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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1825/2008

ATA/361/2008 du 01.07.2008 ( LCR ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 22.08.2008, rendu le 28.01.2009, REJETE, 1C_358/2008
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1825/2008-DIV ATA/361/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er juillet 2008

 

dans la cause

 

Monsieur M______

contre

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION


 


EN FAIT

1. Par acte posté le 26 mai 2008, Monsieur M______, avocat à Genève, a interjeté recours contre une « décision du service des automobiles et de la navigation (ci-après : SAN) ayant pour objet la transmission des coordonnées du détenteur d’un véhicule à partir du numéro de plaques d’immatriculation, communiquée par voie de presse le 22 mai 2008 ».

Selon la "Tribune de Genève" du 22 mai 2008 intitulé « numéro de plaques par SMS : j’assume ! », le SAN avait mis en place un système permettant à quiconque d’obtenir, via messagerie téléphonique (ci-après  : SMS), les nom, prénom et adresse, du détenteur d’un véhicule en envoyant son numéro de plaques d’immatriculation au numéro 939, ceci pour un coût de CHF 2.-. Il avait testé ce système avec son propre numéro de plaques et avait reçu effectivement immédiatement en retour un message SMS indiquant son nom, prénom et adresse. Il était choqué par ce procédé qui pouvait se révéler très dangereux pour les détenteurs de véhicule dont il faisait partie.

Il invoquait une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégée par l’article 13 de la constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), dans la mesure où chaque détenteur d’un véhicule pouvait être identifié à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. La décision de mise en place du nouveau système de communication instantanée des coordonnées complètes du détenteur d’un véhicule sur simple envoi du numéro de plaques d’immatriculation par SMS violait également le principe de la légalité en contrevenant aux articles 19 alinéa 2 et 4 alinéa 2 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1) dans la mesure où des données relatives aux détenteurs de véhicule étaient envoyées librement et sans restriction, au risque d’atteindre non seulement à la personnalité des intéressés, mais également à leur sécurité.

La mise en place du nouveau système de communication de « l’Index-auto », constituait un risque inadmissible pour la sécurité des détenteurs de véhicule et, de ce fait, était contraire à l’intérêt public. La décision contrevenait également à la garantie à l’égalité de traitement découlant de l’article 8 Cst., car seuls les véhicules immatriculés dans le canton de Genève pourraient faire l’objet d’une telle identification à l’exclusion des milliers de véhicules immatriculés dans le canton de Vaud ou en France ou dans d’autres pays.

2. Le SAN concluait, le 16 juin 2006, à l’irrecevabilité du recours en l’absence de toute décision au sens de l’article 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). La transmission des coordonnées du détenteur d’un véhicule à partir d’un numéro de plaques était régie par les dispositions légales fédérales. Les coordonnées d’un détenteur de véhicule étaient accessibles à toute personne qui en faisait la demande, selon l’article 126 alinéa 1 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51). Il s’agissait d’une disposition qui était applicable dès l’immatriculation du véhicule dans un but de sécurité routière pour que personne ne puisse s’exempter de toute responsabilité en cas d’infraction. Le fait que les données soient accessibles par SMS n’était qu’un changement du vecteur de diffusion de ces informations, qui ne créait ni ne modifiait le droit ou l’étendue des droits de M. M______.

3. Par décision du 6 juin 2008, le vice-président du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles du recourant visant à obtenir qu’il soit fait interdiction au SAN de transmettre par SMS les coordonnées du détenteur d’un véhicule à partir du numéro de plaques d’immatriculation, ces conclusions préalables se confondant avec l’objet du litige.

EN DROIT

1. Le Tribunal administratif est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives, au sens des articles 4, 5 et 6 alinéa 1 lettre c et 57 LPA, sauf exception prévue par la loi (art. 56A al. 2 LOJ).

2. a. Sont considérées comme des décisions au sens de l'article 4 alinéa 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

La notion de décision sur laquelle repose le contentieux de droit public genevois est calquée sur la notion correspondante prévue par le droit fédéral. Il en va de même en ce qui concerne les cas limites, ou plus exactement les actes dont l’adoption n’ouvre pas, en principe, la voie à un recours. Ainsi, de manière générale, les communications, les opinions, les recommandations et les renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, au même titre que les avertissements ou certaines mises en demeure (ATA/302/2008 du 10 juin 2008 et jurisprudences citées).

c. Selon la doctrine, une décision est un acte juridique « qui a pour objet de régler une situation juridique, c’est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujet de droit en tant que tel. Ne constituent ainsi pas des décisions, les actes matériels dont l’objet n’est pas de déployer des effets juridiques (P. MOOR, Droit administratif, 2ème édition, Berne 2002, vol. II, n° 2.1.2.1, p. 156). Constituent en particuliers des actes matériels, les prestations administratives qui sont fournies sans effet juridique sur la situation des tiers (P. MOOR, op.cit, n° 2.1.2.1, p. 157) et les réponses de l’autorité donnant un simple renseignement ne sont pas des décisions (P. MOOR, op. cit., n° 2.1.2.2, let. b, p. 163). Ainsi, la communication par l’administration d’une opinion juridique n’est pas une décision constituant un acte juridique (ATF 121 II, p. 473, consid. 3 a).

Dans le cas d’espèce, l’information communiquée par un journaliste au travers d’un article de presse sur une facilité accordée par l’administration d’accéder par SMS aux données personnelles, d’un détenteur de véhicule, qui sont accessibles au public selon l’article 126 alinéa 1 OAC, soit son identité et son adresse, ne constitue pas une décision au sens de l’article 4 LPA. Elle n’émane pas de l’administration. Elle ne règle aucune situation juridique particulière et n’a aucun effet sur la situation du recourant.

De même, ne constitue pas une décision, la diffusion par SMS de l’information sollicitée, qui ne constitue tout au plus qu’une mesure d’exécution concrétisant une modalité de transmission de données au demeurant accessibles au public.

3. Selon l’article 11 alinéa 2 LPA, l’autorité administrative examine d’office sa compétence et, selon l’article 11 alinéa 3 LPA, si elle la décline, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties.

4. M. M______ formule des doléances concernant la façon dont le fichier informatique des détenteurs de véhicule est géré par le département des institutions, respectivement par le SAN. Cette base constituant un fichier de données informatique géré par l’Etat au sens de l’article 1 de la loi sur les informations traitées automatiquement par ordinateur du 17 décembre 1981 (LITAO - B 4 35), il y a lieu d’examiner si le recours formé par M. M______ ne constitue pas une plainte au sens de l’article 14 de cette loi, dont devrait connaître, selon l’article 12 alinéa 1 lettre b LITAO, la commission de contrôle de l’informatique de l’Etat (ci-après : CCIE) instaurée par l’article 10 LITAO.

Selon l’article 12 alinéa 1 lettre b LITAO, la CCIE statue sur les plaintes des personnes qui estiment que leurs droits sont violés, notamment parce que les données traitées automatiquement sont inexactes, périmées ou inadéquates ; elle se prononce également sur les plaintes des personnes auxquelles l’accès à des informations les concernant personnellement a été refusé. Dans le cas d’espèce, M. M______ ne proteste pas contre l’inexactitude, la péremption ou l’inadéquation des données le concernant, communiquées par SMS. Il ne se plaint pas de ce qu’on lui ait refusé l’accès à des informations le concernant personnellement mais, bien au contraire, s’insurge contre le principe que l’on puisse en obtenir librement, moyennant paiement, la consultation par SMS. Son recours n’apparaissait ainsi pas entrer dans le cadre des griefs énoncés dans l’article 12 b LITAO comme motifs possibles de plainte, si bien qu’il n’y a pas lieu de le transmettre à la CCIE pour traitement.

5. En l’absence de décision, le Tribunal administratif déclarera le recours irrecevable.

6. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 mai 2008 par Monsieur M______ ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur M______ ainsi qu'au service des automobiles et de la navigation et à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges et M. Bellanger, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :