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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2852/2013

ATA/311/2014 du 29.04.2014 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2852/2013-FORMA ATA/311/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 avril 2014

1ère section

 

dans la cause

 

M. B______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES

 



EN FAIT

1) En date du 6 septembre 2012, M. A______, né le ______ 1988, a déposé auprès du service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE ou le service) faisant partie du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, un formulaire de « demande de bourse ou prêt d'études » rempli pour l'année 2012-2013, en vue de la prise en charge d'une formation au « CFPC-CEPTA », dont la durée minimale s'étendait d'août 2012 à juin 2013.

A la fin du formulaire, les signataires de la demande – en l'occurrence le requérant et ses parents – attestaient notamment « qu'ils [s'engageaient] à notifier, spontanément et sans délai au SBPE, toute modification des informations figurant dans la présente demande ».

2) Par lettre du 9 novembre 2012, le SBPE a informé M. A______ de ce qu'il manquait des documents indispensables, puis, par courrier du 5 février 2013, de ce qu'il ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une bourse ou d'un prêt d'études, ses recettes étant suffisantes pour couvrir ses dépenses.

A la suite d'une réclamation formée le 16 février 2013 par l'intéressé, le SBPE a, par décision du 19 mars 2013, confirmé sa décision de refus concernant la période allant jusqu'au mois de décembre 2012, les revenus de ses parents ayant été pris en compte de manière exacte, mais lui a octroyé une bourse de CHF 8'000.- pour la partie de l'année académique débutant en janvier 2013, soit CHF 4'000.- à verser à la fin du mois de mars 2013 et CHF 4'000.- à la fin du mois de mai 2013. En effet, ayant atteint l'âge de 25 ans en janvier 2013, il était considéré depuis lors comme indépendant de ses parents et le calcul devait s'effectuer différemment, lui donnant droit en l'occurrence à des prestations.

Dans cette décision, son attention était en outre attirée sur l'obligation qui lui était faite de signaler – par écrit – au service toute modification des données servant de base de calcul, telle que l'interruption ou la cessation de la formation, le changement d'état civil, la modification de la situation financière retenue lors de l'octroi de l'aide financière. Après la signature du gestionnaire en fin de décision étaient reproduits les art. 27 à 29 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20) et 14 du règlement d'application de la LBPE du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01).

Le premier versement de CHF 4'000.- a été effectué le 28 mars 2013.

3) Par lettre du 2 juillet 2013, le SBPE, constatant que le statut de personne en formation au sens de la LBPE n'était plus applicable à M. A______ depuis l'interruption de ses études en date du 11 décembre 2012, a annulé sa décision du 19 mars 2013 et réclamé la restitution du montant de CHF 4'000.- déjà versé, au moyen d'un bulletin de versement joint.

4) Par écrit du 29 juillet 2013, M. A______ a élevé réclamation contre cette décision, concluant à la confirmation de l'octroi d'une bourse de CHF 8'000.- pour la période académique 2012-2013. En effet, cette interruption de ses études n'était pas un choix délibéré de sa part, mais faisait suite à une hospitalisation en automne 2012 ainsi qu'à un suivi médical du mois de décembre 2012 jusqu'à ce jour. Il joignait à ce sujet des documents médicaux. Son cas lui semblait relever de l'art 16 RBPE.

5) Par décision du 20 août 2013, le SBPE a rejeté cette réclamation.

Le 21 février 2013, date de réception de sa réclamation contre la première décision, M. A______ savait pertinemment qu'il n'allait plus aux cours, mais n'avait pas jugé bon d'en informer le service, ceci malgré l'obligation qui lui en était faite de par la loi.

Par ailleurs, durant la période de sa maladie, d'octobre à décembre 2012, il n'avait pas encore atteint l'âge de 25 ans et son budget établi pour cette période laissait entrevoir un excédent de revenus, de sorte qu'il ne pouvait pas percevoir de bourse durant cette période, indépendamment du fait qu'il était malade.

Durant la période de janvier à août 2013, il n'avait pas fréquenté son établissement de formation et ne pouvait donc pas percevoir de bourse d'études.

6) Par acte expédié le 6 septembre 2013 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre cette décision, concluant à son annulation et reprenant les conclusions de sa réclamation.

Durant l'automne 2012, il avait été admis comme patient involontaire à l'hôpital de Belle-Idée à la suite d'un burnout. Durant cette période et jusqu'au printemps 2013, il était sous médication importante, altérant sa perception de la réalité. Quand bien même il aurait souhaité suivre les cours, il était, involontairement, dans l'incapacité de le faire et encore moins de les rattraper.

A cet égard, il ressort des certificats médicaux produits, émanant des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), que M. A______ a été hospitalisé du 1er octobre au 16 novembre 2012 inclus, était suivi, depuis le 16 novembre 2012 et à tout le moins jusqu'au 26 juillet 2013, par l'unité des jeunes adultes avec troubles psychiques débutants (ci-après : JADE) du service de psychiatrie générale et n'a pas pu, en raison d'un problème de santé psychique, se rendre à ses cours durant l'année académique 2012-2013.

Selon le recourant, les reproches du SBPE relevaient de la mauvaise foi, d'un manque d'humanité et de la punition à l'égard d'un jeune malade qui était dans un cas de force majeure et en détresse prononcée, et ne connaissait pas par cœur la LBPE.

7) Dans sa réponse du 11 octobre 2013, le SBPE a conclu au rejet du recours et au maintien de sa décision querellée, sans remettre en cause la bonne foi du recourant qui exposait avoir été dans l'impossibilité de l'informer de la cessation de ses cours du fait de sa maladie.

La restitution devait se faire dans les trente jours dès l'entrée en force de la décision, des possibilités d'arrangements étant prévues en cas de difficultés financières avérées.

8) M. A______ a répliqué le 14 novembre 2013, se prévalant de
l'art. 16 RBPE.

C'était parce qu'il ne voulait pas que l'année académique 2012-2013 soit considérée comme un échec, ni qu'il ne puisse pas être promu pour l'entrée à l'Université qu'il s'était désinscrit. A ce moment-là, il n'avait pas le discernement nécessaire pour se rendre compte des implications que cela soulevait au niveau de sa bourse d'études. Sur le moment, il ne voulait pas que son avenir soit bouché à cause de son problème médical.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 28 al. 3 LBPE ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En application de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé : a) pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ; b) pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3) a. Aux termes de son art. 1, la LBPE règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (al. 1) ; le financement de la formation incombe : a) aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus ; b) aux personnes en formation elles-mêmes (al. 2) ; les aides financières sont accordées à titre subsidiaire (al. 3).

Selon l'art. 2 LBPE, l'octroi d'aides financières à la formation doit notamment : a) encourager et faciliter l'accès à la formation ; b) permettre le libre choix de la formation et de l'établissement de formation ; c) encourager la mobilité ; d) favoriser l'égalité des chances de formation ; e) soutenir les personnes en formation en les aidant à faire face à leurs besoins.

A teneur de l'art. 4 LBPE, les bourses d'études sont des prestations uniques ou périodiques non remboursables, qui permettent aux bénéficiaires d'entreprendre, de poursuivre ou de terminer une formation (al. 1) ; les prêts sont des prestations uniques ou périodiques, qui doivent être remboursées à la fin de la formation ou en cas d'interruption ou d'échec de la formation (al. 2) ; une personne en formation au sens de ladite loi est une personne qui suit une formation reconnue au sens de l’art. 11 LBPE et est régulièrement inscrite dans un des établissements de formation reconnus selon l’art. 12 LBPE ; le statut de personne en formation est également reconnu à la personne qui, dans le cadre de sa formation et avec l’accord de l’établissement qu’elle fréquente, participe à un échange scolaire ou académique organisé par un autre établissement de formation reconnu (al. 3).

b. Il découle de l'ensemble de ces dispositions légales ainsi que de leurs buts, que l'octroi d'une bourse est conditionné au suivi réel et concret de la formation pour laquelle elle est versée.

4) En l'espèce, il n'y a pas lieu d'examiner la situation du recourant pour la partie de l'année académique allant jusqu'au mois de décembre 2012, dans la mesure où le recourant n'a reçu aucune aide financière du service intimé pour cette période et n'a pas contesté la décision du 19 mars 2013 maintenant le refus de prestations y afférent.

Pour ce qui est de la partie de l'année académique commençant en janvier 2013, le recourant a admis qu'il ne suivait alors plus les cours, ayant interrompu et s'étant désinscrit de sa formation pour l'année académique en cours, afin qu'il ne soit pas prétérité en étant considéré en échec.

Il n'avait dès lors en principe pas droit à la bourse qui lui a été allouée par décision de l'intimé du 19 mars 2013.

5) En vertu de l'art. 21 LBPE, les personnes en formation, les parents et les tiers légalement tenus au financement de la formation doivent fournir tous les renseignements nécessaires au calcul de l’aide financière (al. 1) ; les bénéficiaires des aides financières sont tenus de communiquer immédiatement toute modification relative aux données personnelles servant de base de calcul (al. 2).

Selon l'art. 14 RBPE, sont considérées comme données personnelles nouvelles dont la déclaration est obligatoire au sens de l'art. 21 LBPE : a) l'interruption ou la cessation de la formation ; b) le changement d'état civil ; c) la modification de la situation financière prise en considération lors de l'octroi de l'aide financière (al. 1) ; l'art. 27 LBPE est applicable en cas de non-déclaration d'un fait nouveau (al. 2).

6) Le recourant n'a, du point de vue objectif, pas respecté son obligation d'informer l'intimé puisqu'il ne l'a pas averti, que ce soit au moment de sa réclamation du 16 février 2013 ou à la réception de la décision du 19 mars 2013, de ce qu'il avait interrompu sa formation et ne suivait plus les cours, ce selon toute vraisemblance depuis le 1er octobre 2012 et à tout le moins depuis la fin du mois de décembre 2012. A cet égard, la décision du 19 mars 2013 lui en rappelait expressément l'obligation.

Du point de vue subjectif, si la chambre de céans n'entend pas minimiser la détresse et les souffrances psychiques réelles du recourant, ni nier sa bonne foi durant cette période, il n'en demeure pas moins qu'il a été en mesure de réclamer activement l'octroi de la bourse par sa réclamation du 16 février 2013, puis de l'obtenir, sans évoquer ses problèmes de santé et l'interruption de sa formation, malgré l'évidence – qui ne pouvait pas lui échapper malgré son atteinte à la santé – que cette interruption pour le reste de l'année académique ne pouvait pas justifier des prestations d'aide financière pour cette période.

7) C'est en vain que le recourant sollicite l'application en sa faveur de
l'art. 16 RBPE, à teneur duquel le service peut octroyer des bourses pour des cas de rigueur, en particulier pour les personnes en formation qui, pour des raisons familiales, personnelles ou de santé, se trouveraient dans une situation de précarité. Cette disposition règlementaire s'applique en effet aux personnes en formation, ce qui n'était plus le cas du recourant depuis la fin de l'année 2012.

8) Aux termes de l'art. 27 LBPE, la personne en formation qui bénéficie d'une aide financière à laquelle elle n'a pas droit doit la restituer sur la base d'une décision du service (al. 1) ; les modalités de restitution tiennent compte des circonstances de chaque cas, notamment de la situation financière et de la bonne foi de la personne qui a reçu l'aide financière ; elles sont définies dans le règlement (al. 2) ; l'obligation de restituer s'éteint à l'expiration du délai d'une année à compter du jour où le service a connaissance des faits qui justifient la restitution ; dans tous les cas, elle s'éteint cinq ans après l'octroi de l'aide (al. 4).

Les modalités visées par l'al. 2 de l'art. 27 LBPE sont précisées par
l'art. 19 RBPE, qui dispose que le montant de l'aide indûment perçue à restituer doit être versé dans les trente jours après l'entrée en force de la décision du service (al. 1) ; le montant à restituer peut faire l'objet d'une compensation avec le montant d'une nouvelle aide financière au sens de la loi (al. 2) ; en cas de difficultés financières avérées, les versements peuvent être répartis en principe sur vingt-quatre mois (al. 3) ; l'échéance de la restitution peut être reportée à l'année qui suit la fin des études si la personne en formation démontre que sa situation financière ne lui permet pas de restituer dans les délais et qu'un remboursement durant la formation compromettrait la poursuite de sa formation (al. 4) ; si les conditions de restitution et les modalités de paiement prévues aux al. 1 à 4 ne sont pas respectées par la personne débitrice, il est tenu compte, dans le cadre d'une poursuite au sens de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du
11 avril 1889 (LP - RS 281.1), d'un intérêt de 5 % l'an sur le montant total à restituer (al. 5).

9) a. Dans le cas présent, au vu des considérants ci-dessus et compte tenu notamment de la violation des art. 21 LBPE et 14 al. 1 let. a RBPE, les conditions d'une restitution au sens de l'art. 27 al. 1 LBPE sont indubitablement remplies.

Aucune base légale ou règlementaire ne permet de prendre en considération les problèmes – atteinte à la santé psychique et état de détresse – invoqués par le recourant quant au principe de la restitution du montant d'aide financière perçu indûment, en l'occurrence CHF 4'000.-.

b. En revanche, les art. 27 al. 2 LBPE et 19 RBPE permettraient d'adapter les modalités de la restitution à la situation financière et à la bonne foi – non contestée – du recourant, au moyen d'une compensation avec le montant d'une prochaine aide, d'une répartition des versements sur deux ans ou d'un report. De telles modalités n'ont pas été évoquées dans la décision querellée, ni dans la décision initiale du 2 juillet 2013, de sorte qu'elles ne peuvent pas faire l'objet de la présente procédure (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 = RDAF 2011 I 419 [rés.] ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/751/2013 du 12 novembre 2013 consid. 6 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 consid. 10).

Quoi qu'il en soit, l'intimé paraît, dans sa réponse, avoir laissé ouverte la possibilité de tels arrangements. Il sera donc loisible au recourant de solliciter la mise au bénéfice des modalités prévues par les art. 27 al. 2 LBPE et 19 RBPE.

10) Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

11) Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure au sens de l'art. 87 al. 2 LPA ne sera allouée au recourant, qui n'a pas obtenu gain de cause.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 septembre 2013 par M. A______ contre la décision du service des bourses et prêts d'études du 20 août 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :