflit existant, tenir compte de la fatigue et de la surcharge de travail dues à la fin de l’année académique et du fait que son acte n’avait pas été longuement mûri. Cinq minutes seulement s’étaient écoulées entre la réception desdits courriels et leur transfert au Prof. C______. L’attitude du rectorat était contradictoire à cet égard. En effet, d’une part, ce dernier indiquait pouvoir comprendre les raisons qui l’avaient amené à adresser ceux-ci à son supérieur hiérarchique et, d’autre part, considérait que son acte était constitutif d’une violation de l’art. 20 RPers.

Concernant le renouvellement de son mandat, il découlait des art. 167ss
RPers qu’une décision de non-renouvellement devait être signifiée au collaborateur six mois auparavant et que si ce délai n’était pas observé, l’intéressé pouvait revendiquer une prolongation des rapports de service dans la mesure nécessaire au respect du délai de notification (art. 159 RPers). Ces dispositions s’appliquaient aux suppléants, car aucune autre disposition spécifique les concernant n’avait été adoptée.

Il était évident qu’en l’absence des incidents survenus, son contrat aurait été prolongé. Cela découlait de la demande de prolongation du 18 avril 2013 le concernant, d’un courriel du 12 avril 2013 lui demandant des compléments d’informations à ce sujet, de la confirmation qui y était jointe, que ladite demande serait traitée prochainement, ainsi que l’indication du rectorat, donnée à l’issue de l’enquête administrative, selon laquelle cette autorité ne s’opposerait pas à la prolongation de son contrat. Enfin, il résultait des pièces du dossier que M. A______ donnait entière satisfaction.

Il découlait de ces divers éléments que M. A______ avait été suspendu de ses fonctions pendant l’enquête mais que son contrat avait perduré et n’avait pas pris fin au 31 octobre 2013, aucune décision ni information ne lui étant parvenue à ce sujet. La persistance du lien contractuel était encore attestée par le fait qu’au-delà de la date du 31 octobre 2013, l’université avait continué à lui envoyer des convocations et des courriers liés à l’enquête administrative, sans l’informer d’un changement quelconque de statut.

19) Le 10 novembre 2014, l’université a conclu au rejet du recours. La demande de prolongation produite par le recourant n’engageait pas l’université. En effet, elle ne contenait ni la signature du doyen, ni celle du recteur. Elle n’avait été signée que par le responsable hiérarchique de M. A______.

Par ailleurs, en l’informant, le 30 septembre 2013, que la procédure de prolongation de son mandat était suspendue jusqu’à l’issue de l’enquête administrative, le rectorat lui avait signifié sa volonté de ne pas renouveler ce mandat à son échéance de 2013.

L’inapplicabilité des règles du RPers concernant le renouvellement de mandat des membres du corps enseignant et MER suppléant se fondait sur le fait que ces derniers étaient engagés pour répondre à un besoin temporaire de l’université.

La suspension de la prolongation du mandat de M. A______ n’avait pas un caractère disciplinaire mais avait été justifiée par les besoins de l’enquête.

Ses autres arguments se recoupent avec ceux développés par le recteur dans la décision entreprise.

20) Le 2 février 2015, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

a. M. A______ a indiqué qu’il avait été engagé comme concepteur en informatique à l’université jusqu’à fin avril 2015. Il s’agissait toutefois d’un emploi administratif et non pas d’un poste d’enseignement. N’étant plus membre du personnel enseignant, il ne pouvait demander de fonds de recherches. Cette activité professionnelle, ainsi que l’enseignement, étaient essentiels pour lui. Il ignorait si, dans le cadre de la nouvelle organisation, la demande de renouvellement de son contrat aurait dû être formée par la faculté d’économie et de management ou par celle des sciences de la société qui avait succédé à la faculté des SES. D’ordinaire, une telle demande était formée six mois à l’avance par le supérieur hiérarchique direct. Les aléas administratifs faisaient que la décision formelle n’était transmise que tardivement. Avant ou après le prétendu terme de son contrat le 31 octobre 2013, il n’avait reçu aucun courrier l’informant que son engagement prenait fin.

L’enquête administrative concernait les faits qui s’étaient déroulés le
20 juin 2013 et non pas l’attitude qu’il avait eue le 19 septembre 2013 lors de son audition par le rectorat. L’éventuelle faute qu’il avait commise lors de cette audition était par conséquent exorbitante au litige. Pour les faits du 20 juin 2013, il aurait dû être sanctionné par un blâme.

Les ragots qui avaient circulé lors de l’enquête, selon lesquels il était un « grand manipulateur qui avait volé des e-mails » l’avaient touché et lui avaient nui, ce d’autant qu’il travaillait dans le domaine de la sécurité informatique.

b. La représentante de l’université a indiqué que la demande de prolongation dont faisait état M. A______ n’était jamais parvenue au rectorat.

L’université n’aurait pas eu besoin d’ouvrir une enquête administrative pour prononcer un blâme.

21) Le 26 mars 2015, la cause a été gardée à juger après qu’un délai eut été imparti à M. A______ pour exercer son droit à la réplique.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le statut des membres du corps professoral et du corps des collaboratrices et collaborateurs de l’enseignement et de la recherche de l’université est régi par la loi sur l’université du 13 juin 2008 – LU - C 1 30, dont l’art. 13 al. 1 dispose que l’université est l’employeur de son personnel. Selon l’art. 12 al. 1 de cette loi, ces employés sont également soumis aux dispositions de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10) et de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15). Pour le surplus, les prescriptions nécessaires concernant leur statut sont fixées dans le RPers.

3) Le recourant considère qu’il dispose d’un droit à la prolongation de son contrat.

4) D’après l’art. 26 al. 5 LU, l’université comprend notamment des unités principales d’enseignement et de recherche (ci-après : UPER) (appelées traditionnellement facultés), qui comportent parfois des subdivisions, comme c’était le cas en l’espèce à l’époque de la transmission des courriels litigieux. En effet, les SI,  dirigés par M. C______, étaient un service du département des HEC, celui-ci étant lui-même une subdivision de la faculté des SES.

5) Ces UPER sont dirigées par un décanat, qui est placé sous l’autorité d’un doyen (art. 26 al. 3 let. a LU).

6) Selon l’art. 61 RPers, sont considérées comme suppléantes les personnes qui sont engagées pour répondre à un besoin temporaire de l’université et dont la rémunération provient de fonds issus du budget de l’État. Au sein du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche, toutes les fonctions peuvent être pourvues dans le cadre d’une suppléance à l’exception de celles de privat-docent et d’auxiliaire de recherche et d’enseignement (art. 61 al. 3 RPers).

7) Aux termes de l’al. 4 de cette disposition, les suppléants ne sont pas soumis aux dispositions concernant les procédures de nomination prévues au chapitre III du titre III et au chapitre III du titre IV du RPers (nomination des candidats aux fonctions professorales, respectivement procédure de nomination des candidats à une fonction de collaborateur de l’enseignement et de la recherche). Ils sont nommés par l’autorité de nomination prévue pour la fonction considérée (en l’espèce, le rectorat ; art. 29 al. 1 LU et 168 al. 3 RPers) pour une première période d’un an au maximum, « prolongeable ». La durée totale de l’engagement ne doit en principe pas excéder quatre ans (art. 61 al. 5 RPers).

En indiquant expressément que le contrat d’engagement des suppléants sont « prolongeables », le RPers exclut qu’ils soient « renouvelables ». En effet, les procédures de prolongation et de renouvellement (respectivement de non-renouvellement) des contrats des membres du personnel de l’université, y sont clairement distinguées (voir le titre du chapitre V du titre IV : « procédure de renouvellement et de non renouvellement », d’une part, et « procédure de prolongation », d’autre part).

8) Ainsi, contrairement au contrat de MER ordinaire, le contrat de MER suppléant est soumis à la procédure de prolongation.

L’analyse des textes légaux démontre que cette procédure est la suivante. Selon le système général instauré par le RPers que la proposition de prolongation émane soit du supérieur hiérarchique direct de l’intéressé - s’il n’est pas le doyen lui-même - soit de ce dernier (s’il n’y pas de chef intermédiaire), mais qu’elle doit en tous les cas être approuvée par le doyen qui, en sa qualité de chef de l’UPER concernée, constitue le supérieur hiérarchique (direct ou indirect, selon la place qu’occupe l’employé par rapport au doyen) du MER suppléant concerné (art. 3 al. 2, 2ème phrase, 153, 156 al. 2 ou encore 174 RPers ; art. 26 al. 3 let. a LU).

9) Selon l’art. 61 al. 6 RPers, toute demande de prolongation du contrat des suppléants doit être motivée et justifiée sous l’angle du besoin temporaire. Cette exigence est cohérente avec le fait que ces contrats sont à durée déterminée, d’un an au maximum, et renouvelables pour la même durée, trois fois au plus (art. 61 al. 5 RPers).

10) En l’absence de demande de prolongation et conformément aux principes généraux du droit, les contrats de durée déterminée prennent fin à leur échéance. L’employé ne dispose, dans cette situation, d’aucun droit à la prolongation de son contrat.

11) En l’espèce, M. A______ a produit une demande de prolongation datée du 18 avril 2013, non signée, mais émanant du directeur des HEC, dont l’université conteste qu’elle soit jamais parvenue au rectorat. Cela est vraisemblable, puisque le 17 septembre 2013, soit plus de quatre mois après sa rédaction et postérieurement aux faits litigieux, ladite demande n’avait pas encore été traitée (donc validée) par le décanat et que la procédure de prolongation a été suspendue quelques jours plus tard, en raison de l’ouverture de l’enquête, le 30 septembre 2013, ainsi que le rectorat en a informé M. A______ par courrier ce jour-là.

Ce dernier n’ayant aucun droit à la prolongation de son contrat et les conditions nécessaires à celle-ci n’ayant jamais été réalisées, le contrat était échu le 31 octobre 2013.

12) Le recourant se plaint du fait qu’il n’a jamais été informé par l’université de ce que son contrat ne serait pas renouvelé à son terme, alors qu’une demande de prolongation avait été déposée, qu’on lui avait confirmé qu’elle était en cours de traitement et qu’il remplissait ses fonctions à l’entière satisfaction de son employeur.

Ce faisant, il soulève une violation du principe de la bonne foi, selon lequel l’administration doit notamment s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré (art. 5 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 193 n. 568). Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège, en particulier, le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1; 2C_1023/2011du 10 mai 2012 consid. 5).

Le recourant omet de préciser que les faits survenus après le dépôt de la demande de prolongation ont incité le rectorat à décider, le 30 septembre 2013, la suspension de la procédure de prolongation, ce dont il a été dûment informé par lettre du même jour. Cette information, survenue un mois avant le terme de son contrat, signifiait que ce dernier ne serait pas prolongé tant que la levée de cette suspension ne serait pas prononcée ou que l’enquête ne serait pas arrivée à son terme.

M. A______ ne pouvait ainsi croire de bonne foi que son contrat serait prolongé le 31 octobre 2013.

La décision attaquée est ainsi conforme à la loi.

13) La chambre administrative relèvera de plus que la communication du rapport d’enquête au rectorat a formellement levé la suspension de la procédure de prolongation du contrat de M. A______, la décision de suspension du rectorat indiquant expressément que cette mesure était prononcée « jusqu’à l’issue de l’enquête ». Après le 14 février 2014, date de la remise par l’expert de son rapport d’enquête, la procédure a repris en ce sens que la demande de prolongation n’a pas été signée par le doyen de la faculté, ce qui a fait tomber la demande de prolongation du 18 avril 2013 déposée devant le décanat par le directeur des HEC. Le doyen de la faculté disposait à cet égard d’un très large pouvoir d’appréciation, dont l’exercice demeure toutefois circonscrit par les principes gouvernant l’activité administrative, dont notamment l’intérêt public, la proportionnalité, l’égalité de traitement et la bonne foi.

La décision est ainsi conforme à la loi sous cet angle également.

14) Enfin, le choix de l’autorité intimée de ne pas ouvrir une procédure disciplinaire relève également de son pouvoir discrétionnaire et ne viole pas la loi.

Le recours sera en conséquence rejeté, sans que les autres conclusions du recourant, devenues sans objet du fait de ce qui précède, n’aient à être analysées.

15) Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 octobre 2014 par Monsieur A______ contre la décision de l’Université de Genève du 2 septembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de procédure de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité :

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pietro Rigamonti, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :