Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/348/2019

ATA/332/2019 du 28.03.2019 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : SOGETRI SA / VILLE DE GENEVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION, SERBECO SA
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/348/2019-MARPU

" ATA/332/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 mars 2019

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

SOGETRI SA
représentée par Me Marc Balavoine, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION
représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

et

SERBECO SA

représentée par Mes Lucile Bonaz et Pierre Gabus, avocats

 



Attendu en fait que :

1. La Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle sa centrale municipale d’achat et d’impression, a publié un avis d’appel d’offres en procédure ouverte pour un marché de service baptisé « Encombrants_A1 » portant sur des prestations de réception, traitement et évacuation vers les filières de valorisation des déchets ménagers encombrants.

2. Par décision publiée sur le site simap.ch (www.simap.ch) le 15 janvier 2019, la ville a attribué ce marché à l’entreprise Serbeco SA (ci-après : Serbeco).

3. Le 25 janvier 2019 Sogetri SA, concurrent évincé, a recouru contre la décision précitée par devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à son annulation et à ce que le marché lui soit adjugé et, préalablement, à ce que l’effet suspensif lié au recours soit restitué.

En substance, Serbeco aurait dû être exclu de la procédure car son site de réception des déchets concernés n’était pas ouvert et opérationnel du lundi au vendredi de 6h30 à 12h00 et de 13h30 à 17h00 ainsi que l’appel d’offres le demandait.

De même, ce site devait impérativement être au bénéfice d’une autorisation d’exploiter une installation de traitement de déchets pour les catégories et les quantités demandées dans l’appel d’offres, ce qui n’était pas le cas.

L’appel d’offres demandait que les soumissionnaires s’engagent à respecter la législation en vigueur et indiquent, pour chaque type de déchets, la filière de valorisation, sa destination finale, son type de valorisation et le moyen de transport. Les prix proposés par Serbeco permettaient de penser que cette société utiliserait certains déchets pour créer des combustibles solides de récupération, notamment en travaillant avec une cimenterie située dans le canton de Vaud, ce qui entrainait une violation du plan de gestion des déchets du canton de Genève : de tels déchets combustibles devaient impérativement être amenés à l’usine des Cheneviers.

4. Le 12 février 2019, Serbeco a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

Son site de réception dans le secteur de la Praille était ouvert de 6h00 à 18h00 ; l’horaire avait été étendu depuis la signature du document sur lequel la recourante se fondait.

Elle disposait des autorisations nécessaires pour récupérer le tonnage de l’ensemble des déchets acheminés sur son site. De plus, l’autorité compétente, soit le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC), lui avait indiqué être prêt à tolérer un dépassement du tonnage, le cas échéant.

Contrairement à ce que la recourante esquissait, son offre prévoyait que les déchets seraient acheminés à l’usine d’incinération des Cheneviers, subsidiairement à l’usine d’incinération Tridel du canton de Vaud ou à celle de Monthey en Valais, si la première nommée les refusait.

Au vu de ces éléments, le recours était dépourvu de toute chance de succès.

5. Le 12 février 2019, la ville, s’en rapportant à justice quant à la recevabilité du recours, a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif pour des motifs similaires, quoi que plus longuement exposés, que ceux mis en avant par Serbeco.

6. Après que la question de l’accès au dossier par les diverses parties aie été réglé, afin de protéger le secret d’affaire, SOGETRI a maintenu ses conclusions initiales, développant les éléments figurant dans son recours.

L’horaire d’exploitation du site de Serbeco - de 6h30 à 14h30 - était fixé dans le règlement d’exploitation approuvé par le GESDEC ; ce document ne pouvait être modifié que par une nouvelle décision, soumise à publication.

Dès lors que ce service était prêt à tolérer un dépassement du volume autorisé, force était d’admettre que Serbeco ne disposait pas des autorisations nécessaires pour un tel traitement.

7. Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif, ce dont les parties ont été informées.

8. Le 26 mars 2019, Serbeco a produit une écriture spontanée, qui lui a été retournée.

Considérant, en droit, que :

1. Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2. Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, restituer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.

L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1581/2017 du 7 décembre 2017 consid. 2, et les arrêts cités ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

La restitution de l’effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/1581/2017 précité consid. 2, et les arrêts cités).

3. a. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), l’appréciation de la chambre administrative ne pouvant donc se substituer à celle de ce dernier, seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999 p. 136 consid. 3a).

4. En l’état, et à première vue, les griefs formés par la recourante n’apparaissent pas suffisamment fondés pour autoriser la chambre administrative à restituer l’effet suspensif lié au recours.

a. S’agissant des horaires d’ouverture, Serbeco produit un échange de courriers électroniques dont il ressortait que l’autre utilisateur de la plate-forme concernée, soit les Services industriels de Genève, étaient d’accord avec la modification de l’horaire. À première vue, et dès lors que d'une part l’intégralité de cet échange était adressé en copie au GESDEC et que, d’autre part, le site semble être concrètement ouvert aux heures demandées par l’appel d’offres, ce grief semble ne pas avoir suffisamment de substance pour entraîner l’octroi de l’effet suspensif.

b. Pour ce qui concerne la question des tonnages autorisés, les indications données par l’entreprise intimée, appuyées par le courrier du GESDEC du 6 décembre 2018 permettent d’admettre que, à première vue, les autorisations dont disposent Serbeco sont suffisantes pour respecter les exigences de l’appel d’offres. De plus, les éventuels dépassements – qualifiés à ce stade que de risques – ne permettent pas non plus, toujours prima facie, de retenir que le grief est suffisamment consistant pour amener la chambre administrative à octroyer l’effet suspensif.

c. En dernier lieu, Serbeco a produit des documents démontrant, toujours à première vue, que le mode d’évacuation qu’il entend utiliser et conforme à l’appel d’offres.

5. La demande de restitution de l’effet suspensif sera en conséquence rejetée.

Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110) la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Marc Balavoine, avocat de la recourante, à Me Michel D'Alessandri, avocat de Ville de Genève - centrale municipale d'achat et d'impression, ainsi qu’à Mes Lucile Bonaz et Pierre Gabus, avocats de Serbeco SA.

 

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :